B. LES PROCESSUS DE TRANSITION SONT TOUJOURS LENTS

Dès lors, des processus de transition doivent la plupart du temps être mis en oeuvre pour sortir de la crise, l'intervention militaire modifiant le rapport de forces en réduisant ou contenant les groupes armés pour les forcer à revenir dans l'arène politique afin de négocier et en incitant les autorités en place à plus d'ouverture pour conduire une démarche de transition et de réconciliation. Reste que ces processus de transition requièrent un seuil minimal de sécurité pour pouvoir être engagés, avec soit la conclusion d'un cessez-le-feu, soit un rapport de forces qui conduit nombre d'entre eux à renoncer à l'action violente.

Ils supposent d'abord une certaine fermeté dans le dialogue avec le gouvernement en place qui doit accepter une réorientation de sa politique et si possible une feuille de route définissant les étapes d'un processus de transition et d'ouverture du dialogue avec les parties adverses.

lls supposent également de pouvoir identifier dans les différentes composantes des interlocuteurs crédibles et représentatifs avec lesquels des négociations pourront être conduites et un accord trouvé pour mettre en oeuvre le processus de transition. Cette identification, dans laquelle la diplomatie française va avoir un rôle important compte tenu de la présence militaire, n'est pas toujours simple. Dans certains cas, les composantes en rébellion sont très divisées, certaines souhaitant continuer la lutte armée, certaines ayant peu de relais et d'influence sur le terrain, d'autres souhaitant apparaître comme le principal interlocuteur. Dans d'autres cas, l'appel à un pays tiers sera préférable pour créer les conditions de ce dialogue. Ces différents cas de figures se produisent aussi bien dans le cas où il s'agit d'entamer un dialogue avec le gouvernement en place ou avec les composantes l'ayant soutenu, que dans le cas où ce pouvoir s'est effondré ou a été renversé grâce à l'intervention militaire française.

En Libye , la coalition a soutenu, par des frappes aériennes, la rébellion contre Kadhafi. Ce dernier, à aucun moment, ne s'est placé en position de proposer un cessez-le-feu et un processus négocié de sortie de crise. Sa chute et celle de son clan ont conduit à une prise de pouvoir par les groupes rebelles et aux premières élections démocratiques dans le pays le 7 juillet 2012.

Au Mali, les groupes armés étaient relativement bien identifiés, et en relation avec les autorités maliennes depuis longtemps.

La volonté française de voir se réaliser rapidement une élection présidentielle pour redonner une légitimité aux autorités maliennes, fragilisées après le coup d'état du général Sanogo et la rébellion du nord a permis de jeter les bases d'un dialogue entre l'Etat malien et les mouvements nordistes. Une feuille de route pour la transition a été adoptée par l'Assemblée nationale dès le 29 janvier 2013 qui fixe les étapes de la normalisation, comprend l'organisation de l'élection présidentielle et la création d'une « commission nationale de dialogue et de réconciliation ».

L'intervention militaire a permis de rétablir la souveraineté de l'Etat par la défaite militaire de groupes nordiste, mais également de redonner de l'influence aux groupes plus modérés n'appartenant pas à la mouvance djihadiste. Finalement le 18 juin 2013, après deux semaines de négociations, le gouvernement de transition malien et les rebelles du MNLA, du HCUA et du MAA signent un accord de cessez-le-feu qui permet le retour des autorités maliennes à et la tenue de l'élection présidentielle le 28 juillet dans le nord du pays.

En Centrafrique , un processus de transition politique préexistait dans le cadre tracé par l'accord de Libreville (11 janvier 2013) et par la déclaration de Ndjamena (Sommet de la communauté économique des Etats de l'Afrique centrale - CEEAC - du 18 avril) qui prévoyait une transition de 18 mois devant aboutir à des élections. Le tandem formé par Michel Djotodia, chef de la Séléka et chef d'Etat de la transition, et Nicolas Tiangaye, Premier ministre, peinait cependant à le mettre en oeuvre dans un contexte qui tournait à la guerre civile, conduisant à l'intervention française le 5 décembre et ils démissionnèrent, en janvier 2014.

Le 20 janvier, le Conseil national de transition, organe législatif pour la durée de la transition, élit Catherine Samba Panza à la tête de l'Etat.

Face à la poursuite des violences, le président congolais Denis Sassou Nguesso, médiateur de la crise centrafricaine, convoque un forum de dialogue à Brazzaville, fin juillet 2014, réunissant représentants des groupes armés, des partis politiques et de la société civile. Celui-ci aboutit à la signature d'un accord de cessation des hostilités.

Dans le contexte de cette nouvelle dynamique, les autorités de transition s'emploient à conduire les chantiers prioritaires de la transition : dialogue avec les groupes armés en vue du désarmement et de la démobilisation des combattants, réforme du secteur de la sécurité, reconstruction de l'Etat, préparation des élections. Après un début difficile, l'action des forces d'abord africaines, puis onusiennes, appuyées par l'opération Sangaris, a permis, peu à peu, de stabiliser la situation mais les élections prévues en février 2015 sont repoussées à plusieurs reprises.

En mai 2015 se tient le forum de Bangui, précédé de consultations populaires. Ce forum vise à créer les conditions d'un climat apaisé d'ici la fin de la transition, et à poser les jalons de la reconstruction politique, économique et sociale du pays. Il a abouti à la signature, par les groupes armés représentés, d'un accord de paix précisant les conditions et modalités de leur désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR).Les participants se sont accordés sur un « Pacte républicain » en vue de poursuivre le redressement du pays.

En Irak , l'intervention militaire de la coalition a coïncidé avec le départ du Premier ministre Al-Maliki. Le nouveau gouvernement formé en septembre 2014, dirigé par Haïder Al-Abadi est plus ouvert aux partis chiites, sunnites et kurdes, mais semble avoir beaucoup de mal à s'imposer face à des alliés aux intérêts divergents.

En Syrie , l'engagement de négociations est complexifié par la division de la rébellion et la nécessité d'opérer une distinction au sein des groupes armés entre ceux qui sont classés comme groupes terroristes (Daech, Al-Nostra,...) et les autres groupes qui sont les seuls acceptables pour constituer le Haut comité de négociation et par la situation de guerre civile, les parties ayant encore la perspective de faire évoluer les rapports de forces militaires.

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