D. L'ORGANISATION DES SECOURS AUX POPULATIONS

1. Le renforcement et la mutualisation des moyens de secours et de reconstruction

Selon la récente feuille de route sur l'adaptation au changement climatique du Département américain de la défense, « comme le changement climatique affecte la disponibilité de la nourriture et de l'eau, les migrations humaines et la compétition pour les ressources naturelles, la capacité unique du département de la Défense à fournir une assistance en termes de logistiques, de moyens et de sécurité à une échelle massive et de façon rapide sera sollicitée de façon croissante ».

Les missions d'assistance

Dans son dernier rapport, le Center for Naval Analyses a ainsi souligné l'importance à venir des missions d'assistance humanitaire/réaction aux catastrophes ( humanitarian assistance/disaster response , HA/DR) qui nécessitent l'emploi de matériels et la sollicitation de compétences dont certaines ne sont détenues que par des corps spécifiques (garde nationale, corps des ingénieurs des armées). Si l'on considère l'augmentation à venir des phénomènes climatiques extrêmes et la contraction des budgets de défense en Europe, il y a là une interrogation sur les capacités de réaction et de résilience des territoires qui seront frappés par ces aléas.

Cette affirmation vaut également pour l'ensemble des pays développés qui sont régulièrement sollicités pour prêter assistance aux pays les plus pauvres victimes de catastrophes naturelles. La multiplication de celles-ci rendra nécessaire un renforcement des capacités à mettre en oeuvre et une meilleure coordination des moyens déployés sur les théâtres d'opération.

Dans un contexte de risques grandissants, les forces de sécurité s'exposeront davantage. L'organisation des secours sera difficile sur des théâtres inondés, donc peu accessibles, par voie terrestre, ne disposant plus d'infrastructures de communication fonctionnelles, sans eau ni électricité, offrant des conditions d'émergence d'épidémies ou d'activités de pillage en cas de délais importants de retour à la normale du système, compliquant leur intervention.

Faire face à ces enjeux suppose de disposer de forces de sécurité civile et de forces armées mobilisables, équipées et préparées pour les appuyer et les soutenir en cas de sinistre majeur. Le renforcement des capacités opérationnelles dans ce secteur, en coordination avec les instances de la sécurité civile constitue la première partie de l'adaptation des armées aux manifestations du changement climatique.

Il faudra aussi veiller à ce que les matériels soient adaptés à ce type d'interventions mais également aux théâtres qui auront pu subir des modifications (vigilance sur les tirants d'eau des navires, modification de la salinité de l'eau et impact sur la propagation des ondes radio, etc.).

La constitution d'état-major de forces de sécurité civile à l'échelon régional ou international (dans la mouvance des Nations unies et l'instar des « casques bleus »), voire la constitution d'un réservoir de forces susceptibles d'être déployées rapidement et utilisant des protocoles communs, au besoin ayant pratiqué des exercices communs, serait nécessaire.

Cela posera naturellement la question du financement et de la capacité pour les États concernés de fournir les forces et les équipements nécessaires en temps utiles . La multiplication des opportunités rendra probablement nécessaire un renforcement de ces moyens. Aujourd'hui dans nombre d'États, les capacités militaires sont mises à contribution en deuxième échelon, mais on peut s'interroger, y compris dans un pays comme la France, sur la capacité qu'auraient nos Armées d'assurer leur contrat opérationnel en cas de survenance d'une catastrophe naturelle de grande ampleur sur le territoire national et d'une opération strictement militaire ou de sécurité nationale comme « Sentinelle » dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Une réflexion est engagée dans de nombreux États en termes d'organisation sur la répartition des compétences et des missions entre les unités de la sécurité civile, celles qui relèveraient d'unités de sécurité intérieure (police, gendarmerie, garde nationale) et celles qui relèveraient des forces armées . Aujourd'hui, le contrat opérationnel des Armées en France permet le déploiement de moyens militaires d'aéromobilités ou de génie qui ne sont que dans les forces armées. Il a été considéré jusqu'ici que leur duplication dans les unités de la sécurité civile n'était pas nécessaire et qu'il était de meilleure gestion de procéder par mutualisation. Demain, la multiplication des engagements des unes et des autres obligera peut-être à revoir cette répartition. Elle devrait faire l'objet d'une étude spécifique lors du prochain Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale .

Une solution pourrait être de renforcer la mutualisation à l'échelle européenne, qui fonctionne relativement bien en matière de sécurité civile , y compris pour l'utilisation de moyens lourds comme les hydravions ou les hélicoptères dans le cadre de la lutte contre les feux de forêts.

2. Une évolution nécessaire du droit international humanitaire

Les secours aux populations ne sont pas seulement une question d'organisation mais elles consacrent également un droit à vivre en sécurité sur le territoire d'un État.

Le changement climatique, et notamment la montée du niveau de la mer, comme la fréquence et l'amplification des évènements météorologiques extrêmes, vont immanquablement conduire à des prises de décisions temporaires ou définitives de déplacements et de relocalisations d'habitants et d'activités. Les conditions dans lesquelles seront organisés ces déplacements et relocalisations, doivent s'inscrire dans les principes des droits de l'homme, même si l'on peut admettre que dans l'urgence, la sécurité des personnes prime.

La question est posée tant en droit interne qu'en droit international, y compris en cas d'incapacité d'intervention ou de volonté de non-intervention d'un Etat souverain, justifiant le cas échéant le devoir d'ingérence sous couvert du droit international humanitaire. Il y a donc tout intérêt dans les conventions internationales multilatérales ou bilatérales de rappeler et d'insérer de tels principes, afin de les rendre plus opérationnels le jour venu.

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