V. UN PROCESSUS DE REDRESSEMENT ÉCONOMIQUE COMPLIQUÉ À METTRE EN oeUVRE

A. LA CRISE EST SOUVENT LA CONSÉQUENCE D'UN AFFAIBLISSEMENT ÉCONOMIQUE OU D'UNE DÉSORGANISATION DE L'ÉCONOMIE ET DU TISSU SOCIAL QUI PEUT ÊTRE CONJONCTURELLE OU STRUCTURELLE

Les pays en crise sont souvent des pays fragiles sur le plan économique, disposant de faibles ressources et confrontés à un fort accroissement de leur population. Plusieurs indices permettent de façon synthétique de mesurer cette situation :

• le PIB par habitant en 2015 mesuré en dollars par habitant (source Banque mondiale) 227 ( * ) ,

• le taux annuel de croissance de la population en 2015 (source Banque mondiale) 228 ( * ) ;

• le taux de fertilité (nombre de naissances par femme) en 2015 (source Banque mondiale) 229 ( * ) ;

• l'indice de développement humain 230 ( * ) , en 2015, indice synthétique élaboré par les Nations unies ;

• l'indice « Doing Business » de la Banque mondiale 231 ( * ) qui apprécie les capacités de développement des entreprises et activités commerciales pays par pays (classement) en 2015.

PIB /hab

Tx de croissance

de la population

Taux de fertilité

IDH

IDH*

Doing Business *

Burkina Faso

713,1

2,9

5,86

0,402

183

143

Mali

704,5

2,9

6,06

0,419

179

143

Mauritanie

1275,0

2,5

4,0

0,506

156

168

Niger

427,4

4,0

6,89

0,348

188

160

Tchad

1024,7

3,3

4,55

0,392

185

183

RCA

358,5

2,0

4,41

0,350

187

185

Côte d'Ivoire

1545,9

2,4

3,54

0,462

172

142

Iraq

6420,1

3,0

4,12

0 654

121

161

Afghanistan

633,6

3,0

0,465

171

177

Libye

6573,4

-0,1

2,05

0,724

94

188

Monde

10738,8

1,2

2,42

*classement

NB : il n'existe pas de statistiques récentes concernant la Syrie

On observera la fragilité des pays dans lesquels sont menées les opérations extérieures. La situation économique dégradée est un facteur de crise et d'insécurité. L'insécurité accroît les difficultés économiques. Une économie défaillante ne permet pas de fournir à la population les services nécessaires. Une économie souterraine de trafics divers se développe avec son cortège de maux (corruption, criminalité organisés,...). L'Etat faible ne peut assurer la sécurité autorisant des groupes armés terroristes à s'installer sur son territoire. Le concept d'Etat failli fait florès pour décrire cette situation qui met en danger les populations civiles et la sécurité des Etats voisins. Ce sont les risques de la faiblesse mis en avant par le Livre blanc de 2013.

On observera que pour nombre d'entre eux cette fragilité économique est inscrite dans la durée. L'analyse des problèmes structurels d'une région comme le Sahel avec une population jeune et une démographie non maîtrisée 232 ( * ) qui conduira inéluctablement à un doublement de la population d'ici 2030, montre que la croissance économique interne de ces Etats, même fondée sur des activités à haute intensité de main d'oeuvre comme l'agriculture, ne suffira pas à les stabiliser. Il faudra également compter sur le développement économique des zones de croissance de l'Ouest africain et du Maghreb et le maintien des migrations traditionnelles d'une partie de cette jeunesse vers ces régions.

Dans un premier temps, L'intervention militaire devra composer avec les situations humanitaires désastreuses, qui accompagnent les guerres civiles, notamment des migrations massives 233 ( * ) et devra s'efforcer de ne pas les aggraver 234 ( * ) .

L'intervention sous son aspect militaire n'a d'autre effet que de rétablir un niveau de sécurité minimale permettant la reprise des activités économiques de base, mais la sortie de crise exige d'autres éléments pour traiter les causes structurelles, c'est tout l'enjeu d'une approche globale incluant le développement économique.

Ainsi la phase 2 de l'opération Sangaris en RCA a-t-elle consisté à rétablir et sécuriser l'axe routier entre Bangui et le Cameroun qui permettait d'approvisionner la ville et d'éviter une crise humanitaire. L'intervention va également permettre de sécuriser l'acheminement de l'aide humanitaire d'urgence vers la population, ce qui suppose une coordination avec les organisations humanitaires travaillant sur place. Enfin, au titre des opérations civilo-militaires, la force va mettre en oeuvre des dispositifs pour apporter à la population des services de base.

Au fur et à mesure du rétablissement de la sécurité sur le territoire, les activités économiques vont progressivement reprendre mais il convient de garder à l'esprit que la crise, parfois la guerre civile, peuvent désorganiser un Etat et s'accompagner d'une récession économique dont il mettra plusieurs années à se rétablir. Sans sécurité, il n'y a plus de développement économique mais le développement économique est nécessaire pour éviter les crises.

En RCA , la crise politique et sécuritaire que le pays a traversé a amplifié les difficultés économiques habituelles. Enclavée et tributaire de la voie fluviale Oubangui-Congo et des routes vers le Tchad et le Cameroun, elle figure parmi les plus pauvres des pays les moins avancés. Après une année 2013 désastreuse (récession évaluée à - 36,7 %), une année 2014 marquée par une faible reprise de l'activité (+ 1 % de croissance), et une année 2015 plus dynamique (+ 4,3 % selon le FMI), les perspectives macroéconomiques s'annoncent plus favorables pour 2016 (+ 5,7 % selon le FMI). Un cycle vertueux semble amorcé mais il faudra à ce rythme au-moins cinq années pour revenir au PIB de 2012.


* 227 http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.PCAP.CD

* 228 http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SP.POP.GROW

* 229 http://donnees.banquemondiale.org/indicator/SP.DYN.TFRT.IN

* 230 http://hdr.undp.org/en/data

* 231 http://francais.doingbusiness.org/rankings

* 232 Les pays du Sahel (Mali, Niger, Tchad) connaissent les taux de croissance démographique les plus élevés au monde, entre 3,3 % pour le Mali et 3,9 % pour le Niger en 2014. De tels taux signifient que la population des pays concernés doublera d'ici 2030, quel que soit le scénario d'évolution de la fécondité. Selon la baisse plus ou moins rapide de celle-ci, la population pourrait être multipliée par près de 3 d'ici 2050.

* 233 Quelque 200 000 Maliens ont, selon l'ONU, été déplacés par les violences dans le Nord, 52 000 à l'intérieur du pays et 145 000 ont trouvé refuge au Burkina Faso, en Mauritanie et au Niger. La guerre civile en RCA a entrainé plus d'un million de personnes réfugiées ou déplacées. Le HCR estime ces populations réfugiées et déplacées à 4 millions pour l'Irak et plus de 11 millions en Syrie.

* 234 En Centrafrique, on estime à 36,7 % du PIB la récession au cours de l'année 2013 et le PIB est remonté de 1 % en 2014.

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