B. LES PERTURBATEURS ENDOCRINIENS : UNE MENACE NOUVELLE ET PARTICULIÈRE POUR LA SANTÉ

1. Les perturbateurs endocriniens : un concept récent

L'impact de certaines substances chimiques, contenues notamment dans les pesticides sur le système hormonal, a été observé chez les animaux dès les années 50. Ce fut le cas notamment avec le pygargue à tête blanche ou les alligators du lac d'Apopka aux États-Unis, et les phoques de la mer Baltique.

Chez l'homme, les effets néfastes du pesticide couramment nommé DDT, notamment sur le développement de l'appareil génital, ont conduit à son interdiction dans les années 70 et 80.

Pourtant, ce n'est qu'en 1991, à l'initiative de la zoologiste Theo Colborn que sera employée, pour la première fois, l'expression « perturbateurs endocriniens » dans le cadre de l'appel de Wingspread.

Depuis, l'OMS a défini en 2002 les perturbateurs endocriniens comme « une substance ou un mélanges exogènes altérant une ou plusieurs fonctions du système endocrinien et provoquant de ce fait des effets néfastes sur la santé de l'organisme intact ou sur celle de sa descendance » . Cette définition a été complétée par celle de perturbateur endocrinien potentiel qui est « une substance ou un mélange exogène possédant des propriétés dont on peut attendre qu'elles conduisent à une perturbation endocrinienne sur un organisme intact ou sa descendance » .

2. Des substances omniprésentes dans notre environnement

Ces perturbateurs endocriniens sont des substances chimiques que l'on retrouve partout autour de nous, dans l'alimentation, l'eau ou l'air.

En effet, ces substances sont couramment utilisées pour la fabrication de produits phytopharmaceutiques, de produits biocides, dans certains médicaments et dans les produits cosmétiques.

De même, certains produits sont fabriqués à partir de substances chimiques perturbant le système endocrinien. C'est le cas des phtalates que l'on retrouve dans la matière plastique ou du bisphénol présent dans les biberons et les revêtements intérieurs des boîtes de conserve.

3. Des effets néfastes sur la santé

Les perturbateurs endocriniens peuvent agir de trois façons différentes :

- imiter une hormone naturelle en se fixant sur un récepteur et entraîner une réponse en apparence normale mais dont l'organisme n'a pas besoin ;

- se lier au récepteur hormonal et le bloquer, empêchant ainsi une réponse de la cellule ou de l'organe au moment où l'organisme en aura besoin puisque la véritable hormone ne pourra pas s'insérer dans le récepteur ;

- modifier les mécanismes de production ou de régulation des hormones entraînant une concentration d'hormones naturellement présentes dans l'organisme différente de celle nécessaire.

Ainsi, en perturbant le système hormonal qui ne pourra plus jouer son rôle de régulateur, les perturbateurs endocriniens entraînent des réactions inappropriées de l'organisme et des effets néfastes sur la santé.

On a observé ces dernières années une hausse du nombre de cancers hormono-dépendants, notamment des cancers du sein et de la prostate. À cela s'ajoutent des cas plus nombreux de puberté précoce chez les jeunes filles et de malformation génitale chez les garçons, ainsi qu'une baisse du nombre de spermatozoïdes chez les hommes. De même, les cas de diabète de type 2, d'obésité et d'autisme recensés sont en augmentation.

4. Un mode d'action particulier : toxicologues vs endocrinologues

Le mode d'action des perturbateurs endocriniens ne correspond pas au paradigme classique défini par Paracelse. Ce médecin suisse du XVI e siècle affirmait le principe suivant : « toutes les choses sont poison, et rien n'est poison ; seule la dose détermine ce qui n'est pas poison » . C'est donc la dose qui fait le poison. De là, on déduit que plus la dose est importante, plus son effet est grand et qu'en dessous d'un certain seuil, aucune toxicité n'est observée.

Pour la société d'endocrinologie ( Endocrine Society ) qui regroupe des médecins et des chercheurs travaillant sur les perturbateurs endocriniens, le paradigme de Paracelse ne s'applique pas à ces substances. L'effet endocrinien diffère de l'effet toxique sur plusieurs points :

- les perturbateurs endocriniens n'ont pas directement d'effet néfaste sur une cellule ou un organe, ce qui génère souvent un temps de latence qui rend l'effet néfaste plus difficile à détecter ;

- ce n'est pas la dose qui fait le poison mais la période d'exposition : le danger est ainsi plus grand pour les femmes enceintes et les enfants de moins de trois ans ;

- les perturbateurs endocriniens peuvent agir selon une relation dose-réponse non linéaire avec des effets à faibles doses plus importants qu'avec des doses plus élevées ;

- les effets peuvent se transmettre à la descendance ;

- la multitude des perturbateurs endocriniens entraîne un « effet cocktail » difficile à analyser.

Pour les endocrinologues, ces caractéristiques doivent inciter les autorités politiques à adopter une approche différente de celle retenue pour les autres produits toxiques, pour lesquels on détermine une dose maximale sans effet toxique observable.

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