II. DES RECOMMANDATIONS À L'INTENTION DU PARLEMENT OU DU GOUVERNEMENT DANS LE MÊME CHAMP

Outre les mesures qui figurent dans sa proposition de loi, le groupe de travail a souhaité attiré l'attention du Gouvernement et du Parlement sur un certain nombre d'autres sujets qu'il a rencontrés lors de ses travaux. Il ne lui était pas possible de les inclure dans son texte, qu'il s'agisse de points relevant du domaine règlementaire, voire des pratiques administratives (A), de sujets relatifs à des projets de textes en cours d'élaboration (B) ou encore de problématiques structurelles d'ampleur méritant des investigations complémentaires (C).

A. DES PROPOSITIONS D'ÉVOLUTIONS IMMÉDIATES DES RÈGLEMENTS OU DES PRATIQUES

Au cours de ses travaux, le groupe de travail a pu observer la complexité de certains règlements et de certaines pratiques relatives à l'urbanisme, à la construction et au droit des sols, qu'il invite le Gouvernement à simplifier.

La maîtrise de l'inflation normative ne saurait, en effet, relever de la responsabilité exclusive du législateur, dans la mesure où les lois ne sont, en elles-mêmes, ni l'unique, ni sans doute la principale source de complexité. Dans son rapport de 1992 consacré à la sécurité juridique, le Conseil d'État rappelait bien la place occupée parmi ces sources par « les décrets réglementaires » ainsi que par « la masse énorme que constituent les arrêtés ministériels, préfectoraux ou municipaux, les décisions réglementaires des autorités administratives indépendantes, les circulaires et instructions émanant tant du pouvoir central que des autorités décentralisées. » 54 ( * )

C'est pourquoi les propositions d'évolutions règlementaires suivantes, qui sont directement issues des résultats apportés par les acteurs de terrain à la consultation nationale ou des échanges survenus avec certains représentants lors des auditions et des tables rondes, nécessitent d'être mises en oeuvre. Le présent rapport, centré sur les dispositions législatives, ne présente qu'un résumé des points de simplification de nature règlementaire. Ils figureront dans un document plus complet sous forme d'un « catalogue », tome II du présent rapport, dont le Conseil national d'évaluation des normes et le Gouvernement ont vocation à se saisir.

1. Urbanisme

Dans le domaine de l'urbanisme, les principales pistes de simplification règlementaire concernent les procédures d'autorisation individuelles . Le groupe de travail invite le Gouvernement à réfléchir, notamment à :

- la création d'une procédure de déclaration préalable modificative . En effet, en l'absence d'une telle procédure modificative, dès lors, la modification des travaux objet de la déclaration préalable nécessite le dépôt d'un nouveau dossier portant sur la totalité des travaux. Dans un second temps, il conviendrait également de modifier l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, pour rajouter la déclaration préalable modificative, après le permis modificatif. La DP modificative suivrait ainsi le même régime contentieux que le PC modificatif ;

- l' introduction d'une exception complémentaire à l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme relatif aux travaux dispensés de déclaration préalable, en précisant que les abris de jardin d'une certaine superficie, par exemple inférieurs ou égaux à, par exemple, 10 mètres carrés et d'une hauteur inférieure ou égale à 2,80 mètres et non visibles depuis la voie publique ne seraient pas soumis à déclaration préalable ;

- la clarification de ce qui relève de la déclaration préalable et du permis d'aménager dans les opérations d'aménagement / lotissement. Codifiant la jurisprudence, la partie règlementaire du code de l'urbanisme pourrait préciser que peuvent faire l'objet d'une déclaration préalable les divisions du sol nécessitant uniquement les équipements propres à l'opération de construction, c'est-à-dire les branchements et raccordements à la charge des constructeurs ;

- l' allègement de la procédure de permis de construire lorsque le pétitionnaire a eu contractuellement recours au conseil d'un architecte ou d'un conseil d'architecture d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) pour un projet d'une surface inférieure au seuil obligatoire. L'autorisation d'urbanisme serait alors obtenue dans un délai plus court. Le code de l'urbanisme ne prévoit pour l'instant que des majorations du délai d'instruction de droit commun (deux mois). Un nouvel article pourrait prévoir une réduction de ce délai en cas de dépôt d'un permis de construire dit déclaratif ;

- l' intégration de la procédure d'autorisation de défrichement à la procédure d'autorisation d'urbanisme , sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-1 du code de l'urbanisme, qui dispose : « Lorsque les constructions ou travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-4 sont soumis, en raison de leur emplacement, de leur utilisation ou de leur nature, à un régime d'autorisation ou à des prescriptions prévus par d'autres législations ou réglementations que le code de l'urbanisme, le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu d'autorisation au titre de ces législations ou réglementations, dans les cas prévus par décret en Conseil d'État, dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité compétente. » Ainsi, l'autorisation d'urbanisme pourrait tenir lieu d'autorisation au titre de la législation en matière de défrichement, dès lors que ledit défrichement a fait l'objet d'un accord de l'autorité compétente. Cela suppose de rajouter un article à la suite des articles R. 425-1 et suivants du code de l'urbanisme pour faire entrer le cas des travaux nécessitant une autorisation de défrichement dans la liste des procédures intégrées. Néanmoins, l'accord du préfet sur le défrichement sera toujours nécessaire pour obtenir l'autorisation d'urbanisme. Une procédure intégrée permettra seulement de déposer un dossier unique pour obtenir les deux autorisations ;

- l' inversion du sens d'une non-réponse de l'autorité environnementale lorsqu'elle est saisie par un porteur de projet d'une demande d'évaluation environnementale au cas par cas. Actuellement, l'absence de décision notifiée au terme du délai de deux mois vaut obligation de réaliser une évaluation environnementale (art. R. 122-18), ce qui oblige les DREAL à motiver leurs avis dans 90% des dossiers qui leur sont soumis. Inverser le principe permettrait de soulager grandement le travail des services, et donc d'utiliser les ressources dégagées sur des taches plus productives. Cela permettrait aussi de commencer plus tôt les évaluations environnementales lorsqu'elles sont nécessaires, sans attendre le terme du délai de décision tacite. Si ce mécanisme est retenu, il pourrait être étendu aux études d'impact (art. R. 122-3) ;

- l' extension des fonctionnalités du géoportail de l'urbanisme , en créant une plateforme, gérée par les services de l'État ou une agence dédiée, qui donnerait accès à toute l'information à jour utile aux porteurs de projets (collectivités, professionnels, particuliers) : normes législatives et règlementaires, formulaires standardisés, fiches pédagogiques et guides pratiques ;

- la dématérialisation des procédures de demande d'autorisation individuelle de construire (dans la continuité de la suggestion précédente).

2. Construction (sécurité-incendie, ERP, accessibilité,...)

La profusion de normes afférentes au cadre bâti et, singulièrement, aux établissements recevant du public (ERP), appelle plusieurs séries d'évolutions, dans le but d'alléger les coûts de construction ou de gestion des bâtiments, tout en assurant des niveaux de qualité et de sécurité appropriés.

a) Normes applicables à toutes les catégories de bâtiments

Le cadre règlementaire applicable à l'ensemble des bâtiments, quelle que soit leur nature, pourrait être simplifié sur deux points portés à la connaissance du groupe de travail.

Un sujet de crispation fréquemment relevé par les maîtres d'ouvrage porte sur l'accès aux règles de construction, dont il est parfois difficile pour eux d'avoir une connaissance exhaustive et actualisée. Pour y remédier, il serait utile d'inviter les services de l'État dans les départements à publier sur leur site Internet un vade-mecum , régulièrement mis à jour et recensant les règles de construction applicables aux projets, en fonction de la nature et de la zone d'implantation de ceux-ci. Dans un souci de rationalisation des canaux d'information, cet outil pourrait éventuellement constituer une déclinaison locale et sectorielle du géoportail de l'urbanisme devant être mis en oeuvre en application de l'article L. 133-1 du code de l'urbanisme.

Une autre difficulté signalée au groupe de travail concerne l'isolation thermique par l'extérieur (ITE) des bâtiments 55 ( * ) . Alors que cette technique d'isolation concourt utilement à l'objectif de rénovation thermique du cadre bâti, rappelé par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, son utilisation peut se heurter à des obstacles de nature règlementaire lorsqu'elle a pour conséquence d'empiéter sur le domaine public. Par exemple, en avançant une façade de quelques centimètres sur la voirie, l'ITE nécessite le déclassement du domaine public ou la conclusion d'une convention précaire d'occupation du domaine public Dans ce contexte, le Gouvernement pourrait envisager de créer, pour l'ITE, une convention d'occupation du domaine public, cadre règlementaire plus favorable et mieux sécurisé (article R. 431-13 du code de l'urbanisme).

b) Normes applicables aux établissements recevant du public (ERP).

Parmi les différents types de bâtiments, ce sont surtout les établissements recevant du public (ERP) qui préoccupent les acteurs de terrain.

(a) Cadre général

La principale difficulté posée par les normes applicables aux ERP est liée à l'articulation des dispositions du code de l'urbanisme avec celles du code de la construction et de l'habitation.

Une suggestion pourrait donc être d'étudier la possibilité de rapprocher la déclaration préalable, prévue par le code de l'urbanisme, avec l'autorisation de travaux, mentionnée dans le code de la construction et de l'habitation à l'instar de ce qui existe pour le permis de construire qui tient lieu de l'autorisation de travaux indiquée à l'article L. 111-8 du code de la construction (article R. 425-15 du code de l'urbanisme).

(b) Sécurité Incendie

Les règles de protection contre les risques d'incendie et de panique dans les EPR représentent un « noeud de complexité » connu, dont le principe n'est pas mis en doute mais dont l'application engendre fréquemment des difficultés.

L'intervention des commissions en charge de la sécurité est parfois jugée tardive par les propriétaires ou exploitants d'ERP qui semblent désireux de voir évoluer leur rôle vers davantage d'accompagnement, à un stade précoce des projets. Aussi pourrait-il être opportun d'ouvrir aux porteurs d'un projet d'ERP la faculté de consulter la commission en charge de la sécurité préalablement au dépôt d'une demande de permis ou d'autorisation de travaux, en contrepartie de délais d'instruction éventuellement réduits (articles R. 123-35 et R. 111-19-25 du code de la construction et de l'habitation).

Un autre grief porté par les propriétaires ou exploitants d'ERP à l'égard des commissions en charge de la sécurité est l'insuffisante harmonisation de leurs pratiques. Pour y remédier, un guide pratique pourrait préciser le champ des « travaux de rénovation / d'aménagement », dont la note d'information de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) du 21 janvier 2016 56 ( * ) est venue rappeler qu'ils faisaient l'objet de modalités de contrôle simplifiées. Ce guide, élaboré conjointement avec des acteurs de terrain, serait porté à la connaissance des commissions en charge de la sécurité et des responsables d'ERP.

Si une harmonisation des pratiques des commissions en charge de la sécurité est attendue par les propriétaires ou exploitants d'ERP, ces derniers souhaitent dans le même temps leur adaptation aux circonstances locales. Dans cette perspective, le Gouvernement pourrait étudier la possibilité de faciliter la réouverture des ERP fermés depuis plus de 10 mois, en leur permettant sous certaines hypothèses d'être dispensés de visite de réception (article R. 123-45 du code de la construction et de l'habitation).

Afin de permettre aux commissions en charge de la sécurité de disposer de suffisamment de temps pour exercer une application « facilitatrice » des règles de sécurité incendie, leur fonctionnement pourrait être simplifié. Dans cette perspective, une expérimentation pourrait être conduite afin, d'une part, de permettre, pour certains types d'ERP et d'autorisations, une procédure d'instruction ne nécessitant pas la réunion de la commission en charge de la sécurité et, d'autre part, de formaliser la possibilité pour le pétitionnaire de saisir dans un délai rapide le représentant de l'État contre une décision prise par la commission en charge de la sécurité 57 ( * ) . En termes de bonnes pratiques, il serait utile de généraliser celles de certains préventionnistes distinguant les mesures à prendre en urgence pour le maintien de l'ouverture et les mesures moins urgentes ou accessoires.

(c) Normes réglementaires en matière d'accessibilité

La consultation nationale a permis d'identifier les pistes suivantes de simplification de normes de nature réglementaire :

- mutualiser les règles d'accessibilité aux sanitaires des personnes handicapées entre établissements recevant du public proches , soit en modifiant le code de la construction et de l'habitation, soit en émettant une instruction sous forme de circulaire précisant que, dans le cas où l'établissement remplit une mission de service public, les mesures de substitution peuvent prévoir notamment une mutualisation des règles d'accessibilité, notamment pour les installations sanitaires (articles L. 111-7-3 et R. 111-19-10 du code de la construction et de l'habitation) ;

- plus généralement, donner instruction aux services de l'État de délivrer plus aisément des dérogations (article R. 111-19-10 du CCH) ;

- introduire un nouveau critère dérogatoire tendant à admettre la possibilité de l'aménagement d'un seul accès pour les personnes handicapées , rendant accessible le bâtiment dans des conditions équivalentes à tous les accès aux personnes non handicapées, notamment pour les centres sportifs (article R. 111-19-10 du CCH) ;

- prévoir une procédure simplifiée d'instruction des dossiers de permis de construire comportant un volet ERP pour certaines catégories d'ERP pour lesquels suffirait l'avis favorable de l'instructeur . La taille, la capacité d'accueil, la destination, ou l'implantation de l'ERP pourraient être des critères pour définir ces catégories (articles R. 111-19-21, R. 111-22, R. 111-23, R. 111-25, R. 111-19-30 du code de la construction et de l'habitation) ;

- étendre aux ERP neufs les simplifications rendues possibles pour les ERP existants par le décret 2014-1326 du 5 novembre 2014.

3. Contentieux

Le contentieux de l'urbanisme se nourrit de la complexité de certains documents d'urbanisme qui ne sont pas adaptés à la réalité du terrain. Il pourrait y être partiellement remédié par l'ouverture aux bureaux d'étude en charge de la rédaction des documents d'urbanisme de la faculté de suivre des formations auprès de professionnels du droit de l'urbanisme , où seraient analysés notamment quelques exemples de PLU ou de permis annulés à cause d'une rédaction complexe qui aurait pu être simplifiée. Dans le même esprit, sans doute serait-il utile de renforcer la formation des personnels territoriaux de direction et d'encadrement en matière d'urbanisme règlementaire et opérationnel .

Désengorger les juridictions suppose aussi de pouvoir aisément constater l'irrecevabilité d'une requête tardive ou dépourvue d'intérêt à agir. L'absence de la date d'affichage de la demande du pétitionnaire dans de nombreux dossiers neutralise cette possibilité. Pour y remédier, il pourrait être envisagé de prévoir dans les formulaires Cerfa de demandes de permis de construire 58 ( * ) , ou dans un autre document, la présence de cette date d'affichage de la demande du pétitionnaire, afin de permettre au juge de mieux vérifier la recevabilité de la requête tant au niveau des délais que de l'intérêt à agir.

4. Environnement

En matière d'environnement, si la législation est très encadrée par le droit européen, il existe toutefois des marges de manoeuvre de simplification en matière réglementaire. Tel est notamment le cas de l'application de la directive « Habitats » transposée aux articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement. En effet, si les pays européens ont souvent fait le choix d'une transposition littérale de ces articles, une analyse des décisions de la Commission européenne et de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne fait apparaître de grandes divergences dans les traductions réglementaires de ces dispositions d'ordre législatif 59 ( * ) . Notamment, ce n'est pas tant le principe de la protection des espèces protégées qui est en cause que l'identification de ces espèces protégées, laquelle est d'ordre réglementaire.

Un meilleur équilibre doit pouvoir être trouvé afin que l'objectif de protection des espèces n'aboutisse pas un gel des projets de développement durable de nos territoires. Certaines adaptations de ces textes règlementaires ont déjà eu lieu et il sera sans doute nécessaire d'en évaluer l'impact. Cela a été notamment l'objet du décret n° 2015-1201 du 29 septembre 2015 relatif aux dérogations aux mesures de protection de la faune et de la flore et aux conseils régionaux du patrimoine naturel, qui s'est recentré sur les objectifs réels de protection des espèces en distinguant la notion de « prélèvement » de celle d'« enlèvement » et à simplifier les procédures de transmission de dérogation. Toutefois, une révision des listes des espèces protégées sur l'ensemble du territoire national devrait pouvoir être opérée : cette liste actuellement non actualisée apparaît déconnectée de certaines réalités locales, certaines espèces n'étant bien heureusement plus aussi menacées qu'auparavant. Une comparaison avec l'établissement de ces mêmes listes dans les pays voisins de l'Union européenne serait également utile afin d'en vérifier la pertinence au regard de la directive.

La procédure de l'examen au cas par cas pourrait être révisée. Son objectif de simplification suscite parfois des incompréhensions de la part de certains porteurs de projets, et ce d'autant plus que les seuils d'examens retenus sembleraient inférieurs en France par rapport aux autres pays européens. Tout en veillant à éviter aux porteurs de projets une insécurisation juridique de leurs dossiers au regard du droit européen, une évaluation et un réexamen des seuils applicables précisés à l'article R. 122-2 du code de l'environnement permettraient de mieux cibler les projets concernés par la directive 2014/52/UE.

« Ne pas imposer aux élus des décisions étatiques qui sont incohérentes et qui ne correspondent pas au devenir des territoires », suggère l'un des répondants à la consultation nationale. Une telle incohérence concerne, par exemple, la définition très incertaine du « hameau ». S'agissant de la loi SRU, il conviendrait de ne pas pénaliser les collectivités dont les projets de logements sociaux font l'objet d'une procédure contentieuse indépendante de leur volonté. Quant au « hameau », il serait utile d'en clarifier la notion par voie réglementaire afin de redynamiser la construction en milieu rural.

5. Patrimoine

L'exigence de réduction des délais relatifs aux opérations d'archéologie préventive devrait pousser à alléger significativement les exigences portant sur le contenu des rapports de diagnostic et de fouilles (arrêté du 27 septembre 2004 portant définition des normes de contenu et de présentation des rapports d'opérations archéologiques). Il s'agirait en particulier de prévoir des rapports simplifiés en l'absence de découverte de vestiges.

Toujours en matière d'archéologie, il serait opportun d' envisager l'allégement des dossiers de demandes de prise en charge ou de subventionnement d'une fouille, la simplification des procédures d'instruction de ces opérations (par exemple, en déconcentrant le processus d'octroi de subvention) et la réduction des délais relatifs à ces procédures. À cet égard, le délai de 3 mois reconductible une fois dont dispose le préfet de région pour instruire une demande de prise en charge ne peut-il être réduit, s'agissant d'une aide pour laquelle l'administration se trouve dans une situation de compétence liée ? De même, la direction générale des patrimoines a-t-elle vraiment besoin d'un délai de deux mois pour vérifier le caractère complet d'un dossier de demande de subvention dont le contenu a normalement été vérifié en amont par le préfet de région ?

6. Participation du public

Les modalités de consultation des parties prenantes et de participation du public sont des sujets d'inquiétude fréquents, quoique périphériques, pour les acteurs de terrain.

a) Association des parties prenantes

Un certain nombre de critiques ont été portées à la connaissance du groupe de travail quant aux modalités d'association des parties prenantes à l'élaboration des documents d'urbanisme et à l'instruction des autorisations d'urbanisme. L'utilité de ces procédures de consultation ou de notification n'est pas remise en question par les élus locaux, qui savent en tirer les informations nécessaires à l'exercice de leurs compétences. En revanche, leur caractère pléthorique, tardif ou formel est parfois dénoncé par eux.

Une première piste de simplification consisterait à réduire de trois à deux mois le délai dont disposent les services de l'État pour rendre un avis sur le projet de SCOT ou de PLU , dans la mesure où ils peuvent faire valoir leur point de vue bien avant le recueil de leurs avis (articles R. 143-4 et R. 153-4 du code de l'urbanisme).

Une autre difficulté réside dans la multiplicité des consultations des autorités tierces lors de l'instruction des demandes de permis ou de déclaration préalable. Suite aux conclusions du rapport du préfet Duport, qui préconisait de « réduire le délai de délivrance des avis et accords périphériques au droit des sols » 60 ( * ) , le Gouvernement a abaissé plusieurs de ces délais de façon à atteindre l'objectif de délivrance des permis de construire en 5 mois 61 ( * ) . Il est souhaitable d'aller désormais plus loin en définissant, aussi précisément que possible, dans les documents fixant les compétences des autorités tierces, quels sont les périmètres de protection et les types de demandes justifiant leur consultation obligatoire. En précisant ainsi les conditions de saisine de ces autorités, leur consultation serait ciblée sur les demandes d'autorisation présentant un réel enjeu.

Certaines formalités de notification pourraient être allégées , à l'instar de l'obligation de notification de l'exercice du droit de préemption au conseil supérieur du notariat (CSN) par le maire ou le président du groupement de communes, qui doublonne inutilement celle qui s'adresse à la chambre départementale des notaires concernée (articles R. 211-3 et R. 212-2-1 du code de l'urbanisme).

b) Participation du public

Les acteurs de terrain consultés ou auditionnés par le groupe de travail ont mis en évidence la nécessité, pour les porteurs de projets, de développer une bonne maîtrise des procédures de participation du public, afin d'éviter les risques de contentieux, ou pire, les situations de blocage. Les procédures de concertation préalable ou d'enquête publique font plus particulièrement l'objet de critiques.

Une première difficulté a trait à la procédure de concertation préalable prévue au titre du code de l'urbanisme. Il paraîtrait opportun que le Gouvernement précise le degré de détail attendu des objectifs de la concertation préalable devant figurer dans la délibération prescrivant l'élaboration ou à la révision des SCOT et des PLU, aux articles R. 143-14 et R. 153-20 du code de l'urbanisme, objectifs dont l'imprécision peut constituer un motif d'annulation contentieuse 62 ( * ) .

Une autre source de contentieux est liée au dossier d'enquête publique. En la matière, la clarification du champ de l'appréciation sommaire des dépenses devant figurer dans les dossiers d'enquête publique des projets faisant l'objet d'une déclaration d'utilité publique - notamment dans le cas des ZAC - paraît nécessaire dans la mesure où cette « appréciation » donne fréquemment lieu à contestation (article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique).

Un important contentieux est dû au rapport d'enquête et aux conclusions motivées élaborées par les commissaires-enquêteurs , et dont l'insuffisance est source fréquente de fragilité juridique . Il conviendrait que le Gouvernement détaille le contenu de ces documents, en indiquant notamment les modalités selon lesquelles le commissaire-enquêteur doit prendre en compte les observations du public ou du responsable du projet, et motiver ses conclusions (article R. 123-19 du code de l'environnement).

Corrélativement, il pourrait aussi être utile d'étendre au rapport d'enquête le dispositif par lequel le juge administratif, de sa propre initiative ou informé par l'autorité compétente pour organiser l'enquête, peut demander au commissaire-enquêteur de compléter ses conclusions dans un délai de quinze jours, s'il constate une insuffisance ou un défaut de motivation de ces dernières (article R. 123-20 du code de l'environnement).

Cependant, le renforcement de l'efficacité et de la qualité des enquêtes publiques ne saurait passer exclusivement par des moyens juridiques ; il nécessite aussi et surtout des moyens matériels et humains. En prenant appui sur la Compagnie nationale des commissaires-enquêteurs (CNCE) et des compagnies régionales notamment, il importe en effet de « professionnaliser » davantage la fonction de commissaire-enquêteur, en veillant à renforcer la formation juridique et technique des commissaires-enquêteurs et à favoriser la diffusion de bonnes pratiques ainsi que le partage d'expériences. Dans cette perspective, il pourrait être utile que le Gouvernement conduise une évaluation destinée à renforcer les modalités de recrutement, les méthodes d'enquête et les conditions d'indemnisation des commissaires-enquêteurs.

7. Les relations avec les services de l'État

Plusieurs élus et professionnels rencontrés ont fait part au groupe de travail du manque de disponibilité des services de l'État, dont le point de vue diffère souvent, au surplus, selon les services consultés. Le référent juridique unique départemental proposé par vos rapporteurs pourrait animer des réunions trimestrielles par arrondissement avec les instructeurs en charge de l'urbanisme au sein des collectivités. Ce « club des instructeurs » aurait pour objectif de mieux accompagner le transfert des compétences d'urbanisme et d'avoir sur des cas précis, concrets et techniques, des échanges entre les instructeurs et les services de l'État (préfectures, DDT 63 ( * ) , DREAL 64 ( * ) , ABF...), notamment ceux chargés ensuite du contrôle de légalité, pour s'approprier des réflexes juridiques et mieux identifier en amont certains problèmes. Il s'agit de mieux assurer une transition qui a manqué dans les faits lors du transfert de la compétence « autorisations droit du sol » (ADS) .

Le sentiment de complexité provient parfois tout autant des textes que des interprétations -facilitatrices ou non- de ces textes, qui peut aboutir à une impression d'inégalité, voire d'iniquité, comme en témoigne cette réponse à la consultation nationale : « Il y a des différences dans l'application de la loi d'un département à l'autre ». Le Gouvernement devrait permettre une harmonisation des pratiques facilitatrices, éventuellement en assurant leur promotion par un guide des bonnes pratiques.

Afin d'accompagner au mieux les collectivités dans leurs nouvelles compétences en matière d'instruction du droit des sols, le contrôle de légalité a parfois été renforcé en préfecture en matière d'urbanisme. Mais cela s'est effectué au prix d'un contrôle parfois mal compris des élus, avec des délais artificiellement rallongés par la demande de pièces complémentaires au dernier moment. Ces retards du contrôle de légalité sont d'inutiles sources d'insécurité juridique pour les collectivités et porteurs de projets. Une meilleure information sur les pièces nécessaires à l'instruction devrait pouvoir être délivrée en listant de manière uniforme sur le territoire national les pièces demandées et en veillant à encadrer et harmoniser les différentes pratiques des préfectures.

Au-delà des lieux de dialogue informels, il serait par ailleurs nécessaire de promouvoir les outils modernes nécessaires à l'information des différents acteurs (élus, professionnels, grand public). Il s'agit d'aborder le « virage numérique », y compris en matière de droit de l'urbanisme. Le retrait et le dépôt de certains documents par ordinateur et internet devraient pouvoir être généralisés et proposés sur l'ensemble du territoire . Pour réussir ce « virage numérique » en matière d'urbanisme , il apparaît nécessaire de prévoir : 1) la création d'une plateforme nationale dédiée - et régulièrement mise à jour - gérée par les services de l'État, qui donnerait accès à toute information utile aux porteurs de projet et serait un instrument de simplification tant pour les élus que les citoyens que les porteurs de projets ; 2) l'expérimentation et la mise en oeuvre de possibilités de dépôt de permis par voie numérique via des sites dédiés ; 3) une déclinaison départementale reprenant les normes d'urbanisme applicable par zones en améliorant le dispositif Géoportail 65 ( * ) .

De la même manière, un espace dédié aux collectivités en matière d'urbanisme pourrait faciliter la mission des collectivités dans leur travail de rédaction et de meilleure appréhension de leurs documents d'urbanisme. Les différents textes et schémas applicables à leurs communes y seraient présentés, ainsi qu'un guide pratique en matière de rédaction des PLU. De tels guides existent déjà dans certains départements mais ils ne sont pas toujours actualisés et ne correspondent pas toujours aux besoins des collectivités. Un guide pratique sur « l'écriture du PLU » adapté aux différents territoires, dûment mis à jour, et consultable sur la plateforme numérique précitée serait ainsi très utile 66 ( * ) .


* 54 Conseil d'État, Rapport public 1991 , mai 1992.

* 55 Le décret n° 2016-802 du 15 juin 2016 facilitant la délivrance d'une autorisation d'urbanisme pour la mise en oeuvre d'une isolation thermique ou d'une protection contre le rayonnement solaire est venu consolider les possibilités de déroger aux plans locaux d'urbanisme pour l'isolation thermique des bâtiments par l'extérieur (ITE) : il s'agit cependant d'une problématique différente de celle de la présente préconisation, qui porte sur les modalités d'occupation du domaine public à cette fin.

* 56 Note d'information n° DGSCGC/DSP/SDSIAS/BRIRC/12 du 21 janvier 2016.

* 57 Cette préconisation avait été faite dans le rapport d'Éric Doligé, Mission sur la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales, juin 2011, p.153.

* 58 Exemples formulaires Cerfa n° 13406*5 ou 13409*5.

* 59 Voir à ce sujet le rapport du Serdeaut, Les dérogations dans la directive Habitats et l'interprétation de l'article L. 411-2 du code de l'environnement , ainsi que le rapport de Jacques Vernier, Moderniser l'évaluation environnementale , mars 2015.

* 60 Jean-Pierre Duport, Accélérer les projets de construction , remis le 3 avril 2015, p. 3.

* 61 Décret n° 2015-836 du 9 juillet 2015 relatif à la réduction des délais d'instruction des autorisations d'urbanisme.

* 62 Conseil d'État, Commune de Saint-Lunaire , 10 février 2010, n° 327149.

* 63 Direction départementale des territoires.

* 64 Directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement.

* 65 Voir Urbanisme (section A, sous-section 1).

* 66 À l'image de ce qu'a pu faire le Groupement de recherche sur les institutions et le droit de l'aménagement, de l'urbanisme et de l'habitat (GRIDAUH) avec un séminaire sur l'écriture des PLU dont les résultats sont consultables en ligne sur www.gridauh.fr.

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