EXAMEN EN COMMISSION

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Réunie le mercredi 6 juillet 2016, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission entend la communication de MM. Yves Daudigny et Jean-Marie Vanlerenberghe sur l'organisation et le financement de la médecine de ville en Allemagne.

À l'issue de cette présentation, un débat s'engage.

M. Alain Milon , président . - Je réagis d'un mot sur la conclusion du rapport. Il me semble que la question du médicament ne peut être traitée uniquement par la France et par l'Allemagne, mais qu'elle doit être portée au niveau européen.

M. Gérard Roche . - Je suis un peu sous le choc de découvrir que le système de soins de ville en Allemagne est aussi inégalitaire.

Je trouve cependant intéressant que les médecins y fassent partie des décisionnaires, ce qui n'est pas le cas en France. J'ai déjà eu l'occasion de le dire : si nous voulons sauver la médecine libérale dans notre pays, il faut que les médecins se saisissent eux-mêmes des questions relatives à la régulation des soins de ville.

J'en profite pour mentionner un autre point qui me semble important. Pour assurer l'avenir de notre système de sécurité sociale, il faut cesser de faire porter les coûts uniquement sur le travail et passer à une fiscalisation des recettes qui, étant proportionnelle, sera aussi plus juste.

M. Alain Milon , président . - Je rappelle simplement que les URPS ont été créées pour donner aux ARS un interlocuteur unique du côté des médecins. C'est au niveau régional que nous devons aujourd'hui travailler.

Mme Catherine Génisson . - Je suis moi aussi frappée par le caractère inégalitaire du traitement entre assurés du système légal et assurés du système privé en Allemagne. Je constate par ailleurs qu'il y existe une culture de la négociation et de la co-construction - qui va d'ailleurs bien au-delà du champ du système de santé -, tandis que l'approche française reste très conflictuelle.

En dépit de son caractère coercitif, le système de l'enveloppe fermée me paraît intéressant en ce qu'il encourage à l'autorégulation. En raison de la différence de nos cultures et de nos approches, il serait cependant très difficile de transposer dans le nôtre des éléments du système allemand.

Je souligne enfin que, si la question du prix du médicament doit en effet être portée au niveau européen, la France et l'Allemagne peuvent à cet égard constituer une force d'impulsion.

M. Daniel Chasseing . - Il me semble que l'écart de rémunération entre les médecins en Allemagne et en France, souligné par nos rapporteurs, est à mettre en regard du fait qu'ils tirent 30 % de leurs revenus de l'assurance privée, qui ne couvre pourtant que 10 % de la population.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur . - Je suis également convaincu que l'Europe devrait se saisir de la question du médicament, et je regrette la volonté des États de garder cette question dans la stricte sphère de la souveraineté nationale.

Les inégalités de traitement entre assurés du système légal et du système privé sont en effet choquantes. Il faut garder à l'esprit, sur ce point, que les affiliés à l'assurance privée ne sont pas nécessairement ceux qui ont les plus hauts revenus : on y trouve aussi les travailleurs indépendants, ainsi que les fonctionnaires. Si ces assurés bénéficient d'avantages en matière de prise en charge en ville, c'est que les tarifs qui leur sont facturés peuvent être jusqu'à six fois plus élevés que ceux de l'assurance légale.

Le système allemand de co-gestion, sur lequel nous avons insisté, se retrouve dans tous les aspects de la vie sociale, et notamment dans les relations de travail.

Avant même d'envisager une enveloppe fermée pour les soins de ville, je pense que nous ferions de grands progrès si nous parvenions, par la négociation, à la mise en place d'une régulation à laquelle participeraient les médecins.

M. Yves Daudigny , rapporteur . - Vous savez que je suis très favorable au projet européen, tel que Victor Hugo a pu le décrire. Sur la question du prix du médicament, qui est un élément important de la prise en charge des soins par la sécurité sociale, je pense cependant qu'il faut favoriser la coopération entre les États plutôt qu'un fonctionnement fédéral.

S'agissant des inégalités de prise en charge entre les différentes catégories d'assurés, je constate qu'elles existent également en France. Il suffit pour s'en rendre compte de regarder la différence de délai pour un rendez-vous avec un professeur de médecine selon qu'on le consulte à l'hôpital ou en clientèle privée.

J'avoue ne pas avoir totalement compris les raisons de l'écart de rémunération des médecins entre la France et l'Allemagne, et ce point reste à creuser.

Trois raisons principales expliquent selon moi que le système allemand ne soit pas transposable en France. J'observe en premier lieu que ce système est ancré dans un fonctionnement fédéral, avec deux niveaux de décision également importants. Il est ensuite fondé sur le principe d'auto-gestion, auquel nos interlocuteurs allemands se sont d'ailleurs montrés très attachés. Il repose enfin sur une discipline individuelle et collective des acteurs, qui me semble davantage ressortir de l'esprit allemand que de l'esprit français.

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