F. EXPÉRIMENTER LA MUTUALISATION DES PLACES DE STATIONNEMENT ADAPTÉES AUX PERSONNES HANDICAPÉES

La mise en oeuvre des normes relatives à l'accessibilité aux personnes handicapées, en particulier dans les établissements recevant du public (ERP), est un sujet de préoccupation récurrent pour les élus et, plus largement, pour les acteurs locaux.

Si l'objectif d'accessibilité universelle, tel qu'il a été affirmé notamment par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, est unanimement partagé, il peut achopper, en fonction des circonstances locales, sur des difficultés d'application parfois inextricables.

Ce constat a été rappelé par la plupart des travaux consacrés à la simplification des normes. À titre d'illustrations, les normes relatives à l'accessibilité étaient citées par quatre commissions du Sénat 42 ( * ) parmi les « matières sur lesquelles mettre l'accent en priorité » dans le rapport de Claude Belot publié en 2011 43 ( * ) , et comme « la première préoccupation des collectivités territoriales » dans le rapport d'Éric Doligé la même année 44 ( * ) . Plus récemment, ces normes étaient même qualifiées de « centres de coûts » par Alain Lambert et Jean-Claude Boulard, dans leur rapport paru en 2013 45 ( * ) . Dans ce contexte, les professionnels, réunis à l'initiative de la ministre en charge du Logement, ont rappelé dans leur rapport sur la simplification normative, publié en 2014 46 ( * ) , que l'allègement de ces normes constituait une « très forte demande du secteur de la construction » .

Le groupe de travail a pu, à son tour, prendre la mesure des préoccupations et des attentes issues du terrain à ce sujet. Les normes relatives à l'accessibilité ont ainsi été identifiées comme un « noeud de complexité » par les élus locaux et les professionnels de la construction ayant participé à ses tables rondes ou répondu à sa consultation. Parmi les griefs faits à l'encontre de la mise en oeuvre de ces normes figurent son insuffisante adaptation aux spécificités locales, son coût élevé au regard des moyens disponibles, et enfin son articulation encore largement perfectible avec les autres contraintes règlementaires.

C'est pourquoi le groupe de travail a souhaité autoriser une expérimentation législative portant sur les conditions de mise en accessibilité des parcs de stationnement automobile de certains ERP.

En l'état actuel du droit, les parcs de stationnement automobile ouverts au public et dépendant d'un ERP, qu'ils soient intérieurs ou extérieurs, doivent comporter une ou plusieurs places adaptées pour les personnes handicapées et réservées à leur usage, dans la proportion d'au moins de 2% du nombre total de places (article 3 de l'arrêté du 1 er août 2006) et avec un seuil minimal d'une place par ERP.

Or, cette obligation étant appliquée établissement par établissement, il n'est pas possible à plusieurs propriétaires ou exploitants d'ERP de s'y conformer en coordonnant leurs efforts et, ainsi, en mutualisant les coûts, quand bien même leurs établissements seraient situés à proximité immédiate les uns des autres.

C'est la raison pour laquelle Jean-Pierre Vial avait proposé, dans un rapport de la délégation aux collectivités publié en 2014, d'« expérimenter une mutualisation des obligation s » 47 ( * ) . Cette proposition avait d'ailleurs reçu l'appui de 72,6% des participants à la consultation conduite par la délégation en novembre 2014, qui avaient répondu positivement à une question portant sur l'opportunité d'expérimenter une formule de mise en accessibilité à l'échelle du territoire, et non établissement par établissement ou équipement par équipement.

Dans ce contexte, le groupe de travail a souhaité permettre à l'autorité compétente (maire ou préfet) pour délivrer l'autorisation de construire, d'aménager ou de modifier un ERP, prévue à l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation 48 ( * ) , d'autoriser, dans le cadre d'une expérimentation législative d'une durée de deux ans, les propriétaires ou les exploitants de certains ERP à mutualiser les places adaptées aux personnes handicapées devant être installées dans leurs parcs de stationnement respectifs.

Afin de répondre aussi précisément que possible aux difficultés observées localement, l'expérimentation serait réservée à certains ERP.

Tout d'abord, elle ne concernerait que les ERP situés dans les communes de moins de 2 000 habitants, dans la mesure où ce sont les petites communes qui concentrent souvent les difficultés techniques et budgétaires en matière d'accessibilité. Au total, cette expérimentation pourrait bénéficier à 31 470 communes et 24,3% de la population, selon des chiffres publiés par le ministère de l'Intérieur en 2015 49 ( * ) .

Une autre condition limiterait cette expérimentation aux ERP dont les accès seraient distants de cinquante mètres au plus, afin de garantir que sa mise en place n'engendre pas de longs déplacements et, partant, un risque de fatigabilité pour les personnes handicapées.

Enfin, l'expérimentation associerait étroitement les associations de personnes handicapées. En effet, l'autorisation serait délivrée par l'autorité compétente après avis simple de la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité (CCDSA).

Au terme de cette expérimentation législative, une évaluation serait réalisée par le Gouvernement, dont les conclusions seraient présentées dans le cadre du rapport d'évaluation devant être remis au Parlement avant le 31 décembre 2018, en application de l'article 10 de la loi n° 2015-988 du 5 août 2015 ratifiant l'ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées 50 ( * ) .

En définitive, le groupe de travail n'a pas pour objectif, loin s'en faut, de réviser les grands principes de l'accessibilité qui ont été posés par le législateur et demeurent indispensables, mais plutôt d'ajuster certaines de leurs modalités d'application en proposant des solutions négociées et adaptées au plus près des besoins exprimés localement.

Il s'inscrit, en ce sens, dans la démarche initiée par notre collègue Claire-Lise Campion qui rappelait, dans son rapport publié en 2013, que « le but n'est pas la dégradation des normes d'accessibilité, mais de faciliter l'acceptation de contraintes liées à celles-ci, d'identifier les normes qui sont le moins efficientes et de favoriser la construction de réponses innovantes et pragmatiques » 51 ( * ) .


* 42 Commissions des Affaires économiques, des Affaires sociales, des Lois et des Finances.

* 43 Sénat, Rapport d'information n° 317 (2010-2011) de M. Claude Belot fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, déposé le 16 février 2011, p. 18.

* 44 Éric Doligé, Mission sur la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales , juin 2011, p.8.

* 45 MM. Jean-Claude Boulard et Alain Lambert, Rapport de la mission de lutte contre l'inflation normative , mars 2013, p.10.

* 46 Objectifs 500 000 , Rapport du groupe de travail 1 « Simplifier la réglementation et l'élaboration des normes de construction et de rénovation », février 2014.

* 47 Sénat, Rapport d'information n° 454 (2013-2014) de Jean-Pierre Vial « L'accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public, des transports et de la voirie : consolider, sécuriser, simplifier » fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, déposé le 15 avril 2014, p. 32 et s .

* 48 Afin de renforcer l'intelligibilité de ce dispositif et son articulation avec le cadre législatif existant, le groupe de travail, après avoir pris connaissance de l'étude d'impact élaborée par le cabinet Sartorio & associés , a procédé à une modification rédactionnelle de l'article initialement envisagé par lui. C'est ainsi qu'il a préféré faire référence à « l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation de construire, d'aménager ou de modifier un établissement recevant du public prévue à l'article L.111-8 du code de la construction et de l'habitation », plutôt que citer nommément le maire ou le préfet.

* 49 Direction générale des collectivités territoriales (DGCL), Les chiffres clés des collectivités territoriales , p. 15.

http://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/files/Chapitre-1_Les_chiffres_cles_des_CL.pdf.

* 50 Cet article prévoit que le Gouvernement présente au Parlement une évaluation de la mise en oeuvre de l'ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 avant le 31 décembre 2018, et dresse le bilan des mesures mises en oeuvre pour simplifier les règles de mise en accessibilité applicables à l'ensemble du cadre bâti ainsi qu'à la chaîne de déplacement.

* 51 Claire-Lise Campion, Réussir 2015. Accessibilité des personnes handicapées au logement, aux établissements recevant du public, aux transports, à la voirie et aux espaces publics , mars 2013, p. 52.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page