L'UNION EUROPÉENNE, INDISPENSABLE FACILITATEUR

Au-delà des négociations Union européenne-Turquie, les négociations intercommunautaires font l'objet, depuis 2004, d'un suivi spécifique de la part de la Commission européenne. L'intégration du nord de l'île est déjà prévue dans le droit européen, comme en témoigne le Protocole n° 10 annexé à l'acte d'adhésion de Chypre à l'Union européenne.

L'UNION EUROPÉENNE ET LE NORD DE L'ÎLE

La Commission européenne dispose en « RTCN » d'un Bureau d'appui depuis 2004 et d'un Office d'information, ouvert en mai 2015. Un support financier a également été mis en place dès 2006 12 ( * ) . Un programme quinquennal avait alors été établi et doté de 259 millions d'euros. Depuis 2011, l'aide a pris la forme de dotations annuelles de 30 millions d'euros. De fait, entre 2006 et fin 2014, un montant de 370 millions d'euros a été programmé pour des opérations. Elles visent le développement économique et social de la partie nord, le soutien aux projets d'infrastructures, l'aide à la société civile et la préparation à la réunification et à l'intégration de l'acquis communautaire concomitante. L'intervention européenne a notamment permis l'aboutissement de projets de voiries afin de respecter les standards européens ou la mise en place de la première station d'épuration dans la zone 13 ( * ) . Elle permet de faire face à l'absence de stratégie d'investissement privé locale, le secteur public étant, par ailleurs, largement subventionné par Ankara.

Le protocole n° 10 annexé à l'acte d'adhésion de Chypre à l'Union européenne prévoit, par ailleurs, que rien n'empêche l'adoption de mesures visant à favoriser le développement économique des zones où la République de Chypre n'exerce pas de contrôle direct (article 3.1). Un règlement de 2004, dit « Ligne verte », est venu par ailleurs préciser la position de l'Union européenne sur l'article 2 dudit protocole sur la législation européenne applicable sur la ligne de démarcation, concernant la liberté de circulation des personnes et des marchandises 14 ( * ) . Une Task force pour la communauté chypriote-turque a été mise en place pour la bonne application de ce dispositif. Elle travaille avec le Bureau d'appui. Dans l'optique d'une prochaine réunification, la Task Force a récemment été transférée de la Direction générale du voisinage et des négociations d'élargissement (NEAR) à la Direction générale de la politique régionale et urbaine (REGIO).

LE SUIVI DES NÉGOCIATIONS

La Commission européenne dispose d'un envoyé spécial auprès de la mission de bons offices menée par les Nations unies. Il s'agit du Belge Pieter van Nuffel, nommé une première fois en 2012 et dont le mandat a été prorogé en juillet 2015. Il est placé sous la responsabilité directe du président de la Commission européenne. Il travaille conjointement avec le représentant des Nations unies, le Norvégien Espen Barth Eide. Il est plus spécifiquement chargé de faire le lien avec la Commission européenne et solliciter son appui technique. Ce positionnement particulier de la Commission européenne vise à éviter qu'elle soit par trop partie prenante dans la négociation, au risque d'alimenter la critique venant du nord de l'île qui considère que l'Union européenne défend avant tout les positions de la République de Chypre. La Commission européenne a exprimé, en tout état de cause, son souhait de voir l'île réunifiée prochainement, son président, M. Jean-Claude Juncker, estimant même le 15 janvier dernier que celle-ci pourrait intervenir avant la fin du premier semestre 2016.

Aux termes de l'article 1 er du Protocole n°10 cité plus haut, l'application de l'acquis communautaire est simplement suspendue dans la partie nord de l'île. La « RTCN », soutenue par la Turquie, souhaite pourtant que soient mises en place des dérogations permanentes à l'acquis communautaire. Ces exceptions sont censées constituer une garantie pour le caractère bizonal et bicommunautaire du nouvel État. Elles devraient être inscrites dans le droit primaire européen, les autorités chypriotes-turques appelant à la rédaction d'un nouveau Traité d'adhésion. La Commission européenne est assez réservée sur cette option, qui impliquerait une ratification par tous les États membres. La France a également exprimé son opposition de principe aux dérogations permanentes, jugeant qu'elles ne pouvaient être que limitées dans le temps et justifiées.

Dans le cadre des négociations à venir sur les propriétés et l'ajustement territorial, les autorités du nord, appuyées par la Turquie, souhaiteraient ainsi limiter l'exercice des droits de propriété et de vote des membres des communautés vivant dans l'État constituant de l'autre communauté, via l'instauration d'un droit de séjour. À l'instar des dispositions prévues dans le Plan Annan, de telles mesures ne sont pas sans susciter des réserves quant à leur adéquation avec l'exercice des quatre libertés prévues par les traités européens : liberté de circulation des biens et des personnes, liberté d'installation et libre prestation de services.

D'autres questions mériteront par ailleurs une attention particulière dès lors que la réunification sera mise en oeuvre : la question de mise en circulation de l'euro, celle, plus problématique, de l'absorption de la dette de la partie nord, ou celle de l'amélioration des standards des produits turco-chypriotes, ceux-ci n'étant pas encore présents sur le marché européen. Des domaines prioritaires apparaissent en la matière afin de respecter les critères européens de sécurité alimentaire et de santé animale et les normes phytosanitaires. L'entrée dans l'Union douanière impliquera en outre des mesures d'ajustement en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée ou les droits d'accises.

Un Comité bicommunautaire sur la préparation à l'Union européenne a, en tout état de cause, été mis en place dans le cadre des négociations. Il s'est réuni pour la première fois en septembre 2015 . Il a pour mandat de préparer la communauté chypriote-turque à l'intégration de l'acquis communautaire. Il est composé de trois représentants de chacune des parties. Il doit désormais identifier pour chaque domaine de l'acquis les actions nécessaires pour une mise à niveau. Les autorités du Nord souhaitent, en outre, que ses fonctionnaires puissent se former en République de Chypre. Aucun accord n'est encore intervenu sur ce point. Un renforcement de l'assistance technique européenne sera, quoi qu'il en soit, indispensable en vue de former l'administration du nord de l'île.

*

C'est dans ce contexte que votre rapporteur vous propose d'adopter une proposition de résolution européenne destinée à accompagner la position de l'Union européenne dans le processus de négociations. Cette résolution sera doublée d'un avis politique qui en reprendra les termes et sera transmis directement à la Commission européenne, dans le cadre du dialogue politique noué avec elle depuis 2005.


* 12 Règlement (CE) n°389/2006 du 27 février 2006 portant création d'un instrument de soutien financier visant à encourager le développement économique de la communauté chypriote-turque et modifiant le règlement (CE) n°2667/2000 relatif à l'Agence européenne pour la reconstruction.

* 13 Neuvième rapport annuel 2014 sur la mise en oeuvre de l'aide communautaire conformément au règlement (CE) n°389/2006 du 27 février 2006 portant création d'un instrument de soutien financier visant à encourager le développement économique de la communauté chypriote-turque et modifiant le règlement (CE) n°2667/2000 relatif à l'Agence européenne pour la reconstruction (COM (2015) 208 final).

* 14 Règlement n°886/2004 du 29 avril 2004 concernant un régime en application de l'article 2 du protocole n° 10 de l'acte d'adhésion de 2003.

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