B. UN PARTENARIAT BILATÉRAL GLOBAL, QUI PASSE PAR UNE MULTITUDE D'OUTILS

1. Une politique de délivrance de visas facilitée

Depuis janvier 2014, la France a mis en place une politique facilitée de délivrance des visas qui donne des résultats marquants. En 2014, le tourisme venu d'Asie a progressé de 16 % grâce à la procédure de délivrance de visas en 48 heures mise en place pour les touristes chinois. Le nombre de visas délivré aux Chinois a ainsi augmenté de 61 % en 2014 et l'activité se poursuit à un rythme très élevé en 2015 (+49 % de visas délivrés sur les sept premiers mois de l'année) par rapport à la même période de référence en 2014, ce qui représente 166 000 visas supplémentaires.

Le nombre de touristes chinois s'est élevé à 1,4 million en 2012, 1,7 million en 2013 et 2 millions en 2014. Le Gouvernement s'est fixé un objectif d'atteindre 5 millions d'ici 2020.

2. Des échanges d'expertise : l'exemple des actions de l'AFD

Présente en Chine depuis 2004, l'Agence française de développement (AFD) intervient en matière de développement durable et de lutte contre le changement climatique. Ses activités s'inscrivent dans le cadre des différents accords intergouvernementaux signés entre la France et la Chine en matière de lutte contre le réchauffement climatique (2007 et 2010), de développement urbain durable (2010 et 2013) et de protection de l'environnement (2013). L'action de l'AFD en Chine répond aux objectifs suivants :

- accompagner la transition du pays vers une économie sobre en carbone et respectueuse de l'environnement ;

- nourrir des partenariats en matière de promotion du développement durable, en soutenant des opérations pilotes, porteuses de changement, qui participent à l'amélioration des pratiques locales et à l'introduction de nouvelles technologies ;

- dialoguer avec la Chine « bailleur émergent » en matière de coopération internationale sur la méthodologie d'évaluation ex-post des projets de développement.

L'AFD a développé un portefeuille de 24 projets (dont 12 achevés) pour un montant brut d'engagements cumulés d'un peu moins de 1,2 milliards d'euros , dans les secteurs suivants : efficacité énergétique et énergies renouvelables ; développement urbain durable (eau et assainissement, chauffage urbain, etc.) ; protection de la biodiversité et des ressources naturelles (restauration de zones humides, forêt).

Depuis juin 2011, l'AFD intervient en Chine sous forme de prêts souverains aux conditions de marché sans mobilisation de coût-Etat . Par ailleurs, l'Agence recherche aujourd'hui à diversifier son offre financière en étudiant la faisabilité de financements non souverains (sans garantie de l'Etat chinois).

En dehors de ses activités de prêt, et dans une logique de soutien à l'expertise française en matière de développement urbain durable notamment, l'AFD assure le pilotage d'un fonds d'expertise et d'échanges techniques sur le sujet de la « Ville durable », focalisé principalement sur l'accompagnement de projets d'éco-quartiers franco-chinois à Wuhan dans un premier temps, puis Shenyang et Chengdu ultérieurement. En particulier, l'AFD finance la réalisation d'une étude pour la planification générale du futur éco-quartier franco-chinois au sein du district de Caidian à Wuhan 5 ( * ) .

D'autres projets sont en cours de finalisation par l'agence et ses partenaires, notamment un premier projet de production d'eau potable à Guilin qui représente un prêt de 25 millions d'euros. Deux voire trois autres projets sont programmés pour approbation d'ici la fin de l'année, parmi lesquels deux contribuent activement à la lutte contre les dérèglements climatiques : efficacité énergétique dans les services d'éclairage urbain, trigénération (production de chaleur, électricité et de froid) et protection de la biodiversité. Deux premiers financements non souverains ont par ailleurs été pré-identifiés à Shanghai dans le secteur de l'eau et de l'assainissement.

Enfin, à la veille de la COP 21, l'AFD participent à différentes activités de communication (exposition itinérante « 60 solutions contre le changement climatique », réalisation d'un film sur l'efficacité énergétique dans le chauffage urbain) et des séminaires techniques d'échange d'expériences, par exemple sur le thème de l'efficacité énergétique dans les réseaux de chauffage urbain et sur la ville durable.

Au total, les activités de l'AFD en Chine visent à offrir une plus grande visibilité à l'expertise et à l'offre française auprès des opérateurs et décideurs chinois, en ciblant plus particulièrement les domaines d'excellence en matière d'innovation, au travers de la démarche suivante :

- présence sur des secteurs ou niches dans lesquelles les entreprises françaises ont un avantage comparatif et qui présentent de fortes opportunités ;

- logique partenariale facilitant l'introduction des acteurs français auprès des décideurs et prescripteurs locaux ;

- renforcement de la visibilité de l'offre française par l'organisation d'évènements ou de rencontres régulières permettant de mettre en valeur les projets réalisés et de favoriser les échanges entre autorités chinoises et entreprises françaises ;

- dialogue et vigilance sur les procédures d'attribution de marchés pour assurer l'expression de l'offre française.

Cette approche s'est progressivement renforcée ces trois dernières années et s'est traduite par des premiers résultats, en particulier dans les secteurs de la ville durable et de l'aménagement des territoires en zones sensibles sur le plan environnemental. Certains de ces projets ont notamment constitué des références pour les entreprises françaises dans des secteurs sur lesquels elles n'étaient pas encore ou peu présentes en Chine et leur ont ainsi permis de remporter des marchés dans d'autres provinces.

3. L'acceptation des investissements chinois en France

Bien qu'en hausse depuis plusieurs années, les flux d'investissements chinois vers la France demeurent à un niveau modeste ; ils représentent, en stock, environ 0,9 % des investissements directs étrangers en France. Selon la Banque de France, le stock des investissements chinois directs est passé de 33 millions d'euros fin 2009 à 1,1 milliard d'euros à la fin de 2013.

En 2014, on recensait plus de 200 filiales d'entreprises chinoises (Hong Kong compris) établies en France, employant plus de 20 000 personnes. On peut noter que des grandes entreprises chinoises, comme ZTE, Huawei ou Lenovo, ont établi leur siège européen à Paris.

Après s'être longtemps concentrée sur le secteur des matières premières, la Chine s'est engagée dans une stratégie de diversification de ses investissements, orientée vers l'accès aux technologies innovantes, en particulier dans les domaines de l'information et de la communication et de l'industrie pharmaceutique, mais aussi vers des secteurs à la rentabilité plus longue comme l'immobilier ou l'hôtellerie.

Les investisseurs chinois démontrent un intérêt croissant pour la recherche et le développement, les investissements directs constituant un outil privilégié pour accéder aux technologies et au savoir-faire occidentaux.

La part des prises de participation financière modestes progresse significativement. Les sources de l'investissement chinois se diversifient et ne proviennent plus seulement des entreprises publiques mais aussi d'entrepreneurs privés et de petite taille.

En octobre 2014, les autorités chinoises ont réformé l'essentiel du régime d'autorisations préalables qui enserrait jusqu'alors les investissements chinois pour aboutir à un dispositif principalement déclaratif. Ces changements favorisent la progression des investissements chinois à l'étranger.

Plusieurs opérations importantes ont retenu l'actualité ces dernières années : la prise de participation de Dongfeng dans le groupe PSA, le rachat des parts de l'État dans l'aéroport de Toulouse-Blagnac ou l'offre publique d'achat menée par Fosun sur le Club Med.

Alors que la Chine a annoncé un programme très important d'investissements dans le monde pour les prochaines années et que certaines personnalités chinoises estiment que la France n'est pas un pays prioritaire pour investir en raison du contexte économique, la France a tout intérêt à accueillir favorablement ces projets, tout en restant naturellement vigilante sur les secteurs d'activité concernés.

Ces projets constituent une chance pour l'économie et l'emploi, d'autant que les investisseurs chinois déploient le plus souvent une stratégie de long terme, et non une stratégie financière ou de simple captation des technologies.

4. La coopération décentralisée

Plus de 64 collectivités territoriales françaises sont activement engagées en Chine avec 72 autorités locales chinoises partenaires dans 143 projets menés dans le cadre de la coopération décentralisée (échanges culturels, universitaires et économiques, développement régional durable et valorisation du patrimoine, jumelages ) et dans 39 projets dans le cadre d'autres actions extérieures (bureaux de représentation, soutien technique aux exportations, relais des pôles de compétitivité, programme de recherche...).

Les montants engagés par les collectivités ne sont pas nécessairement importants, mais ils suscitent ou accompagnent des projets d'entreprises. Ainsi, la coopération décentralisée avec la Chine s'est orientée vers des échanges économiques précis, par exemple dans le domaine des transports.

En outre, la coopération décentralisée franco-chinoise, comme celle qui existe avec de nombreux autres pays, permet des échanges humains et culturels qui constituent une richesse et un terreau au profit des relations bilatérales.

La coopération décentralisée est cependant confrontée aux questions de dispersion et d'évaluation et un réel effort de coordination et mutualisation entre acteurs français reste à réaliser.

Les très fortes disparités entre provinces chinoises et l'approche expérimentale prônée par les autorités centrales peuvent constituer des opportunités multiples pour les collectivités françaises. En outre, les provinces et les grandes villes disposent d'un degré d'autonomie leur permettant des expérimentations.

5. Des actions communes dans des pays tiers, notamment en Afrique

Depuis la reconnaissance par la France de la Chine populaire le 27 janvier 1964, la relation franco-chinoise, qualifiée de « partenariat global » dans le cadre de la déclaration conjointe du 16 mai 1997, a été élevée au niveau de « partenariat stratégique global » en 2004.

Lors de la visite en France du Premier ministre chinois, M. Li Keqiang, en juillet 2015, la France et la Chine ont publié une déclaration conjointe relative aux partenariats franco-chinois en marchés tiers. Alors que l'économie mondiale se trouve toujours dans une phase de réajustement profond après la crise financière internationale, la déclaration indique que les deux pays doivent « jouer ensemble un rôle actif pour assurer la stabilisation et la reprise de l'économie mondiale, favoriser le développement des différentes régions du monde et soutenir les pays en développement dans la mise en oeuvre du Programme de développement des Nations Unies pour l'après-2015 ».

La France et la Chine entendent ainsi encourager et soutenir les entreprises des deux pays dans leurs efforts pour engager ou renforcer des partenariats en marchés tiers.

Alors que la Chine a beaucoup investi ces dix dernières années les marchés africains, elle est dorénavant confrontée à un certain nombre de difficultés d'implantation durable. Sur le continent africain, mais aussi en Amérique latine, la France et la Chine peuvent conjuguer leurs atouts pour un bénéfice mutuel.

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« En Chine, tout est plus massif et plus rapide à la fois ». Cette remarque entendue par le groupe de travail lors de son déplacement confirme la nécessité pour la France de consolider son partenariat global avec la Chine. Ce partenariat doit toutefois s'insérer dans une logique européenne pour pouvoir peser convenablement.

La France et la Chine peuvent trouver, dans le cadre d'un dialogue exigeant et étroit, des bénéfices mutuels aux évolutions de l'économie mondiale et à la transition du modèle chinois vers une croissance plus qualitative et plus inclusive.


* 5 La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a effectué une mission en Chine, en particulier à Wuhan, durant le mois de septembre 2015.

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