C. LES ENTREPRISES D'ACCUEIL : PLUS DIVERSIFIÉES QU'EN FRANCE, MOINS GÉNÉREUSES ET MOINS AIDÉES FINANCIÈREMENT PAR LES POUVOIRS PUBLICS

1. Des entreprises d'accueil dont la taille est plus diversifiée qu'en France, mais qui se concentrent dans le secteur des services
a) En Allemagne

Les apprentis représentent 5,6 % des effectifs des entreprises allemandes , contre 2,5 % en France.

Comme le montre le tableau ci-après, les entreprises allemandes accueillent dans des proportions comparables les apprentis, quelle que soit leur taille (entre 4,7 % pour les entreprises employant plus de 500 salariés, et 6,3 % pour les entreprises employant moins de 50 salariés). A l'inverse, en France, ce sont surtout les entreprises employant moins de 9 salariés qui sont mobilisées (7,4 % de leurs effectifs sont des apprentis).

Figure n° 5 : Proportion d'apprentis dans les effectifs de l'entreprise, par tranche d'effectifs (2012)*

1-9

10-50

50-250

250-500*

500 +

Moyenne

Allemagne

6,3 %

6,3 %

5,5 %

5,3 %

4,7 %

5,6 %

France

7,4 %

1,55 %

0,85 %

0,95 %

-

2,5 %

* Plus de 250 en France. Par manque d'information statistique, les propositions ont été établies sur la base des flux d'entrées en France

Source : Institut Montaigne, L'apprentissage, un vaccin contre le chômage des jeunes, Plan d'action pour la France tiré de la réussite allemande, Bertrand Martinot

Seulement 20 % des entreprises allemandes accueillent des apprentis. Mais comme l'ont indiqué à votre délégation les représentants de la Confédération des associations patronales allemandes ( Bundesvereinigung der Deutschen Arbeitgeberverbände ou BDA), ce chiffre doit être manié avec prudence. En réalité, environ 55 % des entreprises remplissent les critères pour accueillir des apprentis, ce qui implique que 40 % environ des entreprises potentiellement concernées en accueillent effectivement. Depuis la conclusion du pacte d'apprentissage de 2004, entre 40 000 et 50 000 entreprises chaque année ont décidé d'accueillir des apprentis. Entre 2007 et 2012, parmi les entreprises autorisées à former des apprentis, 45 % ont accueilli en permanence des jeunes, 33 % de manière intermittente, et 22 % n'en ont pas accueilli au moins une fois.

Selon les données du BiBB, les 559 332 places d'apprentissage offertes en 2014 ont été proposées dans les secteurs d'activités suivants :

- l'industrie et le commerce (330 645) ;

- l'artisanat (153 993) ;

- l'agriculture (13 701) ;

- les services publics (12 564).

Par ailleurs, 48 429 places ont été proposées dans divers secteurs que le BiBB n'est pas en mesure d'identifier précisément, mais qui concernent essentiellement des professions libérales (assistants dans des cabinets dentaires, des pharmacies, ou des offices notariaux par exemple).

Contrairement à une idée largement répandue, l'apprentissage est davantage développé dans les métiers de services outre-Rhin (59,4 % des apprentis) qu'en France (42,6 %) 19 ( * ) .

b) En Autriche

Selon les données fournies à votre délégation par la chambre de commerce d'Autriche ( Wirtschatstkammer Österreich ou WKÖ), 36 640 entreprises ont accueilli des apprentis en 2014, soit 10 % des entreprises environ (et 20 % des entreprises autorisées à en accueillir).

Ceux-ci se retrouvent essentiellement dans les secteurs suivants :

- l'artisanat (43,8 %) ;

- le commerce (14,8 %) ;

- l'industrie (12,7 %) ;

- le tourisme et l'économie de loisir (9,2 %).

Figure n° 6 : Tableau de présentation des entreprises d'accueil des apprentis en Autriche

Secteur

Total entreprises d'accueil

Pourcentage des entreprises d'accueil

Total apprentis

Pourcentage des apprentis

Artisanat

20 193

57,6

56 077

43,8

Industrie

1 420

4,0

16 273

12,7

Commerce

5 580

15,9

18 914

14,8

Banque et assurance

292

0,8

1 307

1,0

Transport

476

1,4

2 791

2,2

Tourisme et économie
de loisir

4 200

12,0

11 840

9,2

Information et conseil

1 581

4,5

2 809

2,2

Droit

2 778

7,9

8 579

6,7

Formation d'apprentis inter-entreprises

120

0,3

9 488

7,4

Total

36 640

100

128 078

100

Source : WKÖ

2. Une rémunération des apprentis plus faible qu'en France
a) En Allemagne

En 2010, le salaire mensuel brut moyen des apprentis s'élevait à 688 euros à l'Ouest, contre 612 euros à l'Est, soit environ un tiers du salaire moyen allemand (32 693 euros annuels).

En 2011, la rémunération brute moyenne d'un apprenti était de 708 euros en Allemagne, et 787 euros en France. Cette situation peut s'expliquer par deux raisons. D'une part, la rémunération des apprentis français est indexée sur l'évolution du Smic. D'autre part, près d'un tiers des apprentis français suivent une formation dans l'enseignement supérieur 20 ( * ) .

Le coût annuel brut moyen d'un apprenti pour l'entreprise d'accueil atteignait 15 300 euros en 2007, ainsi répartis :

- 61 % de coût salarial pour l'apprenti ;

- 22 % de coût salarial pour le personnel d'encadrement ;

- 12 % de frais divers (coût administratif, logement) ;

- 5 % pour l'équipement et le matériel 21 ( * ) .

Toutefois, compte tenu notamment du travail fourni par l'apprenti, le coût net pour l'entreprise est réduit à 3 600 euros par an en moyenne en 2007 22 ( * ) . Ce coût net diminue en fonction de l'ancienneté de l'apprenti et de sa maitrise technique.

Bertrand Martinot, dans son étude précitée, s'appuie sur des travaux d'économistes plus récents qui confirment les principaux enseignements de cette analyse. Pendant la campagne d'apprentissage 2012-2013, le coût annuel brut d'un apprenti était évalué à 17 933 euros, et les gains globaux résultant de l'apprentissage de 12 535 euros, d'où un coût net pour l'entreprise de 5 398 euros 23 ( * ) .

b) En Autriche

Selon les données fournies par le WKÖ à votre délégation, le coût annuel d'un apprenti pour l'entreprise d'accueil est de 15 000 euros environ (indemnité d'apprentissage, mobilisation d'un maître d'apprentissage, formations supplémentaires le cas échéant).

Comme en France, l'indemnité mensuelle de l'apprenti varie selon le secteur d'activité et l'année d'apprentissage. Lors de la dernière année, elle est égale en Autriche à 80 % du salaire d'un employé.

Il existe toutefois de fortes différences entre secteurs. Comme l'a indiqué à votre délégation M. Johannes Schweighofer, responsable de la politique internationale du marché de l'emploi au ministère des affaires sociales, l'indemnité mensuelle d'un apprenti en première année dans le secteur de la métallurgie s'élève à environ 517 euros, et 1 253 euros en troisième année (soit un tiers du salaire moyen d'un ouvrier qualifié, égal à 3 800 euros par mois).

Pour les autorités publiques, le coût annuel d'un apprenti est de 5 447 euros. L'équipement des écoles professionnelles est supporté par les Länder, tandis que les coûts du personnel enseignant sont pris en charge à parité entre ces derniers et l'Etat fédéral.

3. Des aides publiques moins généreuses dans le modèle germanique
a) En Allemagne

En Allemagne, peu d'aides publiques sont versées aux entreprises qui accueillent des apprentis. En contrepartie, il n'existe pas outre-Rhin d'équivalent de la taxe d'apprentissage française.

Ainsi, en 2010, les aides publiques à l'apprentissage en Allemagne ont atteint 1,439 milliard, soit quasiment la moitié de celles versées en France (2,869 milliards d'euros) 24 ( * ) .

L'écart est plus important encore si l'on fait abstraction des aides directes versées aux apprentis et à leur famille pour se concentrer sur les aides attribuées aux entreprises (2,564 milliards d'euros en Allemagne contre 970 millions en France).

Toutefois, si l'observe plus globalement la dépense publique en faveur de l'apprentissage , on constate une certaine convergence entre la France et l'Allemagne, puisqu'elle s'élève en 2010 à 4,591 milliards d'euros outre-Rhin et 4,108 milliards dans l'hexagone.

Figure n° 7 : Dépenses en faveur de l'apprentissage par contributeur final

Source : Institut Montaigne, L'apprentissage, un vaccin contre le chômage des jeunes, Plan d'action pour la France tiré de la réussite allemande, Bertrand Martinot

b) En Autriche

Des subventions sont versées aux entreprises qui embauchent des apprentis, à travers un fonds qu'elles financent pour aider leurs homologues insolvables, équivalent de l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des Salariés (AGS).

Selon les informations fournies par le WKÖ, le volume d'aide total versé par ce fonds en 2014 s'est élevé à 150 millions d'euros. En moyenne, une petite entreprise accueillant des apprentis a perçu une aide de 2 680 euros, une entreprise de taille intermédiaire de 10 437 euros, et une grande entreprise de 42 200 euros.

Ce fonds octroie des subventions de base qui décroissent à mesure que l'apprenti avance dans sa formation 25 ( * ) , et des subventions spécifiques , comme le montre le tableau ci-après.

Subventions directes spécifiques versées par le fonds autrichien
de protection des salariés en cas de faillite

Sans prétendre à l'exhaustivité, le fonds précité peut verser des aides dans les cas suivants :

- accompagnement des apprentis et des entreprises ;

- cours de préparation à l'examen de fin d'apprentissage ;

- bons résultats ou mention obtenus à cet examen ;

- prime (jusqu'à 1 000 euros) pour les apprentis issus d'institutions inter-entreprises ;

- apprentis de plus de 18 ans peu qualifiés ;

- égalité d'accès des jeunes femmes et hommes aux divers métiers en apprentissage ;

- mesures pour les apprentis rencontrant des difficultés d'apprentissage ;

- mesures de formation supplémentaire pour les formateurs/formatrices.

En outre, l' Arbeitsmarktservice (AMS) , l'équivalent autrichien de Pôle emploi, verse des aides directes notamment pour promouvoir l'accès des femmes dans des filières d'apprentissage peu féminisées, et aider les personnes de plus de 18 ans en difficulté d'insertion à obtenir une place en apprentissage.

Enfin, sauf exceptions, les entreprises d'accueil bénéficient d'une exonération de cotisations d'assurance maladie et d'assurance chômage pendant les deux premières années d'apprentissage, ainsi qu'une exonération de cotisation d'assurance accident pendant les trois années de formation.


* 19 L'apprentissage, un vaccin contre le chômage des jeunes : plan d'action pour la France tiré de la réussite allemande, étude de l'institut Montaigne, mai 2015, p. 23.

* 20 L'apprentissage, un vaccin contre le chômage des jeunes : plan d'action pour la France tiré de la réussite allemande, étude de l'institut Montaigne, mai 2015, p. 22.

* 21 Document d'étude de la Dares, op. cit, p. 16.

* 22 Pour mesurer le coût net de l'apprentissage, il faut également prendre en compte les aides publiques versées à l'entreprise d'accueil, et diverses externalités liées à l'apprentissage (notamment l'absence de frais de recrutement, la fidélisation du personnel ou encore un salaire moins élevé que pour le recrutement d'un salarié extérieur).

* 23 L'apprentissage, un vaccin contre le chômage des jeunes : plan d'action pour la France tiré de la réussite allemande, étude de l'institut Montaigne, mai 2015, p. 69.

* 24 Idem, p. 63.

* 25 La première année d'apprentissage, la subvention est égale à trois fois l'indemnité mensuelle d'apprentissage, à deux fois cette indemnité la deuxième année, et une fois l'année suivante.

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