II. UN SECTEUR DONT LE DÉVELOPPEMENT EST CONFRONTÉ À DES ENJEUX DE MIEUX EN MIEUX IDENTIFIÉS

Le développement des usages de la biomasse est identifié comme un enjeu économique, écologique et scientifique majeur dans le monde, depuis maintenant une dizaine d'années mais un peu plus récemment en France.

Plusieurs rapports (dont les références figurent en annexe) - l'OPECST a été particulièrement productif en ce domaine -, ont mis en évidence un certain nombre d'enjeux du développement des usages de la biomasse, dans ses principales composantes que sont le bois-énergie, la méthanisation et les biocarburants.

Doivent notamment être pris en considération les constats et conclusions de trois rapports récents, qui s'appuient eux-mêmes sur des travaux plus anciens :

- le rapport de mission sur « les usages non alimentaires de la biomasse » 6 ( * ) , en date de septembre 2012, établi à la demande de trois ministères, qui a abouti à une trentaine de recommandations dont certaines sont générales - sur l'évaluation des processus de production, la gouvernance de la filière, les transitions énergétique et écologique - et d'autres sont spécifiques à certains secteurs - bois, biocarburants de première génération et de deuxième génération, méthanation, chimie du végétal. Ce rapport présente aussi l'intérêt d'analyser la stratégie allemande d'incitation au développement des usages de la biomasse que l'OPECST a abordé dans son rapport de décembre 2014 sur la transition énergétique en Allemagne.

- le rapport de la mission d'information sur la biomasse au service du développement durable 7 ( * ) , présenté par M. François-Michel Lambert et Mme Sophie Rohfritsch, députés, en juin 2013, qui présente notamment l'intérêt de considérer la biomasse comme un ensemble cohérent plutôt que fractionné , dans le but d'appréhender la question des conflits d'usage. Ce rapport effectue un état des lieux de la filière et des options qui s'offrent aux pouvoirs publics, afin de définir une stratégie cohérente et ambitieuse.

- enfin, le rapport de mission de M. Jean-Yves Caullet 8 ( * ) , député, sur les défis de la filière forêt-bois , dans la perspective de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt 9 ( * ) , s'appuyant lui-même sur des travaux précédemment conduits et sur l'expérience des acteurs de la filière forêt-bois, identifie des objectifs stratégiques et des outils de politique publique à mettre en place pour lever les obstacles au développement de ce secteur en France.

S'il existe des dynamiques, encouragées par les pouvoirs publics, qui ont contribué au développement de la recherche sur les produits et procédés issus de la biologie, ces dynamiques n'ont pas conduit à l'élaboration d'une stratégie d'ensemble.

Sur ce point toutefois, le Sénat a souhaité prévoir dans le projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte que l'État définisse et mette en oeuvre une stratégie nationale de mobilisation de la biomasse.

Il est utile de cerner les enjeux de la définition d'une telle stratégie.

Ils portent sur la gouvernance, le financement et la coordination des politiques publiques dans le domaine de biomasse .

Il s'agit de créer un cadre favorable à la mutualisation des initiatives, au partage de l'information et au déploiement de financements adaptés à la réalisation d'objectifs bien identifiés.

A. JUSQU'À PRÉSENT, UN DÉFICIT DE STRATÉGIE PUBLIQUE

Malgré des dynamiques encouragées par les pouvoirs publics, le constat de la mise en place d'une stratégie cohérente s'impose.

1. Des dynamiques encouragées par les pouvoirs publics

Plusieurs initiatives convergentes démontrent l'intérêt des pouvoirs publics pour la recherche dans le domaine des usages de la biomasse et du développement des biotechnologies .

D'une part, le programme d'investissements d'avenir , mis en oeuvre par le Commissariat général à l'investissement, soutient plusieurs projets de recherche relevant de la bio-industrie :

- Des instituts d'excellence en énergie décarbonée : Institut National pour le Développement des Écotechnologies et des Énergies décarbonées (INDEED), Picardie Innovations Végétales, Enseignements et Recherches Technologiques PIVERT, Institut Français des Matériaux Agro-Sourcés (IFMAS) ;

- Un démonstrateur (Toulouse White Biotechnology ) destiné à « élaborer les biotechnologies industrielles les plus innovantes afin de favoriser l'émergence d'une bioéconomie fondée sur l'utilisation du carbone renouvelable » ;

- Un institut Carnot (« 3 Bcar » pour Bioénergies, Biomolécules et Biomatériaux du CArbone Renouvelable).

L'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et l'Institut français du pétrole Énergies nouvelles (IFPEN) ont mis en place un partenariat scientifique et technologique en vue de l' élaboration d'une stratégie commune de recherche et d'innovation en bioéconomie , qui sera portée plus largement par les deux alliances de recherche concernées, l'Alliance nationale de coordination de la recherche pour l'énergie (ANCRE) et l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement (AllEnvi).

La biomasse et les biotechnologies sont, par ailleurs, présentes au titre de deux des trente-quatre plans pour une « nouvelle France industrielle » (dont le nombre a été récemment réduit à dix) : plans « Industries du bois » et « Chimie verte et biocarburants ».

2. Un manque de vision d'ensemble

Un premier impératif est de parvenir à un diagnostic partagé, grâce à la mise en commun de données aux plans national, européen et mondial.

En effet, il n'existe pas de système cohérent de production de données pour le secteur de la biomasse . Même au sein d'une filière donnée, par exemple la filière forêt et bois, on trouve des données de sources éparses, parfois redondantes ou contradictoires. Le caractère foisonnant et décentralisé des initiatives y contribue.

Des progrès ont été accomplis, avec, par exemple, la mise en place d'une interface permettant l'échange de données au niveau de France Agri Mer . Des améliorations sont toutefois nécessaires car, au-delà de la mise en commun des données existantes, la définition d'outils de production de données est également nécessaire.

C'est pourquoi le rapport précité sur les usages non alimentaires de la biomasse préconise l'organisation d'un véritable système d'information sur la biomasse . Ce système d'information pourrait s'appuyer sur un observatoire de la biomasse , qui associerait l'ensemble des parties prenantes, afin de parvenir à un diagnostic légitime partagé.

Ce type de dispositif pourrait, par la suite, être promu aux niveaux européen et international.

3. Un « modèle français » à définir

Ce manque de vision d'ensemble se traduit par une difficulté à mettre en place des stratégies d'utilisation de la ressource biomasse. Pour le rapport précité de la mission parlementaire sur la biomasse au service du développement durable, « [le développement de la biomasse énergie] ne prendra son sens que si la France définit sa voie, sa vision stratégique, son approche de la biomasse. »

La France doit élaborer une « doctrine de valorisation » de ses ressources, qui sont abondantes : « L'Allemagne a fait ses choix, notamment celui des cultures dédiées. Les options françaises ont été prises pour le biogaz avec le plan « énergie méthanisation autonomie azote » ; elles doivent l'être rapidement pour le bois-énergie et pour les biocarburants. » 10 ( * )

C'est donc notamment l'absence de vision stratégique pour les secteurs du bois-énergie et des biocarburants qui est dénoncée. Mais, ce déficit de structuration rejaillit plus généralement sur les choix de filières et, en particulier, des obstacles semblent limiter le développement de la mobilisation des déchets à teneur significative en biomasse.

L'obligation d'adopter un schéma régional biomasse a été soulignée dans le cours de la discussion du projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte afin d'insister sur l'urgence de muscler la politique publique nationale en faveur de la biomasse.


* 6 Rapport de mission : « Les usages non alimentaires de la biomasse », établi par Mme Sylvie Alexandre, MM. Jean Gault, André-Jean Guérin, Etienne Lefebvre, Mme Catherine de Menthière, MM. Pierre Rathouis, Pierre-Henri Texier, Henri-Luc Thibault, Xavier Toussaint, Ingénieurs généraux des Ponts, des Eaux et des Forêts et M. Christophe Attali, Ingénieur général des Mines, à la demande du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt et du Ministère du redressement productif (septembre 2012).

* 7 Rapport d'information n° 1169 du 19 juin 2013, déposé par la mission d'information sur la biomasse au service du développement durable, au nom de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale, présenté par M. François-Michel Lambert et Mme Sophie Rohfritsch, députés.

* 8 « Bois & Forêts de France. Nouveaux défis. », Rapport de M. Jean-Yves Caullet, député, parlementaire en mission auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt (juin 2013).

* 9 Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt.

* 10 Rapport précité de la mission d'information sur la biomasse au service du développement durable.

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