EXAMEN DU PRÉSENT RAPPORT EN COMMISSION

Mercredi 13 juillet 2016, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Marie Bockel et Mme Gisèle Jourda, co-présidents du groupe de travail sur « la garde nationale ».

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Nous passons à l'examen du premier rapport d'information inscrit à notre ordre du jour, visant la « garde nationale » et donc la réserve militaire. La parole est aux rapporteurs, qui ont coprésidé le groupe de travail de notre commission sur ce sujet.

Je vous signale que, à ma demande, la conférence des présidents a décidé que les rapports d'information qui nous sont présentés ce matin feraient l'objet d'un débat en séance publique à la rentrée parlementaire.

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur . - Monsieur le président, mes chers collègues, le rapport d'information que Gisèle Jourda et moi-même avons préparé, au nom de notre commission, sous l'intitulé « garde nationale » est à mettre en rapport avec les déclarations faites par le Président de la République devant le Parlement réuni en congrès le 16 novembre dernier, à la suite des attentats survenus trois jours plus tôt. Le chef de l'État avait alors annoncé diverses mesures, dont le gel de la diminution des effectifs de la défense, mais aussi exprimé son souhait « que l'on tire mieux parti des possibilités des réserves de la défense, encore insuffisamment exploitées dans notre pays ». Il avait ajouté : « Les réservistes [...] constituent les éléments qui peuvent, demain, former une garde nationale encadrée et disponible. »

De fait, le Gouvernement soutient depuis lors un projet, ambitieux, qui tend à renforcer les réserves militaires. Ce projet avait d'ailleurs été engagé dès le lendemain des attentats de janvier 2015, donnant ainsi corps aux orientations définies en la matière dans le Livre blanc de 2013 sur la défense et la sécurité nationale - des orientations données depuis fort longtemps, mais jamais véritablement mises en oeuvre.

Le Gouvernement a donc réaffirmé, dans un contexte nouveau, des intentions beaucoup plus anciennes et, avec M. Le Drian, il y a eu un commencement d'exécution.

Au mois de mars dernier, la commission a confié le soin de suivre cette initiative. Le groupe de travail que Gisèle Jourda et moi-même avons animé s'est enrichi de la participation de nos collègues Joëlle Garriaud-Maylam, Michel Boutant, Alain Gournac et Jean-Paul Émorine, que je remercie pour la part qu'ils ont prise à nos travaux.

Entre avril et juin, nous avons auditionné plus d'une vingtaine de personnalités représentant le ministère de la défense et les armées, mais aussi la gendarmerie, dont la réussite en matière de réserve est marquante et qui joue un rôle territorial important, et les principaux viviers de réservistes, en particulier le monde des entreprises, la fonction publique et l'enseignement supérieur. En outre, nous avons obtenu du ministre de la défense une documentation sur l'organisation des réserves militaires de plusieurs pays étrangers.

Nous avons également tiré le plus grand profit du rapport sur les réserves établi en 2010 par Michel Boutant et Joëlle Garriaud-Maylam. Nos collègues ont été tout à fait précurseurs de la réflexion actuelle, puisque leur travail a donné lieu à la création par la loi, en 2011, du dispositif de réserve de sécurité nationale, sur lequel nous reviendrons. Les constats qu'ils ont dressés voilà près de six ans restent aujourd'hui largement valides.

Aussi n'avons-nous pas voulu refaire, au-delà de l'actualisation nécessaire, une analyse déjà disponible. Notre groupe de travail a surtout cherché à sonder, de façon pragmatique, les propositions d'ores et déjà avancées et à identifier les mesures qu'il conviendrait de prendre pour revivifier les réserves des armées, qu'il s'agisse de la réserve opérationnelle ou de la réserve citoyenne. Nous nous sommes ainsi efforcés d'explorer les enjeux de l'idée d'une « garde nationale », mise dans le débat public à l'automne dernier, par l'Exécutif, sans beaucoup plus de précisions - ce qui a laissé le champ libre à notre réflexion.

Gisèle Jourda présentera d'abord l'état des lieux de la réserve militaire, ainsi que le projet engagé par le Gouvernement dans ce domaine. Ensuite, l'un et l'autre, nous détaillerons les propositions auxquelles nous sommes parvenus pour réussir un redimensionnement de cette réserve, qui nous semble indispensable pour notre politique de défense et, au-delà, pour notre pays.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Monsieur le président, mes chers collègues, la réserve militaire s'est vue entièrement réorganisée par la loi du 22 octobre 1999, destinée à tenir compte de la suspension du service national et, donc, de la fin de la conscription qui l'alimentait jusqu'alors.

On distingue depuis lors, sous l'aspect organique, notamment budgétaire, trois réserves militaires : la réserve des armées, qui comprend aussi les réserves des services interarmées comme le service de santé, le commissariat des armées ou le service des essences ; la réserve de la direction générale de l'armement, la DGA ; la réserve de la gendarmerie, qui, comme la gendarmerie dans son ensemble, relève depuis 2009 du ministère de l'intérieur, en dehors d'éventuelles missions militaires.

Chacune de ces réserves se décompose en deux catégories, d'inégale importance quantitative : la réserve opérationnelle et la réserve citoyenne.

La réserve opérationnelle se subdivise à son tour en deux composantes.

La réserve opérationnelle de 1 er niveau, ou RO1, est constituée de volontaires ayant souscrit un engagement contractuel à servir dans les armées. Ceux-ci sont des « militaires à temps partiel » : ils sont pleinement intégrés aux forces, comme compléments individuels dans les unités et les services ou au sein d'unités principalement composées de réservistes, et participent à l'exécution de missions temporaires ou permanentes. Certains peuvent être recrutés avec le statut de « spécialistes ».

En 2015, au total, c'est-à-dire gendarmerie incluse, la RO1 comptait près de 54 400 réservistes ; 28 100 d'entre eux relevaient des armées et de la DGA - soit l'équivalent de 13 % du plafond d'emplois militaires du ministère de la défense.

En pratique, les réservistes opérationnels volontaires sont soit d'anciens militaires d'active ou appelés du contingent, soit des personnes directement issues de la société civile. En conséquence, ils ne disposent pas nécessairement d'une expérience militaire préalable. Suivant le cas, ils sont admis dans la réserve directement ou à l'issue d'une période militaire d'initiation ou de perfectionnement à la défense.

La réserve opérationnelle de 2 e niveau, ou RO2, regroupe sous un régime de disponibilité obligatoire tous les anciens militaires pendant les cinq années suivant la cessation de leur état militaire. L'an dernier, la RO2 représentait un vivier de 127 000 réservistes, dont les trois quarts relevaient des armées. L'appel à tout ou partie de ces réservistes « statutaires » ne peut être décidé que par un décret pris en conseil des ministres, pour des cas exceptionnels de crise. Dans les faits, il n'a jamais été fait appel, à ce jour, à l'intervention de la RO2.

Quant à la réserve citoyenne, elle est composée de volontaires bénévoles, agréés par l'autorité militaire. Elle comprend plus de 4 000 réservistes, dont plus des deux tiers pour les armées.

La mission de ces bénévoles est de servir de relais des forces militaires vers la société civile par diverses actions de rayonnement, mais pas seulement. Ainsi, il existe une importante réserve citoyenne dans le domaine de la cyberdéfense : le « cercle de confiance » mis en place à la suite des préconisations de notre collègue Jean-Marie Bockel dans son rapport de 2012 sur le sujet. Un réseau de « réservistes locaux à la jeunesse et à la citoyenneté » a également été créé ; ceux-ci interviennent auprès de la jeunesse dans les quartiers populaires et les zones rurales. On peut encore mentionner les réservistes citoyens chargés de contribuer à l'action de Défense Mobilité, l'agence de reconversion du ministère de la défense.

Je voudrais insister sur deux aspects de la question, dont le premier est le statut du réserviste opérationnel salarié.

Pour la fonction publique, la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, inscrivant dans le droit la pratique qui avait déjà cours dans l'administration, a introduit un droit à congé avec maintien du traitement pouvant aller jusqu'à trente jours cumulés par année civile, destiné à permettre à un agent d'accomplir une période d'activité dans la réserve opérationnelle.

Dans le secteur privé, le contrat de travail du salarié-réserviste opérationnel est suspendu lorsque celui-ci exerce son activité militaire sur son temps de travail. En principe, le salarié ne peut donc pas cumuler sa solde et son salaire. Toutefois, les périodes de réserve sont considérées comme des périodes de travail effectif en ce qui concerne l'ancienneté, l'avancement, les congés payés et les droits aux prestations sociales.

Le réserviste qui accomplit son engagement dans la réserve opérationnelle pendant son temps de travail doit prévenir son employeur de son absence au moins un mois avant celle-ci. Il peut accomplir cet engagement pendant son temps de travail jusqu'à cinq jours par année civile sans devoir recueillir l'autorisation de son employeur ; au-delà de cinq jours, il ne peut le faire qu'à la condition d'avoir obtenu cette autorisation.

Néanmoins, des mesures tendant à faciliter l'activité dans la réserve au-delà des obligations légales des employeurs peuvent être décidées par la voie conventionnelle, notamment dans le contrat de travail des réservistes ou dans des conventions conclues entre les employeurs et le ministère de la défense. À l'heure actuelle, plus de 360 employeurs publics et privés ont signé avec le ministère un partenariat visant à soutenir la politique de la réserve militaire, permettant ainsi à leurs salariés-réservistes de s'engager auprès des armées davantage que le minimum prévu par la loi. En particulier, les engagements à servir dans la réserve peuvent comporter, avec l'accord de l'employeur, une clause dite « de réactivité », qui permet à l'autorité militaire de faire appel au réserviste dans des conditions de préavis réduit.

Le second aspect sur lequel je souhaite attirer votre attention tient aux évolutions législatives intervenues ces dernières années dans l'organisation de la réserve militaire.

D'abord, en 2011, sur la proposition de nos collègues Michel Boutant et Joëlle Garriaud-Maylam, la loi a créé le dispositif de « réserve de sécurité nationale ». Celui-ci prévoit, en cas de crise grave, le concours commun des réservistes de la réserve militaire opérationnelle de 1 er niveau et de 2 e niveau, de la réserve civile de la police nationale, de la réserve sanitaire, de la réserve civile pénitentiaire et des réserves communales de sécurité civile. Ce dispositif est activable depuis la publication du décret d'application en mai 2015, mais il n'a encore jamais été mis en oeuvre. Dans ce cadre, le préavis de convocation des réservistes serait limité à un jour franc, et leur durée d'emploi opposable à leur employeur civil portée à trente jours, renouvelable une fois.

Ensuite, la loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense a assoupli les conditions de recours à la réserve opérationnelle en cas de crise menaçant la sécurité nationale. Dans cette hypothèse, il est en effet possible au ministre de la défense de prendre par arrêté deux séries de mesures. D'une part, il peut réduire le préavis que doit respecter le réserviste salarié pour prévenir son employeur de son absence pour activités dans la réserve ; cette réduction ramène le préavis à quinze jours pour le régime de droit commun, contre un mois en temps ordinaire, et à cinq jours pour les réservistes ayant souscrit une clause de réactivité, contre quinze en temps ordinaire. D'autre part, il peut augmenter le nombre de jours d'activité dans la réserve que peut accomplir le réserviste salarié sur son temps de travail sans avoir besoin de l'autorisation de son employeur : cette période peut être étendue jusqu'à dix jours par an, contre cinq en temps ordinaire.

La mise en application de ces mesures n'est possible que pour un temps limité. Ainsi, lorsque ces dispositions ont été activées, pour la seule et unique fois à ce jour, par un arrêté du début du mois de janvier 2016, leur durée de mise en oeuvre a été réglée sur celle de l'état d'urgence, dont la loi prévoyait alors qu'il se terminerait à la fin du mois de février.

Au-delà de ces ajustements juridiques, la réserve militaire, du moins celle des armées, s'est longtemps vue traitée comme un dossier de second rang.

Ainsi, de sa réorganisation en 1999 jusqu'à la loi de programmation actuelle, votée en 2013, cette réserve a constamment vécu au rythme des coupes budgétaires. Sur la période, à peu près aucune annuité prévisionnelle n'a été respectée. De fait, les enveloppes financières prévues au titre de la réserve -dans la programmation militaire, puis, chaque année, dans la loi de finances- ont été très couramment sollicitées pour servir de variables d'ajustement du budget de la défense. Par suite, l'activité de la réserve, pendant une quinzaine d'années, s'est vue traitée à l'image de son budget, c'est-à-dire « par solde » : elle était au niveau de ce qui restait possible après les régulations dont elle faisait les frais.

De la sorte, alors que la professionnalisation des armées avait vocation à s'accompagner de la mise en place d'une réserve opérationnelle plus disponible et mieux formée, la montée en puissance de celle-ci n'a jamais été réalisée, bien qu'elle ait été prévue, depuis une vingtaine d'années, par les Livres blancs sur la défense et la sécurité nationale et les lois de programmation militaire correspondantes. La chronique des résultats de la politique de la réserve, telle que la dresse notre rapport, est celle d'une ambition toujours déçue, quoique régulièrement revue à la baisse.

Pour s'en tenir à la dernière période, s'agissant du volume des effectifs, la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 prévoyait une cible pour la réserve opérationnelle de 1 er niveau limitée à 40 500 réservistes à l'horizon de 2015. Or l'effectif de la RO1 constaté à la fin de l'année 2014 n'atteignait qu'un peu plus des deux tiers de cet objectif, l'absence de moyens, mais aussi de détermination, ayant aggravé les difficultés inhérentes à la mobilisation de réservistes volontaires.

Quant au niveau d'activité de la réserve, il est directement corrélé aux disponibilités budgétaires : un budget de 1 million d'euros représente environ dix jours d'activité pour mille réservistes. De manière significative, ce n'est qu'avec la récente remontée du budget consacré à la réserve, en 2015, que l'on a observé une hausse sensible du niveau d'emploi des réservistes : le taux moyen d'activité s'est en effet établi, l'année dernière, à 27,9 jours par réserviste, soit une progression de près de 16 % par rapport à 2014, où ce taux était de 24,1 jours à peine. Ce résultat représente 93 % d'une cible désormais fixée à trente jours.

Reste que cette moyenne masque d'importantes disparités, d'un réserviste à l'autre. En particulier, certains n'accomplissent aucune journée d'activité dans l'année : plus de 18 % se sont trouvés dans cette situation en 2015. Par ailleurs, la même année, seulement 46 % des réservistes ont accompli plus de vingt jours d'activité.

Les armées elles-mêmes n'ont pas accordé une attention prioritaire à leurs réserves.

D'une part, elles ont conservé l'habitude de bâtir leurs contrats opérationnels et leurs scénarios de crise sans y intégrer la réserve, qui constitue une variable d'ajustement des effectifs essentielle pour le fonctionnement militaire, mais une variable d'ajustement seulement. À cet égard, je dois dire que plusieurs des personnes que nous avons auditionnées se sont montrées dubitatives sur l'effet que pourrait avoir un rapport supplémentaire.

De fait, la professionnalisation des forces armées entreprise à partir de 1997 et la réduction sans précédent de leurs effectifs ont conduit les autorités militaires à n'exprimer de besoins en matière de réserve, pour l'essentiel, qu'en termes de renforts numériques ponctuels des unités et des états-majors, et pour se doter de spécialistes, sans chercher à mieux définir le rôle qui pourrait être dévolu en propre aux réservistes.

D'autre part, la gestion de la réserve de disponibilité statutaire, la RO2, a été complètement négligée. Au printemps dernier, l'armée de terre, consciente de cette lacune, a organisé un exercice, « Vortex », consistant à rappeler les anciens militaires soumis à l'obligation de disponibilité relevant de deux brigades. Or 41 % seulement des réservistes appelés ont effectivement répondu présents le jour dit. Plus du quart de l'effectif théorique a répondu à l'appel par la négative ou n'y a pas répondu. Un autre quart environ n'a pas pu être atteint, les adresses se révélant invalides. Cette situation n'est pas acceptable !

Un horizon nouveau s'est tout de même ouvert pour la réserve militaire en 2015. En effet, la pression de la menace liée au terrorisme djihadiste, qui a désormais prouvé sa capacité à frapper directement sur notre territoire, a rendu impérative la rénovation d'un dispositif peu ou prou négligé jusqu'alors, et qui doit être enfin considéré comme une partie intégrante de notre modèle d'armée - comme l'ont proclamé, de façon assez théorique, nos Livres blancs successifs. L'armée active, notamment l'armée de terre, déployée au-delà de ses contrats opérationnels du fait du niveau d'engagement et de la durée de l'opération « Sentinelle », a besoin de ce renfort.

Je trouve navrant que ce soit sous la pression de la menace qu'on ait enfin entrepris d'agir, s'agissant d'une question qui figurait dans les différents Livres blancs et dont on se préoccupait, officiellement, de longue date.

Toujours est-il que le Gouvernement paraît aujourd'hui véritablement engagé dans la voie de la rénovation de la réserve, dans le cadre d'un projet baptisé « Réserve 2019 ». Les objectifs, fixés en 2015, en ont été réaffirmés par le Président de la République lui-même au début de l'année. Il s'agit, d'une part, de porter l'effectif de la réserve opérationnelle des armées à 40 000 volontaires d'ici à 2019, contre 28 100, DGA incluse, en 2015. Il s'agit, d'autre part, de déployer 1 000 de ces réservistes en permanence pour la protection de nos concitoyens sur le territoire national, dans le cadre de l'opération « Sentinelle » ou de celle qui pourrait être appelée à lui succéder.

À cet effet, des moyens ont d'ores et déjà été dégagés.

En premier lieu, rompant objectivement avec le passé en la matière, la loi du 28 juillet 2015 a rehaussé le budget de la réserve des armées de 75 millions d'euros supplémentaires sur la période 2016-2019. La loi de finances initiale pour 2016 a relevé le budget prévisionnel de cette réserve à 96 millions d'euros, compte non tenu de 2 millions d'euros destinés à financer les besoins liés au système d'information et à la communication du ministère dans ce domaine. L'augmentation atteint 17 % par rapport à 2015 et 35 % par rapport à 2014.

L'objectif pour l'année en cours est d'accroître de 20 % l'activité des réservistes opérationnels des armées et de créer 3 100 postes supplémentaires parmi eux, soit 11 % de plus que l'année dernière. Cet effort devrait être presque intégralement consacré au renforcement de la mission stratégique de protection du territoire national.

En second lieu, un pilotage administratif ad hoc a été mis en place, avec la création d'une direction de projet, confiée au général de Raucourt, sous l'autorité du chef d'état-major des armées. Quatre groupes de travail ont été constitués, qui travailleront respectivement sur les thèmes suivants : la définition d'un nouveau concept de réserve associé à une gouvernance rénovée ; la simplification des procédures administratives et l'allégement de la gestion de la réserve ; la modernisation du système d'information existant ; l'élargissement des viviers de recrutement et la création de mesures incitant à s'engager dans la réserve.

J'ai moi-même été le témoin du début d'avancement de ces chantiers en participant, à l'invitation du ministère de la défense, à la réunion du comité directeur de la réserve militaire qui s'est tenue le 16 juin dernier, sous la présidence de M. Jean-Claude Mallet, conseiller spécial du ministre.

Parallèlement, les armées ont commencé à se réorganiser. Ainsi, l'armée de terre, concernée au premier chef, a mis en place au 1 er juin dernier un « commandement pour le territoire national ». Dans ce cadre, l'armée entend notamment créer des synergies entre les unités d'active et la réserve opérationnelle, afin de développer l'emploi de la réserve dans les missions de protection du territoire national.

En outre, à la suite des annonces faites par le ministre de la défense au mois de mars dernier, dix-sept unités élémentaires de réserve supplémentaires doivent être créées pour l'armée de terre d'ici à 2019. Dans le même temps, l'armée de l'air doit bénéficier de la création de quatre sections de réserve et d'appui, et la marine de vingt et une compagnies dites « ROMÉO », toutes constituées de réservistes.

L'histoire de la réserve paraît donc bel et bien s'être accélérée.

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur . - Comme l'a souligné Gisèle Jourda, 2015 a été pour la réserve une année de rupture. Les attentats qui ont meurtri notre Nation l'année dernière ont en effet débouché sur une double prise de conscience.

D'une part, le pays a réalisé que le terrorisme djihadiste pouvait frapper mortellement sur notre sol même. Le déclenchement de l'opération « Sentinelle » à la suite des attentats de janvier 2015 a mieux fait apparaître, en contribuant à l'accentuer, l'hyper-sollicitation de nos forces.

De fait, les armées étaient déjà engagées à un niveau élevé sur différents théâtres d'opérations extérieurs, et elles le demeurent ; nous y reviendrons en examinant le deuxième rapport d'information inscrit à notre ordre du jour. Dans ce contexte, les mesures de protection requises par la menace qui s'est nouvellement déclarée en 2015 excèdent ce que prévoyaient les contrats opérationnels inscrits dans la loi de programmation militaire et rendent nécessaires de nouveaux moyens pour les armées.

La réserve, par définition, constitue l'un de ces moyens, parallèlement à la révision à la hausse du schéma d'emploi de l'active. Elle doit permettre aux forces de s'inscrire dans la durée, en donnant à l'active des marges de manoeuvre et la possibilité de se concentrer sur le haut du spectre des opérations. Les réservistes paraissent ainsi devoir prendre toute leur place dans des opérations du type « Sentinelle », de façon à décharger un peu de son fardeau, en particulier, l'armée de terre. Il s'agit de permettre aux militaires d'active de retrouver le temps requis pour la formation, l'entraînement et le repos après les périodes d'engagement.

Or, actuellement, les opérations militaires ne représentent qu'une part très modeste de l'activité des réservistes opérationnels. En 2015, en prenant en compte la gendarmerie, seulement 1,6 % de cette activité a servi aux OPEX (2,7 % si l'on ne prend en compte que les armées), et 7,2 % aux opérations intérieures, dont « Sentinelle ». Une mesure plus fine permet d'estimer que 21,3 % - soit un peu plus d'un cinquième - de l'activité de la réserve opérationnelle des armées a été consacrée, l'année dernière, à la protection du territoire national, ce qui est évidemment peu.

Certes, du fait des déploiements de « Sentinelle », l'activité des réservistes dans les opérations intérieures a été multipliée par 2,5 en 2015 par rapport à 2014 ; mais les 400 réservistes environ qui participent à « Sentinelle » ne représentent que 4 à 6 %, tout au plus, des 7 000 à 10 000 militaires déployés au quotidien dans ce cadre. L'axe d'effort est donc clairement tracé.

D'autre part, le djihadisme ayant prouvé sa capacité à mobiliser des combattants parmi les populations européennes, en particulier au sein de la nôtre, la cohésion du pays apparaît désormais, peut-être plus que jamais depuis la Seconde guerre, comme une priorité pour l'action politique. Or la réserve militaire, élément clé du lien entre la Nation et son armée, est aussi un dispositif catalyseur d'engagements civiques et un incubateur d'esprit de service. Elle se trouve donc à même de contribuer puissamment à ce renforcement interne, qui est nécessaire.

De fait, au lendemain des attentats de janvier 2015, puis à nouveau après ceux du mois de novembre dernier, une aspiration à l'engagement au service de la collectivité s'est manifestée dans la société, notamment auprès des armées. Une hausse sensible des demandes de renseignements sur les modalités d'engagement militaire a alors été enregistrée. Toutes ces marques d'intérêt ne débouchent pas sur un recrutement, mais la période difficile que traverse notre pays s'avère propice à un essor de la réserve.

Gisèle Jourda a présenté les grands axes définis par le plan « Réserve 2019 ». Nous donnons acte au Gouvernement d'avoir entrepris d'agir avec une certaine résolution. Toutefois, la réforme ne pourra produire d'effets que dans un temps relativement long, dans la mesure où le recrutement et la formation de réservistes opérationnels réclament des délais. De plus, la capacité d'absorption des armées en la matière reste limitée : une réserve de masse n'est pas gérable pour nos forces, compte tenu des besoins de formation et d'équipement des réservistes, ainsi que des infrastructures militaires existantes. Sans compter que, parallèlement à la montée de la réserve, les armées doivent à présent gérer la remontée de l'active, suivant les décisions prises l'année dernière.

Pour le plus court terme, l'enjeu est de définir au mieux un modèle de réserve qui, permettant dans une proportion croissante d'appuyer les forces d'active, contribue à notre défense de façon optimale. C'est à cette tâche fondamentale de redimensionnement de l'outil « réserve » que notre groupe de travail a souhaité prendre part.

Nos propositions sont fondées sur quatre principes cardinaux.

Le premier est la « militarité » : la réserve rénovée des armées devra conserver un statut pleinement militaire.

Le deuxième, non moins essentiel, est la « territorialisation » : la future réserve devra être ancrée dans le territoire national et structurée sur une base territoriale. C'est là l'axe fort de notre rapport.

Le troisième est l'unité : l'organisation de la future réserve devra assurer la capacité de celle-ci à exercer la pluralité des missions liées aux différents besoins militaires, mais dans le cadre d'une étroite coordination interarmées. Ce principe exclut tant la création d'une « armée bis » que la constitution de réserves de seconde zone.

Le quatrième tient à la cohésion nationale : de notre point de vue, la réserve devra accueillir en priorité la jeunesse française, en étant rendue attractive à cet effet. Car les jeunes représentent à la fois le coeur des besoins militaires pour renforcer les unités d'active dans leurs missions de protection et un levier majeur de consolidation des liens intra-nationaux.

Dans le cadre de ces principes généraux, nous avançons une série de propositions visant à revivifier effectivement la réserve militaire.

Nos préconisations concernent d'abord l'organisation de la réserve. En effet, si le maintien et l'amplification de l'effort budgétaire récemment engagé constituent une condition sine qua non de la réussite - ce n'est là qu'une question de volonté, car les sommes en jeu ne sont pas bien considérables -, il s'agit avant tout, pour le reste, d'instaurer une territorialisation.

Le but est de répondre efficacement aux menaces de tous ordres susceptibles de frapper sur notre sol : le terrorisme et les catastrophes naturelles, technologiques ou industrielles, mais aussi des troubles graves plus probables aujourd'hui encore qu'en 2010, lorsque nos collègues Michel Boutant et Joëlle Garriaud-Maylam en traitaient dans le rapport que j'ai précédemment cité. Ces troubles, évidemment plus probables en certains points du territoire qu'en d'autres, il n'est pas toujours aisé de les prévoir, mais il est nécessaire de les anticiper, comme le font, d'ailleurs, nos services de renseignement. Les médias soulignent régulièrement l'importance de cette menace, qu'il faut présenter, au demeurant, dans des termes modérés et équilibrés, car il ne s'agit pas d'agiter les peurs - d'autant que le but de nos ennemis est précisément de diviser notre pays en suscitant de tels troubles.

La territorialisation que nous appelons de nos voeux servirait une double ambition : en premier lieu, renforcer la présence militaire sur l'ensemble du territoire, y compris dans les « déserts militaires », qui se sont accentués à mesure que le format des armées était resserré, et dans les secteurs identifiés comme présentant un risque particulier au regard des critères que je viens de détailler ; en second lieu, faire jouer les effets positifs induits par la proximité entre bassins de vie et lieux d'activité militaire pour faciliter le recrutement de volontaires et optimiser l'emploi des réservistes. Il s'agit, en somme, de s'inspirer du modèle de la réserve de la gendarmerie.

L'armée de terre, par nature la plus concernée par les enjeux de cette territorialisation, envisage d'ores et déjà une manoeuvre en ce sens, qui semble rejoindre notre proposition. Ce projet est détaillé dans notre rapport écrit. Nous en suivrons l'évolution avec le plus grand intérêt.

Par ailleurs, nous proposons de repenser la gouvernance de la réserve militaire. L'organisation actuelle distribue les compétences entre plusieurs instances et responsables - pour l'essentiel, le Conseil supérieur de la réserve militaire, le comité directeur de la réserve militaire, le délégué interarmées aux réserves et les délégués aux réserves de chaque armée et service concerné, sans oublier la direction récemment créée pour le projet « Réserve 2019 ». Cette gouvernance multipolaire manque de lisibilité et, partant, elle nuit à la visibilité, à la bonne organisation et à la montée en puissance de la réserve.

Pour remédier à cette situation, nous proposons de créer une Inspection générale de la réserve militaire - une idée que j'ai défendue dès 2008, dans d'autres fonctions, mais sans succès. Ce service serait commandé, sous l'autorité du chef d'état-major des armées, par un officier général de « bon rang », qui pourrait être assisté de deux adjoints, dont un gendarme et un réserviste. Il s'agirait ainsi de recréer, mais à l'échelon interarmées, la fonction d'inspecteur général de la mobilisation et des réserves qui existait au sein de chaque armée avant la loi du 22 octobre 1999.

L'inspecteur général et ses adjoints assumeraient le pilotage de la rénovation de la réserve désormais entreprise et assureraient une coordination renforcée entre les autres instances de gouvernance, les armées et les services concernés. Les personnes que nous avons auditionnées se sont montrées plutôt ouvertes à cette proposition, à condition qu'il ne s'agisse pas seulement d'affichage, mais que l'on mette en oeuvre une démarche cohérente. Ayant vocation à incarner la réserve à la fois au sein de l'appareil militaire, dans l'organisation administrative et sur le terrain médiatique, l'inspecteur général, à l'évidence, pourrait jouer un rôle très important de facilitateur de la montée en puissance de la réserve.

Encore conviendrait-il de bâtir une véritable gestion des ressources humaines de la réserve, qui fait encore largement défaut, et de simplifier les procédures administratives afférentes.

À cet égard, il s'agit d'abord de doter les armées d'un système de pilotage et de suivi de la réserve, notamment pour la programmation de l'emploi des réservistes opérationnels. En particulier, il est urgent de mettre en place un système d'information digne de ce nom ; on gagnerait sur ce plan à s'inspirer du système dont dispose la gendarmerie. Il faudra bien sûr veiller à la bonne conception de cet outil, très structurant par nature.

D'autre part, pour toutes les dimensions de l'emploi des réservistes opérationnels, il conviendra de rationaliser les procédures, notamment en les standardisant, en promouvant un formulaire unique et en recourant à la dématérialisation chaque fois qu'elle est possible.

Un chantier particulier de simplification est apparu au cours de nos auditions : celui des visites médicales d'aptitude, qui sont un moment important - moi qui ai été réserviste opérationnel pendant près de quarante ans, je puis en témoigner ! Nous recommandons en la matière une organisation qui permette aux volontaires de franchir rapidement l'étape, sans bien sûr que celle-ci soit négligée. Des exemples qui nous ont été décrits lors des auditions montrent qu'on peut faire bien, tout en réduisant les lenteurs actuelles. Nous appelons également à réexaminer la pertinence de la grille d'évaluation en vigueur en fonction des cibles de recrutement. En effet, pour l'heure, l'aptitude physique d'un ingénieur de l'armement retraité, candidat à la réserve de la DGA, est appréciée selon la même grille que celle de jeunes gens désireux de s'engager au service de l'armée de terre...

Une autre série de nos recommandations touche à l'effort nécessaire en direction des viviers de la réserve.

D'abord, et d'une manière générale, il convient de développer l'attractivité de la réserve, cet engagement pouvant rencontrer des freins nombreux et de tous ordres, notamment professionnels. La facilitation des relations avec l'employeur civil constitue d'ailleurs, d'après les sondages, la première demande des réservistes eux-mêmes, qui sont nombreux à être des « clandestins », ne déclarant pas leurs périodes d'activité militaire.

Actuellement, un accord avec l'employeur peut toujours aménager des dispositions plus favorables pour la réserve opérationnelle que le régime de base prévu par la loi. L'employeur est même incité par la loi à maintenir la rémunération de ses employés réservistes pendant leur absence pour formation militaire, vu qu'il peut l'intégrer dans sa participation obligatoire au financement de la formation professionnelle. Reste qu'il est sans doute possible d'aller plus loin.

Ainsi, nous recommandons l'instauration d'un dispositif permettant la conversion en droits à des heures supplémentaires de formation des activités accomplies au titre de la réserve militaire - à l'image de ce que prévoit le projet de loi « travail », mais avec une évaluation préalable que nous souhaitons plus aboutie. Nous préconisons aussi le rétablissement du crédit d'impôt qui a existé entre 2006 et 2011 pour les entreprises employant des salariés réservistes opérationnels.

Nous proposons également l'organisation d'une concertation en vue d'aboutir, pour les plus grands groupes et sociétés, à un relèvement du congé légal opposable par le salarié réserviste à son employeur. Ce congé devrait être porté à huit jours au moins, sinon à dix, contre cinq actuellement - hors meilleur arrangement toujours possible, car certains chefs d'entreprise sont très allants, conscients de l'intérêt qu'il y a pour leur entreprise à disposer de réservistes en son sein. On tiendrait ainsi compte de la moindre difficulté que rencontrent les grandes entreprises par rapport aux PME. Bien sûr, cette démarche n'est pas exclusive d'une concertation avec les PME en vue d'envisager tous les progrès possibles ; la situation au sein des PME tient beaucoup à coeur à ma collègue Gisèle Jourda comme à moi-même.

Enfin, nous invitons à la poursuite du développement des conventions de partenariat entre les entreprises et le ministère de la défense, par la sensibilisation des employeurs à la valeur immatérielle que les réservistes représentent pour leur entreprise.

Cette dernière préconisation vaut aussi, mutatis mutandis, à l'égard des établissements d'enseignement supérieur. À l'heure actuelle, seuls quatre de ces établissements ont signé avec le ministère de la défense une convention visant à promouvoir la réserve. Il convient d'intensifier la conclusion de tels partenariats, en sensibilisant les chefs d'établissement à la dimension formatrice de la réserve. Il faudrait également étendre cette politique à l'enseignement secondaire, en vue de recruter dans la réserve des lycéens. N'oublions pas que, traditionnellement, la préparation militaire commençait lors des dernières années du lycée.

Par ailleurs, pour faciliter l'engagement des étudiants, nous conseillons de promouvoir des dispositifs de validation des compétences et connaissances acquises dans la réserve au sein des formations supérieures. De même, il convient d'encourager les possibilités d'aménagements de scolarité au bénéfice des étudiants réservistes.

Pour renforcer les effectifs de la réserve opérationnelle, il conviendrait aussi de diversifier les recrutements, en ciblant trois catégories : les volontaires directement issus de la société civile, en priorité les jeunes gens, garçons et filles ; les demandeurs d'emploi, par définition relativement disponibles et, hélas, nombreux, auxquels une coopération entre les armées et Pôle Emploi, idée chère à notre collègue Jacques Gautier offrirait une expérience gratifiante et utile en vue de leur retour à la vie professionnelle, sans compter qu'elle pourrait jouer, le cas échéant, un rôle de « sas » pour de jeunes chômeurs ne remplissant pas immédiatement les critères pour s'engager dans l'active ; enfin, les travailleurs intérimaires.

Nous formulons aussi plusieurs propositions relatives à l'emploi des réservistes dans les armées.

D'abord, il convient de définir une doctrine d'emploi de la réserve opérationnelle de 1 er niveau, qui déclinerait dans les contrats opérationnels des armées et leurs scénarios de crise les cas et les volumes d'emploi de réservistes. En particulier, la RO1 devra être prise en compte dans la nouvelle « posture de protection terrestre » de l'armée de terre.

Ensuite, il importe de rendre possible l'emploi de la ressource stratégique qu'est la réserve opérationnelle 2 e niveau. La mise en place d'outils d'information adéquats devrait permettre de remédier à la situation actuelle que Gisèle Jourda a décrite, une situation de quasi « non-gestion », le cas échéant en ciblant, dans un premier temps, les anciens militaires ayant quitté l'institution depuis moins de deux ans, plus rapidement ré-employables compte tenu de leur formation récente et de la validité conservée de leur certificat médical d'aptitude. La RO2 pourrait ainsi être intégrée aux schémas opérationnels.

Il faut aussi intégrer dans cette doctrine d'emploi la coordination avec la gendarmerie. Dans cette perspective, la multiplication des exercices et opérations faisant collaborer les différentes forces et réserves militaires paraît souhaitable, sur le modèle de l'expérimentation « Minerve » menée en avril dernier dans l'Isère. Cette capacité à travailler ensemble sera essentielle pour faire face aux menaces dont je parlais il y a quelques instants.

Nous sommes également soucieux d'optimiser la réserve citoyenne. À cette fin, nous proposons de mettre en place les éléments d'une coordination des activités de la réserve citoyenne. Un plan annuel de mobilisation de celle-ci serait élaboré par l'état-major des armées, puis les armées, localement, déclineraient ce plan en feuilles de route individualisées. Sur cette base, les réservistes citoyens rendraient compte à l'autorité militaire des objectifs qu'ils auraient pu atteindre. En outre, des kits d'information sur les enjeux de défense seraient mis au point et régulièrement actualisés, sous la responsabilité de l'état-major des armées, pour aider les réservistes citoyens dans leurs interventions au sein de la société civile et des différents réseaux où ces « amis de la défense » sont actifs.

Nous recommandons aussi de recentrer la réserve citoyenne sur sa vocation militaire, en l'employant exclusivement au bénéfice du rayonnement des armées et des besoins d'enseignement de défense dans la société civile. Il convient en effet d'éviter la confusion entre rôle militaire et rôle social, même si, bien sûr, ce dernier n'est pas sans intérêt.

Dans le même esprit, il convient d'encourager toutes les passerelles et synergies possibles entre la réserve opérationnelle et la réserve citoyenne. Ce processus est d'ailleurs en cours dans le domaine de la cyberdéfense, où le réseau citoyen a préexisté à l'embryon de réserve opérationnelle qui est aujourd'hui en développement.

Par ailleurs, des précisions et clarifications seraient sans doute utiles en ce qui concerne le statut des réservistes citoyens, s'agissant notamment de la tenue vestimentaire et des grades, mais il faut veiller à maintenir, en la matière, les souplesses nécessaires.

Enfin, il faudra s'attacher à clarifier la relation de la réserve militaire avec les réserves civiles, quelque peu brouillée, notamment depuis la création, en mai 2015, de la réserve citoyenne de l'éducation nationale. L'articulation opérationnelle entre réserves militaires et réserves civiles reste assez abstraite en l'absence d'activation, à ce jour, du dispositif de réserve de sécurité nationale créé en 2011.

Ces développements me conduisent à la question de la « garde nationale », dont le Président de la République a émis l'idée en novembre 2015 sans en définir précisément le contenu, même si quelques explications ont été fournies ultérieurement, en dernier lieu par le ministre de la défense au mois de mars dernier.

En fait de « garde nationale », les modèles disponibles ne paraissent pouvoir inspirer que très faiblement une organisation de ce type dans la France d'aujourd'hui.

Du côté de l'histoire, force est de constater que l'expérience de notre pays dans ce domaine entre 1789 et 1871 a laissé dans la mémoire collective un souvenir plutôt contrasté. De fait, la Garde nationale a été tantôt magnifiée, tantôt discréditée du fait d'une action désordonnée ou sans nuance ; je pense en particulier à sa participation à l'épisode sanglant de la Commune de Paris, qui a entraîné la dissolution, en août 1871, de toutes les gardes nationales présentes dans les communes françaises, avant que la loi, l'année suivante, ne mette un terme à ce jour définitif à l'expérience.

Du côté de la géographie, les exemples de « gardes nationales » que l'on peut observer à travers le monde ne sont guère transposables dans notre pays, ou du moins ne répondraient pas à nos besoins. C'est le cas du premier modèle qui vient généralement à l'esprit : la National Guard des États-Unis, qui regroupe quelque 455 000 hommes formés, entraînés et équipés. Cette force sans commune mesure avec les moyens de la France s'avère en outre très fortement marquée par l'histoire et l'organisation constitutionnelles américaines. C'est aussi le cas de la réserve militaire suisse qui, bien qu'elle n'en porte pas le nom, constitue pour partie une « garde nationale » semblable au modèle américain, notamment dans la mesure où elle est liée à un système de type fédéral.

Rien n'est à puiser non plus du côté des gendarmeries que sont, en fait, les « gardes nationales » de la Tunisie et du Venezuela, entre autres. On ne pourra sans doute pas non plus trouver un modèle dans la toute récente « garde nationale » créée en Russie pour réorganiser les forces de l'intérieur du pays. Du reste, l'une des conclusions à laquelle aboutit l'étude sur l'organisation des réserves militaires de six États étrangers, élaborée à notre demande par le ministère de la défense et qui figurera en annexe de notre rapport écrit, est que les modèles, dans ce domaine, demeurent marqués par les cultures nationales.

En somme, si la France doit se doter d'une « garde nationale », c'est un schéma propre qu'elle doit adopter. Le champ des possibles est sans doute vaste, si l'on en juge par les diverses propositions de « garde nationale » qui ont été avancées, entres autres par le groupe de réflexion « Janus » en 2012 et, tout récemment, par notre collègue député Jacques Myard et l'Union-IHEDN.

Pour notre part, nous avons choisi de privilégier une approche à la fois réaliste et pragmatique. Dans cette optique, nous recommandons d'éviter deux écueils : d'une part, la tentation de créer une nouvelle armée - une « garde nationale » ne se conçoit qu'en appui aux armées, sous la chaîne de commandement militaire existante - et, d'autre part, une organisation trop complexe, qui serait impraticable.

Gisèle Jourda et moi-même sommes ainsi parvenus à la conviction que, en l'état des menaces qui pèsent sur notre pays et de notre outil de défense, compte tenu en particulier de l'implantation inégale des forces sur le territoire, la « garde nationale » dont nous avons besoin est celle que l'on constituerait à partir d'une réserve militaire rénovée, notamment, par sa territorialisation. Tel est le sens que nous souhaitons donner à la proposition esquissée par le Président de la République et le ministre de la défense.

Le plus urgent est de disposer, avec une réserve redimensionnée, d'un surcroît de forces qui permette à l'armée active de se concentrer sur ses missions et de maintenir son activité dans les limites que déterminent ses contrats opérationnels. La réserve de demain devra contribuer à la définition d'un format d'armée qui soit au niveau des besoins de notre défense, en passant d'un statut de complément de l'armée active à celui de force opérationnelle principalement dédiée à la protection du territoire national. À moyen terme, une régénération en profondeur de la réserve fondée sur la territorialisation et les autres orientations que nous préconisons contribuera à garantir la capacité de notre outil militaire à répondre, au plus vite et partout, aux différentes crises susceptibles de survenir.

Telle est, mes chers collègues, la « garde nationale » dont nous souhaitons la mise en place, fondée sur une réserve militaire plus forte et territorialisée.

Reste la question du nom à donner au futur dispositif. J'ai rappelé les souvenirs négatifs associés à celui de « Garde nationale », qui évoque aussi, cependant, des souvenirs positifs. Faudrait-il lui préférer celui de « garde territoriale », ou celui de « défense opérationnelle du territoire », qui a déjà existé ?

Sans vouloir trancher cette question de sémantique, observons que le souvenir glorieux de La Fayette, créateur de la première Garde nationale, et l'image de la Nation armée, issue de la Révolution, ne sont pas de mauvais atouts pour susciter les engagements. À cet égard, l'intitulé de « Garde nationale » pourrait avantageusement remplacer le terme de « réserve », que Jaurès qualifiait de « nom de second plan ». Ce changement d'appellation serait justifié, dès lors que la réserve, d'un simple réservoir de forces, deviendrait un outil de défense à part entière.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Pour conclure notre exposé commun, je voudrais d'abord souligner que, comme les sondages réalisés le prouvent, l'amélioration de la rétribution des réservistes - les nouveaux « gardes nationaux » de demain, peut-être - ne constitue pas un sujet de premier plan : au jugement de presque les trois quarts d'entre eux, leur engagement dans la réserve est suffisamment rémunéré, même s'ils ne sont que 60 % à le penser parmi les officiers et les sous-officiers. En revanche, la gratification sociale et symbolique qu'ils peuvent légitimement attendre de leur engagement ne doit pas être négligée.

De ce point de vue, nous recommandons d'assurer une évolution des réservistes dans les grades de la hiérarchie militaire conforme à leurs mérites dans le service et à leur fidélité aux armées. Nous préconisons aussi de mener en leur faveur la politique de proposition aux distinctions, militaires et civiles, que justifie leur engagement. Notre pays leur doit bien cela !

Toujours est-il que, parfois, l'amélioration de la condition matérielle peut être un vrai « plus ». À cet égard, nous conseillons d'ouvrir aux réservistes opérationnels, pour leurs périodes d'activité dans les armées, le droit à la prestation de soutien en cas d'absence prolongée du domicile (PSAD), qui vise à soutenir le conjoint du militaire absent du foyer ou les personnes fiscalement à sa charge. Le Haut Comité d'évaluation de la condition militaire a fait la même proposition dans son dernier rapport public.

Nous souhaitons également que soit mise à l'étude l'instauration d'une prime de fidélité pour les réservistes qui décident de renouveler leur engagement auprès des armées. De même, il nous semble que, pour l'attribution des bourses d'études, la prise en compte de la participation des étudiants à la réserve militaire serait légitime.

J'ajoute que, dans une perspective de bonne gestion des ressources humaines, les armées devront s'efforcer de mieux exploiter les compétences individuelles des réservistes, qui ne semblent pas toujours optimisées pour le moment.

Le ministère de la défense doit en outre améliorer sa communication autour de la réserve. Notre rapport écrit suggère à cet égard différentes pistes : renforcer la thématique « réserve » dans le déroulement de chaque Journée nationale du réserviste, où elle semble insuffisante ; faire davantage appel à l'appui offert par les associations de réservistes et par les réservistes citoyens des armées ; diversifier les vecteurs de communication sur la réserve, en mobilisant davantage les ressources d'Internet, en particulier les réseaux sociaux, et en développant de nouveaux formats d'information ; diffuser une information qui comporte une dimension pédagogique forte sur l'organisation de la réserve militaire et, surtout, qui mette l'accent sur les valeurs attachées à cet engagement ; enfin, adapter cette communication en fonction des destinataires ciblés.

Si les mesures que nous proposons sont évidemment d'inégale importance, toutes visent à renforcer la réserve militaire pour accroître les capacités opérationnelles des armées, et à la territorialiser pour permettre à notre défense de mieux faire face aux crises.

Nous sommes convaincus que, dans le mouvement de cette réforme, qui pourra donner naissance à une « garde nationale » telle que Jean-Marie Bockel l'a préfigurée selon notre voeu commun, les réservistes représenteront un atout essentiel pour la consolidation de notre Nation. En effet, ces hommes et ces femmes engagés au service de la défense de notre pays incarnent d'exemplaires valeurs civiques, car être militaire « à temps partiel », c'est faire siennes constamment les valeurs du militaire d'active : esprit de sacrifice, discipline, loyauté, solidarité de groupe, etc.

Le service national a longtemps joué un rôle décisif en la matière, mais cette époque est révolue. Il nous faut d'autant plus en faire le deuil que le rétablissement de la conscription, serait-il même budgétairement et matériellement possible, ce qui n'est pas le cas, ne répondrait pas aux besoins opérationnels actuels. En revanche, les armées peuvent pleinement tirer profit de la volonté d'engagement que manifeste aujourd'hui toute une partie de la jeunesse française, dans l'intérêt de la société tout entière.

Cependant, les armées et leurs réserves restent un outil de défense. Elles prendront toute leur part dans l'effort de résilience et de renforcement interne de notre pays, mais elles ne pourront prendre que celle qui leur revient. Pour servir plus directement cette cause vitale, d'autres dispositifs existent, sont prévus ou peuvent encore être imaginés. Dans cette perspective, il nous appartient à tous de concevoir de nouvelles formes d'engagement civique. La « Garde nationale » telle que nous la concevons devrait constituer, auprès des armées, l'une des plus solides incarnations de cet engagement, mais elle ne pourra, bien sûr, pas être la seule.

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Madame Jourda, monsieur Bockel, nous vous remercions pour ce travail dense sur un sujet essentiel.

Mme Nathalie Goulet . - Les rapporteurs, qui ont étudié certains exemples étrangers, se sont-ils penchés sur ce qui se passe en Israël, où le système des « milouim » a fait ses preuves ? Certes, il s'agit d'un pays en guerre, mais le Président de la République et le Premier ministre ne cessent de répéter que nous le sommes aussi...

En ce qui concerne la coordination des associations de réservistes, il conviendrait de souligner que nous disposons aujourd'hui de méthodes et d'outils qui ne sont pas les mêmes qu'il y a cinq ans.

Enfin, M. Bockel et Mme Jourda envisagent-ils de déposer sur le prochain projet de loi de finances des amendements traduisant certaines de leurs préconisations ? Il serait un peu frustrant pour tout le monde que, après avoir accompli un travail aussi important, on n'essaie pas de lui donner rapidement des suites concrètes.

Mme Hélène Conway-Mouret . - Je souscris à la philosophie des propositions issues de ce travail très fouillé.

Nos collègues ont insisté à juste titre sur le rôle de la réserve dans le renforcement du lien armée-Nation et en faveur de la cohésion nationale. Ils ont souligné que des efforts de communication importants devraient être entrepris. Est-il envisagé de cibler les publics les moins spontanément enclins à rejoindre la réserve ? Je pense en particulier aux jeunes qui ont décroché de l'école et sont marginalisés. Comment les motiver pour qu'ils intègrent la réserve ?

Pour les jeunes Français qui vivent hors de nos frontières, la « journée défense citoyenneté » représente souvent un moment très important, au cours duquel ils prennent conscience de leur citoyenneté française et ressentent le désir de s'y impliquer un peu plus. Ne serait-il pas juste d'élargir certains droits, notamment ceux dont il a été question pour les étudiants, aux jeunes Français qui ne vivent pas sur notre sol, mais qui sont aussi Français que les autres ? Dans un contexte sécuritaire fragile en bon nombre de points du monde, leur engagement auprès de nos services diplomatiques ou consulaires devrait être encouragé.

M. Alain Joyandet . - Les orientations du rapport qui vient d'être présenté me conviennent parfaitement. Il est bon que l'on s'éloigne d'une « garde nationale » un peu fourre-tout, dans laquelle seraient mélangés besoins militaires, besoins civiques et besoins de remise à niveau d'une jeunesse en difficulté, en inscrivant clairement la réorganisation et le renforcement de notre réserve dans la perspective de la défense nationale.

S'agissant du recrutement, il convient de s'adresser davantage aux personnes inscrites à Pôle Emploi, dont beaucoup ont envie de se rendre utiles et sont en pleine forme pour travailler. L'importance des besoins actuels en matière de sécurité rend encore plus nécessaire de creuser cette piste, pour que des chômeurs volontaires puissent servir dans la réserve pendant, par exemple, huit mois ou un an. On pourrait imaginer que cet engagement leur vaille un prolongement de leurs droits.

M. Michel Boutant . - Le rapport d'information dont j'ai été le coauteur en 2010, qui avait pour objet l'étude de la création d'une réserve de sécurité nationale, s'inscrivait dans un contexte marqué par une catastrophe naturelle grave : la tempête Xynthia. L'une des suites de ce rapport a été le raccourcissement des délais d'appel aux réserves et l'allongement de leur période d'intervention, qui étaient indispensables en cas de crise majeure. C'est dans un contexte différent, à la suite des attentats terroristes de janvier et novembre 2015, que le Président de la République a appelé de ses voeux la mise en place d'une « garde nationale ».

Aujourd'hui, l'opération « Sentinelle » mobilise de nombreuses unités de l'armée régulière, des forces qui n'ont pas forcément vocation à assurer des gardes postées devant des écoles ou des lieux de culte. Il faudrait peut-être faire appel à d'autres forces que ces unités combattantes, par ailleurs sollicitées sur de nombreux fronts extérieurs. Que la réserve soit appelée à jouer ce rôle de présence armée sur notre territoire, un rôle important dans la situation actuelle, me paraît tout à fait cohérent, et l'idée de « garde nationale » me semble bonne.

Reste que les risques sont multiples ; nous devons aussi pouvoir répondre, par exemple, à des catastrophes naturelles. Le risque terroriste lui-même évolue : ainsi, il est à craindre qu'on cherche à nous frapper, non plus seulement avec des armes à feu, mais aussi avec des armes nucléaires, radiologiques, biologiques ou chimiques. Tous ces risques doivent être pris en compte dans une perspective de défense de la population. La « garde nationale » dont nous parlons devrait donc avoir un rôle large, correspondant à celui de la réserve de sécurité nationale. Je comprends que les auteurs du rapport se soient attachés à répondre à une demande pressante, mais la réforme de la réserve doit prendre en compte tous les contextes possibles.

Un changement d'appellation n'est pas seulement affaire de sémantique ; il y a aussi une question d'organisation. De ce point de vue, je souscris résolument à l'objectif de territorialisation. Plus précisément, il faudrait s'appuyer sur les zones de défense et de sécurité, la concertation à cette échelle ayant fait la preuve de son efficacité.

Mme Christiane Kammermann . - Les réservistes assurent une mission très importante. Il me semble qu'ils devraient recevoir, ainsi qu'il a été proposé, une prime de réengagement. De façon générale, je suis favorable à toutes les propositions qui ont été avancées par les rapporteurs.

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Je trouve, pour ma part, beaucoup d'avantages à l'expression « garde territoriale », qui permettrait d'insister sur l'ancrage dans les territoires et de lever certaines ambiguïtés.

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur . - Madame Goulet, la situation israélienne mériterait certainement d'être examinée de près, même si elle est très différente de la nôtre par certains aspects.

On peut toujours déposer des amendements pour essayer de pousser telle ou telle proposition. Toutefois, l'esprit général dans lequel nous avons travaillé, qui est aussi celui dans lequel s'étaient inscrits les travaux que j'avais conduits sur la cyberdéfense, n'est pas de révolutionner ce qui se fait : il est d'aider ceux qui doivent agir, à commencer par l'Exécutif, à être plus efficaces. Nous suivrons les choses de près, en espérant que nos grandes orientations seront suivies. Je suis optimiste, car, lors de nos différentes rencontres, j'ai senti chez nos interlocuteurs une forte attention à notre démarche.

Madame Conway-Mouret, il convient en effet de s'appuyer sur la remarquable capacité d'insertion dans la société qui caractérise l'armée française. À vrai dire, l'armée est le corps social français qui fonctionne le mieux à cet égard, celui qui représente le mieux, dans la diversité de sa composition, la France telle qu'elle est.

Il faut tâcher d'attirer vers la réserve les publics les plus difficiles, de même que les chômeurs, sur lesquels a insisté notre collègue Alain Joyandet, à condition bien sûr qu'ils soient volontaires ; les deux publics se recoupent d'ailleurs en partie. Il ne s'agit pas de faire n'importe quoi avec n'importe qui, mais il est certain qu'un engagement dans la réserve peut contribuer à mettre certaines personnes dans le « droit chemin », au meilleur sens de cette expression. Songeons à la réussite des centres de l'Établissement public d'insertion dans l'emploi (EPIDE).

Nous n'imaginons pas que nos compatriotes de l'étranger, héritiers d'une grande tradition d'engagement au service de notre pays, n'aient pas leur place dans le dispositif, d'autant que la réserve a aujourd'hui besoin de nombreuses spécialisations, qui sont utiles où que ce soit.

Monsieur Boutant, je suis d'accord avec vous, mais notre souci a été d'éviter de mal étreindre pour vouloir trop embrasser. Il y a, bien sûr, des liens entre les différentes formes de réserve, et le concept que vous avez mis au point dans votre rapport de 2010 est incontestablement utile face à certains types de crise. La réserve militaire qui vient sera insérée dans ce dispositif pour certaines missions, notamment en matière de sécurité civile. Un travail reste à mener pour faire collaborer toutes les forces au service de certains objectifs.

Pour conclure, j'insiste sur le caractère militaire que la réserve devra absolument conserver pour que la démarche entreprise soit un succès. Les collaborations avec d'autres forces seront d'autant plus fructueuses que cette dimension militaire sera maintenue. Toutes les conditions sont aujourd'hui réunies pour que, dans cet esprit, nous donnions un nouveau souffle à notre réserve !

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Nous avons centré notre réflexion sur l'optimisation de la réserve militaire en vue de faire face à des menaces bien particulières, ce qui ne signifie pas que nous aurions ignoré la diversité des défis que nous devons relever.

Ainsi, nous avons constaté un déficit général en matière de citoyenneté. Le projet de loi « Égalité et citoyenneté » s'attache à ce problème en renforçant les réserves citoyennes, comme celle de l'éducation nationale, qui sert des objectifs différents de ceux de la réserve militaire. Nous avons eu le souci d'éviter toute confusion entre les dispositifs tout en assurant une bonne articulation entre eux.

Les responsables de la réserve militaire sont bien conscients de la nécessité de parfaire leur communication, notamment en vue d'atteindre des personnes qui ne se manifesteraient pas spontanément. Cette communication doit être claire sur la vocation de la réserve militaire, qui est de servir des objectifs de défense opérationnelle au côté de l'armée de métier.

Cette clarté nous a paru essentielle dans un premier temps, ce qui ne veut pas dire, bien entendu, que les autres réserves n'auraient pas leur utilité. Au demeurant, la notion de « garde nationale » ou de « garde territoriale», recouvrera peut-être un jour ces différentes forces, qui ont chacune leurs objectifs propres.

Je terminerai en soulignant l'importance de la territorialisation de la réserve, qui nous permettra de disposer d'une capacité de réponse aux menaces harmonieusement répartie.

À l'issue de ce débat, la commission a adopté le rapport des rapporteurs et en a autorisé la publication sous la forme du présent rapport d'information.

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