III. RESTREINDRE LE SPECTRE DE LA DSU ET RÉPARTIR PLUS ÉQUITABLEMENT SA CROISSANCE

Aujourd'hui la péréquation verticale regroupe trois dotations au sein de la dotation d'aménagement :

- la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) créée en 1991 ;

- la dotation de solidarité rurale (DSR) créée en 1994 ;

- la dotation nationale de péréquation (DNP) issue du Fonds national de péréquation intégré à la DGF par la loi de finances pour 2004.

Elles représentent en 2016 un montant total de 3 947 millions d'euros, soit 31,7 % de la DGF des communes.

Leurs montants respectifs s'élèvent à 1 910 millions d'euros pour la DSU, à 1 242 millions d'euros pour la DSR et à 794 millions d'euros pour la DNP.

De ces trois dotations, la DSU est celle qui concentre le plus d'attention car elle apparait comme un puissant levier de réduction des écarts entre les communes en matière de création et de gestion des services publics au bénéfice des administrés.

Son histoire, vieille de vingt-cinq ans, doit être rappelée car les règles permettant l'identification des communes bénéficiaires ainsi que celles présidant au calcul du montant des dotations individuelles ont été modifiées à plusieurs reprises depuis 1991.

A. UNE DSU DE PLUS EN PLUS CONCENTRÉE SUR CERTAINES COMMUNES

Créée en 1991 26 ( * ) , la dotation de solidarité urbaine « a pour objet de contribuer à l'amélioration des conditions de vie dans les communes urbaines confrontées à une insuffisance de leurs ressources et supportant des charges élevées » 27 ( * ) .

Elle était initialement perçue par les communes :

- de moins de 10 000 habitants ayant plus de 1 100 logements sociaux ;

- de plus de 10 000 habitants sous réserve de remplir deux conditions cumulatives (relatives à la proportion de logements sociaux ou de bénéficiaires des aides aux logements et au niveau relatif de potentiel fiscal par habitant par rapport à celui de l'ensemble des communes de plus de 10 000 habitants).

Deux nouvelles réformes, introduites en 1993 et en 1996, ont remplacé ces conditions, d'abord pour les communes de plus 10 000 habitants puis pour les communes de moins de 10 000 habitants, par un indice synthétique de ressources et de charges. En outre, la réforme de 1996 a conduit à exclure du bénéfice de la DSU les communes de moins de 5 000 habitants.

Aussi, à partir de 1996, percevaient la DSU :

- les trois premiers quarts des communes de plus de 10 000 habitants classées en fonction de l'indice synthétique nouvellement défini ;

- et le premier dixième des communes dont la population est comprise entre 5 000 et 9 999 habitants.

Indice synthétique de ressources et de charges
utilisé pour la répartition de la DSU à partir de 1993

L'indice synthétique de ressources et de charges prend en compte :

- le rapport entre le potentiel fiscal 28 ( * ) par habitant des communes de 10 000 habitants et plus et le potentiel fiscal par habitant de la commune (50 % 29 ( * ) ) ;

- du rapport entre la part des logements sociaux de la commune dans le total des logements de la commune et la part des logements sociaux des communes de 10 000 habitants et plus dans le total des logements de ces mêmes communes (20 %) ;

- du rapport entre la proportion des logements dont un occupant bénéficie des aides personnalisées au logement (APL) ou des allocations de logement dans le nombre total des logements de la commune et la proportion de ces logements dans le total des logements des communes de 10 000 habitants et plus (20 %) ;

- du rapport entre le revenu moyen par habitant des communes de 10 000 habitants et plus et le revenu par habitant de la commune (10 %).

Source : article L. 2334-17 du code général des collectivités territoriales, dans sa version issue de la loi n° 96-142 du 21 février 1996 relative à la partie législative du code général des collectivités territoriales

En 2005, la loi de programmation pour la cohésion sociale 30 ( * ) a introduit des zonages utilisés dans le cadre de la politique de la ville, afin de favoriser les communes comprenant des zones franches urbaines (ZFU) ou des zones urbaines sensibles (Zus).

Poursuivant la dynamique antérieure, la loi de cohésion sociale comprenait également une garantie de progression de la DSU ; ainsi, son article 135 prévoyait que « pour chacune des années 2005 à 2009, la progression de la dotation globale de fonctionnement des communes et de leurs groupements est affecté en priorité, à concurrence de 120 millions d'euros, à la dotation de solidarité urbaine (...). Si, pour chacune des années 2005 à 2009, le montant de l'accroissement de la dotation globale de fonctionnement des communes et de certains de leurs groupements est inférieur à 500 millions d'euros, l'affectation prévue à la phrase précédente est limitée à 24 % de l'accroissement constaté ».

Selon le bilan financier de dix années de dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, réalisé en 2012 par l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, « sur la période 2004-2012, le montant de la DSU des communes comportant des Zus et/ou ZFU a bénéficié d'un taux de croissance annuel moyen plus soutenu que celui observé sur l'ensemble des communes de 5 000 à 9 999 habitants : 25,3 % contre 17,6 % » 31 ( * ) .

Pour les communes de plus de 10 000 habitants comprenant des Zus ou des ZFU, le phénomène est de moindre ampleur puisque le montant de DSU de ces communes ne connaît, sur la même période, qu'une croissance annuelle légèrement supérieure à celle constatée sur l'ensemble de la strate : « 10,6 % d'augmentation en moyenne par an contre 9,6 % en moyenne par an pour l'ensemble de la strate des communes de 10 000 habitants et plus ».

Montants de DSU des communes de métropole (2004-2012)
dont communes avec Zus et/ ou ZFU

Source : rapport public 2012 de l'observatoire national des zones urbaines sensibles

En 2009, une nouvelle réforme de la DSU est envisagée.

Initialement, le projet de loi de finances pour 2009 réservait la hausse du montant de la DSU à la moitié des communes de plus de 10 000 habitants (au lieu des trois quarts), supprimait le critère relatif à la proportion de logements sociaux ainsi que les majorations accordées pour les ZFU et les Zus. Toutefois, comme le rappelle le rapport de Bernard Saugey, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois du Sénat, « ce projet de réforme a suscité l'émotion d'un grand nombre d'élus locaux et, le Bureau de l'Association des maires de France (AMF) a demandé un réexamen des dispositions du PLF relatives à la DSU ». Il est en effet apparu qu'« avec l'application des nouveaux critères de répartition, des communes emblématiques de la politique de la ville risquaient de sortir du dispositif. La réforme produisait des effets très négatifs pour des communes connaissant des difficultés économiques et sociales très importantes, en particulier en Île-de-France ».

Le projet initial du Gouvernement a donc été modifié et la loi de finances pour 2009 a mis en oeuvre une nouvelle réforme de la DSU, dans l'optique de mieux la cibler : c'est la création de la DSU dite « cible » , qui concentre les augmentations de la DSU sur un faible nombre de communes, considérées comme les plus défavorisées.

Ainsi, à partir de 2009, l'augmentation de la DSU est concentrée sur la seule part « cible » de la DSU, réservée :

- aux 150 premières communes de 10 000 habitants et plus ;

- aux 20 premières communes dont la population est comprise entre 5 000 et 9 999 habitants,

classées en fonction de l'indice synthétique.

En 2010, le dispositif est élargi aux 250 premières communes de plus de 10 000 habitants 32 ( * ) et, en 2011, aux 30 premières communes de moins de 10 000 habitants 33 ( * ) .

En outre, les dispositions relatives à la DSU « non cible » sont modifiées par la loi de finances pour 2009 : la dotation perçue au titre de la DSU est désormais égale à celle perçue l'année précédente, éventuellement indexée sur l'inflation prévue par le projet de loi de finances. Ceci aboutit donc à une « cristallisation » des montants de DSU perçus.

Règles actuelles de calcul du montant de DSU
des communes de plus de 10 000 habitants

Classement

Calcul de la DSU

250 premières

DSU n-1 indexée sur l'inflation du PLF + « DSU cible »

Entre 251 et 501

DSU n-1 indexée sur l'inflation du PLF

Entre 502 et 751

DSU n-1

Source : groupe de travail du Sénat et de l'Assemblée nationale sur la réforme de la DGF

Pour les communes de moins de 10 000 habitants, le mécanisme est similaire : le montant de DSU perçu l'année précédente est également reconduit, sauf pour les 30 premières communes classées en fonction de l'indice synthétique, qui perçoivent la DSU « cible ».

Les hausses importantes de DSU « cible » ajoutées à cette cristallisation produisent un effet de seuil très important entre les communes percevant la DSU « cible » et les autres communes bénéficiant de la seule DSU.

Montants de la DSU et de la DSU cible (2009-2016)

(en millions d'euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

DSU totale

1 103

1 169

1 241

1 299

1 411

1 467

1 638

1 808

dont DSU cible distribuée *

39

54

56

32

93

42

161

158

DSU cible cumulée

39

94

152

187

284

330

494

657

DSU hors cible cumulée

1 063

1 074

1 089

1 111

1 126

1 137

1 143

1 150

Évolution annuelle DSU

5,95 %

6,22 %

4,62 %

8,61 %

4,02 %

11,59 %

10,43 %

* Après déduction de la part de péréquation pour l'Outre-mer.

Source : Ressources consultants finances


* 26 Loi n° 91-429 du 13 mai 1991 instituant une dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et un fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France, réformant la dotation globale de fonctionnement des communes et des départements et modifiant le code des communes.

* 27 Article L. 2334-15 du code général des collectivités territoriales.

* 28 Le critère de potentiel fiscal a été remplacé par celui de potentiel financier en 2004.

* 29 Ces pondérations ont évolué au cours des années. Aujourd'hui, les pondérations sont les suivantes : 45 % pour le potentiel financier ; 15 % s'agissant de la proportion de logements sociaux ; 30 % concernant la proportion de bénéficiaires d'aides au logement et 10 % pour le revenu par habitant.

* 30 Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.

* 31 Observatoire national des zones urbaines sensibles, rapport public 2012, pages 269 à 290.

* 32 Article 127 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.

* 33 Article 178 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

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