IV. L'EAU N'EST PAS SEULEMENT CE QUE L'ON CROIT

A. LES DIFFÉRENTES DÉFINITIONS DE L'EAU

1. Les couleurs de l'eau

On l'ignore souvent mais l'eau n'est pas que transparente : on appelle « eau bleue » celle qui est prélevée pour l'agriculture irriguée, « eau verte » celle utilisée directement par l'agriculture pluviale et « eau grise » l'eau usée domestique ou industrielle rejetée dans le milieu naturel 29 ( * ) .

2. Eau réelle, eau virtuelle

Pour appréhender l'eau dans sa globalité, on ne peut se contenter de mesurer celle que l'on voit.

a) L'eau visible

Faut-il le dire, c'est celle que l'on peut voir, qui alimente les fleuves et les rivières, les lacs, les canaux, qui se stocke dans les glaciers ou les nappes phréatiques.

S'agissant de l'eau potable, celle-ci est produite à partir d'eaux brutes, superficielles ou souterraines, ces dernières étant le plus souvent de meilleure qualité. Le choix de la ressource s'effectue en tenant compte de plusieurs critères : disponibilité des ressources et adéquation au volume des besoins ; qualité, en retenant évidemment en premier lieu les ressources les moins polluées ; enfin, sécurité de l'approvisionnement, qui suppose de prévoir une alimentation de substitution en cas d'incident ou d'indisponibilité du point d'eau choisi.

• Les eaux superficielles

Les prises d'eau de surface sont situées sur des cours d'eau ou dans des retenues naturelles ou artificielles. Destinées notamment à alimenter en eau potable les collectivités, ces prises d'eau sont implantées le plus souvent en amont des villes, là où la qualité de l'eau n'est pas encore dégradée par les rejets. L'aménagement consiste en un ouvrage équipé de pompes destinées à transporter l'eau jusqu'à la station de traitement.

• Les eaux souterraines

Les eaux souterraines peuvent être captées de manière différente suivant leur origine : captage de sources pour les eaux qui émergent naturellement ; puits ou forage pour celles qui proviennent de nappes phréatiques ou profondes. L'équipement consiste en des pompes qui relèvent l'eau à la surface puis la transportent jusqu'à la station de production d'eau potable. Le coût du traitement est alors bien moindre que celui des eaux superficielles.

b) L'eau invisible et l'empreinte « eau »

L'eau virtuelle est celle qui correspond à la quantité nécessaire pour produire les biens de consommation sans que le consommateur final, souvent, en connaisse l'ampleur. C'est une notion importante à prendre en compte, car elle est de nature à modifier les ordres de grandeur et la compréhension du commerce international. « Raisonner en termes d'eau virtuelle bouleverse votre vision du monde. Vous croyez que le Maroc vend des tomates à la France ? En apparence, car c'est surtout de l'eau que le royaume chérifien exporte. Lorsqu'un camion quitte Tanger pour l'Espagne avec, à son bord, 20 tonnes de tomates, il faut avoir à l'esprit qu'au moins cent autres camions l'accompagnent, cent camions-citernes transportant chacun 20 mètres cubes d'eau, les 2 000 mètres cubes nécessaires à ces tomates (le calcul est facile : pour faire sortir d'un hectare 45 tonnes de tomates, il faut apporter à la terre 4 500 mètres cubes d'eau) 30 ( * ) . »

Pour le dire autrement : « L'eau virtuelle permet d'équilibrer le bilan hydrologique d'un pays sans importer réellement de l'eau. 31 ( * ) » C'est aussi une façon d'externaliser les conflits d'usages 32 ( * ) .

En 2007, seule année actuellement disponible pour l'établissement de ce calcul complexe, 15 milliards de mètres cubes ont été utilisés à l'étranger pour produire les biens et services importés par la France . La même année, la quantité d'eau utilisée en France pour produire des biens exportés s'est élevée à 6,6 milliards de mètres cubes. La France est donc virtuellement importatrice nette d'eau associée à ses échanges extérieurs pour 8,4 milliards de mètres cubes 33 ( * ) .

L'empreinte « eau », ou empreinte « sur l'eau », est le volume total d'eau virtuelle utilisée pour produire un produit ou un service, autrement dit le niveau de pression qu'une population exerce, par sa consommation, sur la ressource en eau au niveau mondial. C'est un indicateur fondé sur la consommation effective d'eau aux différents stades de la production d'un produit par le consommateur ou le producteur. En 2007, l'empreinte eau de la France était supérieure de 25 % à la quantité d'eau prélevée sur le territoire, soit 40 milliards de mètres cubes.

Il faut en conclure qu'« au travers de l'eau virtuelle ainsi échangée, c'est un gigantesque réseau d'irrigation interconnectée qui transparaît entre l'ensemble des pays du monde et leurs habitants » 34 ( * ) .


* 29 L'Eau, un trésor en partage - Ghislain de Marsily - Dunod - 2009.

* 30 L'Avenir de l'eau. Petit précis de mondialisation II - Érik Orsenna - Fayard - 2008.

* 31 L'Eau, un trésor en partage - Ghislain de Marsily - Dunod -2009.

* 32 Audition de Sophie Auconie, gouverneure au Conseil mondial de l'eau - 7 juillet 2015.

* 33 L'eau et les milieux aquatiques : Chiffres clés - Commissariat général au développement durable - Février 2016.

* 34 Daniel Zimmer, agronome et chercheur en hydrologie, directeur du Comité mondial de l'eau.

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