B. UN MÉCANISME PROPOSÉ EN LOI DE FINANCES POUR 2016 QUI ACCENTUE LES INJUSTICES

La réforme de la DGF votée - avec application au 1 er janvier 2017 - à l'article 150 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 « redonne » une DGF à toutes les communes et prévoit que la CRFP ne peut représenter plus de 50 % de leur dotation forfaitaire. La question des « DGF négatives » est donc traitée en redonnant une dotation forfaitaire aux communes qui n'en percevaient plus , et qui bénéficient pourtant de ressources importantes par ailleurs.

Ce plafonnement conduirait à exonérer certaines communes d'une partie de la CFRP qu'elles doivent, ce qui revient à faire payer cette part de CRFP par les autres communes. Il s'agit d'un effet contre-péréquateur difficilement justifiable .

Plutôt que de traiter le problème des « DGF négatives » en redonnant une DGF aux communes concernées, les rapporteurs proposent de changer les modalités d'imputation de la CRFP.

C. RÉTABLIR UNE JUSTE RÉPARTITION DE LA CRFP : LE REBASAGE DE LA DGF DU BLOC COMMUNAL

Le CRFP ne doit pas être considérée comme un prélèvement sur la DGF, mais comme une ponction sur les recettes réelles de fonctionnement (RRF). Actuellement, la dotation forfaitaire des communes a été choisie comme support de la CRFP, mais rien n'empêche que celle-ci s'impute sur d'autres vecteurs.

Afin de remédier au problème des DGF « négatives » et de faire en sorte que toutes les communes participent équitablement au redressement des finances publiques, les rapporteurs proposent de modifier, dès 2017, la manière dont s'impute la CRFP sur les ressources des communes et des EPCI .

1. Le rebasage pour les communes
a) Remonter la DCRTP et la CPS des communes au niveau des EPCI

Les rapporteurs proposent en préalable de faire remonter la compensation « part salaires » (CPS) 22 ( * ) - en la reconstituant comme cela se fait aujourd'hui lorsqu'un EPCI choisit le régime de la fiscalité professionnelle unique - et la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) de toutes les communes au niveau des EPCI .

Aujourd'hui, les compensations de la suppression de la « part salaires » et de la composante « matériel » de la taxe professionnelle sont traitées différemment. La seconde est garantie à travers la DCRTP tandis que la première est redistribuée en tant que composante de la DGF. Ceci revient à traiter différemment les territoires selon la composition des bases de leur ancienne taxe professionnelle. L'article 150 de la loi de finances pour 2016 ne modifie rien par rapport à l'existant.

Remonter la CPS et la DCRTP de toutes les communes au niveau des EPCI permettrait de traiter ces compensations de manière équitable. Les comparaisons entre communes et entre EPCI auraient ainsi plus de sens qu'aujourd'hui.

Cette opération serait neutre budgétairement pour les communes et pour les EPCI , ces derniers devant automatiquement compenser les montants de CPS et de DCRTP des communes perçus par le versement d'attributions de compensation obligatoires.

La dotation forfaitaire des communes minorée de la DCRTP et de la CPS transférées, ainsi que du montant des prélèvements fiscaux constituerait la dotation forfaitaire nette , utilisée dans le processus de rebasage (cf. infra ).

b) La définition de la dotation de référence

Il est proposé de définir, pour chaque commune, la part de ses dotations pouvant servir de support à la CRFP et la part « préservée » de cette contribution, la « dotation de référence » . Ainsi, toutes les communes retrouveraient une DGF.

Les rapporteurs proposent que cette dotation de référence soit au moins égale à l'ancienne dotation de base. Pour cela, il convient de reconstituer le montant qu'aurait perçu au titre de cette dotation chaque commune en 2016 si celle-ci n'avait pas été fondue avec les autres composantes de la dotation forfaitaire dans une même dotation à l'occasion de la loi de finances pour 2015.

À titre de rappel, la dotation forfaitaire pour l'année 2014 était composée de cinq composantes : une dotation de base, dont le montant variait selon nombre d'habitants de la commune en fonction d'un coefficient logarithmique, une dotation de superficie, un complément de garantie visant à compenser les effets de la réforme de la DGF de 2004, une part « compensations » correspondant à l'ancienne compensation « parts salaires » (CPS) de la taxe professionnelle ainsi qu'à la compensation des baisses de dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) supportées par certaines communes entre 1998 et 2001, et une dotation en faveur des parcs nationaux et des parcs naturels marins.

Architecture de la dotation forfaitaire des communes en 2014

Source : Charles Guené et Claude Raynal, rapport spécial sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales », projet de loi de finances pour 2016, annexe XXVI

Pour reconstituer une dotation de base en 2016, il convient de repartir de la dotation de base versée aux communes en 2014 et de faire varier son montant en fonction des évolutions de la population en 2015 et 2016.

La différence entre la dotation forfaitaire nette et la dotation de base reconstituées constituerait le montant « support » de la CRFP (cf. supra ).

Le rebasage de la DGF des communes

Source : groupes de travail du Sénat et de l'Assemblée nationale sur la réforme de la DGF

c) L'imputation de la CRFP

Une fois la CRFP déduite de ce support 23 ( * ) , deux cas de figure pourraient alors se présenter :

• Soit le « support » est suffisant pour absorber la CRFP 2017 , auquel cas la fraction résiduelle de dotation serait ajoutée au montant de la dotation de base reconstituée, pour former la dotation de référence 2017 de la commune.

Cas d'une commune dont le « support » permet d'absorber toute la CRFP 2017

Source : groupes de travail du Sénat et de l'Assemblée nationale sur la réforme de la DGF

• Soit le « support » est insuffisant , et le reliquat de CRFP dû serait alors acquitté par l'EPCI auquel appartient la commune, qui le répercuterait automatiquement et obligatoirement sur cette dernière à travers une minoration de son attribution de compensation (AC) . En conséquence, des attributions de compensation seraient instaurées pour les communes appartenant à des EPCI à fiscalité additionnelle. Pour les communes isolées, l'ajustement se ferait à travers leur contribution ou attribution au titre du Fonds national de garantie individuelle de ressources (FNGIR).

Ainsi, tout en redonnant une DGF à toutes les communes , chaque commune acquitterait la CRFP qu'elle doit , contrairement aux dispositions de l'article 150.

Cas d'une commune dont le « support » ne permet pas d'absorber
toute la CRFP 2017

Source : groupes de travail du Sénat et de l'Assemblée nationale sur la réforme de la DGF

Les communes en situation de « DGF négative » en 2016 constituent un cas particulier mais le même mécanisme leur serait appliqué. Elles se verraient attribuer une dotation de référence en 2017 correspondant au montant de dotation de base 2016 reconstitué. En contrepartie, ces communes verraient leur attribution de compensation diminuée du montant de cette dotation de référence ajouté à celui du prélèvement sur leurs recettes fiscales en 2016 ainsi qu'à celui de leur CRFP 2017.

Cas d'une commune ayant une « DGF négative » en 2016

Source : groupes de travail du Sénat et de l'Assemblée nationale sur la réforme de la DGF

Ce système permettrait donc de résoudre le problème des « DGF négatives » , puisque chaque commune percevrait une dotation forfaitaire, tout en maintenant le principe de participation équitable des communes au redressement des finances publiques à travers une variation de leurs attributions de compensation.

De même, chaque commune ayant à nouveau une dotation forfaitaire pourrait contribuer au financement de la progression de la péréquation verticale .

Un tel rebasage permettrait en outre d' isoler les effets d'une réforme de la DGF de la CRFP , ce qui permettrait de les rendre lisible. En effet, quel que soit le montant de leur CRFP, les communes disposeraient d'une dotation de référence permettant d'avoir une comparaison entre elles, avant et après réforme. La variation du montant de DGF perçu imputable à la réforme pourrait alors être clairement identifiée.

2. Le rebasage pour les EPCI

Le rebasage de la DGF des EPCI repose sur la même logique que pour les communes. Il s'agit de modifier les modalités d'imputation de la CRFP et de déterminer une dotation de référence pour tous les EPCI permettant de comparer les établissements entre eux.

Les rapporteurs proposent que cette dotation de référence soit au moins égale à la dotation d'intercommunalité, hors garanties. Le support de la CRFP serait pour sa part égal à la somme de la DGF de l'EPCI notifiée en 2016, hors dotation d'intercommunalité, de la DCRTP de l'EPCI et de la DCRTP et de la CPS des communes membres transférées à l'EPCI.

Le rebasage de la DGF des EPCI

Source : groupes de travail du Sénat et de l'Assemblée nationale sur la réforme de la DGF

Comme pour les communes, deux cas de figure pourraient se présenter :

• Soit le « support » est suffisant pour absorber la CRFP 2017 , auquel cas la fraction résiduelle de dotation serait ajoutée au montant de la dotation d'intercommunalité pour former la dotation de référence 2017 de l'EPCI.

Cas d'un EPCI dont le « support » permet d'absorber toute la CRFP 2017

Source : groupes de travail du Sénat et de l'Assemblée nationale sur la réforme de la DGF

• Soit le « support » est insuffisant et le reliquat de CRFP serait acquitté par l'EPCI à travers un prélèvement sur son attribution au titre du FNGIR.

Cas d'un EPCI dont le « support » ne permet pas d'absorber toute la CRFP 2017

Source : groupes de travail du Sénat et de l'Assemblée nationale sur la réforme de la DGF

3. Une solution neutre budgétairement pour chaque commune et chaque EPCI comme pour l'État

Avant et après rebasage, les ressources des communes et de l'EPCI seraient strictement identiques, tant au niveau global qu'au niveau de chacun d'entre eux.

Cette neutralité serait assurée à travers la variation des attributions de compensation . Il est en effet proposé que le système d'attributions de compensation obligatoires créées à la suite du transfert de la DCRTP et de la CPS des communes aux EPCI s'articule avec le rebasage présenté ci-dessus de la façon suivante : si l'EPCI devait prendre en charge le reliquat de la CRFP d'une commune dont le « support » était insuffisant, ceci entraînerait une minoration du montant de l'AC qu'il lui verse au titre du transfert de la DCRTP et de la CPS. Si le montant de l'AC obligatoire était insuffisant pour supporter le reliquat de CRFP, la commune se verrait attribuer une « AC négative » - et devrait donc s'acquitter auprès de l'EPCI du montant correspondant.

Variation des attributions de compensation (AC) des communes

Source : groupes de travail du Sénat et de l'Assemblée nationale sur la réforme de la DGF

Les tableaux suivants présentent le processus de rebasage pour des exemples-types de communes et d'EPCI.

Cas d'une commune dont le « support » permet d'absorber toute la CRFP 2017

Source : groupes de travail du Sénat et de l'Assemblée nationale sur la réforme de la DGF

Cas d'une commune dont le « support » ne permet pas d'absorber
toute la CRFP 2017

Source : groupes de travail du Sénat et de l'Assemblée nationale sur la réforme de la DGF

Cas d'une commune ayant une « DGF négative » en 2016

Source : groupes de travail du Sénat et de l'Assemblée nationale sur la réforme de la DGF

Cas d'un EPCI dont le « support » permet d'absorber toute la CRFP 2017

Source : groupes de travail du Sénat et de l'Assemblée nationale sur la réforme de la DGF

Cas d'un EPCI dont le « support » ne permet pas d'absorber toute la CRFP 2017

Source : groupes de travail du Sénat et de l'Assemblée nationale sur la réforme de la DGF

De même, le rebasage est budgétairement neutre pour l'État . En effet, seules les modalités d'imputation de la CRFP seraient modifiées, sans que son montant ne soit remis en cause. Seuls deux cas nécessiteraient que l'État intervienne pour assurer la neutralité budgétaire de la réforme : lorsqu'une commune isolée ou un EPCI n'aurait pas suffisamment de « montant support » pour acquitter la CRFP due, l'État prélèverait le montant correspondant sur leur contribution ou attribution au titre du FNGIR.

Équilibre global du rebasage pour l'État

Source : groupes de travail du Sénat et de l'Assemblée nationale sur la réforme de la DGF

*

Ce mécanisme de rebasage peut sembler complexe. Son principe est cependant simple et repose sur deux idées : d'une part, redonner une dotation à chaque commune et à chaque EPCI afin d'éviter les effets aberrants (« DGF négatives », moindre participation au financement de la péréquation verticale) et, d'autre part, assurer la neutralité de l'ensemble en jouant sur les attributions de compensation.

En tout état de cause, ce système complexe doit permettre de sortir d'une situation encore plus complexe suscitée par le choix de faire porter la CRFP sur la DGF .


* 22 Cette compensation a été fondue avec les autres composantes de la dotation forfaitaire dans une même dotation par la loi de finances pour 2015, mais il est possible de la reconstruire sans difficulté.

* 23 Les montants de CRFP 2017 retenus dans le présent rapport sont ceux antérieurs à l'annonce de l'étalement de la baisse de DGF annoncée par le président de la République le 2 juin 2016 devant le congrès des maires, mais cette différence est tout à fait compatible avec le rebasage proposé.

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