B. LES POINTS D'AMÉLIORATION

Vos rapporteurs souhaitent suggérer plusieurs pistes d'amélioration, notamment afin de ne pas amplifier les difficultés des collectivités confrontées à la fois à l'inégalité de la répartition actuelle de la DGF et à la baisse des dotations.

a) Une ruralité qui reste oubliée : dotation de solidarité rurale et dotation de centralité

L'un des objectifs de la réforme semblait être de mieux accompagner les communes rurales, ainsi que les centres-bourgs ruraux. Si l'objectif peut être salué, les calculs utilisés pour ce faire donnent des résultats parfois incohérents, sans compter que certains départements ruraux sont fortement impactés par la fin des compléments de garantie prévue par la réforme.

Ainsi, la dotation de centralité est-elle littéralement siphonnée par la commune la plus peuplée par un calcul du rapport de population porté à la puissance 5 ! Cela revient à nier la réalité multipolaire de certains de nos territoires intercommunaux, sans compter que, parfois, la commune la plus peuplée n'est pas forcément celle qui porte les charges de centralité (exemple des communes résidentielles à forte population proches de centres urbains peu peuplés mais dotés d'équipements coûteux bénéficiant à l'ensemble du territoire). Ce calcul à la puissance 5 est d'autant plus surprenant que des calculs à une puissance moins élevée auraient pu se justifier tout autant.

Vos rapporteurs ont fait réaliser des simulations en proposant des facteurs de puissance de moindre importance. .

Sur un territoire comprenant 6 communes, de caractère multipolaire avec notamment un pôle (commune F) à 13 000 habitants et un pôle (commune E) à 10 000 habitants, la puissance 5 octroie à la commune F 78% de la dotation centralité alors que rien ne permet de dire qu'elle porte plus les charges de centralité que la commune E qui ne dispose que de 21% de la dotation ! Notons par ailleurs qu'avec ses 5 000 habitants, la commune D représentant près de 17% de la population et constituant fort probablement un petit centre-bourg rural typique, ne reçoit que 0,66% de la dotation.

La puissance 4 est légèrement plus respectueuse des équilibres mais n'offre que peu de différences par rapport à la puissance 5 : cette faible différence rend du coup moins pertinente encore la puissance 5 dont on comprend mal le choix initial.

La puissance 3 rééquilibre les proportions entre les deux premières communes, mais seule la puissance 2 permet de respecter le caractère potentiellement multipolaire du territoire en prenant en compte la commune D.

Ce cas montre le caractère inéquitable de la dotation de centralité telle que proposée initialement. Il ne montre pas nécessairement que le rapport à la puissance 3 ou à la puissance 2 doit être retenu : chaque territoire a une répartition différente de ses charges de centralité et des simulations plus précises devront être obtenues avant un choix définitif en la matière. Rien n'interdit d'ailleurs d'être imaginatif et de coupler un calcul simple (rapport porté à une certaine puissance) et un calcul plus complexe mais plus rationnel (nombre d'équipements gérés par la commune centre pour le compte de la population du territoire).

b) Des efforts en zone urbaine insuffisamment accompagnés : le cas de la dotation de solidarité urbaine (DSU)

À l'heure actuelle, la dotation de solidarité urbaine est calculée selon un indice synthétique composée pour 45% du rapport entre le potentiel financier moyen par habitant des communes de 10 000 habitants et plus et le potentiel financier par habitant de la commune ; pour 15%, du rapport entre la part des logements sociaux de la commune dans son parc total de logements et la part des logements sociaux dans le parc total de logements des communes de 10 000 habitants et plus ; pour 30%, du rapport entre la proportion par logement de personnes couvertes par des prestations logement dans la commune et la proportion de personnes couvertes par ces mêmes prestations dans les communes de 10 000 habitants et plus ; pour 10%, du rapport entre le revenu moyen des habitants des communes de 10 000 habitants et plus et le revenu moyen des habitants de la commune.

36% des élus souhaitaient dans le cadre de la réforme de la DGF une meilleure prise en compte du revenu par habitant comme clé de répartition 11 ( * ) . Jusqu'à présent, aucune simulation n'avait vraiment été effectuée sur les calculs des indices synthétiques de DSU. Il est vrai que les choix en la matière sont compliqués. Toutefois, compte tenu de la demande des élus locaux, vos rapporteurs ont demandé une simulation sur la base d'un critère « revenu » porté de 10 à 15% en contrepartie d'une modération du potentiel financier ramené de 45% à 40%. Sur les 740 communes éligibles en 2015, 47% verraient leur rang évoluer de moins de 20 places et 11% de plus de 30 places. Globalement, les effets d'une telle réforme seraient limités et pourraient mieux traduire les différents potentiels de richesse des collectivités. L'équilibre idéal en la matière reste à trouver mais ces simulations démontrent que, loin d'être impossibles, ces réformes, souhaitées par un certain nombre d'élus, sont réalisables et potentiellement soutenables dans le temps.

Il est vrai que la politique de la ville bénéficie d'aides spécifiques et que la seule dotation globale de fonctionnement ne couvre pas l'ensemble des efforts existants en la matière. Toutefois, certains de ces efforts n'ont pas été compensés par les différentes dotations, créant un sentiment d'iniquité parmi les territoires urbains. Ainsi, depuis 2009, le « socle » de la DSU n'a pas connu de réajustement, alors qu'a eu lieu depuis le recensement et la réforme de la taxe professionnelle. Cette forfaitisation a eu pour effet de ne pas récompenser les territoires qui ont pu être particulièrement actifs entre 2009 et 2015 sur leur politique de logement urbain.

Vos rapporteurs ont donc également demandé un calcul des DSU « socles » héritées de 2008 au vu des paramètres de 2015. Les résultats montrent l'importance que ce non-rattrapage a pu avoir tant sur les collectivités concernées que sur le sentiment d'abandon que certains territoires urbains peuvent ressentir. Mais il montre aussi que ce rattrapage est devenu impossible à réaliser en une seule année (certaines collectivités perdraient ou gagneraient plus de 3 millions d'euros). Toutefois, un rééquilibrage avec un lissage dans le temps pour accompagner au mieux la réforme de la DGF - au moins pour les collectivités qui auraient été oubliées - gagnerait à être imaginé.

De la même manière, un recentrage de la DSU couplé à la fin des effets de seuil de ces dotations-cibles doit permettre de redonner à cette même dotation sa vocation de soutien aux communes les plus défavorisées. Les simulations réalisées démontrent que ce recentrage couplé à une dégressivité et un lissage de la sortie des dispositifs ne remettrait nullement en cause l'importance de cette aide pour les communes prioritaires.

c) Des équilibres territoriaux qui restent à trouver

Le Coefficient d'intégration fiscale a toujours été considéré comme l'élément le plus rationnel et le plus facile à calculer pour approcher de manière la plus juste possible la répartition des compétences et des charges entre communes et intercommunalités. Dans les faits, ce calcul n'en est pas pour autant représentatif de la réalité des transferts de compétence. En effet, la répartition des compétences est très inégale d'une intercommunalité à une autre.

De même, la façon d'exercer ces compétences est relativement différente, créant des inégalités de traitement parfois flagrantes d'un endroit à l'autre, sans pour autant être traduit par la répartition du CIF. Sans pour autant aller vers une uniformisation des compétences et/ou un coefficient d'intégration fonctionnel dont les modalités de calcul sont loin de susciter l'unanimité, une réflexion sur la réalité des compétences transférées et des charges pesant sur les collectivités à ce titre devrait pouvoir être intégrée aux décisions qui présideront aux futures réformes.

d) Un lissage dans le temps nécessaire mais complexe

Pour être soutenable, une réforme d'ampleur doit nécessairement pouvoir lisser ses effets dans le temps. Il n'est donc pas ici question de critiquer le principe même de lissage de la réforme. En limitant à 5% de baisse ou de gain les effets de la réforme sur une année, l'objectif de soutenabilité de la réforme semble être - de ce point de vue - atteint. Mais cela se fait au prix de sa crédibilité ! En effet, les études du cabinet Klopfer montrent que certaines collectivités seraient encore dans vingt-cinq ans dans ce fameux « tunnel » de la réforme. Le lissage est absolument nécessaire mais il doit pouvoir être étudié au regard des objectifs de la réforme, qui consistent à permettre un rééquilibrage durable des dotations de nos territoires.

Cette problématique du lissage dans le temps se double de questions de soutenabilité liées aux conditions de l'écrêtement de 3% appliqué aux dotations en fonction du potentiel fiscal pour financer les besoins internes de la DGF. Dans les faits, malgré ce tunnel de +/- 5%, les simulations pouvaient faire apparaître des baisses de - 8 %, voire plus dans certains cas particuliers. Ce lissage à double vitesse a été en partie à l'origine des incompréhensions que la réforme présentée fin 2015 a pu susciter. Ce lissage est nécessaire mais il doit être commun, partagé et lisible par tous : il doit être soutenable dans les court et moyen termes tout en gardant son sens dans le long terme.


* 11 Sondage publié dans Le Courrier des Maires n° 295.

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