LE RÔLE DES ONG DANS LA PRÉPARATION DE LA COP21

Mme Alissa Scholl, juriste, membre de l'ONG Islands First . Je vous remercie de me permettre de m'exprimer aujourd'hui.

Ayant participé, aux côtés de Islands First , aux négociations de préparation de la COP21, en juin dernier à Bonn, c'est à ce titre, mais aussi en tant que citoyenne engagée, que je prends la parole aujourd'hui.

Islands First est une ONG new-yorkaise qui aide les petits Etats insulaires à lutter contre le changement climatique, en leur permettant notamment de se faire entendre dans l'enceinte des Nations-Unies.

Le premier point de mon intervention concerne les ONG face aux citoyens, puisque l'un des grands enjeux de la COP21 est précisément la mobilisation citoyenne. Face à l'inertie de certains décideurs, il est vraiment essentiel que naissent une mobilisation, un mouvement citoyen, comme facteurs de pression pour faire avancer les difficiles négociations onusiennes. On peut, par exemple, citer, parmi les initiatives allant en ce sens, la création de la coalition « Climat 21 », qui regroupe des ONG et crée ainsi un réel réseau militant, ou bien la « marche pour le climat », organisée en septembre 2014.

Il faut, par ailleurs, informer correctement les négociateurs des solutions concrètes déjà mises en oeuvre sur le terrain. Je pense, par exemple, au Livre des soixante solutions , élaboré par la Fondation Good Planet , dont le directeur général s'est exprimé plus tôt dans la journée. Des actions de ce type sont très pertinentes.

Pour mobiliser, il faut bien sûr sensibiliser et informer les citoyens. Cela passe, par exemple, par la mise en oeuvre de grandes campagnes d'affichage, menées par des ONG comme WWF, ou par l'organisation de happenings tels que ceux proposés notamment par Greenpeace .

Même si ces initiatives concernent un nombre croissant de citoyens, elles touchent surtout en général un public déjà averti et peinent à toucher un public moins engagé et un nombre plus important de personnes.

La société civile doit ainsi s'interroger aujourd'hui sur la manière de faire en sorte que les questions relatives au changement climatique entrent réellement dans la conscience collective de tous les citoyens.

Je pense qu'un travail plus intensif en amont de la COP21 aurait peut-être été nécessaire. Cela aurait pu se traduire, par exemple, par des campagnes d'affichage des ONG dans les lieux publics, dans les transports en commun, afin que chacun puisse prendre conscience du fait qu'il s'agit bel et bien d'un problème quotidien, qui concerne tout le monde, même si certains effets du changement climatique semblent encore éloignés. La sécheresse en Afrique ou la situation des petits pays insulaires nous concernent en effet directement.

J'aimerais enfin évoquer, pour ce qui est des négociations mêmes de la COP, la place occupée dans ce cadre par les technologies et l'innovation. Les négociateurs sont-ils vraiment en mesure de trouver une réponse adaptée à l'enjeu ? Il s'agit en effet de négociations très difficiles, extrêmement techniques et utilisant un vocabulaire spécifique. Qui connaît par exemple ici la signification de ADP, SBTSA, SBI ou même tout simplement de COP ? Le changement climatique étant un sujet éminemment technique, il est logique que le vocabulaire reflète cette technicité. Pour autant, cette complexité nuit parfois à l'examen de certaines questions essentielles, comme celles des pertes et dommages ou encore des sources de financements plus importants. La lutte pour les mots est parfois malheureusement plus importante que celle pour le climat. Ainsi, à quelque quatre-vingts jours de la COP21, on se retrouve avec un texte illisible et non adoptable en l'état. Les ONG se font donc peu d'illusions sur l'accord de Paris.

On peut néanmoins être optimiste, puisque des solutions existent et se déploient sur le terrain. On pense notamment au développement des énergies renouvelables et à l'amélioration de l'efficacité énergétique. Technologies et innovations ont toute leur place dans ces problématiques, ce que la COP commence à comprendre et à intégrer, par l'intermédiaire notamment du volet « Workstream 2 », qui vise à amplifier les engagements pré-2020 relatifs à l'atténuation, grâce à l'examen de politiques et de technologies à fort potentiel de réduction de gaz à effet de serre. Cet aspect intéresse particulièrement les ONG, dont Islands First , dans la mesure où ce forum doit permettre de discuter des initiatives concrètes. Il s'agit d'une opportunité, pour la société civile et le secteur privé, de participer plus activement aux négociations, en faisant des soumissions au Secrétariat ou en contribuant aux réunions d'experts organisées à l'occasion des négociations. Ainsi, la réunion de juin 2015, à laquelle j'ai fait allusion en introduction, portait, par exemple, sur l'ensemble des sujets (transports, bâtiment) abordés aujourd'hui.

Même si l'innovation et les technologies ont toute leur place au sein des négociations de la COP21, il ne faudrait pas pour autant que cela soit l'occasion de promouvoir de fausses bonnes idées. Il est donc important de pouvoir bénéficier de réels indicateurs permettant de considérer une technologie comme « verte ». La prise en compte de l'apport des ONG, qui portent sur bon nombre de ces sujets un regard différent, est donc nécessaire afin de permettre une confrontation fructueuse des points de vue.

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