N° 602

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 mai 2016

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur l' enquête de la Cour des comptes sur l' adaptation aux besoins des moyens matériels et humains consacrés à l' imagerie médicale ,

Par M. Daniel CHASSEING,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Alain Milon , président ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général ; M. Gérard Dériot, Mmes Colette Giudicelli, Caroline Cayeux, M. Yves Daudigny, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Gérard Roche, Mme Laurence Cohen, M. Gilbert Barbier, Mme Aline Archimbaud , vice-présidents ; Mme Agnès Canayer, M. René-Paul Savary, Mme Michelle Meunier, M. Jean-Louis Tourenne, Mme Élisabeth Doineau , secrétaires ; M. Michel Amiel, Mme Nicole Bricq, MM. Olivier Cadic, Jean-Pierre Caffet, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Noël Cardoux, Daniel Chasseing, Olivier Cigolotti, Mmes Karine Claireaux, Annie David, Isabelle Debré, Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Chantal Deseyne, M. Jérôme Durain, Mmes Anne Emery-Dumas, Corinne Féret, MM. Michel Forissier, François Fortassin, Jean-Marc Gabouty, Mme Françoise Gatel, M. Bruno Gilles, Mmes Pascale Gruny, Corinne Imbert, MM. Éric Jeansannetas, Georges Labazée, Jean-Baptiste Lemoyne, Mmes Hermeline Malherbe, Brigitte Micouleau, Patricia Morhet-Richaud, MM. Jean-Marie Morisset, Philippe Mouiller, Louis Pinton, Mmes Catherine Procaccia, Stéphanie Riocreux, M. Didier Robert, Mme Patricia Schillinger, MM. Michel Vergoz, Dominique Watrin, Mme Evelyne Yonnet .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'enquête réalisée par la Cour des comptes à la demande de la commission des affaires sociales du Sénat sur l'imagerie médicale est un exemple d'appui à la décision publique.

Particulièrement complète et très bien documentée sur tous les aspects de l'imagerie, mais aussi sur la radiologie interventionnelle qui doit être développée, elle insiste sur le caractère structurant et innovant de l'imagerie médicale qui est au coeur du diagnostic et du suivi thérapeutique. Mais elle pointe aussi un certain retard d'équipement, un important déficit de régulation, une inégalité de la répartition de l'offre territoriale en matière d'accès aux soins, un déséquilibre entre l'exercice libéral et l'exercice public et un volet important d'actes non pertinents sources de surcoûts.

La Cour trace trois leviers d'action qui paraissent pertinents à votre commission : favoriser l'innovation, réorganiser l'offre, revaloriser l'imagerie hospitalière.

Votre rapporteur a été particulièrement sensible au constat des délais d'attente particulièrement longs sur certains de nos territoires et aux inégalités d'accès qui sont sources de frustration, de multiplication d'actes inutiles et parfois, malheureusement, de perte de chance. Les perspectives tracées par la Cour des comptes doivent permettre d'offrir à tous les patients, où qu'ils résident, l'accès aux techniques les plus adaptées dans un temps raisonnable.

L'audition conjointe de la Cour des comptes et de la direction générale de l'offre de soins (DGOS), le mercredi 11 mai 2016, a permis d'établir que le constat dressé par cette enquête est partagé par les autorités de tutelle. La directrice générale de l'offre de soins a, de plus, annoncé qu'elle était favorable à la mise en oeuvre des réformes préconisées par la Cour s'agissant des conditions associées aux autorisations d'installation d'équipements (participation à la permanence des soins hospitaliers, partage des informations, remontée d'informations sur l'utilisation des machines d'imagerie) et à la revalorisation des postes à l'hôpital dont 40 % sont non pourvus.

La directrice générale de l'offre de soins a par ailleurs annoncé que les autorisations en matière d'imagerie médicale, dont le régime doit être réformé par voie d'ordonnance, porteraient non plus sur les équipements, mais sur l'activité. Ce serait là le moyen d'un meilleur pilotage de l'offre de plateaux techniques complets sur le territoire.

Les groupements hospitaliers de territoire (GHT) qui doivent servir de base à la mise en place de plateaux d'imagerie mutualisés entre les hôpitaux publics d'un territoire peuvent être le moyen de compléter les équipements publics, d'assurer une meilleure attractivité des postes et de dégager des moyens pour financer l'innovation. La difficulté de mise en place des GHT impose cependant une vigilance accrue. Votre commission souligne l'importance qui doit être accordée au projet médical comme préalable à tout regroupement et estime illusoire de mettre en place des mutualisations qui ne seraient pas portées par les acteurs.

De même, l'idée d'équipes mobiles, mise en avant par la directrice générale de l'offre de soins, doit être envisagée avec prudence. S'il est utile que des établissements ou des équipements puissent continuer à fonctionner sur l'ensemble du territoire grâce à l'apport de professionnels de santé qui y seront présents un ou deux jours par semaine, il convient de ne pas précariser les équipes ou renforcer la centralisation régionale autour des CHU.

Les plateaux d'imagerie mutualisés (PIM) réunissant public et privé doivent également participer au développement de l'offre territoriale.

Lors de leur audition par votre rapporteur, les syndicats de médecins radiologues publics et privés ont relativisé l'opposition entre exercice libéral et exercice à l'hôpital public. Les praticiens ont insisté sur la nécessité d'une approche pragmatique qui permette la mutualisation des moyens à travers des plateaux d'imagerie communs publics et privés plutôt que d'opposer libéraux et hospitaliers. Ils ont également beaucoup insisté pour que des moyens suffisants soient mis au service de l'innovation. La Cour des comptes note d'ailleurs que le parc d'équipement français s'est amélioré mais reste inférieur à la moyenne des pays de l'OCDE. Elle souhaite le développement des IRM et de la médecine nucléaire.

Médecins hospitaliers et libéraux partagent ce souhait afin d'améliorer l'accès aux soins, c'est-à-dire réduire les inégalités géographiques.

Ceci suppose, pour les syndicats de médecins publics, de sanctuariser le budget de renouvellement des équipements hospitaliers, et pour les libéraux, de ne pas mettre en oeuvre la préconisation de la Cour des comptes sur la baisse du prix de certains actes d'imagerie. La FNMR a également souligné la nécessité de revaloriser les actes médicaux de manière adéquate. Enfin, elle a relativisé l'importance des dépassements autorisés par la signature de l'avenant 8, problème pointé par la Cour des comptes.

Votre rapporteur a été frappé de constater que les écarts de rémunération entre public et privé ne sont pas, pour les médecins hospitaliers qu'il a auditionnés, la raison première de la fuite des jeunes radiologues de l'hôpital public. C'est d'abord, selon eux, la lourdeur du système que freinent la prise de postes, l'accès aux équipements et donc l'attractivité.

La présidente de la Haute Autorité de santé (HAS), Mme Agnès Buzyn, a pour sa part insisté, lors de son audition par votre rapporteur, sur la nécessité de raisonner en termes de filière de soins pour l'accès aux équipements plus qu'en simple quantité de machine ou d'actes. Les syndicats de radiologues avaient également reconnu l'importance de l'organisation territoriale pour l'accès à l'imagerie. Mme Buzyn a souligné, à juste titre, la nécessité d'éviter les actes inutiles pour limiter l'exposition des patients à la radiation.

Tous les interlocuteurs de votre rapporteur ont insisté sur un phénomène inquiétant. Le manque de radiologues dans les hôpitaux publics, même en région parisienne, a poussé certains établissements à externaliser la lecture des images dans des conditions légalement douteuses à des plateformes situées à l'étranger, notamment en Roumanie, en Pologne mais aussi en Inde. Lors de son audition, la Cour des comptes a confirmé cette situation et formulé la recommandation suivante : « La réponse que l'on peut opposer à ces externalisations aventureuses est la charte de téléradiologie, qui a été établie par la société française de téléradiologie. Elle distingue bien le télédiagnostic, basé sur la mise en réseau des cliniciens et des radiologues, dans une logique territoriale partagée, de la télé-expertise, fondée sur la recherche pour le patient des meilleures ressources humaines radiologiques ». Il pourrait donc être utile de rendre cette charte opposable en lui donnant un statut réglementaire ou, éventuellement, législatif.

A la suite de l'enquête de la Cour des comptes, votre rapporteur souhaite insister sur plusieurs points .

Il paraît particulièrement important de généraliser la mutualisation et l'échange numérique des images , les Pacs , qui pourraient diminuer de 40 % le nombre d'actes redondants . Le développement de ces Pacs, mais aussi la mise en place d'un identifiant unique du patient, doivent permettre d'améliorer la pertinence des actes et de dégager des marges de manoeuvres. L'échelon régional a paru aux interlocuteurs de votre rapporteur comme la bonne dimension pour déployer ces instruments. Des objectifs précis en la matière, élaborés par la DGOS, pourraient être utiles pour accompagner ce mouvement.

Cette démarche pour diminuer les actes inutiles devrait être renforcée par les travaux qu'engage la HAS, dont la présidente a indiqué à votre rapporteur qu'elle allait désormais travailler sur la pertinence des actes . Ce point est crucial pour l'avenir, particulièrement dans le domaine de l'imagerie qui est le préalable nécessaire à un nombre croissant de diagnostics et de soins.

Même si la HAS élabore des référentiels par pathologie et pas par discipline, il paraît essentiel aux yeux de votre rapporteur que les préconisations en matière d'imagerie soient développées avec les professionnels du secteur . Ce serait là un instrument utile pour la maîtrise médicalisée des soins. Les professionnels, notamment les médecins généralistes, et l'assurance maladie pourraient s'appuyer sur ces référentiels pour faire évoluer leurs pratiques.

La Cour des comptes indique d'ailleurs qu'une économie importante pourrait être réalisée sur les actes d'échographie qui sont faits seulement pour moitié par des radiologues. Sans doute une meilleure régulation de l'accès aux équipements d'échographie pourrait-elle participer à ces économies. Il paraît en tous cas essentiel de rendre obligatoire la rédaction d'un compte rendu pour tout acte d'échographie.

Il convient de développer l'imagerie médicale en France dans les meilleures conditions d'accès. Le rapport de la Cour des comptes montre que la France a encore des efforts à faire dans ce domaine, mais qu'elle dispose de marges de manoeuvre en matière de financement de l'innovation qu'il convient d'utiliser.

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