B. FACILITER LES OPÉRATIONS D'AMÉNAGEMENT

En matière d'aménagement, vos rapporteurs ont souhaité répondre à certaines demandes de simplification exprimées par les professionnels concernant la procédure de zone d'aménagement concerté (ZAC).

Il est proposé en premier lieu de donner la faculté aux collectivités de fusionner les deux délibérations de création et de réalisation d'une ZAC , ce qui peut avoir un sens pour des projets d'aménagement d'un faible niveau de complexité, dont les éléments sont connus de manière précoce. Il n'est pas prévu de critère pour définir ce qu'est une « petite » ZAC. La fusion des délibérations serait décidée en opportunité par la collectivité.

Par ailleurs, il est proposé d'ouvrir la faculté de reporter l'étude d'impact au moment du dossier de réalisation de la ZAC . L'étude d'impact est en effet devenue l'étape clef de la procédure de ZAC. Son contenu va encore devenir plus exigeant. Or, le code de l'urbanisme impose qu'elle soit produite lors du dossier de création , c'est-à-dire à un moment où le projet n'est en général qu'esquissé, et où l'aménageur n'a pas été désigné (du moins en cas de mise en concurrence). Ceci implique que l'étude d'impact doit quasi systématiquement être complétée lors de la confection du dossier de réalisation (complément qui dans bien des cas revient à refaire une seconde étude d'impact), il en résulte un gaspillage de dépenses d'études et surtout un allongement des délais, puisqu'une nouvelle saisine de l'autorité environnementale s'avère alors nécessaire. Aussi est-il proposé que soient modifiés les contenus respectifs des dossiers de création et de réalisation, en reportant la production de l'étude d'impact au niveau du dossier de réalisation.

C. ACCÉLÉRER ET RÉDUIRE LE CONTENTIEUX DE L'URBANISME

En matière de contentieux de l'urbanisme, les délais de jugement restent longs : 1 an et 11 mois en moyenne pour les tribunaux administratifs, 1 an et 6 mois pour les cours administratives d'appel et 10 mois pour le Conseil d'État. Un projet de construction peut ainsi potentiellement connaître un retard de plus de quatre ans pour des raisons uniquement liées à une procédure contentieuse. La tendance est certes plutôt à la baisse avec, entre 2010 et 2015, une réduction des délais moyens de jugement de quatre mois en matière environnementale et de deux mois en matière d'urbanisme pour les tribunaux administratifs. Mais ce mouvement est encore insuffisant et doit pouvoir être accompagné et renforcé, comme en témoigne les auditions auxquelles a procédé le groupe de travail.

L'ordonnance « Labetoulle » de juillet 2013 et le décret n° 2013-879 du 1 er octobre 2013 relatif au contentieux de l'urbanisme ont engagé une série d'améliorations en la matière et ont notamment permis :

- de mieux circonscrire la définition de l'intérêt à agir - mesure largement saluée par les professionnels ;

- de permettre aux parties de demander la cristallisation des moyens -mesure efficace dans les faits uniquement si elle est demandée par les parties ;

- de supprimer l'échelon d'appel pour les zones tendues jusqu'au 1 er décembre 2018 - mesure très efficace puisqu'elle réduit mécaniquement de près de 18 mois la procédure contentieuse, mais qui commence à peine à produire ses effets.

Si ces deux textes ont eu un effet positif, force est de constater qu'il reste encore limité et ne répond encore que partiellement à l'enjeu crucial de la réduction des délais de jugement. C'est la raison pour laquelle vos rapporteurs proposent de compléter et de prolonger les avancées de 2013 par un certain nombre de mesures pragmatiques dont l'impact devrait être d'accélérer les procédures contentieuses.

Il est ainsi proposé de donner au juge la possibilité de soulever d'office la cristallisation des moyens . Jusqu'à présent, il ne pouvait le faire qu'à la demande d'une des parties. Or, en matière d'urbanisme, c'est souvent l'échange même des mémoires entre les parties qui ralentit les procédures. Cette cristallisation soulevée d'office, élevée au niveau législatif, permettrait de mettre définitivement fin à certaines procédures dilatoires tout en réduisant significativement les délais de jugement.

Par ailleurs, il est proposé d'imposer aux requérants en matière d'urbanisme la rédaction de conclusions récapitulatives qui lieraient les parties, à l'image de la procédure civile : en conjonction avec la cristallisation des moyens, cela permettrait à la fois de réduire les délais de jugement et de faciliter le travail tant des juges que des parties, en sécurisant notamment juridiquement les dispositifs de jugement pour les cas d'appel. L'intérêt est de rendre obligatoire la production de ces conclusions récapitulatives en matière d'urbanisme, de façon à ce que le juge ne soit pas obligé de les demander par échanges de courriers. Le nombre important d'échanges de mémoires dans les dossiers d'urbanisme - souvent complexes à analyser - justifie l'inscription de cette simplification dans la partie législative du code de l'urbanisme. La généralisation des conclusions récapitulatives en contentieux de l'urbanisme permettra également tant au juge qu'aux différentes parties d'avoir une vision claire et précise des moyens soulevés par la partie adverse, permettant une meilleure transparence et une simplification de la procédure pour tous.

Il est également proposé d'instaurer en procédure administrative un mécanisme de caducité de l'instance sur le modèle de la procédure civile : tout requérant qui ne produirait pas dans un certain délai un élément demandé par le juge serait réputé s'être désisté, rendant caduque l'instance avec impossibilité de réintroduire une nouvelle requête sur la même affaire. Le requérant pourra toutefois s'opposer valablement à la procédure de caducité s'il justifie de l'impossibilité ou de difficultés particulières qu'il rencontre pour obtenir les documents sollicités. L'objectif n'est pas ici de permettre au juge de demander une pièce complémentaire, le code de justice administrative le prévoyant déjà, mais de lutter contre les procédures dilatoires propres au contentieux de l'urbanisme où certaines parties ont intérêt à ne pas produire certaines pièces ou à le faire tardivement. Le système proposé rend caduque d'office la requête déposée par un requérant qui ne présenterait pas la pièce demandée, dans un délai de 3 mois à partir du dépôt s'il s'agit d'une pièce nécessaire au dépôt du dossier (rappel du greffe), ou de 3 mois à compter de la date où le juge le demande en cours d'instruction (rappel du juge).

Le décret n° 2013-879 du 1 er octobre 2013 relatif au contentieux de l'urbanisme a supprimé l'appel en matière de contentieux de l'urbanisme dans les zones tendues du 1 er décembre 2013 au 1 er décembre 2018. Cette mesure, qui n'a pas engorgé le Conseil d'État en cassation, réduit mécaniquement les délais de jugement, l'appel durant, en moyenne, 18 mois. Après s'être interrogés sur l'opportunité d'étendre dans le temps et dans l'espace cette suppression, vos rapporteurs proposent de la reconduire le dispositif jusqu'au 1 er décembre 2023 dans les seules zones tendues , compte-tenu de la persistance du manque de logements dans ces territoires.

L'ensemble de ce dispositif est complété par une mesure très attendue : la fixation d'un délai de six mois au juge administratif pour statuer en matière d'urbanisme . L'objectif est double : il s'agit d'abord pour le législateur de donner un signal fort tant aux citoyens qu'aux juridictions sur la priorité qu'il estime nécessaire de donner à la réduction des délais de jugement en matière d'urbanisme. Il s'agit par ailleurs d'encourager le juge à se saisir des instruments que l'exécutif et le législateur lui donne pour contribuer à cette réduction des délais.

Enfin, en matière de contentieux de l'urbanisme, se sont développés ces dernières années de trop nombreux recours abusifs dont l'objectif n'est autre que de ralentir les procédures, voire de monnayer tout simplement un désistement. Pour lutter contre ces méthodes, l'ordonnance « Labetoulle » a ouvert la possibilité, pour un justiciable dont le permis était attaqué, de demander, par un mémoire distinct, réparation du préjudice mais en le soumettant à deux conditions cumulatives : le recours doit excéder « la défense des intérêts légitimes du requérant » et causer « un préjudice excessif au bénéficiaire du permis » . Dans les faits, ce dispositif a pour l'instant été très peu utilisé et pour des sommes relativement modestes si l'on excepte un jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 novembre 2015 ayant retenu un préjudice de 82 700 euros. En effet, la notion de « préjudice excessif » doit être prouvée. Or, l'excessivité est une notion floue, particulièrement complexe à appréhender et difficilement justifiable.

Le caractère ambigu du terme « excessif » ne permet pas à la jurisprudence de se stabiliser en la matière et apparaît comme un frein inutile à l'effectivité de la mesure qui est non seulement de compenser les éventuelles pertes d'un pétitionnaire mais d'avoir un effet dissuasif sur les requérants abusifs. Il est donc proposé de supprimer ce terme d'« excessif » afin de redonner toute son effectivité à la réforme .

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