Rapport d'information n° 410 (2014-2015) de MM. Jeanny LORGEOUX , André TRILLARD et Jean-Marie BOCKEL , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 15 avril 2015

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N° 410

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 avril 2015

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur la prévention des conflits dans le Golfe de Guinée ,

Par MM. Jeanny LORGEOUX, André TRILLARD et Jean-Marie BOCKEL,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Jacques Gautier, Aymeri de Montesquiou, Mmes Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Xavier Pintat, Gilbert Roger, Robert Hue, Mme Leila Aïchi , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Emorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, M. Gaëtan Gorce, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Didier Guillaume, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Jean-Vincent Placé, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk .

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

La région du Golfe de Guinée, qui possède des ressources naturelles importantes, en particulier en hydrocarbures, est fragile et subit deux menaces principales qui peuvent également affecter la France et l'ensemble de la communauté internationale :

- la piraterie maritime, qui est endémique mais qui s'est beaucoup développée ces dernières années avec des épisodes violents inquiétants ;

- les agissements de groupes terroristes au Nord de la zone, en particulier ceux de Boko Haram.

Le Nigeria, désormais première puissance économique d'Afrique, est à l'épicentre de ces menaces. Le pays dispose d'un potentiel exceptionnel ; son économie s'est profondément diversifiée, les services représentant dorénavant la moitié de sa richesse nationale.

Toutefois, il souffre de difficultés récurrentes et préoccupantes : la dépendance de l'Etat envers les recettes pétrolières ; une profonde corruption ; des inégalités abyssales ; des forces centrifuges, en particulier territoriales. Les élections qui se sont finalement tenues le 28 mars 2015 constituent un encouragement car les résultats ont été partagés par les différentes forces politiques. Toutefois, les attentes de la population sont à la mesure des défis du pays.

Boko Haram, qui tel un parasite s'est nourri de la pauvreté, des inégalités mais aussi de la violence des forces de l'ordre, constitue une menace tant pour le Nigeria que pour le développement et la stabilité de la région. Dans une stratégie apparaissant comme suicidaire mais révélant aussi sa puissance et son enracinement, il a en effet mené en 2014 des actions visant à déstabiliser les pays voisins : le Niger, le Tchad et le Cameroun.

La prévention des conflits repose d'abord et avant tout sur la responsabilité des Etats concernés.

La communauté internationale a toutefois la responsabilité de mener un ensemble cohérent d'actions pour prévenir la dégénérescence des crises en conflits plus graves encore. Elle doit notamment être attentive à éviter l'alliance de groupes criminels ou terroristes qui constitueraient un arc de violences et d'instabilité très difficile à combattre.

Ses actions, qui doivent être mieux coordonnées, sont principalement d'ordre subsidiaire, pour venir en appui des efforts directs déployés par les Etats riverains.

En matière de lutte contre la piraterie, votre commission entend soutenir résolument l'opération Corymbe, en veillant à ce que la Marine Nationale dispose bien des moyens pour remplir durablement l'ensemble des missions qui lui sont confiées, y compris la formation des marines des pays concernés.

Elle soutient également les mesures visant à : accompagner ces pays dans leurs efforts pour construire un droit de la mer et un espace juridique, y compris pénal, qui soient efficaces et cohérents ; consolider leurs capacités matérielles et humaines ; améliorer leur coopération en matière administrative, militaire et diplomatique.

En matière de lutte contre les groupes terroristes, en particulier Boko Haram, votre commission estime que la France doit continuer d'apporter son appui aux opérations militaires menées par les Etats de la région, en particulier en matière de renseignement, de logistique ou de formation et qu'elle doit soutenir les décisions prises par les organisations régionales africaines et promouvoir l'adoption rapide d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies sur la question de Boko Haram, prémisse d'une mobilisation internationale élargie qu'elle appelle de ses voeux.

INTRODUCTION

« Le jeu de la constance se joue principalement à porter patiemment
les inconvénients où il n'y a point de remède »

Montaigne, Les Essais (livre premier, chapitre 12)

Mesdames, Messieurs,

Alors que l'Afrique a connu un développement exceptionnel durant la dernière décennie, les signes de fragilité et les menaces n'ont pas disparu pour autant 1 ( * ) . C'est pourquoi votre commission a décidé fin 2013, dans le prolongement de ses précédents travaux, de mener une réflexion sur la prévention des conflits dans le Golfe de Guinée.

La prévention des conflits, objet de nombreux ouvrages théoriques, s'apparente parfois davantage à une litanie ou à une incantation qu'à une politique effective. Elle constitue pourtant la ligne de force des relations internationales et le principe même de l'Organisation des Nations unies qui a adopté moult résolutions sur la diplomatie préventive, la médiation et le règlement pacifique des différends. Alors que le Conseil de sécurité a justement adopté le 21 août 2014 une résolution sur la prévention des conflits, ce sujet reste donc pleinement d'actualité.

Le Golfe de Guinée constitue un exemple particulièrement intéressant en la matière. Il s'agit d'une zone fragile, stratégique et menacée par plusieurs conflits ou crises de natures différentes. Vos rapporteurs ont choisi de concentrer leurs travaux sur le « coeur » géographique de cette région, à savoir le Nigeria et les pays voisins. Épicentre de la piraterie maritime qui affecte le développement des populations et le commerce international, cette zone est aussi le territoire où des groupes criminels ou terroristes mènent des agissements à même de déstabiliser la région.

La secte Boko Haram, qui s'inscrit dans la lignée d'autres mouvements radicaux dans cette région d'Afrique, s'est engagée, depuis la mort de son leader historique en 2009, dans une spirale de violences et de terreur, qui a particulièrement mobilisé la communauté internationale en avril et mai 2014 mais dont les agissements extrêmes trouvent leurs racines dans des causes profondes qui nécessitent de dépasser l'émotion, pour légitime qu'elle soit.

La prévention des conflits dans le Golfe de Guinée vise d'abord le bien-être des populations qui sont toujours les premières à souffrir des guerres ou des conflits armés, mais elle a une portée plus large, en particulier celle d'éviter la fédération de groupes terroristes. Boko Haram a annoncé la création d'un califat et s'est rapproché de Daech ; les Shebab somaliens continuent de mener des actions meurtrières dans leur pays et au Kenya ; le Sahel reste parcouru par des groupes terroristes qui trouvent notamment refuge dans le Sud libyen et qui justifient la mise en place par la France d'une opération à vocation régionale, Barkhane.

La communauté internationale, dont les actions souffrent parfois d'un déficit de coordination et de cohérence, doit accompagner les efforts des pays, qui sont les premiers responsables de la prévention des conflits, par des mesures concrètes et de soutien.

Pour la France, il s'agit par exemple de l'opération Corymbe, que vos rapporteurs soutiennent résolument, ou de ses actions pour développer l'autorité des Etats sur leur espace maritime ; il s'agit également de l'appui apporté aux troupes africaines engagées sur le terrain contre Boko Haram.

S'attaquer aux causes profondes et ne pas laisser dériver les situations de crise, telles pourraient être les deux conclusions principales de vos rapporteurs en ce qui concerne la prévention des conflits.

I. LE GOLFE DE GUINÉE : UNE ZONE STRATÉGIQUE FRAGILE

Source : ministère des affaires étrangères et du développement international

A. DES RESSOURCES NATURELLES IMPORTANTES

La région dispose de ressources naturelles très importantes. Elle offre de grandes superficies en terres arables, d'abondantes ressources en eau et des conditions climatiques favorables à l'agriculture. Ce potentiel agricole, aujourd'hui sous-exploité, est convoité comme le révèlent certains investissements en provenance d'Asie ou du Moyen-Orient. Les ressources halieutiques pourraient également être importantes mais la production de pétrole, sur la côte et off-shore, entraîne une pollution qui en limite fortement le développement.

Les ressources minières sont diversifiées et stratégiques, en particulier si l'on inclut les pays « de l'intérieur » qui ont besoin d'un accès à la mer pour exporter : on trouve par exemple du cuivre ou du cobalt mais quatre minerais sont susceptibles d'avoir un effet sur les marchés mondiaux, le fer, la bauxite, le manganèse et l'uranium.

Evidemment, ce tableau ne serait pas complet sans les ressources en hydrocarbures , qui présentent un caractère éminemment stratégique pour les pays de la zone et pour le reste du monde. Les investissements des compagnies pétrolières occidentales, notamment américaines, y sont ainsi très élevés, à la fois pour y développer la production immédiate que pour se constituer des réserves diversifiées.

Environ 10 % du pétrole importé en Europe provient de cette région. Premier producteur d'Afrique, le Nigeria assure, à lui seul, 2,6 % de la production pétrolière mondiale (presque 2 millions de barils par jour en 2012) et possède environ le même pourcentage des réserves prouvées.

Si sa production de gaz représente aujourd'hui sensiblement moins en pourcentage de la production mondiale (environ 1,1 %), elle a décuplé entre 2000 et 2010 et ses importantes réserves s'élèvent à environ 2,7 % des réserves mondiales de gaz. Par exemple, l'Algérie a produit en 2012 presque le double de gaz que le Nigeria mais les réserves prouvées de ce premier pays sont légèrement inférieures à celles du second.

Le Golfe de Guinée constitue ainsi un moyen de diversifier les approvisionnements et de diminuer la dépendance envers les producteurs historiques au Moyen-Orient, en Algérie ou en Russie.

Au total, il est donc essentiel, pour ces pays, mais aussi pour la France, l'Europe et le reste du monde, de sécuriser les voies de communications , notamment maritimes. Elles permettent à ces pays d'exporter leurs ressources et aux autres pays d'importer des ressources naturelles importantes.

La situation est, de ce point de vue, différente de celle qui a prévalu et prévaut encore au large de la Somalie, dans le Golfe d'Aden, où il est principalement question de sécuriser le transit international. Dans le Golfe de Guinée, il y a peu de transit de ce type, les navires passant nettement au large du Golfe.

Parallèlement, la gouvernance de l'espace maritime est traditionnellement faible dans cette région, tant sur le plan juridique que sur celui des capacités.

B. DES MENACES NOMBREUSES ET GRANDISSANTES

1. La criminalité maritime peut entraîner le développement d'autres trafics

Cette région connait une criminalité maritime endémique, qui a longtemps plus relevé d'un phénomène de subsistance des populations locales que d'un trafic organisé de portée plus large. Elle représente l'une des trois zones de piraterie dans le monde avec le Golfe d'Aden et le Sud-Est asiatique.

Toutes les attaques ne sont pas répertoriées et il n'existe donc pas de consensus sur les chiffres. Le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, indiquait, début 2014, que 154 attaques de navires avaient été officiellement déclarées par les armateurs en 2013 mais que ses services estimaient leur nombre réel à trois fois plus. Selon le Bureau maritime international, la piraterie en Afrique de l'Ouest représentait 19 % des attaques dans le monde en 2013, les pirates nigérians étant responsables des deux tiers des attaques répertoriées dans la région. Les autorités nigérianes, par la voie du Président Goodluck Jonathan, ont reconnu en décembre dernier que la recrudescence de la piraterie avait atteint « une dimension inquiétante ».

Alors que ces attaques s'apparentaient pendant longtemps à du simple vol auquel s'était en fait habituées les compagnies internationales, elles sont depuis quelques années nettement plus sérieuses et violentes et sont susceptibles de toucher l'ensemble du trafic maritime. Elles ont d'une certaine manière suivi la production pétrolière : l'insécurité dans le delta du Niger, la hausse des prix et le développement technologique peuvent expliquer le choix des compagnies pétrolières de privilégier une production de pétrole et de gaz provenant de gisements off-shore, parfois très éloignés et profonds.

Au-delà des vols de toute nature, il faut mentionner deux manifestations particulières de la piraterie :

- d'une part, le « siphonnage » (ou « bunkering ») qui est la méthode la plus fréquemment utilisée. Elle consiste à arraisonner des pétroliers par la force dans le but de dérober leur cargaison. Elle nécessite d'importants moyens et servent souvent à alimenter le marché noir au Nigeria lui-même ;

- d'autre part, les prises d'otages , qui peuvent être préméditées ou d'opportunité à l'occasion d'un vol ou de l'arraisonnement d'un navire. Trente prises d'otages ont été recensées en 2013. Lors de l'attaque en juin 2013 du pétrolier L'Adour , deux Français ont été pris en otage, puis relâchés six jours plus tard.

Dans la région du Golfe de Guinée, notamment au Nigeria, ces différentes attaques se caractérisent par un niveau de violence particulièrement élevé .

Elles ont longtemps été cantonnées aux côtes du Nigeria mais elles se sont étendues aux pays voisins, le Nigeria en restant l'épicentre. En outre, il arrive fréquemment que les navires capturés soient « relâchés » assez loin du lieu de l'attaque initiale. Par exemple, en janvier 2014, un pétrolier a été détourné aux abords de Luanda en Angola et « relâché » au large du Nigeria neuf jours plus tard, délesté de 13 000 tonnes de gazole et de diverses marchandises qui étaient à son bord.

Cette piraterie fait peser une pression sécuritaire et économique sur les Etats de la région. On estime qu'au Nigeria, 5 % de la production officielle de pétrole est ainsi « perdue »... Ces activités privent les Gouvernements de recettes ; elles augmentent les coûts commerciaux en raison des besoins accrus de sécurité, du paiement des rançons et de la hausse des assurances ; elles découragent de nouveaux investissements et tendent à dégrader l'environnement du fait de déversements accidentels d'hydrocarbures.

Qui plus est, cette piraterie « primaire » peut aussi constituer le ferment de trafics beaucoup plus importants et beaucoup plus déstabilisants : il peut s'agir de trafic d'armes par exemple, assez peu présent pour le moment, mais aussi d'êtres humains, de migrants, de déchets, de diamants ou encore de stupéfiants. L'une des grandes voies d'accès de la drogue en Europe passe par l'Afrique, principalement via des pays plus à l'Ouest que le coeur du Golfe de Guinée. L'Office des Nations unies contre la drogue et le crime estime que 20 à 40 tonnes de cocaïne, pour un coût de 600 millions de dollars, transitent chaque année par le Golfe de Guinée à destination de l'Europe. Ce type de trafic charrie de telles sommes d'argent que le risque de déstabilisation (on le voit en Guinée Bissau) est particulièrement élevé.

Au final, les menaces sont diverses, transnationales et peuvent constituer le terreau d'activités criminelles et terroristes susceptibles de compromettre la stabilité, le développement et le commerce.

2. La situation spécifique du Nigeria

On l'a vu, l'épicentre de la piraterie reste au Nigeria, mais au-delà de ce seul phénomène, l'évolution globale de ce pays est primordiale pour la stabilité, la sécurité régionale et la prévention des conflits. Sa place est parfois sous-estimée en France où ce pays, ancienne colonie britannique, est plutôt mal connu. Il constitue pourtant un véritable « poids lourd » de la région et de l'Afrique toute entière.

Source : ministère des affaires étrangères et du développement international

Source : ministère des affaires étrangères et du développement international

a) La première puissance économique d'Afrique...

Avec plus de 170 millions d'habitants , le Nigeria est le pays le plus peuplé d'Afrique et le 7 ème au monde. Sa population est jeune et croît encore de manière importante (2,8 % de croissance démographique en 2012). Selon les projections actuelles, elle devrait atteindre 465 millions d'habitants en 2050, ce qui ferait du Nigeria le 3 ème pays le plus peuplé au monde. Avec une croissance économique moyenne d'environ 7 % à 8 % par an ces dix dernières années, le Nigeria est devenu la première puissance économique du continent, devant l'Afrique de Sud . Les investissements directs étrangers, très élevés (autour de 6 milliards de dollars par an en 2012 et 2013), sont la marque de la confiance dans cette économie et la bourse de Lagos est d'ailleurs devenue la deuxième du continent.

Le pays est doté d' un potentiel économique et humain exceptionnel . Il est le premier producteur africain de pétrole, talonné
- parfois devancé selon les années - par l'Angola. Il dispose des deuxièmes réserves prouvées d'Afrique pour le pétrole (derrière la Libye) et des premières réserves pour le gaz (devant l'Algérie).

Le secteur des hydrocarbures est historiquement important dans l'économie mais son poids a beaucoup baissé : il ne représente plus que 14,4 % du PIB, soit 20 points de moins qu'en 2003. Le secteur des services représente aujourd'hui un peu plus de la moitié du PIB. L'économie nigériane s'est donc profondément diversifiée et il existe un véritable marché intérieur.

On estime ainsi que la classe moyenne représente environ 20 millions de personnes. Simple illustration, 47 millions de personnes utilisaient régulièrement internet en 2011, ce chiffre ayant dû progresser sensiblement depuis lors. Les télécommunications représentent 8,7 % du PIB et l'industrie cinématographique et musicale 1,4 %. Cette importance du cinéma révèle un dynamisme réel du pays et un certain rayonnement en Afrique ; on parle même aujourd'hui d'un cinéma « Nollywood » à côté de ceux d'Hollywood et de Bollywood...

b) ... marquée par de profonds déséquilibres et la persistance de forces centrifuges puissantes

Ces chiffres économiques globaux ne doivent cependant pas masquer les profonds déséquilibres que connaît le pays. Si les hydrocarbures ne représentent plus qu'une part relativement faible du PIB, ils alimentent encore le budget de l'Etat à hauteur de 80 %. L'Etat reste donc de son côté extrêmement dépendant du pétrole , donc de son prix, ce qu'il est important d'avoir en tête dans le contexte actuel.

En outre, malgré son indéniable développement et ses richesses naturelles, le PNUD classe le Nigeria 153 ème sur 186 pays en ce qui concerne l'indice de développement humain (2013) .

Si une certaine classe moyenne est apparue, notamment à Lagos, mégalopole incroyablement dynamique dont la population est estimée entre 12 et 18 millions d'habitants, la pauvreté reste massive et les inégalités dans la répartition des richesses abyssales . Parmi les cinquante premiers milliardaires africains en dollars, presque la moitié sont nigérians dont la première fortune du continent (Aliko Dankote, qui a fait fortune dans l'industrie du ciment). Mais dans le même temps, 61 % de la population vivait avec moins d'un dollar par jour en 2012 ; ce chiffre, qui est en augmentation malgré le taux de croissance global, est révélateur des profondes inégalités que les autorités ne réussissent pas à corriger.

Ces inégalités sont sociales ; elles sont aussi territoriales . Si le Sud connait une croissance économique presque explosive, principalement au Sud-Ouest autour de Lagos, moins au Sud-Est (région de Port-Harcourt), le Nord stagne, voire régresse .

Le taux d'alphabétisation et le niveau de pauvreté connaissent des disparités gigantesques entre les trente-six Etats de ce pays fédéral. Dans le Borno par exemple, au Nord-Est du pays, le taux de scolarisation primaire ne s'élevait qu'à 21 % en 2010, alors qu'il est supérieur à 90 % à Lagos.

En outre, le Nigeria est caractérisé par une très grande diversité ethnique, religieuse, culturelle ou linguistique (plus de 500 langues sont ainsi utilisées dans le pays). Il est parcouru, depuis l'indépendance en 1960, par des forces centrifuges puissantes qui vont bien au-delà des clivages frustes entre Chrétiens et Musulmans, entre Sud et Nord ou encore entre Haoussas, Yorubas et Ibos, les trois principaux groupes ethniques.

Dans la région du delta du Niger , les autorités ont longtemps été confrontées à l'insécurité maritime, à des prises d'otages, à des actes de sabotage contre les installations pétrolières, à la montée en puissance de groupes criminels et aux revendications des communautés locales pour une meilleure redistribution des richesses issues de leur sous-sol. Les revenus de l'extraction pétrolière sont mal redistribués, alors qu'elle entraîne une dégradation de l'environnement qui diminue les rendements agricoles et de la pêche. Un processus d'amnistie a été décidé en 2009 mais n'a pas entièrement rétabli le calme et il doit se clore cette année.

L'ancien Président Goodluck Jonathan est originaire de cette région. Alors que la situation s'était relativement stabilisée depuis plusieurs années, sa défaite le 28 mars dernier pourrait faire resurgir certaines tensions. En effet, les différents partis qui l'ont emporté sont plutôt implantés dans le Nord du pays, d'où est originaire le nouveau Président Muhammadu Buhari, et dans la région de Lagos.

Autre zone qui reflète la disparité du pays, le Nord-Est éprouvé par un très haut niveau de violence , notamment en raison des agissements de Boko Haram.

Nombre de morts par violence sociale au Nigeria, 2008-2014 :

Source: Nigeria Social Violence Project, Johns Hopkins School of Advanced International Studies.

c) Boko Haram : dépasser l'émoi médiatique et s'attaquer aux racines de la radicalisation

Créée à la fin des années 1990 par un leader charismatique, Mohammed Yusuf, cette secte qui revendique une application plus stricte de la Charia déjà en vigueur dans les Etats du Nord du Nigeria, s'inscrit d'abord dans une certaine continuité « philosophique », puisque cette région a déjà connu divers mouvements de protestation islamique .

Au début des années 2000, Mohammed Yusuf, qui ne rejetait pas complètement la modernité, a d'ailleurs participé au système politique en nouant une alliance avec le Gouverneur du Borno, Etat qui borde le lac Tchad. Son discours se basait sur une logique de désobéissance et de confrontation avec les représentants d'un Etat considéré comme laïc. Il considérait surtout que l'école occidentale détruisait la culture islamique et conquérait plus sûrement la communauté musulmane que les croisades.

La secte se caractérise dès le début par son intransigeance religieuse , son culte du chef, ses techniques d'endoctrinement, son intolérance à l'égard des autres musulmans et son fonctionnement en vase clos qui incite les fidèles à se marier exclusivement entre eux, notamment avec les veuves des « martyrs ».

Boko Haram relève plus d' une révolte religieuse que politique mais le mouvement recrute beaucoup parmi les exclus de la croissance, ce qui évoque aussi une révolte sociale basée sur une sorte de théologie de la libération 2 ( * ) .

Au milieu des années 2000, la secte mène des attaques, principalement contre des représentants des forces de l'ordre, et dérive peu à peu vers le terrorisme, en recourant par exemple à des attentats suicides. Dans ce contexte quasi-insurrectionnel, Mohammed Yusuf est arrêté et tué en juillet 2009. Les circonstances de son décès sont mal connues mais, selon Marc-Antoine Pérouse de Montclos, l'élimination du leader de la secte est probablement due à un coup de sang des unités anti-émeutes de la police qui ont voulu venger leur chef qui avait été égorgé peu auparavant par des militants de Boko Haram.

Involontaire ou non, cette exécution constitue un tournant ; elle a entraîné l'entrée en clandestinité de la secte, sa radicalisation et un puissant ressentiment contre les autorités et leurs symboles. Elle révèle aussi la brutalité de la répression contre la secte et la férocité des forces de l'ordre du pays 3 ( * ) , souvent désemparées, mal payées, mal équipées et pas entraînées.

La situation actuelle provient donc d'une multitude de facteurs, dont la religion est peut-être la cristallisation, mais le résultat est effrayant : entre 1998 et mi-2014, au moins 29 600 Nigerians ont été tués à l'occasion de plus de 2 300 incidents. Et le conflit s'intensifie puisque 7 000 personnes sont mortes entre juillet 2013 et juin 2014 . Il y aurait entre 1 et 1,5 million de déplacés. La secte a commencé à enlever massivement des habitants et à massacrer des villages entiers pour dissuader les habitants de rejoindre les rangs des milices que le Gouvernement a créées et armées pour pallier les déficiences des forces de l'ordre officielles. Elle utilise même des enfants dans des attentats-suicides et fait ainsi régner un climat de terreur dans la région.

Ainsi, selon Philippe Hugon, chercheur à l'IRIS, « l'enchaînement de la violence au Nigeria est à la fois politique (exactions et corruption des forces armées), économique (inégalités territoriales du tissu économique, répartition inégale de la rente pétrolière), social (exclusion des droits, inégalités, vulnérabilité des populations, illettrisme) et religieux (opposition entre le Nord et le Sud, islamisme radical de Boko Haram « l'éducation occidentale est un pêché ») ».

La communauté internationale s'est tardivement mobilisée , en fait à partir du moment où l'enlèvement de presque 300 lycéennes à Chibok a eu un retentissement médiatique mondial avec le mouvement « Bring back our girls » sur les réseaux sociaux.

L'activisme de la secte n'a fait qu'augmenter durant l'année 2014 et a touché les pays voisins . Au début du mois de janvier 2015, Boko Haram a notamment pris la ville nigeriane de Baga sur les bords du lac Tchad, là où devait justement s'installer une force commune entre le Nigeria, le Tchad et le Niger destinée à lutter contre ce groupe. Malgré la difficulté d'obtenir des informations précises sur la situation réelle des populations dans le Nord-Est du Nigeria, on peut dire qu'il s'est agi d'un véritable massacre : Amnesty International a estimé à 2 000 le nombre de morts lors de cette attaque, qui a également entraîné des dommages ou la destruction de 3 700 bâtiments, l'incendie de 16 localités et la fuite de 20 000 personnes.

Le Tchad est menacé d'un point de vue militaire par les actions de la secte mais aussi d'un point de vue économique : le Nord du Nigeria constitue un débouché commercial traditionnel ; en outre, la route qui relie N'Djamena au port camerounais de Douala, qui est essentielle pour l'économie tchadienne, est devenue peu sûre et fragile. Plus directement, Boko Haram a attaqué début 2015 des îles tchadiennes du Lac Tchad et N'Djamena ne se situe qu'à quelques kilomètres de la frontière nigériane.

La région de Diffa, au Sud-Est du Niger , est directement concernée par cette crise du fait d'une proximité culturelle, religieuse et géographique avec les Etats du Nord-Est du Nigeria, dont le Borno. Les pouvoirs publics nigériens y sont particulièrement absents et les divers courants qui traversent l'Islam au Nigeria y sont présents. Les très graves manifestations qui ont eu lieu à Zinder et à Niamey à la suite de la participation du Président du Niger à la manifestation du 11 janvier à Paris doivent nous alerter sur un contexte où la crise peut aisément se propager du Nigeria au Niger. Dans ces circonstances, nous devons être particulièrement attentifs à la situation très fragile du Niger , enchâssé entre la Libye, le Mali et le Nigeria, trois zones où les groupes terroristes sont très actifs.

Le Nord du Cameroun est confronté depuis de nombreuses années au grand banditisme transfrontalier, à de nombreux trafics et au braconnage. Comme au Niger, les frontières sont poreuses et les proximités culturelles et ethniques sont anciennes. D'ailleurs, on sait aujourd'hui que des villages côté camerounais ont servi de bases arrière aux fidèles de Boko Haram, en particulier pour se ravitailler. Mais l'intensification des actions de la secte et le développement des prises d'otages ont contraint l'Etat central à réagir.

II. QUELLE PRÉVENTION DES CONFLITS ?

A. UNE RESPONSABILITÉ PREMIÈRE DES ETATS

1. La pierre d'achoppement habituelle de la prévention des conflits

Comme le rappelle la résolution adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies le 21 août dernier, la prévention des conflits demeure une responsabilité première des Etats .

Or contrairement au Golfe d'Aden, nous ne sommes pas , dans le Golfe de Guinée, devant des Etats « faillis » . Il n'est donc pas possible de « monter » de toute pièce une opération du type Atalante. La coopération avec les autorités nationales est primordiale pour trouver des solutions ; celles-ci ne pourront pas être imposées par la communauté internationale. Il s'agit bien évidemment du problème le plus aigu ayant toujours entravé les différents efforts de prévention des conflits, partout dans le monde.

L'importance de s'appuyer sur des Etats est encore plus forte devant une guerre asymétrique , dans laquelle les mouvements criminels ou terroristes sont implantés parmi la population, avec ou contre son gré, et utilisent le plus souvent des méthodes de guérilla. Même si quelques attaques de Boko Haram ont pu être spectaculaires, elles sont souvent le fait de quelques combattants faiblement armés et se déplaçant en motos, 4x4 ou pick-up .

En outre, les pays de la région connaissent encore d'importants contentieux frontaliers, notamment liés à la découverte de champs pétroliers, même si plusieurs questions ont d'ores et déjà été réglées (par exemple, entre le Tchad et le Nigeria ou entre le Nigeria et le Cameroun à propos de la péninsule de Bakassi).

2. Le Nigeria, un Etat sourcilleux sur sa souveraineté mais souffrant de la corruption

C'est en particulier le cas avec le Nigeria, pays très sensible sur les questions de souveraineté et sur ses propres prérogatives. Le pays a été profondément marqué par la guerre du Biafra, entre 1967 et 1970, pendant laquelle le pont aérien mis en place pour secourir les populations locales a pu apparaître, aux yeux des responsables nigérians, comme une ingérence internationale.

Dans le même temps, les structures administratives y sont gangrenées par la corruption - les analystes appellent cela pudiquement un « déficit de gouvernance »... -, ce qui limite en pratique les capacités de coopération . Dans certaines opérations de sauvetage de navires piratés, les pays occidentaux préféraient ne pas interagir avec les garde-côtes de peur qu'ils ne préviennent les preneurs d'otages... Par ailleurs, une bonne part du budget du ministère de la défense « s'évapore » et n'arrive jamais jusqu'aux soldats.

Différents indicateurs internationaux classent le Nigeria dans un niveau de « gouvernance » préoccupant : selon l'indice Mo Ibrahim de la gouvernance africaine, le pays est 41 ème sur 52 ; 147 ème sur 189 pour le classement Doing Business ; ou encore 144 ème sur 177 selon Transparency International .

Il est clair que Boko Haram n'a pu atteindre un tel point de menace que par la faiblesse de l'Etat nigerian et son incapacité à construire un gouvernement pleinement légitime aux yeux de tous.

Pour autant, on a bien vu en ce début d'année que le Nigeria évolue puisqu'il a accepté l'intervention sur son sol de troupes étrangères, en particulier tchadiennes, ce qui est loin d'être anodin pour l'avenir. Or, les tensions frontalières ont été importantes entre le Nigeria et ses voisins et qu'elles ont parfois donné lieu à des affrontements armés, comme avec le Cameroun au sujet de la péninsule de Bakassi.

En outre, le processus de transition en cours à la suite des élections du 28 mars est, à ce jour, encourageant. Nul ne peut dire si le nouveau Président sera plus efficace que son prédécesseur mais le processus en lui-même montre une société plus moderne et moins divisée que l'on ne pouvait le craindre. Il est cependant encore beaucoup trop tôt pour se réjouir pleinement.

Il est en effet incroyablement difficile de se « défaire » d'un système gangrené par la corruption, d'autant que le niveau actuel du prix du pétrole ne laisse aucune marge de manoeuvre budgétaire.

B. S'ATTAQUER AUX CAUSES PROFONDES ET NE PAS LAISSER DÉRIVER LES SITUATIONS DE CRISE

1. La lutte contre la pauvreté et pour le développement

La communauté internationale peut contribuer à lutter contre les fragilités des pays de la région, en s'attaquant aux causes profondes de la piraterie et des menaces qui pèsent sur la région.

Lutter contre la piraterie ou contre Boko Haram passe d'abord par une lutte contre la pauvreté et pour le développement qui sont là aussi de la responsabilité première des Etats concernés. L'extrémisme ou la terreur ne peuvent s'enraciner que sur des terreaux de grande pauvreté et de désespérance, même si les causes de tels phénomènes ne sont jamais univoques.

Les richesses sont trop inégalement réparties avec une grande part de la population laissée à l'écart, c'est flagrant au Nigeria. L'aide au développement joue un rôle important pour lutter contre la pauvreté mais elle doit aussi être repensée dans des grands pays émergents pour se concentrer sur les infrastructures, l'éducation ou l'exercice de ses missions régaliennes par l'Etat. Les projets de coopération sont inutiles en l'absence de stabilité et d'Etat de droit.

2. La gouvernance de l'espace maritime

La gouvernance de l'espace maritime est traditionnellement faible dans cette région. L'état de droit, notamment en mer, est peu élaboré et les capacités sont faibles voire inexistantes.

Dans ce secteur, la France mène une action exemplaire .

En 1990, elle a en effet mis en place dans la région l'opération Corymbe , qui consiste en un déploiement naval quasi-permanent. Le dispositif est armé par un bâtiment de la Marine nationale, ponctuellement renforcé par des moyens terrestres et aéromobiles embarqués, et peut soutenir à tout moment tout type d'opérations dans la région.

De plus, et c'est un aspect particulièrement intéressant de cette opération, elle a aussi pour objectif de développer la coopération avec les marines des Etats riverains et leur formation, et ainsi de participer à leur montée en puissance et au développement de capacités africaines autonomes.

Quelques exemples récents montrent l'intérêt et la diversité des actions ainsi menées. En mars 2015, 71 élèves de l'école nationale à vocation régionale de Guinée équatoriale, représentant quatorze nationalités africaines différentes, ont embarqué sur le Siroco pour une période de formation à la mer. En février, des exercices ont été menés avec la marine togolaise en vue de l'apprentissage des procédures de visites et de fouilles de navires et avec la marine sénégalaise en matière de recherche et de sauvetage en mer. Les bâtiments déployés réalisent également des exercices avec des marines de pays non africains, comme ce fut le cas avec le Portugal en mars dernier.

Si cette opération n'est pas en elle-même « spectaculaire » ou aussi médiatique que le fut Atalante à une époque, elle remplit de nombreux objectifs tout à fait complémentaires : lutter efficacement contre la piraterie par le renseignement et l'action ; coopérer avec les Etats amis et former leurs marines, ce qui présente un double avantage (influence pour la France et efficacité dans le renforcement des capacités) ; soutenir les troupes pré-positionnées et les Opex susceptibles d'avoir lieu dans la région ; participer à l'évacuation de nos ressortissants en cas de crises ; etc... Entre 1990 et 2013, 1 600 ressortissants français ont été ainsi évacués, plus de 25 000 marins africains formés ou encore 10 tonnes de drogue saisies.

Corymbe nous apparait donc être une opération essentielle pour la France et nous devrons être attentifs à ce que la marine nationale conserve les moyens, notamment budgétaires, de déployer des bâtiments de manière à peu près permanente pour faire vivre pleinement l'ensemble des missions de l'opération .

Plus largement, la France s'est engagée, notamment à l'occasion du sommet de l'Elysée sur la paix et la sécurité en Afrique de décembre 2013, à apporter son soutien à la dynamique lancée par le sommet de Yaoundé sur le Golfe de Guinée, en proposant une expertise en matière d'action de l'Etat en mer, une assistance à la structuration de l'organisation à terre et des projets de formation et d'entraînement des acteurs opérant en mer.

La France n'est d'ailleurs pas la seule à mener des actions en mer dans la région. D'autres unités étrangères sont positionnées, de manière permanente ou ponctuelle, elles sont principalement espagnoles au titre de Frontex (pour le contrôle des frontières européennes), et américaines mais aussi, dorénavant, chinoises ou brésiliennes. L'Union européenne a également mis en oeuvre diverses mesures, qui s'inscrivent dans le cadre des conclusions que le Conseil a adoptées en mars 2014 sur le Golfe de Guinée.

Au Nord de la zone, il est clair que l'opération Barkhane peut apporter un soutien décisif aux pays de la région, par exemple en matière de renseignement mais aussi de formation ou de logistique. La France soutient par exemple une « cellule de coordination et de liaison », située à N'Djamena, pour améliorer l'échange d'informations entre les pays concernés. Cette posture d'action « subsidiaire » de la France, avec un soutien aux actions menées directement par les pays concernés, nous semble devoir être privilégié dans des crises comme celle du Golfe de Guinée .

Dans le cadre des actions menées par la communauté internationale, on ne peut éluder le retrait relatif de deux acteurs qui pourraient pourtant avoir un poids décisif dans la région, en particulier au Nigeria : le Royaume-Uni , ancienne puissance coloniale, qui reste hésitante et sur la défensive, et les Etats-Unis , dont les relations avec le Nigeria sont sensiblement tendues depuis un ou deux ans.

3. Les organisations régionales restent dispersées et doivent affermir leur rôle

Si les Etats jouent le premier rôle dans la prévention des conflits, le terrorisme et la criminalité, notamment maritime, se jouent des frontières nationales et les organisations régionales deviennent de plus en plus centrales, dans la prévention et dans l'action.

Dans le Golfe de Guinée, la situation n'est guère « optimale » de ce point de vue mais elle s'améliore lentement.

On assiste en effet à un éclatement des organisations régionales , cette zone étant une « ligne de partage » entre la CEDEAO d'un côté, dont le siège est au Nigeria, et la CEEAC, dont le siège est au Gabon.

La communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a été créée en 1975 et regroupe seize pays : le Bénin, le Burkina Faso, le Cap vert, la Côte d'Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée Bissau, le Libéria, le Mali, le Niger, le Nigéria, le Sénégal, la Sierra Leone et le Togo.

La communauté économique des Etats de l'Afrique Centrale (CEEAC) est entrée en vigueur en 1984 et comprend dix Etats membres : l'Angola, le Burundi, le Cameroun, la République Centrafricaine, le Congo, la République Démocratique du Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale, Sao Tome & Principe et le Tchad.

Il existe aussi la commission du bassin du lac Tchad , regroupant les quatre pays riverains 4 ( * ) , principalement pour gérer les ressources en eau, et la commission du Golfe de Guinée , censée créer un espace de dialogue entre les Etats maritimes de la CEEAC et le Nigeria 5 ( * ) .

Dans le cadre de la mise en oeuvre de deux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, un Sommet s'est tenu à Yaoundé en juin 2013 sur la sureté et la sécurité maritimes. Il a rassemblé l'ensemble des Chefs d'Etat de la région qui ont adopté une déclaration, un code de conduite sur la lutte contre l'insécurité maritime et un mémoire d'entente entre les organisations régionales. Une certaine stratégie commune commence à se mettre en place sur ces questions, notamment par la création d'un centre interrégional de coordination, basé à Douala au Cameroun, et de centres régionaux de sécurité maritime. Il est nécessaire de concrétiser ces annonces, en mettant effectivement en place ces structures, en les faisant vivre et en soutenant aussi la mise en place d'un espace judiciaire et pénal harmonisé, indispensable pour que les actes illicites commis en mer puissent faire l'objet des poursuites et des sanctions appropriées.

D'autres initiatives ont eu lieu sur la sécurité autour du bassin du lac Tchad pour apporter des réponses aux agissements de Boko Haram.

Un Sommet a eu lieu à l'Elysée en mai 2014 ; un Sommet extraordinaire de la commission du bassin du lac Tchad a eu lieu en octobre et a avancé des propositions quant à la mise en place d'une « Force mixte multinationale de sécurité » à laquelle doivent participer le Tchad, le Niger, le Cameroun, le Bénin mais aussi le Nigeria. L'Union africaine a soutenu ce projet lors de la réunion de son Conseil sur la paix et la sécurité qui s'est tenu à Addis-Abeba en janvier dernier et a fixé à 10 000 hommes son volume global lors d'une réunion en mars. Un Sommet extraordinaire de la CEEAC a eu lieu en février. Une résolution est encore en débat au Conseil de sécurité des Nations unies pour définir le cadre international de cette intervention ; son adoption prend un certain retard et des difficultés resteront à régler, notamment en termes de financement. Mais un exemple va vous montrer que les progrès sont encore très fragiles : aucun des communiqués officiels de ces différents sommets ne permet de dire si cette force multinationale aura la capacité d'intervenir sur le territoire nigérian, comme le font aujourd'hui certaines troupes tchadiennes.

On le voit, le processus souffre de lenteurs et d'inerties. En outre, combattre Boko Haram ne ressemble pas à une guerre conventionnelle ; il faut saluer les premiers succès des troupes engagées sur le terrain, mais ils apportent une réponse de court terme à la violence grandissante de Boko Haram. Le travail de fond pour endiguer ce type de groupes reste à faire et dépend principalement des Etats eux-mêmes.

Pour obtenir ces résultats de fond, les Etats doivent pouvoir s'appuyer sur des organisations régionales et une communauté internationale efficaces . La communauté internationale doit elle-même apporter de la cohérence et de la concertation, sachant que les intérêts et les acteurs sont multiples. Or trop souvent, les plans d'action et déclarations se suivent sans coordination ni articulation effective ; on compte par exemple jusqu'à une quinzaine de « stratégies » concernant le Sahel.

L'Union européenne se mobilise mais ses actions restent limitées. S'agissant de la sûreté maritime (sûreté des navires européens naviguant dans la zone, sécurité des approvisionnements énergétiques, lutte contre les trafics de drogue et d'êtres humains vers l'Europe), une stratégie a été adoptée par le Conseil européen en juin 2014. Elle devrait ensuite faire l'objet de plans d'action régionaux pour faciliter sa mise en oeuvre, en particulier pour le golfe de Guinée. Parallèlement, le Conseil de l'Union européenne a adopté le 17 mars 2014 des conclusions et une stratégie européenne pour le golfe de Guinée ; dans son document préparatoire 6 ( * ) , la Commission européenne précise d'ailleurs : « l'expérience [...] indique qu' une action préventive précoce, menée en étroite coordination avec les pays de la région et les organisations régionales africaines, est bien plus efficace en termes de coûts que des mesures curatives prises a posteriori ». L'Union européenne a lancé en 2013 le projet CRIMGO (« Critical Maritime Routes Gulf of Guinea ») dans le cadre du programme « Routes maritimes critiques » de l'Instrument de stabilité.

Or une action internationale forte est décisive si nous voulons éviter la coalition de groupes terroristes éparpillés mais qui peuvent trouver un intérêt à se fédérer, ne serait-ce qu'en termes de propagande. Boko Haram a par exemple annoncé la création d'un califat et son ralliement à Daech. Comme l'expliquait devant la commission le Général Castres en décembre dernier, nous devons regarder le monde avec une focale plus grande. La Libye, le Levant et Boko Haram sont trois foyers de déstabilisation, trois zones rouges dans lesquelles se structurent des califats. Prévenir la dégénérescence de ces situations en conflits plus graves demande de cloisonner les différents foyers d'incendie et de soutenir les pays concernés.

4. Associer les acteurs économiques et la société civile

Au-delà des acteurs internationaux, régionaux ou étatiques, la prévention des conflits passe également par la coopération et la mobilisation des acteurs économiques et sociaux. Les entreprises françaises et internationales installées dans la région, en particulier les armateurs et les gestionnaires de port, ont un rôle important à jouer ; elles sont déjà engagées dans la lutte contre la piraterie dans le Golfe et elles doivent être intégrées à tout effort fourni pour diminuer cette menace. Il en est de même pour la société civile qui peut constituer un appui pour les actions de la communauté internationale en matière de développement et de stabilité.

*

* *

Vos rapporteurs sont convaincus que le Golfe de Guinée présente un intérêt stratégique pour la France et l'Europe. Or il souffre d'une nette augmentation des activités criminelles et terroristes.

Pour prévenir une dégradation encore plus sensible de la situation, l'ensemble de la communauté internationale doit mettre en oeuvre une approche globale intégrant tous les moyens et instruments dont nous disposons. Elle doit mettre en cohérence de multiples actions qui peuvent paraître de taille limitée mais qui sont essentielles car concrètement destinées à renforcer les capacités des Etats concernés, en particulier maritimes ou militaires, améliorer le recueil et l'échange d'informations, accroitre la coopération, le dialogue et la confiance entre ces Etats et mettre en place une gouvernance interne à même d'assurer le développement.

Alors que l'extension de la piraterie aux pays voisins du Nigeria menaçait le développement et la stabilité, l'ensemble des pays ont réussi à se mobiliser, à augmenter leurs capacités respectives et à mettre en place des outils communs. Il faut à cet égard saluer l'implication de la France, en particulier via l'opération Corymbe et son action diplomatique. Les premiers résultats de 2014 permettent d'espérer que la situation qui reste fragile s'est stabilisée grâce à cette prise de conscience.

Tel n'a malheureusement pas été le cas dans le Nord où Boko Haram a pu étendre ses actions de manière disproportionnée par rapport à ses capacités intrinsèques. Si chacun aurait naturellement préféré que ce problème soit réglé par le Nigeria lui-même, sans régionalisation du conflit, il faut saluer la mobilisation des pays riverains soutenus par l'Union africaine et la communauté internationale. Il reste beaucoup de chemin à parcourir après les premiers succès militaires des troupes, notamment tchadiennes : le conseil de sécurité des Nations unies n'a toujours pas adopté de résolution pour mettre en place un processus global de résolution de la crise ; les causes profondes restent à l'identique : pauvreté, inégalités, corruption, sentiment d'abandon, etc...

Ne pas laisser dériver une situation et ne pas relâcher ses efforts, telles sont peut-être deux des leçons de la situation dans le Golfe de Guinée en matière de prévention des conflits.

*

* *

Réunie le mercredi 15 avril 2015 sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, la commission a autorisé la publication du présent rapport d'information.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport lors de sa séance du 15 avril 2015, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président.

Après l'exposé des rapporteurs, un débat s'est engagé.

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Je vous remercie pour ce rapport très intéressant. Je suis persuadé que la diplomatie parlementaire doit justement se mettre en action lorsque le contexte est difficile. Elle peut véritablement exister à ce moment-là.

Nous sommes exactement un an après l'enlèvement des lycéennes de Chibok et il est clair que le terrorisme trouve naissance dans deux sources : la pauvreté et le manque d'Etat. Nous avons bien vu ces dernières années qu'il existe une corrélation entre le terrorisme et le « non-Etat », ce qui pose directement la question délicate de savoir qui la communauté internationale doit soutenir dans des situations difficiles.

M. Jacques Legendre . - La région est confrontée à deux problèmes bien distincts : la piraterie et Boko Haram.

Sur le premier sujet, nous devons d'abord identifier d'où viennent les pirates. On sait bien que les communautés du delta du Niger estiment que la part des recettes pétrolières qui leur revient est insuffisante. J'ai d'ailleurs constaté le développement du phénomène de la piraterie lorsque je me suis rendu avec le groupe d'amitié à Port-Harcourt au Nigeria. D'un côté, la marine nigeriane, corrompue, est peu efficace. De l'autre, les pays voisins ont des capacités réduites. On peut toutefois citer les efforts fournis par le Togo en la matière et ces efforts ont produit leurs effets puisqu'on assiste à une accumulation de navires qui stationnent au large de Lome avant d'aller au Nigeria pour y rester le moins longtemps possible... On peut également citer la Guinée équatoriale qui a mis en place un centre de coordination à Malabo. Nous devons donc, c'est essentiel, encourager les Etats à se doter des capacités nécessaires.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier le trafic de drogue en provenance d'Amérique du Sud qui déstabilise les pays touchés. Le Cap-Vert est de ce point de vue demandeur d'un renforcement de la présence française et il faut souligner le rôle grandissant du Brésil.

En ce qui concerne Boko Haram, souvenons-nous que le Borno était, jusqu'au début du XX e siècle, un Etat musulman agressif et esclavagiste que les colonisateurs - les Anglais - ont eu le plus grand mal à contrôler. On dit aussi que les anciens hommes de main d'un ex-Gouverneur de l'Etat qui a noué, à un moment, une alliance avec Yusuf constituent des recrues importantes pour Boko Haram. Cela déstabilise au final toute la région. Les pays concernés souhaitent que la France en fasse toujours plus, mais nous faisons déjà beaucoup, par exemple en matière de renseignement, surtout si on regarde le Royaume-Uni particulièrement absent dans cette crise. Enfin, on peut aussi penser que des jeux politiques internes au Nigeria ne sont pas pour rien dans l'amplification des actions de Boko Haram. Or si le Nigeria veut vraiment agir, il en a les moyens.

M. André Trillard . - Les pirates viennent très largement du Nigeria, qui constitue l'épicentre du problème. Les moyens qu'ils déploient sont parfois considérables puisque certains détiennent ou contrôlent des pétroliers dans lesquels ils transbordent le pétrole qu'ils volent.

Pour autant, les progrès sont réels. J'ai par exemple participé, à l'invitation du chef d'état-major de la marine, l'Amiral Rogel, à une réunion de plusieurs Chefs d'Etat-major de la marine de pays de la région et les discussions étaient très encourageantes. Ces contacts doivent être maintenus et développés.

M. Jeanny Lorgeoux . - L'inefficacité dans le fonctionnement de l'Etat constitue, comme le disait le président de la commission, un problème fondamental. La structure fédérale du Nigeria aurait pu apporter des réponses mais il existe peu de lien réel entre le niveau central et les Etats fédérés et la population est finalement livrée à elle-même sur une grande partie du territoire.

M. Jean-Marie Bockel . - La déliquescence actuelle de l'Etat nigerian n'est pas une fatalité et le pays n'a d'ailleurs pas toujours connu cette situation. Si les autorités nigerianes veulent faire quelque chose, elles peuvent reprendre la main. Les dernières élections sont une lueur d'espoir de ce point de vue, parce que la population a participé et que le résultat est clair tout en n'étant pas écrasant pour un camp ou pour un autre. Elles révèlent bien les aspirations profondes de la population. Ceux qui ont joué la politique du pire n'ont pas réussi !

M. Aymeri de Montesquiou . - Les Etats-Unis considèrent que le pays est stratégique. Les Anglais, ancienne puissance coloniale, partagent la langue et une certaine culture administrative. La Chine investit massivement, y compris avec des prêts à des taux très bas. Dans ce paysage global, quelle est la place du Nigeria dans la politique africaine de la France ?

M. Jeanny Lorgeoux . - Le Président de la République y a effectué une visite remarquée en février 2014 qui a clairement montré l'intensification des relations économiques avec le Nigeria. Nos deux pays ont d'ailleurs signé en 2008 un partenariat stratégique. Notre ambassade sur place est très active et ce pays présente de grandes opportunités pour nos entreprises.

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - L'ancien Président Goodluck Jonathan a fait beaucoup d'efforts pour resserrer les liens.

M. Jean-Marie Bockel . - Ces liens s'inscrivent dans la durée, j'ai par exemple accompagné François Fillon, alors Premier ministre, lors d'un déplacement officiel en 2009 et les thématiques économiques étaient déjà très présentes. Il est en tout cas nécessaire de déployer une approche régionale à un niveau stratégique.

M. Alain Néri . - Il paraitrait que le nombre d'attaques dans le Golfe de Guinée soit nettement sous-évalué car les pirates utilisent des systèmes informatiques et de communications qui leur permettent de racketter les navires et de demander des « contributions » permettant au capitaine d'éviter l'abordage et le vol de la cargaison...

M. Jeanny Lorgeoux . - Le ministère de la défense estime en effet que le chiffre des attaques pourrait être le triple des déclarations.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - L'enlèvement des lycéennes de Chibok, il y a tout juste un an, ne constitue que l'une des attaques de ce type commises par Boko Haram. Amnesty international estime le nombre d'enlèvements à 2 000 en un an !

Je souhaite que nous n'oubliions pas le Cap-Vert qui est un acteur important dans la lutte contre le terrorisme et le trafic de drogues. Avec ce pays, on touche d'ailleurs du doigt une limite de la politique de développement : le Cap-Vert a fourni des efforts tangibles qui lui ont permis de passer de la catégorie « pays les moins avancés » à celle des « pays à revenus intermédiaires ». De ce fait, il n'est plus éligible à un certain nombre d'aides ! On encourage mal les Etats qui font pourtant des efforts.

M. Jeanny Lorgeoux . - On doit aussi penser à la Guinée Bissau qui est devenue un véritable nid à frelons et un narco-Etat. Renverser la situation dans ces circonstances est particulièrement difficile. D'où l'importance de prévenir le plus tôt possible les crises.

À l'issue de ce débat, la commission a autorisé la publication du rapport d'information.

ANNEXE : CARTES DE LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE DES ÉTATS DE L'AFRIQUE DE L'OUEST (CEDEAO) ET DE LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE DES ÉTATS DE L'AFRIQUE CENTRALE (CEEAC)


* 1 Voir le rapport d'information n° 104 (2013-2014) de MM. Jeanny Lorgeoux et Jean-Marie Bockel, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, « L'Afrique est notre avenir », 29 octobre 2013.

* 2 Cf. « Boko Haram et le terrorisme islamiste au Nigeria : insurrection religieuse, contestation politique ou protestation sociale ? », Marc-Antoine Pérouse de Montclos, Questions de recherche n° 40, juin 2012, Centre d'études et de recherches internationales de Sciences Po.

* 3 Cf. « Boko Haram : islamism, politics, security and the state in Nigeria », Institut français de recherche en Afrique et African Studies Centre, édité par Marc-Antoine Pérouse de Montclos.

* 4 Créée en 1964 autour de quatre pays membres (Cameroun, Tchad, Niger, Nigeria), la commission de bassin du lac Tchad s'est élargie à la République centrafricaine en 1996 et à la Libye en 2008. Le Soudan, l'Egypte, la République du Congo et la République démocratique du Congo sont membres observateurs. Son mandat concerne : la gestion durable et équitable du Lac Tchad et des autres ressources en eaux partagées du bassin éponyme, la préservation des écosystèmes du Bassin conventionnel du Lac Tchad, la promotion de l'intégration et la préservation de la paix et de la sécurité transfrontalières dans le Bassin du Lac Tchad.

* 5 Créée en 2001 à Libreville, la Commission du golfe de Guinée est entrée en activité en mars 2007. Elle compte 8 États membres, dont 7 appartiennent à la sous-région de l'Afrique centrale (Angola, Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, République démocratique du Congo et Sao Tomé-et-Principe) et un seul État issu de l'Afrique de l'Ouest (Nigéria).

* 6 « Eléments pour la réponse stratégique de l'Union européenne aux défis dans le golfe de Guinée », 18 décembre 2013.

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