B. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

1. Une définition des perturbateurs endocriniens dans le cadre des règlements relatifs aux produits phytopharmaceutiques et aux biocides uniquement
a) Le recours à un acte d'exécution et à un acte délégué

La Commission européenne a reçu mandat du législateur européen pour définir des critères scientifiques pour caractériser un perturbateur endocrinien dans le cadre des règlements (CE) n° 1107/2009 pour les produits phytopharmaceutiques, à l'aide d'un acte d'exécution, et (UE) n° 528/2012 pour les produits biocides, par le biais d'un acte délégué.

De ce fait, la Commission estime qu'elle n'a pas à proposer de critères permettant d'identifier un perturbateur endocrinien pour des substances qui seraient incluses dans d'autres produits comme les médicaments ou les produits cosmétiques. Pour cela, elle indique qu'un règlement serait nécessaire.

De même, la Commission estime qu'elle n'a pas compétence pour modifier les conséquences réglementaires de sa définition. Quelle que soit la définition retenue, une substance reconnue comme perturbateur endocrinien ne sera donc pas approuvée, sauf dérogation.

Par ailleurs, la procédure d'adoption relative aux actes d'exécution et aux actes délégués prévoit que le législateur européen ne modifie pas les actes de la Commission, auxquels il peut toutefois s'opposer.

b) Le « paquet perturbateurs endocriniens » de la Commission européenne

Pour ce qui concerne les produits phytopharmaceutiques et les biocides, la Commission européenne a publié, le 15 juin 2016, quatre documents :

- une communication sur les perturbateurs endocriniens et les projets d'actes de la Commission visant à définir des critères scientifiques pour leur identification dans le cadre de la législation de l'Union européenne relative aux produits phytopharmaceutiques et aux produits biocides ;

- une analyse d'impact évaluant les conséquences des différents critères retenus pour l'identification des perturbateurs endocriniens dans le cadre de la mise en oeuvre du règlement relatif aux produits phytopharmaceutiques et du règlement relatif aux produits biocides ;

- un projet d'acte d'exécution exposant les critères scientifiques pour la détermination des critères permettant de caractériser un perturbateur endocrinien et modifiant l'annexe II du règlement (CE) n° 1107/2009 ;

- un projet d'acte délégué exposant les critères scientifiques pour la détermination des critères permettant de caractériser un perturbateur endocrinien, conformément au règlement (UE) n° 528/2012.

2. Le choix de critères binaires
a) Trois définitions possibles ont été évaluées

Quatre options de critères scientifiques pour identifier les substances ayant des propriétés perturbant le système endocrinien au titre du règlement (CE) n° 1107/2009 et du règlement (UE) n° 528/2012 (règlements de base) ont été évaluées, dans le cadre d'une étude d'impact réalisée pour la Commission européenne. Les options étaient les suivantes :

- option 1 : Statu quo (scénario de référence) dont personne ne voulait ;

- option 2 : Recours à la définition de l'OMS pour identifier les perturbateurs endocriniens : « une substance ou un mélange exogène altérant les fonctions du système endocrinien et induisant de ce fait des effets néfastes sur la santé d'un organisme intact, de ses descendants ou au niveau des (sous-) populations » ;

- option 3 : Utilisation de la définition de l'OMS pour identifier les perturbateurs endocriniens et introduction de catégories fondées sur les éléments de preuve du danger : « perturbateurs endocriniens avérés ou présumés » , d'une part, et « perturbateurs endocriniens suspectés ou potentiels » , d'autre part ;

- option 4 : Utilisation de la définition de l'OMS pour identifier les perturbateurs endocriniens en prenant en compte la puissance de la substance.

b) La Commission a choisi de retenir l'option 2 qu'elle a déclinée sous deux versions différentes
(1) Version du 15 juin 2016

L'option 2 s'est traduite dans les deux textes proposés par la Commission de la façon suivante. Une substance est considérée comme ayant des propriétés perturbant le système endocrinien de l'être humain si elle répond aux critères ci-dessous :

- elle est connue pour ses effets néfastes sur la santé humaine, à savoir un changement dans la morphologie, la physiologie, la croissance, le développement, la reproduction ou la durée de vie d'un organisme, d'un système ou d'une (sous-)population qui se traduit par l'altération d'une capacité fonctionnelle ou d'une capacité à compenser un stress supplémentaire ou par l'augmentation de la sensibilité aux effets néfastes d'autres influences ;

- elle présente un mode d'action endocrinien ;

- ses effets néfastes sur la santé humaine sont une conséquence du mode d'action endocrinien.

En outre, la Commission a choisi de distinguer l'être humain des autres êtres vivants qualifiés d'organismes non ciblés . Pour ceux-ci, l'effet néfaste doit être jugé pertinent pour la population étudiée. Il s'agit là de la seule distinction, les autres critères restant les mêmes.

Depuis le 15 juin 2016, la Commission a présenté deux nouvelles versions de son texte dont vos rapporteurs n'ont obtenu que des versions anglaises.

Il est regrettable de voir qu'aucune traduction en français n'ait été prévue car la traduction peut avoir une importance capitale pour l'interprétation du texte.

(2) Version du 18 novembre 2016

La Commission européenne a apporté les modifications suivantes, indiquées en gras et en italique, sans modifier la distinction, prévue par les textes du 15 juin 2016, entre êtres humains et organismes non ciblés.

Une substance active est considérée (identifiée dans le cas des biocides) comme ayant les propriétés d'un perturbateur endocrinien (that may cause adverse affects : qui peuvent avoir des effets néfastes sur la santé) de l'être humain si la substance répond aux critères ci-dessous :

- elle est connue pour ses ( shows : montre des ) effets néfastes sur la santé humaine (in an intact organism or its progeny : sur un organisme sain ou sa progéniture) , à savoir un changement dans la morphologie, la physiologie, la croissance, le développement, la reproduction ou la durée de vie d'un organisme, d'un système ou d'une (sous-)population, qui se traduit par l'altération d'une capacité fonctionnelle ou d'une capacité à compenser un stress supplémentaire ou par l'augmentation de la sensibilité aux effets néfastes d'autres influences ;

- elle présente un mode d'action endocrinien ( i.e. it alters the function(s) of the endocrine system : elle altère le fonctionnement du système endocrinien ) ;

- ses effets néfastes sur la santé humaine sont une conséquence du mode d'action endocrinien.

La Commission considère que ces critères permettront d'identifier les perturbateurs endocriniens avérés et les perturbateurs endocriniens présumés, c'est-à-dire ceux pour lesquels on peut raisonnablement penser qu'ils ont un effet néfaste sur la santé.

c) La Commission a écarté les autres options au motif qu'elles ne seraient pas cohérentes avec les règlements de base
(1) Une option 3 qui serait source d'incertitudes juridiques

La Commission n'a pas souhaité retenir l'option 3. En effet, elle indique que créer des catégories de perturbateurs endocriniens en fonction du niveau de preuve scientifique du danger qu'ils présentent ne permettrait pas de mieux caractériser ce qu'est un perturbateur endocrinien. En outre, l'absence de conséquences réglementaires dans les règlements de base pour ces perturbateurs endocriniens suspectés fait que cela ne présente pas d'intérêt, la Commission n'ayant pas mandat pour définir ici de nouvelles conséquences réglementaires.

(2) Une option 4 qui remettrait en cause la réglementation actuelle basée sur le danger

De même, la Commission n'a pas souhaité retenir l'option 4. En effet, elle considère que la puissance d'une substance chimique qui correspond à sa capacité à produire un effet à une dose donnée n'a que peu d'intérêt pour définir si une substance perturbe ou non le système endocrinien. De même, elle considère que la notion de seuil, c'est-à-dire de dose en deçà de laquelle on ne s'attend à aucun effet néfaste, n'est pas pertinente pour définir un perturbateur endocrinien d'autant plus que l'existence même de ce seuil est un point de débat entre les scientifiques. Enfin, les règlements de base ne prévoient pas de conséquences réglementaires liées à la puissance du perturbateur endocrinien.

d) Un choix fait selon une étude d'impact contestée

Selon l'étude d'impact de la Commission, les options 2, 3 et 4 devraient offrir le même niveau élevé de protection de la santé humaine. Toutes les options devraient avoir des répercussions sur le nombre de substances autorisées pour les produits phytopharmaceutiques et les produits biocides à l'échelle de l'Union européenne. Il y aura donc une incidence, à des degrés divers, sur la santé humaine, l'environnement, la compétitivité sectorielle, y compris dans le domaine de l'agriculture et du commerce.

En ce qui concerne les options 2 et 3, les États membres, les scientifiques et les parties intéressées s'accordent à penser qu'elles permettraient d'identifier correctement les perturbateurs endocriniens. Ces options auraient les incidences les plus lourdes sur la compétitivité sectorielle, l'agriculture et le commerce. L'option 3 pourrait imposer une charge supplémentaire aux secteurs économiques et réduire l'harmonisation dans le marché unique.

L'option 4 est contestée par certaines parties intéressées, y compris des scientifiques. Elle aurait une influence moindre sur la compétitivité sectorielle, l'agriculture et le commerce.

Toutefois, cette étude d'impact a fait l'objet de critiques. Le Comité d'examen de la réglementation de la Commission européenne a rappelé que les critères d'identification des perturbateurs endocriniens devaient être définis en ne tenant compte que des preuves scientifiques, et indépendamment des conséquences économiques et sociales.

3. Un élargissement du champ des dérogations
a) Des possibilités de dérogations élargies pour les produits phytopharmaceutiques

La Commission souhaite modifier l'annexe II du règlement (CE) n° 1107/2009. Elle s'appuie pour cela sur l'article 78 de ce même règlement, qui prévoit que la Commission peut modifier les annexes, pour prendre en compte les évolutions des connaissances scientifiques et techniques. Son objectif est de revoir les conditions dans lesquelles une dérogation peut être accordée pour l'utilisation de substances reconnues comme perturbateurs endocriniens dans les produits phytopharmaceutiques. Jusque-là, une dérogation était possible en cas « d'exposition négligeable ». La Commission propose de modifier ces dispositions et de permettre une dérogation en cas de « risque négligeable lié à l'exposition dans les conditions réalistes les plus défavorables ». Il s'agit ici d'élargir les possibilités de dérogation.

Selon le Gouvernement, aucune dérogation n'a jamais été accordée. Les industriels produisant les produits phytopharmaceutiques et les produits biocides ont indiqué à vos rapporteurs que le recours aux dérogations est très compliqué.

Lors de la réunion du 21 décembre 2016 destinée à finaliser ses propositions, la Commission a souhaité que cette dérogation fasse l'objet d'un texte différent. Ceci permettra au Comité, puis au Conseil et au Parlement, de se prononcer d'une part sur les critères d'identification des perturbateurs endocriniens, et d'autre part sur cette dérogation, de manière indépendante.

b) Une dérogation pour les produits dont le but est de perturber le système endocrinien des organismes nuisibles

Les critères proposés par la Commission pour identifier un perturbateur endocrinien distinguent l'être humain des autres organismes vivants, qualifiés d'organismes non ciblés.

Dans sa version du 8 décembre 2016, la Commission européenne a ajouté un paragraphe aux deux projets d'actes concernant les critères d'identification des perturbateurs endocriniens dans le cas des organismes non ciblés.

Ces dispositions doivent permettre de ne pas interdire les substances dont le mode d'action est précisément de perturber le système endocrinien des organismes nuisibles, s'il est démontré que cet effet néfaste n'est pas avéré sur l'homme.

4. La procédure en cours : un acte d'exécution et un acte délégué

La Commission souhaite que les deux textes soient examinés en même temps bien qu'il s'agisse d'un acte d'exécution pour les produits phytopharmaceutiques et d'un acte délégué pour les biocides.

Dans le cas du texte relatif aux produits phytopharmaceutiques, celui-ci est soumis pour adoption au Comité relatif au règlement sur les produits phytopharmaceutiques composé de 28 scientifiques représentant chacun un État membre. S'il est adopté à la majorité qualifiée, le Parlement européen et le Conseil peuvent mettre un veto sur le texte, respectivement à la majorité absolue et à la majorité qualifiée, dans un délai de trois mois après son adoption, si la Commission excède les compétences prévues dans l'acte de base (règlement (CE) n° 1107/2009), si la mesure n'est pas compatible avec le but ou le contenu de l'acte de base, ou si les principes de subsidiarité ou de proportionnalité sont méconnus. Le Comité s'est réuni le 21 décembre mais aucune décision n'a pu être prise. Une nouvelle réunion doit être programmée.

Le texte relatif aux produits biocides est, quant à lui, un acte délégué qui fait l'objet d'une adoption formelle par la Commission. Celle-ci peut être assistée par un groupe d'experts. S'il est adopté, il est alors soumis au Parlement européen et au Conseil qui peuvent mettre un veto sur le texte respectivement à la majorité absolue et à la majorité qualifiée.

Dans les deux cas, le Parlement européen et le Conseil ne peuvent pas modifier le texte.

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