II. LES RECOMMANDATIONS DU GROUPE DE TRAVAIL POUR EVITER L'IMPASSE

A. PRENDRE EN COMPTE LE RETOUR D'UNE « MENACE DE LA FORCE » EN EUROPE

La Russie a une conception classique des relations internationales, fondée sur l'idée de puissance et de rapports de force . Si elle ne rencontre pas de résistance, elle continuera à pousser ses pions dans un sens conforme à ses objectifs, qui sont de reconquérir son rang et sa puissance.

Le comportement actuel de la Russie redonne toute son actualité à la notion de « menace de la force », présente dans le Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale de 2013, mais sur laquelle la récente loi d'actualisation de la programmation militaire pour 2015-2019 met de nouveau l'accent.

Ce constat doit d'abord nous inciter à faire preuve de fermeté pour être crédibles . En Ukraine, les sanctions sont le principal instrument dont nous disposons pour créer ce rapport de force car nous devons raisonnablement privilégier dans cette crise un règlement politique.

Le renforcement de nos capacités militaires n'en est pas moins nécessaire, marquant la « fin de l'encaissement des dividendes de la paix » . Cet objectif est mis en oeuvre dans le cadre de l'OTAN et au plan national à travers l`augmentation des ressources consacrées au budget de la Défense (+3,8 Mds € sur la période 2015-2018 par rapport à la programmation initiale). Un effort semblable est nécessaire de la part de nos partenaires européens.

Ce « retour d'une menace de la force » pose naturellement à nouveau la question d'une défense de l'Europe qui pourrait s'appuyer sur des moyens militaires plus intégrés. Nous souhaitons en tout cas que cette éventualité soit prise en compte dans le cadre de la révision en cours de la stratégie européenne de défense et de sécurité dans la lignée des Conseils européens de décembre 2013 et juin 2015.

Par ailleurs, afin de contrer la désinformation dans ce qui s'apparente bien souvent à une guerre d'influence, il serait opportun qu'elle investisse davantage dans le soft power , en se dotant notamment d'une communication en langue russe.

B. DÉFINIR UNE STRATÉGIE GLOBALE À L'ÉGARD DE LA RUSSIE

La pensée stratégique autour du monde russe s'étant appauvrie depuis la chute de l'URSS, une telle approche globale a fait défaut ces vingt dernières années . Cette absence de stratégie s'est traduite par une politique extérieure parfois hésitante et peu lisible à l'endroit de la Russie alors que celle-ci recherche avant tout reconnaissance, stabilité et prévisibilité dans ses relations.

A notre sens, la stratégie de la France devrait être d'amener la Russie à reprendre toute sa place sur la scène internationale dans le respect du droit . Pour cela notre diplomatie doit s'efforcer de tester la bonne volonté russe en acceptant un dialogue approfondi sur les dossiers en cours.

Il en est ainsi de la question syrienne , même si le rapide et dangereux passage à l'acte de la Russie, peu de temps après sa proposition de nouvelle coalition aux conséquences non encore totalement mesurées, rend cet exercice complexe.

L'exemple iranien a montré qu'il était possible de compartimenter les dossiers et de pouvoir compter pour certains d'entre eux sur une attitude positive de la Russie.

La France doit tenter de s'attacher à faire de la Russie le partenaire d'un monde multipolaire.

D'abord, parce qu'elle a retrouvé son crédit aux yeux des Russes. Sa participation certes tardive mais décisive à la gestion de la crise en Ukraine à travers le format de Normandie et les accords de Minsk, et la position équilibrée qu'elle s'efforce de tenir vis-à-vis des deux parties, font d'elle un interlocuteur reconnu.

Ensuite, parce que du fait d'un certain refroidissement des liens entre la Russie et l'Allemagne depuis cette crise, il y aurait pour elle une responsabilité spécifique à jouer auprès de la Russie, notamment pour faciliter les relations de celle-ci avec l'Union européenne.

Nous venons, par ailleurs, de solder l'affaire des BPC Mistral qui compliquait depuis un an nos relations avec la Russie.

Enfin, outre l'héritage historique de notre relation spéciale, qu'il nous est possible de réactiver, nous pouvons nous fonder sur des points communs et des convergences de vues en matière de politique étrangère : notre statut de puissance nucléaire et de membre permanent au Conseil de sécurité de l'ONU, l'expérience commune d'une histoire messianique, impériale et révolutionnaire, une position symétrique aux deux extrémités du continent européen, le souci de limiter l'influence américaine sur celui-ci et l'attachement à une certaine indépendance stratégique.

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