Rapport d'information n° 436 (2016-2017) de M. Louis DUVERNOIS et Mme Claudine LEPAGE , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 22 février 2017

Disponible au format PDF (1,1 Moctet)


N° 436

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 février 2017

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) par le groupe de travail (2) sur l' avenir de la francophonie ,

Par M. Louis DUVERNOIS et Mme Claudine LEPAGE,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; MM. Jean-Claude Carle, David Assouline, Mmes Corinne Bouchoux, Marie-Annick Duchêne, M. Louis Duvernois, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Françoise Laborde, Claudine Lepage, M. Jacques-Bernard Magner, Mme Colette Mélot , vice-présidents ; Mmes Françoise Férat, Dominique Gillot, M. Jacques Grosperrin, Mme Sylvie Robert, M. Michel Savin , secrétaires ; MM. Patrick Abate, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Mmes Marie-Christine Blandin, Maryvonne Blondin, MM. Philippe Bonnecarrère, Gilbert Bouchet, Jean-Louis Carrère, Mme Françoise Cartron, M. Joseph Castelli, Mme Anne Chain-Larché, MM. François Commeinhes, René Danesi, Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Mme Nicole Duranton, M. Jean-Claude Gaudin, Mme Samia Ghali, M. Loïc Hervé, Mmes Christiane Hummel, Mireille Jouve, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Pierre Leleux, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Jean-Claude Luche, Christian Manable, Mmes Danielle Michel, Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Jean-Jacques Panunzi, Daniel Percheron, Mme Christine Prunaud, MM. Stéphane Ravier, Bruno Retailleau, Mmes Évelyne Rivollier, Marie-France de Rose, MM. Abdourahamane Soilihi, Hilarion Vendegou .

(2) Ce groupe de travail est composé de : M. Louis Duvernois, Mme Claudine Lepage, co-rapporteurs ; Mme Marie-Christine Blandin, M. René Danesi, Mmes Marie-Annick Duchêne, Mireille Jouve, M. Jean-Jacques Lozach, Mmes Christine Prunaud, Catherine Morin-Desailly, M. Abdourahamane Soilihi.

TRENTE PROPOSITIONS


Proposition n° 1


Promouvoir la langue française et le multilinguisme.

Proposition n° 2

Rechercher des « cohabitations productives » entre langues locales et langue française, notamment dans les pays africains francophones.

Proposition n° 3

Mutualiser nos actions voire nos implantations culturelles et linguistiques (Instituts français, Alliances françaises, etc ) avec d'autres pays francophones.

Proposition n° 4

Soutenir l'apprentissage du français par les populations immigrantes dans un objectif d'insertion.

Proposition n° 5

Intégrer les littératures francophones dans les programmes scolaires français.

Proposition n° 6

Faire des outre-mer des « têtes de pont » de cette politique française en faveur de la francophonie.

Proposition n° 7

Rappeler aux élites françaises l'importance de l'usage du français comme langue de la modernité.

Proposition n° 8

Nommer un ministre de plein exercice chargé de la francophonie.

Proposition n° 9

Passer d'une « diplomatie d'influence » à une « diplomatie de confluence ».

Proposition n° 10

Engager une réflexion sur la création d'une offre d'« enseignement francophone » en lien avec d'autres pays francophones.

Proposition n° 11

Faire des sujets d'éducation une des priorités budgétaires de notre politique de coopération.

Proposition n° 12

Lorsque cela est possible, assurer un enseignement précoce de la langue française.

Proposition n° 13

Créer un fonds d'investissement pour développer l'éducation en francophonie.

Proposition n° 14

Inciter les hauts fonctionnaires français à l'usage de la langue française comme langue internationale.

Proposition n° 15

Soutenir les candidatures francophones au sein des instances internationales.

Proposition n° 16

Valoriser systématiquement l'apprentissage d'au moins deux langues étrangères dès le plus jeune âge.

Proposition n° 17

Resserrer l'OIF autour d'un « noyau dur » de pays véritablement francophones et recentrer ses priorités sur les enjeux linguistiques et éducatifs.

Proposition n° 18

Assurer un contrôle et un suivi qui garantissent l'efficacité des actions de l'OIF sans pour autant flécher les contributions françaises.

Proposition n° 19

Appuyer les candidatures françaises au sein de l'organisation de l'OIF.

Proposition n° 20

À la faveur des négociations sur le Brexit, garantir la place du français et des autres langues au sein des instances de l'Union européenne.

Proposition n° 21

Mettre en oeuvre le principe d'une traduction systématique.

Proposition n° 22

Soutenir le secteur associatif francophone.

Proposition n° 23

Engager une réflexion sur la création d'un « ERASMUS » francophone, porté par l'OIF.

Proposition n° 24

Créer un office francophone de la jeunesse porté par l'OIF.

Proposition n° 25

Maintenir l'équilibre des dispositions législatives relatives aux cours en langues étrangères dans nos établissements d'enseignement supérieur.

francophones).

Proposition n° 27

Pour constituer des groupes de médias locaux de qualité en langue française, encourager les projets d'investissements privés et publics-privés, notamment en Afrique.

Proposition n° 28

Sensibiliser les entreprises françaises mondialisées à l'usage de la langue française et y développer le plurilinguisme.

Proposition n° 29

Répondre à la demande croissante de certification en français professionnel.

Proposition n° 30

Rendre accessibles en langue française les travaux de recherche scientifique qui bénéficient de financements publics.

AVANT-PROPOS
de Louis Duvernois

La Francophonie comme pôle identitaire de la mondialisation

Lors de l'émission de France Info « Moi, Président », qui interroge des personnalités sur leur priorité s'ils étaient élus à la présidence de la République, l'historien et ancien ministre Jean-Noël Jeanneney, qui fut également président de la Bibliothèque nationale de France, a répondu : « Une francophonie érigée en cause nationale et bénéficiant d'un ministre d'Etat ».

Le propos paraît surprenant alors que notre pays vient d'emprunter à une multinationale anglo-saxonne du biscuit le slogan publicitaire « Made for sharing » (Venez partager) pour séduire les membres du Comité International Olympique en vue des JO de 2024 dont nous espérons qu'ils choisiront Paris. Le français n'est-il pas la langue officielle fondatrice des Jeux ?

L'écrivain américain Ernest Hemingway ne se posait certainement pas la question de savoir, et en français, si « Paris est une fête ». Il y répondait par un grand roman à succès !

Ces deux exemples récents mettent l'accent sur les contradictions françaises corrélées par une étude inédite de l'Institut CSA affirmant que « La France rayonne plus par sa culture que par son économie »

En outre, les Français sont les champions du « French bashing » (oh pardon !), de l'auto-dénigrement. Or, on ne saurait pourtant promouvoir le français hors de nos frontières sans en favoriser l'usage, d'abord dans notre pays et en premier lieu par ceux qui nous gouvernent...constat effectué par Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre.

Lorsque nous avons entrepris cette étude sur la francophonie, ma collègue Claudine Lepage et moi-même, à la demande de la présidente de la Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, Catherine Morin-Desailly, nous avons misé sur une approche originale car le sujet avait déjà été abondamment exploité sans être pour autant épuisé. Notre volonté était de sortir de « la nostalgie d'un paradis perdu » ou de « l'avatar d'un impérialisme révolu », propos de Boutros Boutros-Ghali, ancien Secrétaire général des Nations unies et de l'Organisation internationale de la francophonie.

La France, avec notamment le Canada, n'est-elle pas à l'origine de la Convention sur la protection de la diversité des expressions culturelles, adoptée par l'UNESCO en 2005 et ratifiée par plus de 130 pays ?

La francophonie au 21 e siècle, c'est la diversité des expressions culturelles et elle est finalement, selon Gérard Larcher, Président du Sénat, « une communauté de valeurs universelles que nous devons plus que jamais défendre : paix, liberté, solidarité et démocratie » 2 ( * ) .

Forte d'une langue partagée et des cultures qui l'enrichissent, la francophonie est aujourd'hui un extraordinaire laboratoire de co-développement dans un monde qui s'internationalise et où, paradoxalement, plus l'économie se mondialise, plus les identités s'affirment.

Selon Jean Tardif, anthropologue québécois et enseignant à l'Université Jean Moulin-Lyon 3, « la mondialisation comporte une dimension culturelle souvent occultée ou caricaturée conduisant à une uniformisation. Au contraire, elle met en présence intensive et en concurrence des visions du monde, des modes de vie, des préférences collectives- donc des facteurs culturels - dont les différences acquièrent une portée politique et stratégique ».

Débattre de la place de la France dans le monde devient alors un impératif. Les atouts de notre pays sont plus importants que ne l'affirment certains « déclinistes ». Le réalisme ne consiste plus à vouloir gérer le quotidien mais à imaginer, anticiper et poursuivre les transformations déjà perceptibles dans les mutations en cours.

Notre atout culturel est réel et la France bénéficie globalement d'une bonne image à l'étranger. L'apprentissage du français ne faiblit pas, y compris dans les pays anglo-saxons.

Nous devons mutualiser nos actions pour une francophonie vivante et conquérante, particulièrement en direction de la jeunesse. Nous devons promouvoir l'enseignement du français et en français, renforcer la francophonie dans les médias et accompagner les initiatives provenant de la société civile. Une gageure dans un pays centralisé et fonctionnarisé.

Nous devons avoir foi en la pérennité de notre langue, expression d'une culture à vocation universelle, mais rien ne sera possible sans un catalyseur politique. Les pratiques au sein des institutions n'étant guère orientées vers l'élaboration de projets, l'une de nos propositions tendra à obtenir un ministre de plein exercice développant une diplomatie de « confluence » et non uniquement d'« influence ».

Sans la conception et l'élaboration d'une stratégie visant à conforter la place du français comme langue internationale dans les secteurs d'avenir, la francophonie s'étiolera et notre langue ainsi que l'identité qui la définit sera marginalisée. Cela nous permettra de retrouver la confiance en nous même, indispensable à l'évolution de notre société.

AVANT-PROPOS
de Claudine Lepage

La francophonie a toujours beaucoup inspiré les politiques, chercheurs ou sociologues qui ont écrit de nombreux ouvrages ou rapports sur le sujet. Avec Louis Duvernois, également sénateur représentant les Français de l'étranger et membre de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, nous avons souhaité apporter un nouvel éclairage sur le sujet. Un éclairage qui se nourrit des nombreux déplacements effectués, dans le cadre de notre mandat, dans les pays francophones mais également des auditions que nous avons pu mener ces dernières semaines. Il se nourrit également de notre mandat à l'Assemblée parlementaire de la francophonie mais aussi de notre participation aux groupes interparlementaires d'amitié du Sénat, France-Corne de l'Afrique pour Louis Duvernois, France-Canada et France-Togo pour ma part.

Nous savons bien évidemment que ce rapport sur la francophonie n'est pas le premier mais nous savons également et n'en doutons pas, qu'il sera suivi de nombreux autres.

Les lectures, auditions, rencontres de ces derniers mois montrent que tous les acteurs n'ont pas la même vision ni la même définition de ce qu'est la francophonie. Et ceci est tout à fait normal. Certains mettent principalement l'accent sur la culture, d'autres davantage sur l'économie tout en ayant pleinement conscience que les deux aspects sont, de fait, profondément liés et se nourrissent l'un de l'autre ; le rapport de Jacques Attali « La francophonie et la francophilie, moteurs de la croissance durable » en est un exemple.

Pour ma part, et les nombreux déplacements effectués en Afrique ou au Canada n'ont fait que renforcer cette vision, la francophonie est d'abord et surtout le partage d'une même langue. Une langue qui a bien entendu des différences selon les latitudes où elle est parlée mais une même langue quand même.

Je considère la langue française comme étant le ciment de la francophonie, en découle ensuite une culture, des valeurs, une économie mais sans cette langue commune rien ne serait possible.

Or, la pratique de la langue française dans le monde n'est bien évidement pas inscrite dans le marbre, elle doit faire face aux évolutions de la société ou aux stratégies d'influence mises en place par d'autres pays. La situation de la République Démocratique du Congo (RDC) est particulièrement frappante. Si la RDC est le pays francophone le plus peuplé du monde (100 millions d'habitants d'ici à 2030) seulement 50 % de sa population parle couramment le français.

Cet exemple est pour le moins significatif et démontre que le nombre de locuteurs francophones qui est couramment avancé, 770 millions à l'horizon 2050, ne restera qu'une vue de l'esprit si de sérieux efforts ne sont pas entrepris pour maintenir le niveau qualitatif et quantitatif de locuteurs dans les pays considérés aujourd'hui comme francophones.

Si plusieurs causes expliquent la fragilité du français ou son recul, et nous le verrons par la suite, il me paraît important, dans cet avant-propos, de mettre l'accent sur le manque de stratégie globale de la France à tous les niveaux. À ce titre, la décision prise par le comité d'organisation de Paris 2024, de choisir comme slogan, un slogan en anglais « Made for sharing » reflète bien le manque d'ambition francophone de notre pays. Cette décision est d'autant plus regrettable que cette campagne de promotion pour ces jeux olympiques aurait pu, à l'inverse, être une formidable occasion de se tourner davantage vers les pays francophones.

Ce choix fait par les organisateurs de Paris 2024 semble démontrer qu'il n'existe pas en France de stratégie d'influence globale visant à promouvoir le français et la francophonie ; l'omniprésence de l'anglais dans les institutions européennes est également là pour le confirmer.

Pourtant, la situation politique mondiale, avec notamment le Brexit, pourrait être l'occasion de donner un nouveau souffle au multilinguisme et donc, également, à la langue française, ce qui pourrait permettre de parvenir, à terme, au renouvellement de la francophonie.

Parvenir à une francophonie renouvelée c'est en tout cas le sens des propositions qui seront faites dans ce rapport.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Les langues sont mortelles et la mondialisation accélère leur processus de disparition. En l'espace d'un siècle, 6 000 langues ont disparu et il est probable que dans 150 ans n'en subsiste qu'une centaine sur les 6 000 restantes 3 ( * ) .

La dimension culturelle du phénomène de mondialisation que nous connaissons actuellement est en effet majeure. L'explosion des échanges à l'échelle de la planète a mis en contact, puis en concurrence, différents modèles culturels et, partant, linguistiques. C'est à la fois une chance immense d'enrichissement et de découverte entre cultures mais aussi le risque que certaines cultures soient délaissées et viennent à disparaître. La tentation perpétuelle, comme le définit le sociologue Dominique Wolton 4 ( * ) , entre « imitation » et « distinction » qui fait osciller le monde entre uniformisation et besoin de spécificités culturelles.

Dans cette compétition linguistique internationale, comment se place la langue française ? Quel sera son statut demain ? Le rouleau compresseur anglo-américain aura-t-il raison d'elle ? Ou réussira-t-elle à tirer son épingle d'un jeu complexe qui voit s'affronter d'autres langues aux vastes ambitions, comme l'espagnol, le mandarin, l'arabe, entre autres ?

Après des siècles de suprématie mondiale, le français occupe aujourd'hui une place intermédiaire dans l'échelle des langues. Sans être langue mondiale comme l'anglais, elle fait néanmoins partie des langues majeures du globe :

- 5 ème langue mondiale en nombre de locuteurs ;

- 4 ème langue par le nombre d'internautes 5 ( * ) ;

- 3 ème langue des affaires (après l'anglais et le chinois) ;

- 2 ème langue apprise 6 ( * ) (après l'anglais) ;

- 2 ème langue d'information internationale (après l'anglais).

Le graphique ci-après place le français au 2 ème rang mondial des langues (après l'anglais) compte tenu de la combinaison de quatre critères :

- son statut officiel dans certains pays ;

- son statut officiel dans les organisations internationales ;

- sa place comme langue d'enseignement ;

- son extension géographique.

(a) Sur un indice de 1 à 5 correspondant à la présence de la langue sur 1, 2, 3, 4 ou les 5 continents.

(b) Sur un indice de 1 à 5 selon l'étendue de l'enseignement de la langue et l'importance des effectifs lorsqu'ils sont connus.

(c) Sur un indice de 1 à 3 selon que la langue dispose d'un statut dans toutes les grandes organisations à vocation mondiale (ONU, Unesco, OMC, OIT, FAO...) et de celui de langue de travail.

(d) Sur une échelle de 1 à 5 par tranche de 10 pays reconnaissant la langue comme officielle (de 1 à 10 pays = 1 ; de 11 à 20 = 2 ; de 21 à 30 = 3 ; de 31 à 40 = 4 et au-delà = 5).


Source : OIF, 2014, La langue française dans le monde,
op.cit.

Comment classer les langues ?

La classification des langues est un exercice difficile. Nous vous présentons ici deux « pyramides » exposées dans un numéro récent de la revue Critique consacré à la langue française 7 ( * ) .

La pyramide à cinq étages proposée par David Graddol (1997) distingue les langues vernaculaires locales, les langues officielles des États-nations, les langues nationales, les langues régionales et les « grandes langues ».

La pyramide à quatre étages proposée par Abram de Swaan (2001)  distingue les langues locales et périphériques (il y en a des milliers), les langues centrales (il en existe une centaine, parlées par des millions, voire des dizaines de millions de personnes), les langues supercentrales (comme l'allemand, l'arabe, le chinois, l'espagnol, le français , l'hindi, le japonais, le malais, le portugais, le russe, le swahili, le turc, parlées chacune par des centaines de millions de personnes) et une langue hypercentrale (l'anglais).

Source : revue Critique, op.cit.

Certains optimistes prédisent au français un avenir radieux, fort de ses 700 millions de francophones potentiels à l'horizon 2050. D'autres, au contraire, annoncent la victoire par « K.O. » d'un anglo-américain triomphant sur l'ensemble des autres langues.

Le statut des langues est extrêmement mouvant et incertain. Il est le reflet, à un instant t , de la puissance de ses locuteurs : poids démographique, poids économique, poids politique, poids stratégique, mais aussi poids dans l'imaginaire et le désir collectif... Et, incontestablement, le poids linguistique renforce à son tour la puissance du pays qui impose sa langue.

La langue est donc à la fois l'instrument et le résultat de la réussite d'un pays sur la scène mondiale. Le recul du français depuis un siècle est bien l'un des marqueurs de la perte d'influence de notre pays dans le concert des nations.

L'affirmation de la langue française comme langue nationale puis internationale

En douze siècles, le français, langue royale, devient la langue nationale. Moins d'un siècle plus tard, c'est la langue internationale.

- Dès le VIII ème siècle , l'Église diffuse des glossaires latin-roman pour les clercs qui écrivent, mais ne parlent plus, le latin ;

- Le concile de Tours ( 813 ) décide que les sermons seront en langue usuelle, romane ou germanique ; la langue écrite, même hors de l'Église, reste néanmoins le latin, en France comme dans le reste de l'Europe ;

- Les serments de Strasbourg ( 842 ) sont les premiers textes écrits en roman et en germanique ;

- À partir du XVIII ème siècle , le pouvoir royal favorise le « parler parisien » ; des langues écrites se dégagent, qui fédèrent régionalement les dialectes mais c'est le dialecte du domaine royal qui domine ;

- Calvin passe très vite du latin (1536) au français (à partir de 1541 ) et c'est dans cette langue qu'il élabore son oeuvre ; les protestants prennent le français comme langue de culte ;

- François 1 er promulgue l'ordonnance de Villers-Cotterêts ( 1539 ) qui impose le français pour les registres d'état-civil et pour les actes juridiques ; c'est l'unité administrative du royaume dans la langue du roi ;

- Du Bellay publie Défense et illustration de la langue française en 1549 ;

- Création de l'Académie française par Richelieu en 1634 avec pour ambition de « rendre la langue française plus claire, d'en fixer l'usage, de la rendre apte à exprimer les sciences et les techniques » ;

- Premier dictionnaire en 1694 ;

- La force de Louis XIV assure la promotion du français comme langue diplomatique internationale faisant foi pour les traités (traité de Rastatt, 1714 ) ; la France représente un quart de la population européenne et l'élite étrangère s'exprime en français ; c'est en français que Frédéric II et Catherine II correspondent avec Voltaire ;

- 1784 , Discours sur l'universalité de la langue française de Rivarol, primé par l'Académie de Berlin ;

- Au XIX ème siècle , le français se diffuse dans la bourgeoisie libérale en formation en Europe ; le français est la langue de la liberté et des réformes ; cette bourgeoisie libérale génère la diffusion d'un enseignement secondaire classique fondé sur les « humanités » dont le français et les auteurs français font partie ; cette diffusion va jusqu'en Russie, en Amérique latine, dans les pays musulmans.

Mais les deux guerres mondiales du XX ème siècle vont décapiter la francophonie européenne et l'émergence politique, puis la prééminence mondiale, des États-Unis va assurer le développement de l'anglais.

Source : résumé de vos co-rapporteurs, d'après Yves Montenay, op.cit.

Dans la compétition linguistique mondiale, le français n'est en effet pas sans atouts.

Ces atouts sont avant tout historiques et culturels : l'histoire de France a implanté le français sur les cinq continents 8 ( * ) et a nourri une belle image de la langue française, souvent associée à la liberté (réminiscences de 1789) mais aussi au raffinement (celui de la cour au XVIII ème siècle), à l'élégance (« Paris, capitale de la mode »), à la culture (aura des artistes français du XIX ème siècle), etc. Notre langue est ainsi porteuse de multiples images et représentations, le plus souvent très positives.

La densité francophone dans le monde :
la langue française présente sur les cinq continents

Source : OIF, 2014, La langue française dans le monde, op.cit.

Ces atouts sont également économiques : l'espace « francophilophone » selon le joli néologisme de Jacques Attali 9 ( * ) représente aujourd'hui quelques 16 % de la richesse mondiale et les zones d'expansion démographique francophone présentent d'importants potentiels de croissance économique 10 ( * ) .

Les atouts du français sont enfin démographiques : la francophonie constitue le 6 ème espace géopolitique mondial par sa population et pourrait devenir le 4 ème à l'horizon 2050 : 230 millions de personnes parlent français aujourd'hui, elles pourraient être 770 millions en 2050 ; c'est d'ailleurs l'ensemble linguistique qui connaîtra la plus forte croissance des cinquante prochaines années comme le fait clairement apparaître le graphique ci-après.

Cité par : OIF, 2014, op.cit.

Rien qu'entre 2010 et 2014, le nombre de locuteurs quotidiens du français a augmenté de 7 % dans le monde et de 15 % dans la seule Afrique subsaharienne.

Mais cet atout démographique repose néanmoins sur des bases fragiles. La croissance démographique escomptée pour la francophonie d'ici 2050 résulte de la croissance démographique extrêmement dynamique de l'Afrique francophone : une quinzaine de pays de l'Afrique subsaharienne 11 ( * ) et trois pays du Maghreb 12 ( * ) . Le poids démographique de l'Afrique dans la francophonie est remarquable : elle représente près de 43 % des francophones aujourd'hui (et même près de 55 % des locuteurs quotidiens !) et, dès 2050, 85 % des francophones seront africains .

Source : OIF, 2014, La langue française dans le monde, op.cit.

Source : OIF, 2014, La langue française dans le monde, op.cit.

L'expansion démographique africaine est certaine mais plus incertain est le maintien du statut et de la pratique du français dans les pays d'Afrique francophone .

Il dépend de l'évolution du statut et de la pratique des autres langues (langues locales, langues maternelles, autres langues étrangères), de l'évolution de la scolarisation de l'ensemble du continent et surtout de l'évolution, en qualité comme en quantité, de l'enseignement du et en français dans ces pays. Une baisse du nombre relatif de francophones est malheureusement déjà perceptible dans certains d'entre eux.

Tous ces atouts demandent donc à être entretenus et valorisés.

Un « laissez-faire linguistique » n'aboutirait qu'à la relégation de notre langue aux marges de la compétition internationale. Laisser la langue française perdre du terrain, c'est accepter la marginalisation de notre pays sur la scène internationale, voire se résoudre, à terme, à la disparition de cette langue et de l'ensemble du patrimoine qu'elle anime aujourd'hui.

*

Mais, plus que l'expression d'une nostalgie ou d'une volonté de puissance, la défense de la francophonie est, pour vos co-rapporteurs, synonyme de promotion de la diversité culturelle et du dialogue entre toutes les cultures : un appel à une « francophonie ouverte ».

POUR UNE NOUVELLE STRATÉGIE FRANÇAISE EN FRANCOPHONIE OUVERTE

I. POUR UNE NOUVELLE STRATÉGIE FRANÇAISE EN « FRANCOPHONIE OUVERTE »

La compétition de plus en plus acharnée que se livrent aujourd'hui les langues et les cultures, avec la prise en compte généralisée de l'importance du facteur linguistique dans les stratégies diplomatiques (en témoigne le développement des Instituts Confucius 13 ( * ) comme instrument de la diplomatie chinoise par exemple) doit amener la France à repenser sa stratégie de promotion de la langue française.

A. REPENSER LE STATUT DE LA LANGUE FRANÇAISE

Repenser notre stratégie de promotion de la langue française, c'est d'abord s'interroger sur ce « produit » que nous voulons vendre au reste du monde. Quelles sont ses caractéristiques propres ? Ses avantages comparatifs ? Quelle image voulons-nous promouvoir à travers lui ?

1. La francophonie, un manifeste pour la diversité des expressions culturelles

Tout d'abord, il faut rappeler avec clarté que promouvoir la place de la langue française dans le concert mondial ce n'est pas combattre l'anglophonie.

Le statut de langue mondiale de la langue anglaise est aujourd'hui incontestable. Ce statut n'est certes pas éternel, comme nous le prouve l'histoire des langues, mais c'est une donnée avec laquelle les chantres de la langue française doivent composer.

La promotion de la langue française ne se résume pas à un simple « face-à-face » avec l'anglais. Certes, l'anglais investit chaque jour plus de domaines de notre vie économique, intellectuelle et sociale : il domine dans les échanges commerciaux ; il s'introduit chaque jour un peu plus dans la publicité 14 ( * ) ; il bénéficie d'un quasi-monopole des publications en sciences exactes ; il progresse continuellement dans l'enseignement supérieur ; etc.

Mais la compétition linguistique mondiale n'est pas un ring de boxe où ne s'affronteraient que deux compétiteurs, c'est une course de fond sur laquelle s'alignent les 6 000 langues de la planète. L'anglais est loin devant, et aucune langue n'est aujourd'hui en capacité de ne serait-ce que le talonner. La langue française appartient au peloton qui suit et doit surveiller ses concurrents chinois, espagnol, portugais, arabe, peut-être hindi demain ...

Défendre la langue française, et c'était le sens de la Convention de 2005 sur la diversité culturelle négociée à l'initiative de la France 15 ( * ) , c'est avant tout défendre le multilinguisme, comme richesse culturelle mondiale. De nombreux membres de tous bords politiques de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, dont vos deux co-rapporteurs, ont eu l'occasion récemment de rappeler leur attachement à la préservation de la diversité des expressions culturelles 16 ( * ) .

La promotion du français participe de cette défense de la diversité des expressions culturelles, en s'opposant à l'uniformisation et à la globalisation par l'anglais et la culture américaine. Mais vanter la diversité des expressions culturelles, c'est bien entendu laisser leur place aux autres langues qui ne sont pas le français.

Auditionné très récemment par votre commission 17 ( * ) , Bruno Foucher, président de l'Institut français, l'exprimait avec beaucoup de clarté : « Il ne s'agit pas d'amener le monde à penser comme nous. Il ne s'agit pas de « soft power » comme je l'entends souvent dire, concept forgé pour exprimer l'épuisement des ressources du « hard power » et je le dis tout exprès en anglais. Il s'agit de mettre en relief l'apport que vaut à notre culture française le frottement avec l'étranger, une reconnaissance que le dialogue avec l'autre, proche et différent, que l'altérité est une source d'inspiration, de développement tout autant qu'une découverte ».

Ø Proposition n° 1 : Promouvoir la langue française et le multilinguisme.

La promotion de la langue française a longtemps reposé sur un paradoxe : défense farouche du plurilinguisme au-delà des frontières, mais écrasement résolu de toute autre langue en-deçà des frontières 18 ( * ) ...

Il est peut-être temps aujourd'hui de dépasser ce paradoxe, la langue française n'est plus menacée sur le territoire français et peut accepter à ses côtés la promotion des langues régionales.

Cette attitude plus ouverte aux autres langues doit être également vraie en francophonie, et particulièrement en francophonie africaine, où le statut du français doit être examiné avec pragmatisme au regard notamment des langues locales ou nationales.

Dans la plupart des pays francophones d'Afrique subsaharienne, le français est à la fois langue officielle et langue de l'éducation 19 ( * ) .

La prégnance et la préséance du français se constatent partout, même quand les langues maternelles sont considérées comme « passerelles entre la famille et l'école » à l'instar du Cameroun. Dans la plupart de ces pays, le français est vécu comme « ciment de la cohésion nationale » face à la multiplicité des ethnies, par exemple en Côte d'Ivoire.

Mais souvent le français occupe un statut ambivalent : il est parfois considéré plus comme « langue étrangère » que comme une véritable « langue seconde » 20 ( * ) . Même si le nombre de « parlants-français » augmente en valeur absolue, compte tenu des évolutions démographiques globales positives, l'usage de la langue française recule dans de nombreux pays africains en valeur relative. Il faut parfois être réaliste et développer, le cas échéant, des systèmes d'enseignement du français « langue étrangère » dans des pays où il est supposé être une « langue seconde » mais où, dans les faits, il est très peu ou très mal parlé 21 ( * ) .

Dans les pays du Maghreb, la langue de scolarisation est l'arabe mais le français y est enseigné dès le primaire, notamment au Maroc et en Tunisie. Le français y est surtout très présent dans l'enseignement privé dont il constitue l'un des arguments commerciaux de différenciation. Dans le secondaire, la situation varie selon que les matières ont été arabisées ou non. Mais c'est surtout au niveau de l'université, en particulier pour l'enseignement des matières scientifiques et techniques, que le français occupe une place de choix. L'enseignement professionnel est lui aussi très souvent francisé, notamment au Maroc où celui-ci se fait exclusivement en français.

À chaque fois que cela est possible, il faut donc rechercher des « cohabitations productives » entre langues locales et langue française selon le mot de Jean-Michel Severino, ancien directeur de l'Agence française de développement (AFD) 22 ( * ) . Il serait en effet absurde de mettre en concurrence la langue française avec, par exemple, dans le cas du Sénégal, le wolof 23 ( * ) . En revanche, aider à structurer une offre en français au Sénégal peut être bénéfique pour tous. Dans les pays du Maghreb, une clarification du statut de la langue française serait bienvenue afin d'établir un « rapport plus serein avec la langue arabe » 24 ( * ) .

Il faut, dans certains cas, sortir de l'illusion selon laquelle dans les pays officiellement francophones, le français est lu et parlé sans difficultés. Bien souvent, la situation est plus délicate et il faut l'admettre avec réalisme pour pouvoir développer une offre linguistique adaptée.

Le programme « École et langues nationales en Afrique » (ELAN) soutenu par l'AFD et coordonné par l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) est à cet égard remarquable.

École et langues nationales en Afrique (ELAN)

Elan-Afrique est une initiative qui vise la promotion et l'introduction progressive de l'enseignement bilingue articulant une langue africaine et la langue française au primaire, en particulier dans les écoles des zones rurales, pour remédier à l'échec scolaire dû à la difficulté d'acquisition de la langue française.

Elle est née d'un partenariat entre l'OIF, maître d'oeuvre international du projet, l'Agence universitaire de la francophonie (AUF), l'AFD et le ministère français des Affaires étrangères, et de la volonté des ministères de l'Éducation nationale du Bénin, du Burundi, du Burkina Faso, du Cameroun, du Mali, du Niger, de la République démocratique du Congo et du Sénégal de développer une éducation au primaire de qualité.

Ce projet s'appuie sur les études menées entre 2007 et 2010 dans 6 pays dans le cadre du programme LASCOLAF (Langues de scolarisation dans l'enseignement fondamental en Afrique sub-saharienne francophone), qui ont montré l'efficacité de l'enseignement bilingue articulant langues africaines et langue française.

Source : http://www.elan-afrique.org/

Le programme ELAN a bénéficié à plus de 100 000 élèves, 5 900 enseignants, 270 encadrants, dans 2 847 classes bilingues de huit pays, au bénéfice de 28 langues 25 ( * ) .

Ø Proposition n° 2 : Rechercher des « cohabitations productives » entre langues locales et langue française, notamment dans les pays africains francophones.

2. Les Français, francophones parmi les autres ?

Longtemps, les Français ont considéré que la France était « propriétaire » de la langue française. Certes, notre pays en est le berceau, mais, aujourd'hui, cette langue est un bien partagé sur les cinq continents et la France n'a pas le monopole du « bon parler français ». La langue française vit et se transforme avec autant de légitimité à Paris, à Dakar, à Montréal, etc.

Il existe aujourd'hui « des » français , dont aucun n'est a priori plus légitime que l'autre et tous doivent être également respectés et contribuer à la francophonie. Rappelons, à cet égard, qu'en cinquante ans le dictionnaire de l'Académie française est passé de 40 000 à 60 000 mots, preuve s'il en est de la vitalité de notre langue.

On peut envisager de mutualiser des actions culturelles ou éducatives de la France à l'étranger avec d'autres pays sous un label francophone, voire de mutualiser aussi nos implantations physiques.

Notre collègue député Pouria Amirshahi faisait une proposition similaire : « Ouvrir notre réseau (Instituts français, IFRE 26 ( * ) ,...) aux autres nations francophones pour décupler nos forces » 27 ( * ) .

Cette coopération francophone pourrait se développer sur le modèle de ce qui s'est fait à Marrakech pour la Maison Denise Masson et que votre commission a pu étudier lors de son déplacement d'avril 2015, sous la forme non pas « d'une coopération franco-marocaine mais Francophonie-Maroc, au service de nos intérêts et de notre patrimoine commun » 28 ( * ) .

Ø Proposition n° 3 : Mutualiser nos actions voire nos implantations culturelles et linguistiques (Instituts français, Alliances françaises, etc.) avec d'autres pays francophones.

« Francophone ». Le terme même est bien souvent écarté par les Français qui ne se l'appliquent pas à eux-mêmes et considèrent aisément qu'est francophone toute personne non française parlant néanmoins français...

Il faut rappeler sans cesse que la France fait partie intégrante de la francophonie et que les habitants de notre pays sont aussi, à quelques exceptions près, des francophones. La question de la défense de la francophonie sur le territoire français n'est pour autant pas vaine.

Même si elle ne constitue pas le coeur d'étude du présent rapport, cette dimension mériterait aussi d'être examinée :

- au regard des langues régionales en métropole,

- au regard de situations de multilinguismes dans les outre-mer 29 ( * ) ,

- au regard de l'apprentissage du français par les populations immigrantes 30 ( * ) .

L'apprentissage de la langue française pour les enfants immigrants

La France a mis en place une politique d'intégration scolaire des « élèves allophones nouvellement arrivés » qui repose sur l'accueil au sein de classes spécifiques, les unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants (UPE2A), devant mener vers une inclusion rapide dans les classes ordinaires. Par ailleurs, la langue d'origine peut être prise en compte grâce aux « enseignements de langue et culture d'origine » (ELCO) dans le cadre de partenariats signés avec certains pays.

La Belgique a également mis en place des cours intégrés dits d'« ouverture aux langues et aux cultures » (OLC).

Quant au Québec , il a instauré une politique d'intégration scolaire des élèves immigrants et d'éducation interculturelle.

Source : données issues du Livre blanc de la Fédération internationale des professeurs de français, op.cit.

Cette question de l'intégration par la langue française a été bien décrite par notre collègue Guy-Dominique Kennel dans son rapport sur le droit des étrangers de 2015 31 ( * ) . Il y parlait à juste titre d'« apprentissage de la langue française, clé d'une intégration réussie ». Le Premier ministre a en outre, dans une communication récente 32 ( * ) , rappelé l'importance de la maîtrise de la langue française pour la cohésion sociale.

Ø Proposition n° 4 : Soutenir l'apprentissage du français par les populations immigrantes dans un objectif d'insertion.

L'appropriation de la francophonie par la population française, c'est aussi la place qui est faite à la francophonie dans les programmes scolaires (présentation de la diversité des littératures francophones en cours de français et du monde francophone comme l'un des espaces de solidarité de la France dans le monde en cours d'histoire ou de géographie).

Le « Livre blanc de la Fédération internationale des professeurs de français » 33 ( * ) souligne en la matière un certain retard français, contrairement à la Suisse, au Québec et en Belgique où la prise en compte de la francophonie dans les programmes scolaires fait l'objet d'une « incitation claire ». D'où la sa proposition d' « ouvrir les curricula aux littératures francophones, aux différents patrimoines nationaux, aux variations linguistiques et culturelles et plus largement à la francophonie » 34 ( * ) .

Cette situation nous a été confirmée lors de l'audition d'un membre du Conseil supérieur des programmes : ce n'est qu'en 2015 que le concept de « littératures francophones » a été introduit dans les programmes de français mais les éditeurs de manuels scolaires n'ont pas encore emboîté le pas et cette ouverture est probablement restée lettre morte à ce stade.

Ø Proposition n° 5 : Intégrer les littératures francophones dans les programmes scolaires français.

Par leur situation géographique, par leur histoire, nos territoires d'outre-mer sont naturellement travaillés par de multiples interrogations sur leur identité, culturelle ou linguistique. Ils sont le lieu idéal pour comprendre que l'on peut parler la langue française, la défendre et la servir, sans rattachement autre que symbolique au berceau historique de cette langue de France.

De surcroît, les contacts qu'ils offrent avec d'autres continents, d'autres aires culturelles et linguistiques, sont sources de richesses et font prendre conscience, dans les outre-mer souvent mieux qu'en métropole, des forces et des fragilités des langues. Pour ne considérer que la situation dans l'océan Indien, on parle français et créole à La Réunion, français, shimaoré et shibushi à Mayotte, français, créole, anglais et hindi à Maurice, français et malgache à Madagascar, shikomor, français et arabe aux Comores, français, anglais et créole aux Seychelles.

Le positionnement des outre-mer sur les lignes de faille linguistiques mondiales justifie donc qu'ils puissent prendre toute leur place dans la défense et l'illustration de la francophonie, comme « têtes de pont » d'une stratégie structurée de promotion de la langue française sur les cinq continents. C'est le cas par exemple de la Guyane, tête de pont naturelle de la francophonie dans le nord de l'Amérique du Sud.

Les outre-mer dans la francophonie

Présents sur trois océans, les outre-mer français, riches de leur trois millions de citoyens, constituent des bases avancées dans les ensembles géopolitiques environnants, développant des interactions croissantes dans l'Atlantique Nord, le bassin caribéen et l'Amérique centrale, l'océan Indien et l'Afrique australe, et dans le Pacifique, avec la Nouvelle-Zélande et l'Australie. « Têtes de pont » potentielles du rayonnement de la langue française, les outre-mer partagent avec les pays de la francophonie du Sud des contextes socioculturels souvent très comparables et donc une communauté d'intérêts qui se manifeste notamment dans les problématiques de développement culturel et engage à une circulation facilitée des expertises.

Exploiter la dimension océanique de la France en intégrant plus largement les outre-mer aux actions et politiques de la Francophonie permettrait de favoriser l'échange de pratiques professionnelles et le partage d'expériences, de savoirs et de savoir-faire, notamment dans le domaine de la formation des acteurs culturels.

Source : OIF, 2014, La langue française dans le monde, op.cit.

En réponse à un questionnaire de vos co-rapporteurs adressé à l'ensemble de leurs collègues sénateurs ultra-marins, notre collègue Didier Robert, sénateur de La Réunion, rappelle que sa région « revendique que sa place en tant qu'acteur de la francophonie dans la zone océan Indien soit pleinement reconnue. La francophonie gagnerait à ce que La Réunion soit partie prenante de la politique de la francophonie de la France dans l'océan Indien en donnant la possibilité à la Région Réunion de conduire les délégations françaises dans la zone, mais aussi d'assurer la présidence de la COI 35 ( * ) ».

La toute récente loi du 5 décembre 2016 « relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional » 36 ( * ) a utilement rappelé que l'outre-mer est un interlocuteur incontournable des États de leur voisinage. Elle a ainsi simplifié les dispositions du code général des collectivités territoriales issues de la loi d'orientation sur l'outre-mer de 2000 37 ( * ) pour donner à l'action des collectivités d'outre-mer une plus grande lisibilité et une pertinence accrue dans leur environnement international. Vos co-rapporteurs s'en félicitent.

Ø Proposition n° 6 : Faire des outre-mer des « têtes de pont » de la politique française en faveur de la francophonie.

3. La langue française est-elle porteuse de valeurs universelles ?

« Le français est porteur de valeurs universelles ». Combien de fois vos co-rapporteurs n'ont-ils pas entendu cette affirmation ?

Mais une langue est-elle, par elle-même, porteuse de valeurs ? A fortiori de valeurs « universelles » ?

Comme nous l'a clairement exposé l'anthropologue Jean Tardif en audition 38 ( * ) , une civilisation, une culture sont porteuses de valeurs 39 ( * ) . Une langue est, d'abord, un moyen de communication. Elle peut être porteuse d'une certaine « façon de penser » 40 ( * ) selon qu'il existe tel ou tel mot dans une langue, telle ou telle subtilité, la représentation du monde qui sera donnée à travers cette langue ne sera pas tout à fait la même que celle donnée par une autre langue. Mais dire d'une langue qu'elle est porteuse de valeurs, c'est sous-entendre que le simple fait de parler français nous rangerait d'office du côté des défenseurs de la liberté (pour ne reprendre que l'une de ces « valeurs universelles », la plus souvent associée la langue française).

Selon vos co-rapporteurs, sont associées à la langue française moins des valeurs que des « images », issues, comme nous l'avons rappelé en introduction, de l'histoire (de France en particulier) ou plus exactement de diverses représentations de l'histoire de France. Sont ainsi souvent associées à la langue française des images positives, et ce sont parfois des valeurs (de « modernité », de « liberté de penser et de s'exprimer » 41 ( * ) ), mais aussi parfois négatives (« colonisation », « oppression des peuples », « torture » 42 ( * ) ).

Ces images le plus souvent positives créent un appétit pour l'apprentissage du français et justifient parfois le choix du français comme langue d'expression 43 ( * ) ou même langue de résistance. Ce sont donc d'indéniables atouts qu'il faut savoir entretenir et faire perdurer.

Mais affirmer que ces valeurs universelles sont portées par la langue française n'est-ce pas dans le même temps risquer de minorer les autres langues ? Cette stratégie peut être contre-productive dans certains situations où une « arrogance à la française » n'est pas toujours bienvenue.

B. REPENSER LE RÔLE DE LA FRANCE DANS LA FRANCOPHONIE

Paradoxalement, alors qu'elle entretient depuis déjà longtemps ce sentiment de supériorité linguistique et culturelle, la France n'a jamais véritablement assumé de se poser en chef du clan francophone. Et pourtant, elle est attendue dans ce rôle, non pas comme ex-colonisatrice mais comme pays-berceau de la langue. S'attache à ce statut une exigence d'exemplarité en matière de défense et d'illustration de la langue française.

1. La France doit assumer son rôle au sein de la francophonie

À la création de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), le Général de Gaulle avait, avec sagesse, conservé quelques distances avec un organisme qui, s'il avait été piloté par la France, aurait pu être soupçonné d'être un instrument de néo-colonialisme. Mais la France a gardé ses distances et la Francophonie a été initialement voulue et bâtie par des « non-Français » : un Sénégalais (Léopold Sédar Senghor), un Ivoirien (Félix Houphouët-Boigny), un Tunisien (Habib Bourguiba), un Nigérien (Hamami Diori), un Cambodgien (Norodom Sihanouk). Comme le rappelait Boutros Boutros-Ghali, ancien premier secrétaire général de la Francophonie 44 ( * ) : « la Francophonie est née d'un désir ressenti hors de France ».

Aujourd'hui ces préventions et ces soupçons de néo-colonialisme rampant peuvent être laissés derrière nous : l'OIF est composée à plus de la moitié de membres qui n'ont jamais été colonisés, ni par la Belgique, ni par la France. La question de la colonisation ne doit pas être occultée, mais elle n'a plus à être prégnante dans le positionnement de la France à l'égard de la Francophonie. Cette relation historique que la France entretient avec ses anciennes colonies ne doit pas être jetée aux orties mais constituer un atout pour tous, pour la France comme pour les autres pays concernés.

Les autres pays membres de la Francophonie sont en attente, non pas d'une domination française, mais, à tout le moins, d'une exemplarité et d'une implication françaises dans les sujets linguistiques. La France doit assumer son statut de pays-berceau de la langue française et ce statut impose des responsabilités.

La France semble se préoccuper assez peu de la langue française, aux yeux d'autres pays francophones plus actifs voire résistants sur les sujets linguistiques (en particulier parce qu'ils sont eux-mêmes sur des lignes de faille linguistiques). L'élite française est même connue pour dédaigner le français au profit, bien souvent, de l'anglais, suscitant l'incompréhension chez nos amis francophones. Snobisme d'une élite mondialisée soucieuse de montrer « patte blanche » dans un monde dominé par l'anglo-américain ? Cette attitude est bien souvent regrettable et dommageable pour la défense de la langue française, en particulier, et du multilinguisme, en général.

Dans un numéro récent de la revue Critique 45 ( * ) , l'historien Philippe Roger évoquait cette attitude parfois paradoxale des Français à l'égard de leur langue maternelle, entre chagrin et passion : « Les Français ont la passion de leur langue, mais c'est une passion tourmentée et qui tourne aisément au chagrin, voire au dédain pour une reine qu'ils soupçonnent déchue ».

Vos co-rapporteurs en appellent aux élites françaises pour qu'elles s'approprient et défendent la langue française. Qu'elles en soient les fiers ambassadeurs dans le vaste monde.

Ø Proposition n° 7 : Rappeler aux élites françaises l'importance de l'usage du français comme langue de la modernité.

Au sein du ministère chargé des affaires étrangères, la francophonie semble plus considérée comme un enjeu d'influence un peu annexe que comme une véritable politique publique structurée. Le seul document d'orientation existant est le « Plan d'actions pour la Francophonie » d'octobre 2012.

Pourtant, Jacques Attali nous invite à faire de la francophonie un  axe structurant de notre action diplomatique : selon lui, il faudrait « redonner un élan à notre diplomatie culturelle, éducative et linguistique en considérant la francophonie comme un axe essentiel de notre politique étrangère » 46 ( * ) . Et Jérôme Clément 47 ( * ) , président de l'Alliance française, nous invite de son côté à faire de la francophonie « une grande cause nationale ».

« La France n'a ni vision, ni ambition francophone » 48 ( * ) : le constat de Michel Guillou, ancien recteur et professeur des universités, est peut-être dur mais il est malheureusement réel. Le titre du rapport de notre collègue député Pouria Amirshahi ne dit pas autre chose : « Pour une ambition francophone ». Rédigé en janvier 2014, ce rapport, riche de propositions, n'a malheureusement été que très peu suivi d'effets.

Certes, ce relatif désintérêt, voire dédain, de la France pour la francophonie ne date pas d'aujourd'hui. La France a déployé beaucoup d'énergie depuis les années 1960 autour de la construction européenne, y « sacrifiant » en partie son projet francophone. Mais, à l'heure de l'émergence de grandes zones géoculturelles (et, peut-être, aussi, d'un certain essoufflement de la construction européenne), il est temps pour nous de réinvestir la francophonie comme projet d'avenir. L'ambition de Jacques Attali qui propose de « créer à terme une Union économique francophone aussi intégrée que l'Union européenne » 49 ( * ) est immense à cet égard. Sans aller jusque-là, vos co-rapporteurs préconisent un rééquilibrage des priorités entre Europe et Francophonie, ainsi que la prise en compte de la dimension francophone dans la politique européenne 50 ( * ) .

La question du positionnement de la francophonie au sein du Gouvernement français est loin d'être anecdotique. Elle en dit souvent long sur l'importance accordée à cette thématique. Avec la personnalité choisie 51 ( * ) , elle est la condition d'une politique affirmée en direction de la francophonie.

Vos co-rapporteurs proposent de créer un ministre de plein exercice chargé des questions de francophonie. Ils tiennent à ce que ce ministre puisse s'appuyer sur le réseau des ambassadeurs, des instituts français mais qu'il ait également un lien étroit avec la Direction générale de la langue française et des langues de France rattachée au ministère de la culture et surtout qu'il développe des liens, aujourd'hui insuffisants, avec les services du ministère de l'éducation nationale qui doivent réinvestir la question de l'enseignement du et en français à l'étranger.

La nomination d'un membre du Gouvernement spécifiquement chargé de la thématique francophone devrait donc permettre d'améliorer l'inter-ministérialité actuellement défaillante sur ces problématiques.

Ø Proposition n° 8 : Nommer un ministre de plein exercice chargé de la francophonie.

Ne pas se poser en pays supérieur, c'est aussi sortir de la stratégie d'« influence » pour aborder une nouvelle ère, celle de la « confluence », où les pays traitent sur un pied d'égalité et acceptent les influences croisées. Il ne s'agit plus d'essayer d'imposer à l'autre notre façon de penser mais de promouvoir des espaces d'échange et de partage, équilibrés.

C'est le sens de l'une des propositions du rapport sénatorial sur l'Afrique 52 ( * ) qui propose de « définir la relation de la France aux pays africains d'abord en fonction de nos intérêts partagés ».

Ø Proposition n° 9 : Passer d'une « diplomatie d'influence » à une « diplomatie de confluence ».

2. La France doit assumer de mener une politique publique active de long terme en matière d'éducation du et en français

Durant des siècles, l'État français a conduit une politique linguistique pro-active visant à promouvoir et imposer la langue française, d'abord sur son territoire, puis (dans une moindre mesure) sur celui de ses colonies. Avec la décolonisation, l'appui au système éducatif s'est poursuivi avec la politique de coopération mais a lentement périclité et l'état des lieux, notamment en Afrique, est alarmant.

Au diapason de Jean-Pierre Cucq, président de la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF), vos co-rapporteurs estiment qu'aujourd'hui « l'enseignement et l'apprentissage du français constituent une priorité majeure pour le développement de l'espace francophone et pour le développement de la langue française dans le monde » 53 ( * ) .

Les sujets de préoccupation sont néanmoins nombreux, soulignés dans le Livre blanc de la FIPF 54 ( * ) :

- le départ en retraite de milliers d'enseignants de français langue maternelle ou étrangère programmé dans les prochaines années (principalement, mais pas seulement, en Afrique) 55 ( * ) ;

- la démocratisation de l'éducation dans les pays africains et donc, probablement, sa « massification » à laquelle l'offre d'enseignement devra s'adapter ;

- le désengagement continu des autorités éducatives 56 ( * ) dans le domaine de la formation continue des enseignants de français avec des inquiétudes naissantes sur le niveau linguistique des enseignants français.

La France doit contribuer à maintenir un enseignement de qualité du et en français dans les systèmes éducatifs et universitaires d'un certain nombre de pays francophones qui ne sont pas en capacité de relever ce défi seuls.

Certes, l'enseignement via le réseau de l'enseignement français à l'étranger est un atout remarquable de notre dispositif. Il existe une véritable demande d'enseignement français à l'étranger à laquelle nous nous devons de répondre par la diversification de l'offre (AEFE 57 ( * ) , MLF 58 ( * ) , LabelFrancÉducation, CNED 59 ( * ) , réseaux FLAM 60 ( * ) , etc.) 61 ( * ) .

Vos co-rapporteurs souhaitent qu'une réflexion puisse s'engager pour proposer, dans certains cas, une offre d'éducation francophone, intégrant d'autres pays francophones pourvoyeurs de services éducatifs et qui pourraient s'associer à cette politique française. La question des contenus de cet enseignement et des certifications sera probablement au centre des concertations.

Ø Proposition n° 10 : Engager une réflexion sur la création d'une offre d'« enseignement francophone » en lien avec d'autres pays francophones.

L'enseignement français à l'étranger ne saurait toutefois être la réponse unique en matière d'enseignement du et en français dans les pays francophones, en particulier d'Afrique. Ce sont avant tout les systèmes nationaux d'enseignement qui doivent faire une part à la langue française et l'expertise du Centre international d'études pédagogiques (CIEP) est majeure.

Le CIEP

Créé en 1945 , le CIEP est un opérateur du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Ses missions, qui s'inscrivent dans le cadre des priorités du Gouvernement en matière de coopération internationale, s'articulent autour de trois axes d'activité :

- la coopération dans les domaines de l'éducation , de la formation professionnelle et de la qualité de l'enseignement supérieur : le CIEP est l'opérateur public pour la coopération en éducation et formation du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il mobilise l'expertise française et internationale dans le cadre de projets sectoriels, offre des formations aux côtés de ses partenaires et répond aux demandes émanant de commanditaires français et étrangers ;

- l' appui à la diffusion de la langue française dans le monde, par la formation de formateurs et de cadres éducatifs et par la délivrance de certifications en français ;

- la mobilité internationale des personnes, à travers des programmes d'échange d'assistants de langue et de professeurs ainsi que la délivrance d'attestations de comparabilité des diplômes étrangers.

Pour conduire ses actions, il s'appuie sur le savoir-faire d'une équipe de 250 personnes, ainsi que sur un réseau de plus de 1 000 experts et de partenaires nationaux et internationaux .

Source : http://www.ciep.fr

Il faut bien avoir à l'esprit que le retrait de l'aide française dans les systèmes éducatifs se fait, dans certaines zones et notamment au Sahel, au bénéfice de l'enseignement coranique. Dans le contexte de radicalisation religieuse que certains pays francophones connaissent, promouvoir la francophonie, le plurilinguisme et l'ouverture à l'autre, c'est aussi combattre le repli sur soi et la tentation du fanatisme.

Suivant la proposition de Jean-Michel Severino 62 ( * ) , vos co-rapporteurs souhaitent que l'éducation soit placée au coeur de la politique française de coopération au bénéfice de pays francophones car la France peut y apporter une véritable valeur ajoutée aux pays aidés.

Or, comme le montre le graphique ci-après, l'éducation est loin de représenter le premier poste sectoriel de notre coopération avec les pays francophones.

Source : AFD

Vos co-rapporteurs saluent les conclusions du dernier comité interministériel de la coopération internationale et du développement 63 ( * ) qui a acté l'augmentation des crédits accordés à l'AFD 64 ( * ) (360 millions d'euros supplémentaires pour 2017), la concentration de l'aide française, notamment sur l'Afrique, « continent émergent du XXI ème siècle » mais aussi l'affirmation du caractère « essentiel et prioritaire du secteur de l'éducation pour le développement ».

L'éducation du et en français à l'étranger est un investissement stratégique de long terme qui doit demeurer une priorité constante des gouvernements successifs.

Ø Proposition n° 11 : Faire des sujets d'éducation une des priorités budgétaires de notre politique de coopération.

Cette politique éducative doit être conduite en partenariat avec l'OIF dont c'est aussi la mission, comme le prouvent les très remarquables programmes IFADEM et ELAN 65 ( * ) .

Initiative francophone pour la formation à distance des maîtres (IFADEM)

Lors du XI e Sommet de la Francophonie de Bucarest en 2006, les chefs d'États et de gouvernements ont demandé à l'Agence universitaire de la francophonie (AUF) et à l'OIF de mettre en commun les moyens dont elles disposent pour soutenir les politiques nationales de modernisation des systèmes éducatifs dans les pays membres. Cette demande a conduit l'AUF et l'OIF à développer l'IFADEM.

L'IFADEM propose un dispositif de formation en partie à distance, adapté aux besoins de chaque pays, utilisant les technologies de l'information et de la communication, conçu et mis en oeuvre conjointement avec le ministère en charge de l'éducation de base.

Pays participants : Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Comores, Côte d'Ivoire, Haïti, Liban, Madagascar, Mali, Niger, République démocratique du Congo, Sénégal, Togo, Tchad.

Source : https://www.ifadem.org/fr

IFADEM a permis de dispenser près de 2,5 millions d'heures de formation, à plus de 10 000 enseignants avec un taux moyen de réussite de 88 % 66 ( * ) .

Vos co-rapporteurs tiennent également à souligner l'apport du programme « 100 000 professeurs pour l'Afrique » qui a pour objectif d'améliorer la qualité de l'enseignement du et en français sur le continent africain. Lancé le 20 mars 2014 à l'occasion de la Journée internationale de la Francophonie, ce programme vise à assurer le renouvellement des enseignants africains - une population largement vieillissante - et à améliorer leur niveau de formation.

L'action des Alliances françaises et des Instituts français qui dispensent des cours de français langue étrangère doit également être rappelée et soulignée. Ils sont parfois le substitut à un système scolaire défaillant en matière d'apprentissage de la langue française et constituent un formidable réseau que nous devons maintenir et soutenir (notamment là où le niveau moyen du pouvoir d'achat ne permet pas l'autofinancement des cours de français).

Cet apprentissage de la langue française doit se faire, dans l'idéal, selon un continuum du préscolaire (lorsque cela est envisageable) jusqu'à l'enseignement supérieur.

Le français en Afrique francophone est le plus souvent introduit dès le préscolaire (lorsque celui-ci existe) et presque systématiquement en primaire . Il semble fondamental à vos co-rapporteurs de maintenir ces introductions précoces lorsque cela est possible afin d'ancrer la langue dans la mémoire des enfants et de garantir ainsi un meilleur niveau de langue pour la suite.

Au cours de sa mission d'information au Maroc en 2015, votre commission avait pu observer que si les élèves marocains « apprennent le français dès la deuxième année de l'école primaire, de l'aveu des responsables rencontrés par la délégation, à la fin du cursus scolaire, après douze années d'études, la majorité d'entre eux ne possèdent qu'un niveau très faible. Pourtant, c'est en français que continuent d'être enseignées les matières scientifiques dans l'enseignement supérieur » 67 ( * ) . À l'occasion d'un récent colloque 68 ( * ) tenu au Sénat, Rachid Belmokhtar, ministre de l'éducation nationale et de la formation professionnelle au Maroc, a présenté l'ambitieuse réforme éducative actuellement menée dans le royaume chérifien qui rend l'apprentissage de la langue française obligatoire dès la première année du primaire. Vos co-rapporteurs ne peuvent que s'en féliciter.

Ø Proposition n° 12 : Lorsque cela est possible, assurer un enseignement précoce de la langue française.

Aujourd'hui, les systèmes éducatifs africains connaissent souvent d'importantes difficultés de fonctionnement. Schématiquement, une petite fraction de la population africaine francophone a accès à l'enseignement français à l'étranger (grâce aux établissements de l'AEFE et de la MLF) mais l'offre publique ouverte au reste de la population est de qualité parfois médiocre. Pour répondre à la demande des parents, un secteur privé se développe mais de qualité très variable. Ce secteur mérite structuration et financement.

Il existe un immense besoin de structures éducatives de bonne qualité accessibles aux classes moyennes africaines. L'exemple d'ENKO Éducation, cité par Jean-Michel Severino lors de son audition 69 ( * ) , est remarquable. Il n'est pas besoin exclusivement de fonds publics pour développer de telles initiatives, elles se financent sur fonds privés avec un simple effet de levier des fonds publics. La création d'un fonds d'investissement pour développer l'éducation francophone, suggérée par Jean-Michel Severino, pourrait être un moyen de développer et de structurer cette offre complémentaire aux systèmes d'éducation nationaux.

Ø Proposition n° 13 : Créer un fonds d'investissement pour développer l'éducation en francophonie.

Autre exemple de formation en français : le « français langue militaire »

« (...) Depuis bientôt un siècle, l'enseignement du français aux militaires allophones constitue un axe important du rayonnement du français à travers le monde, en participant activement à son expansion. Aucune estimation officielle et précise n'a jamais été établie, mais il n'est pas saugrenu de penser que pas moins de 15 000 militaires sont formés chaque année, à des niveaux de compétences très variés, sur tous les continents, au maniement du français, et plus particulièrement du français langue militaire (FLMi) ».

Source : Brice Poulot, Le français langue militaire, instrument de la profondeur stratégique de la francophonie, in Études de l'IRSEM, n° 26, 2013.

Ces quelques propositions de vos co-rapporteurs sont complémentaires d'un déjà grand nombre de propositions sur l'enseignement du et en français, parues dans des rapports récents :

- le rapport Attali 70 ( * ) propose d'« augmenter l'offre d'enseignement du et en français, en France et partout dans le monde », de « favoriser la formation de professeurs dans le monde entier », de « développer un programme ambitieux d'enseignement en ligne en français » et de « favoriser le développement par le privé du réseau actuel des écoles et des lycées français de l'étranger afin de répondre à la demande gigantesque d'enseignement en français » ;

- le rapport du Sénat « L'Afrique est notre avenir » 71 ( * ) propose de « promouvoir des partenariats public-privé en faveur du développement de systèmes de formation professionnelle en Afrique », de « créer une université francophone pilote à l'image de la Sorbonne Abou Dhabi », d'« encourager le développement de thèses en cotutelle franco-africaine » et de « développer des universités numériques en coordination avec les partenaires francophones » ;

- le rapport de notre collègue député Pouria Amirshahi 72 ( * ) propose de « promouvoir les cotutelles de thèses, les codiplomations et les brevets en langue française », de « renforcer l'aide à la scolarisation », d'« organiser le bilinguisme à l'école primaire dans les pays francophones plurilingues », d' « enseigner les langues locales dans les établissements français à l'étranger » et de « traiter comme enjeu prioritaire la question de la formation des professeurs de français et de leur renouvellement », etc.

Les propositions sont légion. Elles témoignent du caractère central de cette question éducative pour la francophonie du 21 e siècle.

FRANCOPHONIE ET INSTITUTIONS INTERNATIONALES

II. FRANCOPHONIE ET INSTITUTIONS INTERNATIONALES

La récente conférence pour la paix au Proche-Orient, qui s'est tenue à Paris le 15 janvier dernier, est symptomatique de la perte de visibilité du français comme langue diplomatique internationale : les débats s'y sont tenus en anglais, et le texte de la recommandation a été publié, en première intention, en anglais également.

Si nous souhaitons que la langue française conserve son rôle de langue internationale, il est donc indispensable que les élites françaises en soient aussi les ambassadeurs et se départissent d'un certaine « anglomanie » qui peut parfois les caractériser. Notre collègue sénateur Jacques Legendre, ancien président de la commission des affaires culturelles du Sénat et auteur d'un rapport remarqué sur la Francophonie 73 ( * ) , n'hésite pas à nous inciter à nous montrer parfois « un peu rogues » comme le furent les Flamands à l'époque où leur langue était menacée par le français.

Le très complet rapport au Parlement sur l'emploi de la langue française de 2016 74 ( * ) nous permet de dresser un tableau de son emploi au sein de plusieurs autres organisations internationales :

- aux Nations unies : le français était la langue source de 10,4 % des documents soumis à la traduction au service des conférences des Nations unies, à Genève en 2015 (un pourcentage en baisse de 6 points par rapport à 2014) contre 78,8 % pour l'anglais ;

- à l'Union africaine : le français y est l'une des langues officielles 75 ( * ) ; la langue source principale est l'anglais, suivie du français ; tous les documents sont traduits en français ; à l'oral, le français et l'anglais s'équilibrent (au détriment de l'arabe et du portugais) ; les anglophones sont majoritaires parmi les personnels et seulement 14 % des employés possèdent le français comme langue première ; les moyens manquent notamment pour étendre les cours de français à d'autres institutions africaines 76 ( * ) ;

- à l'UNESCO : la situation du français est « globalement satisfaisante », même si le rapport déplore que certains représentants francophones s'expriment en anglais ;

- au Conseil de l'Europe : la grande majorité des documents est disponible simultanément en anglais et en français mais la situation est plus critique au sein du Secrétariat.

Si l'on considère les sites Internet , l'anglais y règne en maître. Cette prépondérance devient quasi-exclusivité sur les réseaux sociaux 77 ( * ) .

Dans un rapport de 2000, notre collègue député Yves Tavernier préconisait déjà de « défendre le français dans les instances internationales ». Malheureusement le déclin du français n'est toujours pas enrayé. Plus récemment, notre collègue député Pouria Amirshahi préconisait de « construire des alliances linguistiques par la reconnaissance de nouvelles langues officielles dans les organisations internationales ».

Une langue est avant tout portée par ses locuteurs. La langue française doit donc être parlée et défendue au sein même des institutions internationales 78 ( * ) . Il conviendrait ainsi de rappeler que les représentants et hauts fonctionnaires francophones, et tout particulièrement français, ont vocation à s'exprimer en français au sein des organisations internationales 79 ( * ) .

Une récente circulaire 80 ( * ) de la ministre de la fonction publique et du secrétaire d'État chargé du développement et de la francophonie, en date du 1 er octobre 2016, rappelait qu'en la matière « les agents de la fonction publique ont (...) un devoir d'exemplarité ».

Ø Proposition n° 14 : Inciter les hauts fonctionnaires français à l'usage de la langue française comme langue internationale.

Vos co-rapporteurs apportent également leur soutien à la proposition de notre collègue député Pouria Amirshahi qui préconisait l'élaboration d'une « stratégie d'occupation de postes-clés par des francophones dans les organisations internationales ».

Ø Proposition n° 15 : Soutenir les candidatures francophones au sein des instances internationales.

Enfin, il faut valoriser l'apprentissage de plusieurs langues : ce sont les personnes plurilingues qui permettent au multilinguisme de perdurer. Concrètement, cela signifie que les autorités françaises doivent continuer à travailler avec leurs homologues pour maintenir l'apprentissage du français dans les cursus scolaires et universitaires ainsi que dans les certifications. Certaines zones devront peut-être être privilégiées comme l'Europe où l'enseignement du français langue étrangère a diminué de 8 % entre 2010 et 2014.

Ø Proposition n° 16 : Valoriser systématiquement l'apprentissage d'au moins deux langues étrangères dès le plus jeune âge.

A. FRANCOPHONIE ET ORGANISATION INTERNATIONALE DE LA FRANCOPHONIE (OIF) : NE PAS OUBLIER LA LANGUE

La francophonie c'est d'abord et avant tout une notion purement linguistique : c'est l'ensemble des « parlants-français ».

Suivant l'initiative des pères fondateurs,  Léopold Sédar Senghor, Félix Houphouët-Boigny, Habib Bourguiba, Hamami Diori et Norodom Sihanouk, s'est progressivement constituée une Francophonie politique, regroupant les États et gouvernements qui avaient « la langue française en partage ».

Qu'est-ce que l'OIF ?

« L'Organisation internationale de la francophonie (OIF) a pour mission de donner corps à une solidarité active entre les 84 États et gouvernements qui la composent (58 membres et 26 observateurs). Une communauté de destin consciente des liens et du potentiel qui procèdent du partage d'une langue, le français, et des valeurs universelles.

« L'OIF a pour objectif de contribuer à améliorer le niveau de vie de ses populations en les aidant à devenir les acteurs de leur propre développement. Elle apporte à ses États membres un appui dans l'élaboration ou la consolidation de leurs politiques et mène des actions de politique internationale et de coopération multilatérale, conformément aux quatre grandes missions tracées par le Sommet de la Francophonie :

- promouvoir la langue française et la diversité culturelle et linguistique ;

- promouvoir la paix, la démocratie et les droits de l'Homme ;

- appuyer l'éducation, la formation, l'enseignement supérieur et la recherche ;

- développer la coopération au service du développement durable.

« Une attention particulière est portée aux jeunes et aux femmes ainsi qu'à l'accès aux technologies de l'information et de la communication dans l'ensemble des actions de l'OIF.

« L'Organisation internationale de la francophonie (OIF) est une personne morale de droit international public et possède une personnalité juridique, dont le siège est à Paris (France). Elle a été créée par la Convention de Niamey du 20 mars 1970 sous l'appellation d' »Agence de coopération culturelle et technique » (ACCT). »

Source : www.francophonie.org

Regroupés au sein de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), ces États sont aujourd'hui au nombre de 84 :

- 54 membres pleins,

- 4 membres associés,

- 26 observateurs.

Mais la langue française n'occupe pas la même place dans chacun de ces pays selon qu'elle est « langue maternelle », « langue officielle », « langue seconde » ou simplement « langue étrangère ». Pour prendre des exemples extrêmes, on notera que le Qatar est membre de l'OIF alors que l'Algérie, dont pourtant un tiers de la population est francophone, n'en fait pas partie.

Le pari de la création de cette organisation internationale francophone a incontestablement été « gagné », comme le soulignait en 2014 Michel Guillou 81 ( * ) , alors président du réseau international des Chaires Senghor de la francophonie. Le meilleur indicateur de cette réussite est sans doute l'incontestable attrait qu'exerce l'OIF sur des pays pourtant a priori assez éloignés des enjeux francophones comme le Qatar ou l'Arabie saoudite.

Mais l'élargissement continu de l'OIF depuis sa création est paradoxalement une source de fragilité pour la cause francophone. Les motivations des pays candidats à l'entrée dans l'OIF sont parfois bien éloignées d'objectifs purement linguistiques : il s'agit souvent soit de s'affranchir de l'emprise régionale d'un voisin jugé trop puissant soit de pénétrer de nouveaux marchés économiques. Le risque d'ouvrir l'OIF à quelques « passagers clandestins » n'est donc pas nul.

L'OIF ne risque-t-elle pas de se diluer progressivement, de perdre de cette spécificité francophone qui justifiait sa création et de devenir un n ième forum international ? Quelle serait la plus-value d'une OIF qui ne deviendrait, selon les termes de notre collègue sénateur Jacques Legendre, qu'un « doublon médiocre de l'assemblée générale de l'ONU » 82 ( * ) ?

Aujourd'hui, comme d'ailleurs de plusieurs organisations internationales, l'OIF semble en perte de vitesse, engluée dans des processus diplomatiques éloignés des attentes des populations francophones. Les sommets de l'OIF ne débouchent que rarement sur des réalisations concrètes et sont l'occasion de grands raouts où incantations et voeux pieux ont toute leur place. La Francophonie, en dépit de ses 84 membres (soit plus de 42 % des États du monde 83 ( * ) ), ou peut-être à cause d'eux et de leur trop grand « éloignement moyen » à la langue française, semble inaudible.

Vos co-rapporteurs proposent, comme le suggérait déjà notre collègue député Pouria Amirshahi 84 ( * ) , de recentrer l'OIF d'abord autour d'un « noyau dur » , constitué d'une trentaine d'États dont l'une des langues officielles est le français et/ou dont au moins 20 % de la population est francophone. La Charte de la Francophonie, amendée en ce sens, pourrait définir les critères à remplir pour devenir membre plein de l'OIF.

Au-delà de ce noyau dur, le second cercle des États associés à l'OIF pourrait constituer un ensemble intéressant de pays auprès desquels les sujets d'apprentissage du français pourraient être abordés, sous la forme, par exemple, des « pactes linguistiques » que l'OIF avait tenté de développer et par lesquels l'État signataire s'engage à promouvoir l'usage du français dans certains secteurs 85 ( * ) .

Les pactes linguistiques de l'OIF

Le « Pacte linguistique » est un instrument contractuel conclu entre l'OIF et ses pays membres ou associés dont le français n'est pas langue officielle. Il intervient, à la demande des États sur la base de leur volonté de renforcer chez eux la promotion de la langue française. Il scelle un partenariat qui définit les apports des deux parties, l'OIF et les opérateurs spécialisés de la Francophonie proposant des mesures d'accompagnement aux engagements pris par les États.

Source : www.francophonie.org

Selon vos co-rapporteurs, la langue doit rester le « coeur de métier » de l'OIF.

Entre 2010 et 2013, sur un budget annuel moyen de 85 millions d'euros, l'OIF a consacré :

- 38 % de ses dépenses à la langue française et la diversité culturelle et linguistique (« mission A ») ;

- 17 % à l'éducation, la formation, l'enseignement supérieur et la recherche (« mission B ») ;

- 27 % à la paix, la démocratie et les droits de l'homme (« mission C ») ;

- et 12 % au développement durable, l'économie et la solidarité (« mission D »).

Article 1 er - Objectifs (extrait)
Charte de la Francophonie (2005)

« La Francophonie, consciente des liens que crée entre ses membres le partage de la langue française et des valeurs universelles, et souhaitant les utiliser au service de la paix, de la coopération, de la solidarité et du développement durable, a pour objectifs d'aider : à l'instauration et au développement de la démocratie, à la prévention, à la gestion et au règlement des conflits, et au soutien à l'État de droit et aux droits de l'Homme ; à l'intensification du dialogue des cultures et des civilisations ; au rapprochement des peuples par leur connaissance mutuelle ; au renforcement de leur solidarité par des actions de coopération multilatérale en vue de favoriser l'essor de leurs économies ; à la promotion de l'éducation et de la formation . Le Sommet peut assigner d'autres objectifs à la Francophonie. (...) ».

Vos co-rapporteurs appellent de leurs voeux un recentrage fort des actions de l'OIF sur les questions linguistiques :

- le dialogue des cultures (avec notamment la circulation des oeuvres francophones, des artistes francophones, des étudiants francophones, etc. ) ;

- et, surtout, l'enseignement du et en français, qui constitue un enjeu majeur pour les années à venir comme vos co-rapporteurs l'ont rappelé supra .

Ø Proposition n° 17 : Resserrer l'OIF autour d'un « noyau dur » de pays véritablement francophones et recentrer ses priorités sur les enjeux linguistiques et éducatifs.

L'OIF apparaît, de facto , très fortement subventionnée par la France, premier contributeur, qui apporte près de 40 % des ressources de l'OIF 86 ( * ) .

Afin de répondre au sentiment d'un éparpillement certain, voire de « saupoudrage » des actions de l'OIF, l'idée d'un plus grand fléchage de nos contributions volontaires a parfois été évoquée. Ce fléchage existe déjà mais il est beaucoup moins pratiqué par la France (9 % de ses contributions volontaires ont été fléchées entre 2010 et 2015) que par le Canada (21 %), ou, dans une moindre mesure, la Wallonie-Bruxelles (10 %).

Notre collègue député Jean-François Mancel avait déjà préconisé une « priorisation des choix budgétaires de la France qui tienne compte de l'impact des actions financées » 87 ( * ) . Dans un récent rapport consacré à l'aide publique au développement, le  Conseil économique, social et environnemental recommandait « que la France adopte une stratégie plus dynamique de suivi et d'accompagnement de sa contribution à l'aide multilatérale afin de la rendre plus lisible et plus cohérente », notamment à l'égard des organisations internationales.

Le ministère des affaires étrangères et du développement international a lancé, en 2016, une étude confiée au cabinet Planète Publique pour établir une « évaluation stratégique de la contribution française à l'OIF » sur la période 2010-2015. Ses conclusions sont attendues dans les prochaines semaines.

La question d'un éventuel fléchage des subventions est délicate car elle contredit les principes de l'organisation internationale, qui dispose d'une personnalité juridique et qui affecte, par décision collégiale de ses membres, les fonds dont elle dispose aux actions qu'elle choisit.

Vos co-rapporteurs ne préconisent donc pas d'augmenter le pourcentage de fonds fléchés mais souhaitent l'instauration d'un suivi qui garantisse l'efficacité des actions de l'OIF.

Ø Proposition n° 18 : Assurer un contrôle et un suivi qui garantissent l'efficacité des actions de l'OIF sans pour autant flécher les contributions françaises.

Comme évoqué précédemment, le poids de la France en tant que financeur de l'OIF ne doit pas, en retour, et de façon hautement paradoxale, conduire à une timidité excessive quand il s'agit de la présence française au sein de l'OIF. La France n'est-elle pas, elle aussi, légitime à pousser des candidats français au sein des instances de l'OIF ? Notre collègue député Jean-François Mancel avait répondu par l'affirmative en suggérant que la présence française soit « plus fortement affirmée au sein des opérateurs de la Francophonie, en particulier au sein du secrétariat général de l'OIF » 88 ( * ) .

Vos co-rapporteurs, qui ont eu connaissance, au cours de leurs auditions, de plusieurs exemples édifiants, souscrivent à cette orientation.

Ø Proposition n° 19 : Appuyer les candidatures françaises au sein de l'organisation de l'OIF.

B. FRANCOPHONIE ET EUROPE : SAISIR L'OPPORTUNITÉ DU BREXIT

Pour vos co-rapporteurs, c'est au niveau de l'Union européenne que la disparition du français est la plus inquiétante mais que réside peut-être aussi les prémices d'un sursaut tant attendu.

1. Le droit ...

Le règlement CE n° 1/1958 du 15 avril 1958 fixe le régime linguistique de l'Union européenne et définit les langues officielles et de travail des institutions.

À chaque élargissement, le Conseil a donc ajouté aux langues officielles existantes les langues désignées par les nouveaux États-membres : on compte aujourd'hui pas moins de 24 langues officielles 89 ( * ) .

Selon le règlement de 1958 précité :

- les règlements et les autres textes de portée générale sont rédigés dans l'ensemble des langues officielles de l'Union ;

- les textes adressés aux institutions par un État-membre (ou par une personne relevant de la juridiction d'un État-membre) sont rédigés, au choix de l'expéditeur, dans l'une des langues officielles et la réponse des institutions est rédigée dans cette même langue ;

- les textes adressés par les institutions à un État-membre (ou à une personne relevant de la juridiction d'un État-membre) sont rédigés dans la langue de cet État.

Tous les documents du Parlement européen sont rédigés dans les langues officielles, conformément à l'article 318 de son règlement intérieur et « tous les députés ont le droit, au Parlement, de s'exprimer dans la langue officielle de leur choix ».

Conformément à l'usage observé depuis le début de la construction européenne, le français est la langue du délibéré dans le système juridictionnel communautaire. Les arrêts et les avis de la Cour de justice de l'Union européenne et du Tribunal de première instance sont donc rendus en français, puis traduits ensuite dans toutes les langues officielles de l'Union, chaque version linguistique étant traitée sur un strict pied d'égalité.

Au-delà de ces langues officielles, au sein de l'Union européenne, les langues de travail sont, depuis 1958, au nombre de trois : l'anglais, le français et l'allemand.

2. ... et la pratique

Alors que l'Europe fonctionnait entièrement en français jusqu'en 1973, aujourd'hui, de facto , l'anglais est pratiquement l'unique langue d'usage de l'Union européenne et le déclin du français est plus que patent.

Ce déclin s'est d'ailleurs considérablement accéléré à compter du 1 er mai 2004 : l'entrée de dix nouveaux pays 90 ( * ) dans l'Union européenne, faisant passer le nombre d'États-membres de 15 à 25, a mécaniquement « dilué » l'influence française.

En pratique, si l'on considère les documents rédigés par les différentes institutions européennes on constate :

- au Conseil de l'Union européenne , le recours au français est marginal, oscillant péniblement entre 2 et 3 % 91 ( * ) de documents rédigés en français ces dernières années (avec cependant un léger redressement sous présidence, non pas française, mais luxembourgeoise) ;

- à la Commission européenne , alors que 37 % de ses documents étaient rédigés en français en 1998, ils ne sont plus que 3,6 % en 2015 92 ( * ) ;

- au Parlement européen , le recul du français est certes moins rapide mais néanmoins réel : alors que 16,8 % des documents y étaient rédigés en français en 2009, ils ne sont plus que 15 % en 2015 (et dans le même temps, la part des documents rédigés en anglais a continué à progresser, passant de 51,31 % à 53 %).

Le rapport au Parlement sur l'emploi de la langue française de 2016 93 ( * ) fournit également d'intéressantes statistiques relatives à l'emploi de la langue française sur les sites internet des institutions :

- au Conseil de l'Union européenne : le contenu du site respecte le principe du multilinguisme, à l'exception de comptes rendus ou de communiqués récents, disponibles uniquement en anglais ; les documents d'actualité ne sont plus mis en ligne simultanément en anglais et en français puis traduits dans les autres langues, ils sont dorénavant traduits en français en même temps que dans les autres langues ;

- à la Commission européenne : « La page d'accueil de la Commission européenne est disponible dans les 24 langues officielles. La plupart des contenus sont disponibles en français, à l'exception de certaines actualités. Néanmoins, les infographies et vidéos demeurent exclusivement en anglais (...) » et s'agissant des sites propres à ses directions générales : six sont uniquement en anglais, huit sont presque exclusivement en anglais, sept sont partiellement traduits en français et treize ont la quasi-totalité de leurs contenus accessibles en français ;

- au Parlement européen : « Le Parlement européen dispose du site le plus polyglotte des institutions européennes » ;

- au Comité des régions : les trois-quarts des contenus sont accessibles en français ; mais « on peut toutefois s'inquiéter, dans une optique d'accessibilité et de transparence à l'égard du citoyen européen, de l'omniprésence de l'anglais comme langue de rédaction des rapports et des documents publiés par le Comité ».

Enfin, sur les réseaux sociaux , qui sont en train de devenir l'un des principaux outils d'information du grand public au détriment des médias traditionnels, l'ensemble des institutions européennes communique exclusivement en anglais , à l'exclusion notable du Parlement européen qui communique également en français.

3. Le Brexit, une opportunité à saisir

Cette situation est d'autant plus paradoxale que le seul État-membre dont l'anglais était la langue officielle (le Royaume-Uni) engage aujourd'hui une procédure de retrait de l'Union européenne : celle-ci ne sera donc bientôt plus composée que de pays n'ayant pas l'anglais comme langue officielle 94 ( * ) .

Continuera-t-on néanmoins à parler anglais dans toutes les instances communautaires ? L'anglais pourrait en effet être choisi comme langue soi-disant « neutre », car elle serait la « langue de personne », qui mettrait tout le monde d'accord, sans affirmer d'hégémonie d'aucun État-membre ...

Dans ce contexte, et même si les Français ne représentent que 12 % des citoyens européens, la langue française présente de nombreux avantages comparatifs :

- elle est langue première et officielle de plusieurs États-membres de l'Union européenne ;

- les trois « capitales » (Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg) de l'Union européenne sont francophones 95 ( * ) ;

- les francophones sont nombreux dans plusieurs États-membres (outre la France, ils sont 96 % au Luxembourg, 72 % en Belgique, 23 % au Portugal, 15 % en Italie, 14 % en Allemagne, 12 % en Autriche, 9 % en Roumanie, etc. ) ;

- en outre, 17 des 28 États-membres de l'Union européenne sont membres de l'OIF, ce qui pourrait constituer une sorte de « majorité de blocage » même si, dans les faits, ce groupe n'est pas structuré et reste virtuel.

Sur la question du nouvel équilibre linguistique au sein de l'Union européenne à la suite du Brexit, une entente avec les Allemands, les Italiens et les Espagnols pourrait déboucher sur d'utiles avancées non pas tant en faveur du seul français que d'un plurilinguisme plus équilibré, comme l'ont suggéré vos co-rapporteurs 96 ( * ) .

La question mérite d'être posée clairement par les instances françaises dans le cadre des négociations sur le Brexit.

On saluera les initiatives du Secrétariat général aux affaires européennes, rattaché au Premier ministre (qui a notamment établi un plan d'action en faveur du multilinguisme et de la promotion de la langue française en Europe) ainsi que celles de la Représentation permanente de la France à Bruxelles, qui s'efforcent, pied à pied, de défendre la place du français dans ces instances.

Ø Proposition n° 20 : À la faveur des négociations sur le Brexit, garantir la place du français et des autres langues au sein des instances de l'Union européenne.

Il ne s'agit cependant pas uniquement d'une action diplomatique, notre attention doit aussi se porter sur :

- la place des Français et des francophones au sein de l'appareil administratif européen 97 ( * ) ;

- la place des épreuves de langues au sein des concours d'entrée dans la fonction publique communautaire ;

- l'offre de formation en français proposée aux différents intervenants de l'Union européenne (fonctionnaires, représentants des États, journalistes, groupes de pression, etc. ) afin notamment de la structurer et de la rendre plus visible ;

- la place de l'apprentissage des langues étrangères dans les systèmes éducatifs des autres États européens (en défendant l'apprentissage d'un minimum de deux langues étrangères) 98 ( * ) .

Les actions en ce sens du groupe des ambassadeurs francophones de Bruxelles (GAFB), qui rassemble aujourd'hui plus d'une centaine d'ambassadeurs, doivent être saluées 99 ( * ) , ainsi que l'engagement du Secrétariat général aux affaires européennes 100 ( * ) .

Comme Umberto Eco, cité par notre collègue sénateur Jacques Legendre, le disait : « La langue de l'Europe, c'est la traduction ». À cet égard, l'exemple du fonctionnement du Conseil de l'Europe est particulièrement intéressant : deux langues y ont rang de langues officielles, et cinq autres langues dites « pivots » permettent les traductions. En outre, si un État souhaite obtenir une traduction dans une langue supplémentaire il est susceptible de l'obtenir, à ses frais.

Vos co-rapporteurs souhaitent donc que soient encouragées toutes les traductions. Ils n'ignorent pas que des questions budgétaires y font parfois obstacle, mais considèrent que l'affirmation d'un principe de traduction est la condition de la survie du multilinguisme dans les organisations internationales.

Ø Proposition n° 21 : Mettre en oeuvre le principe d'une traduction systématique.

POUR UNE FRANCOPHONIE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE

III. POUR UNE FRANCOPHONIE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE

« La langue, une affaire d'État », écrivait notre collègue sénateur Jacques Legendre dans son rapport de 2005 sur la loi dite Toubon 101 ( * ) .

Le statut de la langue française (notamment sa diffusion et son emploi, contre les langues régionales) comme son corpus (notamment la codification de sa forme) ont été fortement marqués par l'État. La langue française a indéniablement été l'un des instruments de la construction de l'État, monarchique puis républicain.

Mais sans négliger l'apport indispensable de l'État (et aussi de l'OIF) dans la construction et la mise en place d'une politique linguistique, vos co-rapporteurs plaident également pour donner un rôle accru à la société civile, qui a la clé de l'appropriation et du développement de la langue. En l'occurrence, le rôle des associations est majeur et doit être reconnu et soutenu.

Ø Proposition n° 22 : Soutenir le secteur associatif francophone.

A. UNE FRANCOPHONIE TOURNÉE VERS LA JEUNESSE

En 2050, 90 % des jeunes francophones âgés de 15 à 29 ans seront africains.

1. Les jeunes francophones

Face au succès du programme européen ERASMUS dont on fête cette année les 20 ans, l'idée de créer un « ERASMUS francophone » ressurgit régulièrement. Il s'agirait d'un programme d'échanges d'étudiants francophones en mobilité internationale.

C'est ainsi que Jacques Attali préconisait « sur le modèle d'Erasmus, (de) créer des partenariats universitaires ambitieux avec des zones extra-européennes dans lesquelles la France souffre d'un certain déficit de rayonnement, sans remettre en cause la priorité à la consolidation du monde francophone » 102 ( * ) . Notre collègue député Pouria Amirshahi évoquait quant à lui la nécessité de « mettre sur pied un programme de mobilité étudiante francophone de type Erasmus » 103 ( * ) .

Vos co-rapporteurs sont favorables à une telle initiative.

Ø Proposition n° 23 : Engager une réflexion sur la création d'un « ERASMUS francophone », porté par l'OIF.

De façon peut-être plus modeste, vos co-rapporteurs appellent aussi de leurs voeux la création d'un office francophone de la jeunesse, sur le modèle des offices franco-allemand et franco-québécois de la jeunesse 104 ( * ) . Cette structure pourrait être portée et animée par l'OIF, dans l'optique d'un renforcement de ses actions à visée linguistique. Cet office francophone de la jeunesse s'adresserait prioritairement aux jeunes professionnels francophones, afin de créer des liens entre jeunesses francophones.

Ø Proposition n° 24 : Créer un office francophone de la jeunesse porté par l'OIF.

Aujourd'hui quelques 206 000 des 330 000 lycéens scolarisés dans l'enseignement français à l'étranger sont étrangers (soit 62 %). Il s'agit bien souvent d'élèves issus des élites locales, qui seront plus tard des décideurs dans leur pays ou ailleurs. Mais, de plus en plus souvent, ces lycéens se tournent, une fois le diplôme en poche, vers des universités anglo-saxonnes. Selon l'UNESCO 105 ( * ) , les étudiants francophones représentent 10,5 % des étudiants mondiaux en mobilité d'études ; 50,8 % d'entre eux choisissent d'étudier dans un pays de langue française, 31,7 % dans un pays de langue anglaise.

Il semble pourtant indispensable à vos co-rapporteurs de capitaliser sur ce réseau extraordinaire issu des lycées français de l'étranger au profit des universités francophones. Le Maroc constitue à cet égard une plate-forme francophone intéressante, attirant dans son système d'enseignement supérieur un nombre croissant d'étudiants d'Afrique sub-saharienne.

La poursuite d'études de qualité est aussi souvent un facteur cité par les « apprenants-français » pour justifier du choix d'apprendre notre langue. L'existence d'accords inter-universitaires pérennes et actifs est donc fondamentale et le récent colloque 106 ( * ) organisé par notre commission sur les relations France-Maroc a été l'occasion de le rappeler. Ces accords permettent bien entendu à des étudiants étrangers de venir étudier en France mais aussi, et de plus en plus, à des étudiants français d'obtenir le diplôme d'un établissement d'enseignement supérieur francophone non français. Le rôle de l'Agence universitaire francophone (AUF) 107 ( * ) y est majeur.

Vos co-rapporteurs soulignent aussi l'apport des implantations croisées d'établissements (comme par exemple la présence de l'Université de Paris-Dauphine, de l'École centrale, ou encore de l'ESSEC au Maroc). Il s'agit le plus souvent non pas de simples « délocalisations » d'établissements mais de la création de nouveaux établissements, sous la marque du groupe promoteur.

Enfin, à l'heure de la révolution numérique, nous avons tous intérêt à mutualiser nos plates-formes numériques d'enseignement supérieur comme le fait déjà France Université Numérique (FUN) avec le Maroc.

Un partenariat numérique dans l'enseignement supérieur entre la France et le Maroc

Le 15 juillet 2016, un accord a été signé entre M. Lahcen Daoudi, Ministre de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de la Formation des Cadres du Royaume du Maroc, M. Jean-François Girault, Ambassadeur de France au Maroc, et Mme Catherine Mongenet, directrice du GIP FUN-MOOC, pour la création d'une plateforme marocaine de MOOC en « marque blanche » déployée par FUN. Des présidents d'universités marocaines étaient présents à cet évènement.

Les universités marocaines pourront ainsi disposer de toutes les fonctionnalités de la plateforme FUN sur une plateforme indépendante aux couleurs du Maroc. C'est le principe de la « marque blanche ».

Concrètement, cet accord vise un triple objectif :

- Permettre aux universités marocaines, disposant déjà sur leurs propres sites de MOOC ( Massive Online Open Courses ) ou de formations en ligne pour leurs étudiants, de mutualiser leurs ressources sur une seule plateforme ouverte à tous et suffisamment robuste pour accueillir des milliers d'utilisateurs en même temps.

- Renforcer les partenariats dans le domaine des MOOC et des SPOC ( Small Private Open Courses ) avec les universités françaises pour développer des formations en ligne co-construites avec les universités marocaines ou encore pour contextualiser, pour un public marocain ou de la région, des MOOC existants sur FUN.

- Développer, grâce à cette plateforme « Maroc », une offre de formation en direction des étudiants francophones africains de la région et renforcer par ce biais les synergies entre universités africaines, marocaines et françaises.

La création de la plateforme Maroc intervient dans un contexte de forte augmentation du nombre d'étudiants au Maroc et dans la région. Elle permettra à ces derniers de disposer d'un outil supplémentaire pour suivre des formations supérieures ou pour enrichir leurs connaissances. Rappelons que 17% des inscrits sur FUN sont africains et que le Maroc est le premier pays d'origine des apprenants en Afrique.

Cet accord ouvre la voie au développement de MOOC par les universités marocaines en partenariat avec la France. Il vient compléter le dispositif mis en place par l'Agence universitaire de la francophonie (AUF), avec la plateforme IDNEUF pour le référencement de ressources éducatives libres en ligne.

La plateforme Maroc est la première plateforme nationale créée en partenariat avec FUN.

Source : https://www.fun-mooc.fr/news/

S'agissant des étudiants étrangers non francophones 108 ( * ) , nous avons également tout intérêt à les accueillir favorablement au sein de notre système d'enseignement supérieur et en faire sinon des francophones, du moins des francophiles à l'issue de leur séjour d'études.

La loi dite Fioraso de 2013 109 ( * ) a été l'occasion d'âpres débats sur la francophonie. Son article 2 autorise désormais de déroger au principe selon lequel la langue d'enseignement est le français. Ces exceptions doivent être justifiées :

- « par les nécessités de l'enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères » ;

- « lorsque les enseignants sont des professeurs associés ou invités étrangers » ;

- « par des nécessités pédagogiques (lorsque les enseignements sont dispensés dans le cadre d'un accord avec une institution étrangère ou internationale) » ;

- « ou par le développement de cursus et diplômes transfrontaliers multilingues ».

Pour le bon équilibre du dispositif :

- les étudiants étrangers bénéficiant de formations en langue étrangère doivent suivre un enseignement de langue française lorsqu'ils ne justifient pas d'une connaissance suffisante de notre langue ;

- et à l'inverse, les enseignements proposés doivent permettre aux étudiants francophones d'acquérir la maîtrise de la langue d'enseignement dans laquelle ces cours sont dispensés.

Le rapport au Parlement sur l'emploi de la langue française de 2016 dresse un premier bilan de l'utilisation de ce régime d'exceptions, à l'occasion de la première vague d'accréditation des établissements. Il ressort de ses observations que « les formations restent très largement données en français ». « Les exceptions sont justifiées par les accords internationaux conclus par les établissements et par la volonté de mieux armer les étudiants français dans la compétition internationale, en particulier dans certains secteurs disciplinaires ».

Vos co-rapporteurs estiment que ce dispositif est équilibré et qu'il ne met pas en danger l'enseignement en français.

Ces enseignements en langue étrangère apportent beaucoup aux étudiants qui en bénéficient. Ils ne doivent pas conduire notre enseignement supérieur à perdre sa spécificité francophone qui est l'un de ses atouts, qui permet d'offrir des formations de haut niveau à des étudiants étrangers francophones et qui conforte le français dans son rôle de « langue d'accès à la modernité » ainsi que le disait devant votre groupe de travail notre collègue sénateur Jacques Legendre 110 ( * ) .

À condition toutefois que les cours de français prévus en contrepartie soient effectivement dispensés, cette disposition doit donc être maintenue dans notre droit. Plus qu'une atteinte à la francophonie, elle constitue un utile instrument de déploiement de la francophonie et permet d'attirer de nouveaux « apprenants-français ».

Ø Proposition n° 25 : Maintenir l'équilibre des dispositions législatives relatives aux cours en langues étrangères dans nos établissements d'enseignement supérieur.

2. Priorité aux médias

Dans les instances institutionnelles, on a souvent oublié la langue au profit du politique. Or il faut réinvestir la langue, faire le lien entre des espaces francophones qui se connaissent encore trop peu et donner progressivement « envie de français ». Comme l'a indiqué Francis Balle, professeur d'université, à votre groupe de travail 111 ( * ) , la francophonie est aujourd'hui une réalité linguistique mais ni véritablement économique, ni véritablement politique et pas non plus culturelle.

L'espace médiatique francophone est aujourd'hui très fragmenté et encore loin de constituer une véritable communauté médiatique francophone.

a) De l'importance des « contenants »

Le célèbre professeur et sociologue canadien Marshall McLuhan a démontré, dès 1964, l'importance des médias : les moyens de communication ne sont pas un simple moyen de transmission d'une culture ; ils influent aussi sur cette culture et la transforment. Comme la télévision à l'époque de McLuhan, la révolution numérique joue un rôle central dans la diffusion de notre langue, son rayonnement, son attractivité pour les francophones et les non encore francophones.

La supériorité d'une langue sur ses consoeurs est essentiellement symbolique. L'anglais tire sa prédominance en partie de son image de langue moderne et efficace. En investissant les médias les plus modernes, la langue française peut asseoir son image de langue de la modernité, des médias, de la culture et de la créativité. En un mot : faire de notre langue, un « objet de désir ».

Il est aujourd'hui indispensable que la promotion de la langue française passe par les moyens de télécommunication modernes et que des contenus francophones y soient diffusés en quantité et qualité suffisantes en direction des « parlants-français » 112 ( * ) , mais aussi de ceux auxquels nous pourrions « donner envie de français ». C'est ce à quoi nous invitait notre collègue député Yves Tavernier en 2000 lorsqu'il nous enjoignait d' « accorder une attention particulière à la communication (télévision, cinéma, internet) » 113 ( * ) . Notre autre collègue député Pouria Amirshahi propose également de « soutenir les médias francophones qui installent un « bain francophone » quotidien, particulièrement TV5 Monde et RFI 114 ( * ) » 115 ( * ) .

On rappellera que 116 ( * ) :

- TV5 Monde compte plus 55 millions de téléspectateurs chaque semaine dans 200 pays couverts et 12 langues sous-titrées ;

- RFI compte 40 millions d'auditeurs chaque semaine dans 62 pays et 12 langues de traduction ;

- France 24 est passée de 206 millions de foyers en 2012 à plus de 315 millions de foyers qui reçoivent au moins l'une de ses trois versions, auxquels s'ajoutent plus de 103 millions de foyers en diffusion partielle ; elle est regardée par 50,9 millions de téléspectateurs chaque semaine.

Vos co-rapporteurs saluent à ce titre le lancement par TV5 Monde d'une chaîne ludo-éducative en français pour les 4-10 ans en Afrique avec un objectif d'« africanisation » des contenus.

L'action en Afrique pour la diffusion de contenus francophones de groupes comme Orange 117 ( * ) ou Vivendi 118 ( * ) , entendus par votre groupe de travail, va également dans le bon sens pour la francophonie.

b) Sans négliger le « contenu »

À l'heure de la révolution numérique, l'abondance des contenus ne doit pas conduire à une homogénéité culturelle mais au maintien d'une diversité et d'une pluralité de choix. C'est tout l'enjeu du maintien et du développement d'une offre de contenus francophones.

Selon la belle formule de l'essayiste Henri Meschonnic 119 ( * ) , ce sont les oeuvres qui portent leurs langues et non le contraire. La capacité de la langue française à produire des oeuvres de l'esprit est donc fondamentale. La France a incontestablement une carte maîtresse à jouer, compte tenu de son excellente image en la matière, comme « langue de la culture ».

Cette culture ne doit cependant être ni franco-française (les contenus doivent être produits et partagés dans toute la francophonie) ni élitiste (la massification de l'accès aux contenus nécessite une offre de culture « populaire »). Notre collègue député Pouria Amirshahi a également fait une proposition en ce sens qui mérite d'être rappelée : « appuyer la circulation des oeuvres culturelles : accessibilité, diffusion, coédition, promotion, traduction, festivals » 120 ( * ) .

Plus l'aire culturelle francophone sera large, plus la francophonie sera forte. Groupes de médias privés et puissance publique peuvent jouer cette partition de concert : exportation de programmes 121 ( * ) (par exemple la série « Hélène et les Garçons », qui a rencontré un grand succès en français sous-titré dans les pays nordiques), construction de salles de cinéma permettant la diffusion de films francophones 122 ( * ) , soutien aux actions favorisant l'accès aux contenus, etc.

Ø Proposition n° 26 : Promouvoir les contenus médiatiques et culturels francophones (notamment les CLOM 123 ( * ) francophones).

Cet enjeu est particulièrement prégnant en Afrique où il est indispensable de développer des médias locaux de qualité en langue française.

Le projet de déploiement sur l'Afrique francophone de la radio Africa n° 1 , actuellement diffusée en France mais disponible sur internet, est à cet égard particulièrement intéressant.

Il en est de même pour la presse écrite francophone et a fortiori pour la télévision .

Ce développement peut se faire par partenariats franco-africains avec, à terme, l'idée qu'ils seront repris par des intérêts africains. Il n'est pas nécessaire d'y apporter des fonds publics. Il s'agit dès lors de la définition d'une nouvelle politique de coopération, appuyée sur des investisseurs privés mus, non pas exclusivement par la promesse d'une rentabilité élevée, mais par l'intérêt porté au développement social et solidaire et aux causes d'intérêt général.

Cela représente une chance pour la diaspora africaine de retour au pays. Ces projets permettraient de développer l'entrepreneuriat et l'emploi locaux. C'est enfin une piste pour contribuer à la régulation des phénomènes de migrations internationales que l'Europe connaît actuellement.

Ø Proposition n° 27 : Pour constituer des groupes de médias locaux de qualité en langue française, encourager les projets d'investissements privés et publics-privés, notamment en Afrique.

B. UNE FRANCOPHONIE TOURNÉE VERS L'ÉCONOMIE ET L'INNOVATION

Pour demeurer vivante, une langue doit rester fonctionnelle, utile.

1. Développer l'espace économique francophone

Alors que notre collègue député Yves Tavernier avait déjà évoqué la nécessité de « favoriser la francophonie économique » dans son rapport de 2000 124 ( * ) , le sommet de Kinshasa de 2012 a mis à l'honneur la dimension économique de la Francophonie et Jacques Attali y a consacré, en 2014, un remarquable rapport, accompagné de 53 mesures 125 ( * ) qui apporte du contenu à cette déclaration d'intention et donne corps à la notion de francophonie économique qui existait sans être véritablement nommée. Il met ainsi en lumière la dimension économique de la francophonie qui avait été jusque-là largement occultée par la dimension culturelle, plus souvent mise en avant.

Il n'est donc pas utile que vos co-rapporteurs y reviennent plus avant, si ce n'est pour rappeler les enjeux considérables attachés au développement de cet espace économique francophone (qui correspond à l'OIF) et notamment que 15 % de la richesse mondiale se trouve aujourd'hui dans cet espace et génère 20 % des échanges commerciaux mondiaux . Le potentiel de développement économique, compte tenu des taux de croissance africains attendus, y est également remarquable.

L'Afrique, un continent en pleine croissance économique

« La croissance économique est depuis plus d'une décennie de 5 % par an en moyenne (en Afrique), juste derrière l'Asie et loin devant l'Europe. L'Afrique a connu la plus forte croissance dans les échanges internationaux entre 2000 et 2011, avec une augmentation des importations au Sud du Sahara de 16 % par an en moyenne. L'Afrique est le continent qui épargne le plus après l'Asie. La capitalisation boursière a été multipliée par neuf depuis les années 1990, et plus de 2 000 entreprises sont désormais cotées. L'Afrique est l'une des rares régions à avoir enregistré une hausse des entrées d'investissements directs étrangers en 2011 et 2012 alors que les flux mondiaux baissaient sur la même période. L'indice du développement humain s'est amélioré de 15,6 % entre 2000 et 2010 pour la seule Afrique au Sud du Sahara. La part de l'Afrique subsaharienne dans les conflits violents dans le monde est passée de 55 % à 24 % entre 2002 et 2011. Les classes moyennes africaines représentent entre 300 et 500 millions d'individus. Plus de 80 % de la population est connectée à un réseau de téléphonie mobile. Les flux financiers issus des migrants sont estimés à plus de 30 milliards de dollars américains en 2012, soit quatre fois plus qu'en 1990, un montant encore légèrement inférieur à celui de l'aide publique au développement versée par les pays de l'OCDE (47 milliards de dollars américains en 2011). La population africaine doublera d'ici 2050 pour atteindre quasiment 2 milliards d'individus. Les dépenses des ménages africains devraient passer de 840 milliards de dollars américains en 2008 à 1 400 milliards de dollars américains en 2020. 72 milliards de dollars américains d'investissements annuels dans les infrastructures sont attendus. La population urbaine du continent s'accroîtra de 414 millions à plus de 1,2 milliard d'ici 2050. Le rapport se conclut sur neuf propositions dont plusieurs sont en lien direct, pensons-nous, avec la langue française quand elles concernent la formation professionnelle, l'enseignement en ligne, les réseaux d'affaires au niveau des petites et moyennes entreprises (PME), des secteurs clés comme le numérique, les industries culturelles, la santé, le tourisme ou la sécurité, le soutien apporté à l'organisation pour l'harmonisation du droit des affaires (OHADA), les relations administratives et politiques de haut niveau, la diaspora africaine et les collectivités locales, la connaissance de l'Afrique par les jeunes générations en favorisant davantage de volontaires internationaux en entreprises en Afrique ou la production et la diffusion d'informations économiques. »

Source : OIF, 2014, La langue française dans le monde, op.cit. au sujet du rapport « Un partenariat pour l'avenir : 15 propositions pour une nouvelle dynamique économique entre l'Afrique et la France » 126 ( * )

Si l'on considère une trentaine de pays francophones 127 ( * ) , ils représentent :

- 6 % des réserves mondiales de ressources énergétiques,

- 7 % de la population mondiale,

- 8 % du produit intérieur brut (PIB) mondial,

- 11 % des terres agricoles,

- 12 % des exportations mondiales,

- 14 % des investissements directes étrangers entrants 128 ( * ) .

On estime que le partage du français est générateur, en moyenne, de 22 % d'échanges commerciaux et de 6 % de croissance du PIB par habitant supplémentaires.

L'espace économique francophone est donc un atout (et potentiellement une source future de croissance économique pour l'ensemble de la zone) mais il doit, lui aussi, être entretenu . Un scénario pessimiste d'évolution de la francophonie, évoqué par Jacques Attali, « entraînerait la destruction de 120 000 emplois en France dès 2020, soit 0,5 point de chômage en plus et un demi-million en 2050, soit 1,5 point de chômage en plus » 129 ( * ) compte tenu des « pertes de parts de marché pour les entreprises françaises, (de) l'effondrement du droit continental au profit du droit anglo-saxon des affaires, ainsi que (d') une perte d'attractivité pour les universités, la culture et les produits français et en français » 130 ( * ) .

Au cours des travaux de votre groupe de travail, la question des normes juridiques a été évoquée. La langue est en effet porteuse de concepts juridiques, administratifs, économiques qui lui sont propres.
Par exemple la culture anglo-saxonne privilégie le copyright tandis que la francophonie utilise le « droit d'auteur » moral et patrimonial.
De la formation des cadres d'un pays, futurs administrateurs ou législateurs dans une langue ou dans une autre, peut résulter une gestion complètement différente des droits des artistes et de la propriété intellectuelle.
Il en est de même de l'impact des formations francophones des acteurs économiques, favorisant - ou non - la compatibilité des appels d'offres locaux avec les réponses possibles - ou non - des acteurs francophones.

2. Entreprises et francophonie

Dans une vision économique libérale, l'existence de langues différentes est un frein aux échanges, en particulier économiques. La littérature économique reconnaît volontiers que le plurilinguisme constitue un « coût de transaction », comparable à une taxe d'environ 7 % 131 ( * ) qui intègre les coûts de communication pure, mais aussi un petit surcoût lié à une moindre confiance dans le partenaire commercial. Dans ce contexte, on comprend pourquoi le monde des affaires a tendance à n'adopter qu'une seule « langue des affaires », l'anglais.

Dans son ouvrage précité 132 ( * ) , l'auteur Yves Montenay rapporte plusieurs exemples édifiants d'entreprises « françaises » qui, au gré de leur internationalisation, abandonnent progressivement l'usage du français en interne, au profit de l'anglais. C'est le cas notamment d'Altran qui passe en 2014 à l'anglais pour son journal interne. D'une manière générale, les entreprises françaises, publiques comme privées, ne se montrent pas de très bons élèves en matière de francophonie.

Pourtant, les entreprises rencontrées par vos deux co-rapporteurs ont témoigné de la richesse du plurilinguisme en leur sein lorsqu'elles réussissent à le faire prospérer.

- chez Total 133 ( * ) , on reconnaît bien volontiers que la langue du « oil & gas » est sans conteste l'anglais ; le français est utilisé à parité avec l'anglais dans tous les documents destinés à l'ensemble des salariés, ainsi que pour le site Internet, ce qui fait dire aux représentants de Total auditionnés par vos co-rapporteurs que le groupe est « bilingue » ;

- chez Michelin , tous les cadres, y compris internationaux, viennent pour deux ans en moyenne au siège du groupe, à Clermont-Ferrand ; ils y apprennent le français en vivant en France en famille ; les interactions avec le siège se font ensuite en français et en anglais ; l'innovation dans le groupe se fait en français et les termes techniques français sont parfois utilisés partout dans le monde 134 ( * ) ; même une partie des ouvriers en Espagne, en Roumanie, en Allemagne ou en Italie parlent le français.

Yves Montenay 135 ( * ) cite d'autres exemples de plus ou moins « bonnes pratiques » favorables à l'usage du français ou plus généralement au multilinguisme :

- chez Renault , le français est la « langue officielle » de l'entreprise et tous les cadres étrangers doivent en avoir une bonne maîtrise, mesurée par un examen spécifique ; les communiqués d'information sont publiés en français et en anglais ;

- Peugeot a lancé des programmes de formation en français en partenariat avec l'Éducation nationale en Chine, au Mexique, au Brésil et en Slovaquie ;

- chez Suez , pour l'essentiel c'est le français et l'anglais qui sont utilisés ; la charte d'éthique est publiée en 48 langues et les documents relatifs à l'actionnariat salarié en 37 langues ;

- chez Lafarge , 92 % du personnel travaillant à l'étranger, la priorité est donnée à la langue locale ; dans les relations avec le siège, l'anglais est la langue de communication sans pour autant que cela soit un dogme ; tous les documents sont publiés en anglais et en français.

Ø Proposition n° 28 : Sensibiliser les entreprises françaises mondialisées à l'usage de la langue française et y développer le plurilinguisme.

Les affaires se font avant tout dans la langue de l'acheteur, du consommateur. Celui-ci, si l'on en croit les scénarios démographiques et de croissance de l'Afrique, sera de plus en plus souvent africain. Il n'existe donc aucune fatalité à ce que l'anglais continue de dominer sur le monde des affaires et des échanges commerciaux.

Les économistes s'accordent pour penser que le partage d'une langue commune augmente le commerce bilatéral d'un peu moins de 40 % 136 ( * ) . Appliqué à l'espace francophone, on estime qu'en moyenne « un pays francophone bénéficie d'un supplément de commerce de 22 % avec un autre pays de cet espace, relativement au commerce qu'il aurait eu avec ce même pays s'il n'avait pas été francophone. Il apparaît également que le supplément de commerce dû au français semble être plus important en période de turbulences économiques internationales, telles que la crise financière de 2008. Ainsi, on peut penser qu'une plus grande proximité culturelle permet de mettre en place des relations commerciales non seulement plus intenses, mais également plus résilientes en période de crise » 137 ( * ) .

C'est ainsi que s'explique l'intérêt des entreprises chinoises pour l'apprentissage du français, mais aussi des pays africains lusophones ou anglophones pour leurs voisins francophones : partager une même langue facilite les échanges.

La demande de certification en français professionnel est croissante et il faut y répondre afin d'asseoir le rôle du français comme « langue des affaires », en particulier dans l'Afrique en croissance. Vos co-rapporteurs voudraient saisir cette occasion pour souligner le rôle éminent joué par la CCI Paris Île-de-France pour la promotion du français professionnel.

Les 11 diplômes de français professionnel

Les diplômes de la CCI Paris Ile-de-France valident la capacité à communiquer en français dans plusieurs secteurs professionnels : métiers de l'entreprise, de la santé, du droit, scientifiques, du tourisme, de la mode et du design... Intégrés dans plusieurs systèmes éducatifs étrangers, les diplômes de français professionnel sont reconnus par de nombreuses grandes écoles et universités et proposés dans les établissements du réseau culturel français et les Alliances françaises.

Le maître d'oeuvre de ces certifications est le Centre de langue française qui propose des tests (le test d'évaluation de français) et des Diplômes de français professionnel passés par environ 50 000 candidats par an (40 000 tests et 10 000 diplômes), et qui forme environ 1 200 stagiaires au français professionnel et 300 professeurs à la didactique du français professionnel et sur objectif spécifique.

Source : OIF, 2014, La langue française dans le monde, op.cit.

Ø Proposition n° 29 : Répondre à la demande croissante de certification en français professionnel

Cette proposition de vos co-rapporteurs rejoint l'une des 53 propositions du rapport de Jacques Attali 138 ( * ) qui préconisait de « développer l'offre d'apprentissage du français professionnel au sein des instituts français, des alliances françaises et des groupes français privés dans les pays émergents ».

Cette offre d'apprentissage du français doit aussi pouvoir s'adresser à des personnes qui auraient appris le français « dans leur jeunesse » mais l'auraient oublié ou n'oseraient plus le parler et qui constituent un important vivier potentiel de « parlants-français ». Il faut ainsi pouvoir proposer des « Deuxièmes rendez-vous » aux francophiles pour leur permettre de devenir ou redevenir francophones.

Les méthodes d'apprentissage doivent aussi être revues et décomplexer les « apprenants-français » : le niveau visé dépend des besoins de chacun et l'on n'attend pas de chaque francophone qu'il s'exprime comme Victor Hugo. Les anglophones ont souvent moins de préventions et « baragouinent » sans trop d'états d'âme.

3. Sciences et francophonie

Le monolinguisme scientifique mondial inquiète vos co-rapporteurs. L'anglais est la langue ultra-dominante dans les revues scientifiques, dans les colloques internationaux, dans les laboratoires et sa prééminence ne fait que se renforcer, tout particulièrement dans le domaine de sciences dites « dures ».

Le graphique ci-après est édifiant : les publications en langue française sont réduites à la portion congrue.

Nombre d'articles scientifiques publiés en sciences naturelles et ingénierie,
de 2009 à 2012, par langue de publication

Source : Web of science, Thomson Reuters, 2013, cité par OIF, 2014, La langue française dans le monde, op.cit.

Pourtant, chacun s'accorde à dire que l'on est plus précis, plus exact, plus riche dans sa langue maternelle et cette précision, cette exactitude, cette richesse sont indispensables dans le monde scientifique où l'« à-peu-près » n'a pas sa place 139 ( * ) . Des études ont ainsi montré que des colloques menés exclusivement en anglais étaient systématiquement moins riches que les colloques menés avec traduction.

Il est difficile de s'opposer au rouleau compresseur anglophone mais des initiatives peuvent être prises. Notre collègue député Pouria Amirshahi avait ainsi proposé de :

- « se fixer pour objectif la création d'une revue scientifique francophone internationale de référence »,

- « créer un grand portail numérique »,

- « soutenir le développement de traducteurs automatiques performants »,

- « imposer la restitution en français de travaux financés sur fonds publics ».

Vos co-rapporteurs sont favorables à ces initiatives et proposent, quant à eux, d'encourager la recherche scientifique publique à publier aussi en français. Les scientifiques sont, en effet, plus créatifs dans leur langue maternelle, mieux reconnus, promus et financés dans leur organisation de recherche nationale.

Ø Proposition n° 30 : Rendre accessibles en langue française les travaux de recherche scientifique qui bénéficient de financements publics.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 22 FÉVRIER 2017

___________

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - À la suite de la publication, en août 2014, du rapport de Jacques Attali « La francophonie et la francophilie, moteurs de croissance durable », j'ai émis le souhait que notre commission travaille sur la francophonie et ses perspectives pour le 21 e siècle. Nous sommes plusieurs à appartenir également à l'Assemblée parlementaire de la francophonie, tandis qu'à chaque déplacement de notre commission, nous veillons à traiter ce sujet dans le contexte du pays visité. Je remercie donc chaleureusement nos collègues Louis Duvernois et Claudine Lepage de s'être attelés à cette tâche et d'avoir abouti à des propositions d'un grand intérêt.

M. Louis Duvernois, co-rapporteurs . - Madame la présidente, mes chers collègues, en juillet 2015, notre présidente nous proposait, à Claudine Lepage et à moi-même, de mener un travail de fond sur le thème de la francophonie dans le cadre d'un groupe de travail de notre commission. Ce groupe a été créé, il s'est réuni une trentaine de fois et a auditionné plus de cinquante personnes. Lors de sa dernière réunion, il y a quinze jours, il a adopté les grandes orientations que nous allons vous exposer aujourd'hui.

Notre sujet était plus que vaste. Nos moyens, somme toute, limités. Nous n'avons pas la prétention d'avoir épuisé le sujet et j'en appelle à toute votre bienveillance. La francophonie a déjà fait l'objet de nombreux rapports et le nôtre n'épuise certainement pas le sujet. J'espère, au contraire, qu'il sera matière à continuer de réfléchir sur cette dimension si essentielle de notre politique étrangère.

Mme Claudine Lepage, co-rapporteur . - Après des siècles de suprématie mondiale, le français occupe aujourd'hui une place « intermédiaire » dans l'échelle des langues. Ni langue mondiale, comme l'est l'anglais, elle fait néanmoins partie des langues majeures du globe : cinquième langue mondiale en nombre de locuteurs, quatrième langue par le nombre d'internautes, troisième langue des affaires - après l'anglais et le chinois -, deuxième langue apprise - après l'anglais -, deuxième langue d'information internationale - après l'anglais -, elle dispose de nombreux atouts :

- des atouts historiques et culturels : l'histoire de France a implanté le français sur les cinq continents et a nourri une belle image de la langue française, souvent associée à la liberté mais aussi au raffinement, à la culture ... ;

- des atouts économiques : l'espace « francophilophone » selon le joli néologisme de Jacques Attali représente aujourd'hui plus de 15 % de la richesse mondiale ;

- mais surtout, des atouts démographiques : la francophonie constitue le sixième espace géopolitique mondial par sa population et pourrait devenir le quatrième à l'horizon 2050 : 230 millions de personnes parlent français aujourd'hui, elles pourraient être 770 millions en 2050 ; c'est d'ailleurs l'ensemble linguistique qui connaîtra la plus forte croissance des cinquante prochaines années.

Cet atout démographique repose néanmoins sur des bases fragiles. La croissance démographique escomptée par la francophonie d'ici 2050 résulte de la seule croissance démographique de l'Afrique francophone : en 2050, 85 % des francophones seraient africains. Beaucoup dépendra donc de l'évolution, en qualité comme en quantité, de l'enseignement du et en français dans ces pays.

C'est pourquoi notre rapport fait une grande place aux questions d'éducation avec plusieurs recommandations pour que ce sujet ne soit pas abandonné des autorités, ni dans notre politique de coopération, ni dans notre politique diplomatique. Il n'aborde pas directement la question du financement de ces recommandations mais préconise néanmoins de rééquilibrer parfois nos priorités budgétaires afin d'investir plus dans l'éducation qui nous semble un enjeu d'avenir crucial.

Notre rapport fait aussi nombre de propositions relatives au développement des médias et, d'une façon plus générale, des contenus culturels et numériques, car c'est sur ce champ que se jouent aujourd'hui la bataille des langues et le français doit conserver une image de modernité et entretenir un « désir de français ».

Enfin, nous avons souhaité donner toute sa place à la jeunesse francophone avec des propositions de création d'un « ERASMUS francophone » pour les étudiants ou d'un office francophone de la jeunesse pour les jeunes professionnels.

M. Louis Duvernois, co-rapporteur . - La place du français se joue aussi dans les organisations internationales et plusieurs auditions que nous avons menées nous ont fortement inquiétés. Le français est en très net recul dans la plupart des organisations internationales et la situation est particulièrement préoccupante en Europe.

Alors que l'Europe fonctionnait entièrement en français jusqu'en 1973, de facto , l'anglais est pratiquement l'unique langue d'usage de l'Union européenne et le déclin du français plus que patent. Il s'est d'ailleurs considérablement accéléré à compter du 1 er mai 2004 avec l'entrée de dix nouveaux pays dans l'Union européenne, faisant passer le nombre d'États-membres de 15 à 25, ce qui a mécaniquement « dilué » l'influence française :

- au Conseil de l'Union européenne, le recours au français est marginal, oscillant péniblement entre 2 et 3 % de documents rédigés en français ;

- à la Commission européenne, 3,6 % des documents sont écrits en français ;

- au Parlement européen, c'est un peu mieux : 15 % de documents en français.

Le Brexit constitue une opportunité que les autorités françaises doivent saisir. Désormais, l'anglais ne sera plus l'une des 24 langues officielles de l'Union. C'est le moment de renouer avec nos partenaires un nouveau pacte en faveur du plurilinguisme.

Mme Claudine Lepage, co-rapporteur . - J'en viens à l'Organisation internationale de la francophonie (OIF).

Nous nous sommes interrogés sur l'utilité et l'efficacité de cette organisation. Incontestablement, elle a gagné son pari de s'implanter dans le paysage institutionnel international : elle compte aujourd'hui 84 membres ! Mais certains de ses membres n'ont qu'un lien distant avec la francophonie : le Qatar pour ne citer que lui ...

Nous proposons donc de recréer au sein de l'OIF un « noyau dur » d'une trentaine de pays, ceux où le français est l'une des langues officielles ou dans lesquels plus de 20 % de la population est francophone.

Avec ces pays, nous pourrons bâtir de nouvelles politiques linguistiques et éducatives, que l'OIF doit privilégier car porteurs d'une véritable valeur ajoutée, c'est « son coeur de métier ».

Son élargissement à tout-va et l'éparpillement de ses missions et de ses objectifs risqueraient, dans le cas contraire, de la reléguer au rang de « doublon médiocre de l'assemblée générale de l'ONU », selon les propos de notre collègue Jacques Legendre.

M. Louis Duvernois, co-rapporteur . - Au terme de nos travaux, il nous a semblé évident que la France manque d'une véritable stratégie francophone alors qu'elle représente pour elle un champ immense d'opportunités pour l'avenir :

- une stratégie appuyée sur le concept de défense de la diversité des expressions culturelles, en s'opposant à l'uniformisation et à la globalisation par l'anglais et la culture américaine ;

- une stratégie où la France se considère aussi comme un pays francophone et où l'on met de côté notre légendaire arrogance vis-à-vis des autres francophones ;

- une stratégie où la France met en avant ses outre-mer, véritables ponts vers les autres aires linguistiques ;

- une stratégie où la France ose occuper toute sa place de « pays berceau de la langue française » au sein de l'OIF car les autres pays francophones attendent aussi de nous un peu d'exemplarité.

Vous l'aurez compris, plus que l'expression d'une nostalgie ou d'une volonté de puissance, la défense de la francophonie est, pour vos co-rapporteurs, synonyme de promotion de la diversité culturelle et du dialogue entre toutes les cultures : un appel à une « francophonie ouverte », en application fidèle de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, adoptée en 2005 par l'Unesco à l'initiative de la France.

Mme Claudine Lepage, co-rapporteur . - Nous n'avons pas pu évoquer avec vous tous les champs de notre étude qui s'est aussi intéressée au français dans les entreprises ou dans les sciences.

Mais, en conclusion, nous aimerions aborder avec vous un débat qui nous a taraudés durant nos travaux, sans que nous réussissions véritablement à y apporter une réponse définitive : la langue française est-elle porteuse de valeurs universelles ?

Comme nous l'a exposé l'anthropologue Jean Tardif en audition, une civilisation, une culture sont porteuses de valeurs. Une langue est, d'abord, un moyen de communication. Elle peut être porteuse d'une certaine « façon de penser » selon qu'il existe tel ou tel mot dans une langue, telle ou telle subtilité, la représentation du monde perçue à travers cette langue ne sera pas tout à fait la même que celle donnée par une autre langue. Mais il récuse l'idée que les langues soient porteuses de valeurs, a fortiori que le français soit dans une situation de porter des valeurs « universelles »... Nous avons développé davantage cette idée dans notre rapport.

Mme Marie-Christine Blandin . - Je remercie les deux rapporteurs pour la qualité de leur présentation, preuve, s'il en fallait, que la parité représente, comme la francophonie, un enrichissement mutuel. Je leur sais en particulier gré de leur refus de promouvoir avec arrogance la langue française. Bien au contraire, la francophonie constitue un creuset fort intéressant dans la mise en oeuvre effective des droits culturels, notion concrétisée grâce aux efforts conjoints de notre présidente et de nos collègues Jean-Pierre Leleux, Sylvie Robert, Maryvonne Blondin, Françoise Laborde et Brigitte Gonthier-Maurin.

Cet espoir ne doit nullement faire oublier combien le français, s'il n'est pas jugé en voie de disparition par l'Unesco, souffre de la concurrence de la langue anglaise dans les instances internationales. Au sein des institutions européennes, si les documents définitifs sont publiés en français, tel n'est pas le cas des documents intermédiaires, ce qui ne facilite guère le travail de nos représentants. Souhaitons, effectivement, que le Brexit soit l'occasion d'une prise de conscience de la nécessité d'imposer un multilinguisme plus égalitaire au sein des instances européennes et d'un retour en grâce du français. L'anglais, dans un rôle de véhicule utile, deviendra-t-il l'esperanto de demain ?

Comme vous, je suis ô combien convaincue de l'importance d'offrir un accès plus aisé à la littérature francophone, sur notre territoire comme à l'étranger, notamment aux plus jeunes ! Quelle richesse que l'oeuvre de Denis Laferrière ! Quelle ouverture vers d'autres cultures que l'ouvrage d'Adame Ba Konaré « Quand l'ail se frotte à l'encens » ! Quel appel à la réflexion, en ces temps où l'extrême-droite n'a jamais parue si menaçante, que « Le chagrin des Belges » d'Hugo Claus !

Mme Françoise Cartron . - Vous nous avez tous deux présenté un plaidoyer utile en faveur de la langue française bien que de nombreuses propositions échappent à notre compétence. Pour autant, certaines mesures dépendent directement de notre volonté : comment se fait-il, en effet, que la langue anglaise soit utilisée dans certaines réunions de nos groupes d'amitié au sein même du Sénat ? Nous pouvons ici agir directement pour imposer l'usage du français.

M. René Danesi . - Je félicite nos deux rapporteurs pour le travail considérable qu'ils ont mené ces derniers mois. Je partage leur souhait que la francophonie représente une ouverture linguistique et culturelle vers les autres langues et les autres cultures. Il ne peut en être autrement dans un monde dans lequel les hommes se mêlent et où cultures et langues se rencontrent. Rappelons que le développement du français, dans les décennies à venir, repose sur la seule Afrique. Cette évolution heureuse et inévitable doit nous faire abandonner notre position hautaine traditionnelle. Pour autant, il me semble un tantinet précipité d'affirmer, dans la première proposition de votre rapport, que la France doit participer à la promotion du multilinguisme. J'estime qu'il convient de promouvoir tout autant la langue française. C'est pourquoi je propose que ce voeu soit ainsi rédigé : « Promouvoir la langue française et le multilinguisme ».

Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Il était important de mener un travail de fond sur la francophonie au sein de notre commission afin de sortir, enfin, d'une forme passéiste de promotion de la langue française. Je regrette toutefois que vous ayez fait l'impasse sur les actions menées dans ce domaine par les femmes. Lorsque j'étais présidente de la délégation aux droits des femmes, j'ai pu observer, à Dakar comme en République démocratique du Congo, le travail formidable des associations de femmes en faveur de la francophonie. À cet égard, je salue l'action de l'ancienne ministre déléguée chargée de la francophonie, Yamina Benguigui, qui toujours eut le souci de la défense des femmes et de l'éducation des filles dans les pays francophones.

Mme Colette Mélot. - Nous portons une réelle responsabilité dans le déclin de notre langue. Au sein des instances européennes et internationales, nous nous contentons d'un anglais approximatif, qui entrave la qualité du débat, au lieu de nous exprimer dans notre langue maternelle, alors même que nous disposons d'interprètes. Je regrette également le slogan choisi pour la candidature de Paris à l'organisation des Jeux olympiques de 2024 - Made for sharing . En revanche, je me félicite du travail des rapporteurs et soutiens particulièrement la proposition visant à créer un ERASMUS francophone.

Mme Françoise Laborde. - Compte tenu du nombre de propositions, il faudrait peut-être les classer par ordre d'importance pour une mise en oeuvre efficace. Cette remarque faite, je constate que la défense de la langue française est souvent soit moquée, soit interprétée comme de la ringardise. Ce rapport permet de donner à cette action une dimension moderne et confirme la nécessité d'une véritable stratégie pour inciter à utiliser la langue française dans les instances internationales.

M. Gilbert Bouchet. - Je regrette la disparition de la langue française sur la scène internationale, à l'instar de l'allemand. Alors que la langue officielle des Jeux olympiques est le français, il est paradoxal d'avoir choisi pour la candidature de Paris un slogan en anglais.

M. Jean-Pierre Leleux. - J'encourage les rapporteurs à porter le combat en faveur de la langue française. Toutefois, cette démarche se heurte au fait que les Français maîtrisent de moins en moins bien leur langue maternelle. Leur vocabulaire actif s'est considérablement réduit. Il importe donc de réformer l'apprentissage du français afin d'assurer le rayonnement de cette langue.

Mme Christine Prunaud. - Je tiens à rappeler la baisse constante des moyens financiers alloués à la francophonie. Par ailleurs, qu'en est-il du fléchage des contributions françaises à l'Organisation internationale de la francophonie ?

Mme Vivette Lopez. - J'approuve toutes les propositions visant à faciliter l'apprentissage du français ainsi que la proposition visant à systématiser l'apprentissage d'au moins deux langues étrangères dès le plus jeune âge. Le lancement d'une réflexion sur la création d'un « ERASMUS francophone » me paraît également nécessaire. Je partage l'émoi soulevé par le choix d'un slogan en anglais à l'appui de la candidature de Paris à l'organisation des Jeux olympiques.

Mme Maryvonne Blondin. - Le français et l'anglais sont les langues officielles du Conseil de l'Europe, créé en 1949 par la France et l'Allemagne. Dans cette instance, un grand nombre des 47  pays membres s'efforce d'intervenir en français. De même, son président - Pedro Agramunt - prononce souvent ses discours dans cette langue. En revanche, ce n'est pas le cas du secrétaire général - M. Thorbjørn Jagland - et une demande officielle lui a été signifiée au moment du renouvellement de son mandat afin qu'il s'exprime également en français, malheureusement sans beaucoup de succès jusqu'à présent. Néanmoins, cet exemple montre que l'affaiblissement du français comme langue officielle n'est pas une fatalité et qu'il est possible de s'y opposer.

Mme Marie-France de Rose. - Même si j'approuve l'idée d'échanges d'étudiants entre les pays francophones, il conviendrait de trouver une autre terminologie qu'ERASMUS car ce programme européen est fondé sur la rencontre d'étudiants qui ne parlent pas la même langue.

Mme Corinne Bouchoux. - J'ai apprécié le ton de ce rapport très ambitieux mais dépourvu d'arrogance. Je souhaiterais apporter une note positive sur notre jeunesse dont on a décrié la pauvreté de langage, mais qui dispose de bien d'autres compétences.

M. Christian Manable. - Je souhaiterais également relativiser les propos de notre collègue Jean-Pierre Leleux sur le fossé qui séparerait notre jeunesse actuelle et celle du début du siècle dans sa maîtrise du français. Cette idéalisation du passé véhicule une vision morale de l'histoire qui ne correspond pas à la réalité. Le passé n'était pas un âge d'or, que ce soit en ce qui concerne les conditions sanitaires ou encore les taux de violence. Par ailleurs, la langue française est une langue vivante, qui s'enrichit avec le temps. Pourquoi faudrait-il donc parler au 21 e siècle la langue du 17 e siècle ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Je souhaiterais avoir une précision à propos de la proposition sur le principe d'une traduction systématique. Avez-vous abordé la question des outils numériques permettant une traduction automatique des textes ?

M. Louis Duvernois, co-rapporteur. - Une ligne directrice sous-tend vos remarques et vos questions : notre langue connaît des difficultés pour s'imposer car elle est en concurrence avec d'autres langues dans un monde en pleine évolution. Pour revenir sur le débat sur l'appauvrissement du français, il est vrai que le français est une langue vivante et que notre objectif n'est pas d'imposer la langue de Molière. Pour autant, une langue permet de véhiculer des valeurs, et celles-ci seront d'autant mieux défendues que la langue sera précise et riche. Au cours de notre mission, nous avons abordé un débat particulièrement intéressant : est-ce la langue ou la culture qui porte des valeurs universelles ? Ce sujet mérite réflexion.

Sinon, j'abonde dans le sens de notre collègue Françoise Cartron. Je suis président du groupe sénatorial France-Corne de l'Afrique. Seul Djibouti a pour langue officielle le français. Aussi, toutes nos conversations se font en anglais. Pourtant, je reconnais qu'il serait légitime que nous parlions français.

Notre collègue René Danesi a observé que l'avenir de la francophonie dépendrait de l'engagement des outre-mer et de l'Afrique dans ce combat. Beaucoup de rapports ont été rédigés sur ce sujet. Nous avons néanmoins développé une démarche novatrice en impliquant les sénateurs des outre-mer dans notre réflexion, à travers l'envoi d'un questionnaire et l'organisation d'une audition commune. Nous aurions tout intérêt à associer davantage les outre-mer dans notre stratégie de défense de la francophonie compte tenu de leur position géographique. Je renvoie, à cet égard, aux remarques de notre collègue Didier Robert sur le rôle de La Réunion dans l'Océan Indien.

Mme Claudine Lepage , co-rapporteur. - Dans vos interventions, vous avez tous défendu l'usage de la langue française. C'est également notre souci et c'est la raison pour laquelle nous proposons de sensibiliser les élites françaises ainsi que les hauts fonctionnaires en poste dans des organisations internationales à pratiquer notre langue. Je partage l'opinion d'Umberto Ecco lorsqu'il a dit : « La langue de l'Europe, c'est la traduction ».

En réponse à la question de notre présidente, je souhaite préciser que notre proposition concernant la traduction systématique vise la traduction des textes examinés dans les instances internationales.

Nous ne nous sommes pas interrogés sur la possibilité de promouvoir la francophonie à travers la défense des droits des femmes. En revanche, nous avons insisté sur le fait que le combat pour la francophonie passait par un soutien fort au secteur associatif francophone.

La France est le premier contributeur à l'Organisation internationale de la francophonie et il existe actuellement une réflexion sur le fléchage de nos contributions à cet organisme. Nous n'y sommes pas favorables dans la mesure où cela remettrait en cause l'autonomie de cette institution internationale. Néanmoins, nous prônons un contrôle accru sur l'emploi des financements à sa disposition pour s'assurer de leur bonne utilisation.

Quant au rôle joué par le Conseil de l'Europe dans la défense du français, nous l'avons souligné dans notre rapport.

Nous sommes parfaitement conscients de la nécessité de renforcer le rôle des outre-mer en tant que représentant des valeurs et des intérêts de la France dans leur zone géographique. Je rappelle que dans des pays comme Le Vanuatu ou l'Australie, les échanges scolaires se font avec la Nouvelle-Calédonie et non avec la métropole. De même, La Réunion constitue le partenaire naturel des pays de l'Océan Indien et de l'Afrique du Sud.

M. Louis Duvernois, co-rapporteur. - Les termes « lutte » et « combat » reviennent souvent pour caractériser la politique de la France en faveur de la francophonie. Toutefois, le combat n'exclut pas l'ouverture. Par ailleurs, je pense que notre collègue Jean-Pierre Leleux souhaitait souligner que l'apprentissage et la maîtrise de la langue sont également un combat qu'il faut porter. Il y a une véritable dégradation de la qualité du français qui est enseigné dans les établissements et nous ne pouvons que constater que les élèves ne maîtriseront pas à la fin de leur scolarité la langue française comme ils devraient le faire pour pouvoir comprendre les valeurs qu'elle porte et en assurer la promotion. N'oublions pas que la francophonie, c'est d'abord la fierté de parler une langue. Si nous ne partageons pas cette fierté, comment défendrons-nous notre langue auprès des francophones ? Faudra-t-il en laisser le soin à nos amis québécois ?

Je comprends les remarques de notre collègue Marie-France de Rose sur la confusion qui pourrait résulter de l'utilisation du terme ERASMUS pour le programme d'échanges entre pays francophones que nous proposons. La référence à ERASMUS permet de rendre cette initiative compréhensible au grand public et insiste sur l'intérêt d'un mélange des cultures.

La commission autorise la publication du rapport d'information.

Contribution écrite

CONTRIBUTION DU GROUPE COMMUNISTE, RÉPUBLICAIN ET CITOYEN 140 ( * )

4 ème langue la plus parlée et seconde langue la plus enseignée au monde avec près de 285 millions de locuteurs et 120 millions d'apprenants en 2015, le français est pratiqué sur les cinq continents. Cette transnationalité est au centre de son développement, qui devrait lui permettre d'ici 2050 d'atteindre la seconde place des langues les plus parlées derrière l'anglais avec plus de 700 millions de francophones. Avec cinquante-trois pays-membres, l'Organisation Internationale de la francophonie (OIF) doit aujourd'hui voir ses missions remises au centre de la stratégie diplomatique de la France. Dans la suite des déclarations et prises de position officielles de Bamako (2000), Cotonou (2001) et Beyrouth (2002), l'action de l'OIF doit permettre la diffusion de la langue française et des valeurs historiques de la France que sont la Paix, la Démocratie ou encore les Droits de l'Homme et le développement de réseaux d'éducation et de dynamiques de coopération entre les pays. L'OIF rassemble aujourd'hui à la fois la grande majorité des pays du globe connaissant un des phénomènes de francophonie (français comme langue maternelle et/ou officielle et/ou de culture et/ou minoritaire) mais aussi des partenaires importants de la France, pour qui le français est un atout diplomatique et économique de poids.

Quel enjeu pour le développement d'une francophonie forte ?

Le développement de la francophonie ne saurait être vu comme une fin à soi, un objectif à atteindre pour lui-même. Une fois ce postulat posé, quel but doit servir cette expansion ?

Le groupe Communiste, Républicain et Citoyen pense qu'aujourd'hui, c'est une nouvelle conception non pas de la francophonie, mais de la polyfrancophonie (ouverte à toutes les formes de français) qui doit être promue pour permettre une meilleure connaissance et compréhension des peuples.

Cela implique un changement de paradigme.

Trop souvent, la francophonie n'a été vue que comme un outil devant permettre l'émergence d'une diplomatie d'influence à la française et la constitution d'une sphère d'influence pour la France. C'est ce que pointait notre collègue Paul Vergès en parlant de l'exclusive postcoloniale. Le français était réduit à un simple facilitateur économique, permettant à la France de garder un contact économique privilégié voire exclusif avec ses anciennes colonies, créant de fait une dépendance des pays nouvellement indépendants et un pré-carré pour Paris. A ce modèle, nous préférons parler de co-développement qui implique réciprocité et non rapport de domination.

Cette nouvelle conception de la francophonie doit permettre de lever certains obstacles, comme le fait que le 3 ème pays comptant le plus de francophones après la France et la RDC, l'Algérie, refuse d'adhérer à l'OIF, n'y voyant qu'un outil de la diplomatie française confinant ses membres dans une sphère d'influence franco-française.

Quels moyens pour remplir ces objectifs ?

L'une des priorités aujourd'hui est de faire progresser le nombre de polylocuteurs dans le monde, mais aussi en France. Une des pistes avancées dans le rapport va clairement dans le bon sens, en encourageant l'apprentissage d'au moins deux langues étrangères pour les personnes scolarisées en France. Cette dernière peut s'enorgueillir de compter 5 millions de bi/tri-nationaux. Or, et malgré le développement des ELCO (souvent remis en cause), le rapprochement entre volonté d'apprendre la langue d'origine ou parlée de ses ascendants et communautarisme est trop souvent fait, brisant de fait un élan à la fois légitime et vecteur indirect du développement de la francophonie. De la même manière, la construction démographique de la France a permis à sa population une vraie diversité. Ainsi, deux études de l'INSEE (2017) et de l'INED (2004) ont montré que 11% des français avaient au moins un parent immigré, et qu'1/4 avait au moins un grand-parent immigré. L'acculturation trop souvent défendue comme déni de la diversité, constitue aujourd'hui un frein à la francophonie, tentant de briser les liens entre les immigrés et leurs descendants de leurs pays d'origine alors que ces derniers sont des relais vivants de la culture française.

S'il est essentiel de promouvoir la francophonie dans un objectif de paix et de co-développement, cela nécessite forcément des moyens financiers, aujourd'hui mis en berne. En effet, la diplomatie culturelle a participé activement à la réduction des dépenses publiques, connaissant une baisse de crédits de 43 millions d'euros depuis 2011, dont 34 millions d'euros sur le seul quinquennat passé. Malgré l'annonce par le Président de la République d'une diplomatie globale, la diplomatie culturelle n'a été qu'une variable d'ajustement une fois les diplomaties économiques et militaires dotées.

Au final, la majorité des propositions de ce rapport vont dans le bon sens, à condition d'être mises en oeuvre et accompagnées d'une réflexion plus générale sur les finalités d'un développement de la francophonie et d'un suivi des actions de l'OIF.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Ministère des affaires étrangères et du développement international

Mme Anne Grillo, directrice de la coopération culturelle, universitaire et de la recherche à la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats

Ministère de la culture et de la communication

M. Nicolas Georges, directeur chargé du livre et de la lecture , et M. Ludovic Berthelot, sous-directeur de l'audiovisuel, à la direction générale des médias et des industries culturelles

Ministère de l'éducation nationale et de la recherche

M. Roger-François Gauthier, inspecteur général de l'administration de l'Éducation nationale et de la Recherche, membre du Conseil supérieur des programmes

Secrétariat général des affaires européennes
M. Thierry Vautrin, chef du secteur Présence et Influence françaises dans les institutions européennes

*

Audition commune : M. Loïc Depecker , délégué général à la langue française et aux langues de France au Ministère de la Culture et de la Communication et M. Olivier Poivre d'Arvor , ambassadeur chargé de l'attractivité culturelle de la France

M. Francis Balle , professeur émérite à l'université Panthéon-Assas (Paris-II)

M. Jean-David Levitte , ambassadeur de France dignitaire

M. Frédéric Ramel , professeur des universités en science politique, coordonnateur de l'étude de l'Institut de recherche stratégique de l'école militaire (IRSEM ) : « Francophonie et profondeur stratégique »

M. Jean Tardif , anthropologue

M. Dominique Wolton , directeur de recherche au CNRS

M. Jean-Michel Severino , ancien directeur général de l'agence française de développement (AFD), président d'Investisseurs & Partenaires

M. Jacques Legendre , sénateur du Nord, ancien président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat

Audition commune : Mme Karine Claireaux , sénatrice de Saint-Pierre-et-Miquelon et M. Antoine Karam , sénateur de la Guyane

*

Agence française de développement (AFD) : M. Rémy Rioux, directeur général , Mme Safia Otokoré, chargée de mission et Mme Zolika Bouabdallah, chargée des relations avec le Parlement

Agence universitaire de la francophonie (AUF) : M. Jean-Paul de Gaudemar, recteur et directeur de l'AUF

Assemblée parlementaire de la francophonie (APF) : M. Pascal Terrasse, député, secrétaire général parlementaire

Audition commune :

• Agence de l'enseignement français à l'étranger (AEFE) : Mme Raphaëlle Dutertre, responsable des relations avec les élus pour l'Agence de l'enseignement français à l'étranger (représentant M. Christophe Bouchard, directeur )

• Campus France : M. Thierry Valentin, directeur général adjoint

• Centre international d'études pédagogiques ( CIEP) : M. Daniel Assouline, directeur

• Centre national d'enseignement à distance (CNED) : M. Philippe Aldon, directeur délégué aux affaires Internationales et européennes

Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCI) : Mme Marianne Conde Salazar, directrice du service de l'enseignement à l'international et du centre de langue du CCI et Mme Véronique Etienne-Martin, directrice des relations extérieures

Conférence des présidents d'université (CPU) : M. Khaled Bouabdallah, vice-président , M. Jacques Comby, président de la commission des relations internationales , M. Jean-Luc Nael, conseiller relations internationales , M. Kevin Neuville, chargé de mission francophonie et M. Karl Stoeckel, conseiller parlementaire

Fondation Alliance française : MM. Jérôme Clément, président et Bertrand Commelin, secrétaire général

Institut français : M. Bruno Foucher, président exécutif ( audition en réunion plénière de la commission de la culture le 15 juin 2016 )

Michelin : Mme Elisabeth Grimaldi d'Esdra, directeur des compétences du personnel et diversité et M. Emmanuel Puvis-de-Chavannes, chargé des affaires publiques France

Office franco-québécois pour la jeunesse : M. Pascal Bonnetain, secrétaire général

Orange : M. Jean-Louis Dufau-Richet, directeur de la stratégie et de la transformation pour la zone Afrique Moyen-Orient , M. Thomas Bouyer , manager régional pour cette même zone à la Direction des contenu s, M. Pierre Petillault, directeur adjoint des affaires publiques et Mme Claire Chalvidant, responsable des relations institutionnelles

Organisation internationale de la francophonie (OIF) : M. Stéphane Lopez, ambassadeur , représentant permanent de l'OIF auprès de l'Union européenne

Total : M. François Nahan, chargé de relations publiques

Vivendi : M. Jean-Christophe Ramos, directeur des Affaires Corporate Afrique de CANAL+ Overseas et Mme Peggy Le Gouvello, directrice des relations publiques

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages

Balle F. (2016). Le choc des incultures , L'Archipel

Carrère C. (2016). L'impact économique des langues , Economica

Estrac (de l') J.-C. (2016). Francophonie : de Hanoï à Dakar, le pacte brisé , Le Cherche-midi

Lane P. (2016) Présence française dans le monde, l'action culturelle et scientifique, La Documentation française

Montenay Y. et Soupart D. (2015). La langue française : une arme d'équilibre de la mondialisation, Les Belles Lettres

Tardif J. et Farchy J. (2006). Les enjeux de la mondialisation culturelle , Éditions HC

Wolton D. (2006). Demain la francophonie, Flammarion

Rapports

Bloche P. (1999). Rapport au Premier ministre, Le désir de France : la présence internationale de la France et de la francophonie dans la société de l'information , La Documentation française

Attali J. (2014). Rapport au Président de la République, La francophonie et la francophilie, moteurs de croissance durable

Organisation internationale de la francophonie (OIF) (2014). La langue française dans le monde

Fédération internationale des professeurs de français (FIPF) (2016). Enseigner le français dans le monde, Livre blanc

Conseil économique, social et environnemental ( 2016). La politique française de coopération internationale dans le cadre de l'agenda 2030 du développement durable , Les avis du CESE

Délégation générale à la Langue française et aux langues de France (2016). Rapport annuel au Parlement sur l'emploi de la langue française , Ministère de la culture et de la communication

Délégation générale à la langue française et aux langues de France ( 2016). Rapport annuel 2015 de la Commission d'enrichissement de la langue française , Ministère de la culture et de la communication

Assemblée nationale :

Tavernier Y. (2000). Du global à l'universel : les enjeux de la francophonie , Rapport d'information fait au nom de la commission des finances, n° 2592

Loncle F., Schmid C. (2013). L'évaluation du réseau culturel de la France à l'étranger, Rapport d'information fait au nom du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, n° 1591

Mancel J-F., Terrasse P. Marsac J-R. (2015). Conclusion des travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur les financements et la maîtrise de la dépense des organismes extérieurs de langue française, Rapport d'information fait au nom de la commission des finances, n° 3357

Amirshahi P. (2014). Pour une ambition francophone , Rapport d'information fait au nom de la commission des affaires étrangères, n° 1723

Sénat :

Actes du colloque : La mondialisation, une chance pour la francophonie (avril 2006)

Legendre J. et Rohan ( de) J., Le rayonnement culturel international : une ambition pour la diplomatie française, Rapport d'information fait au nom de la commission des affaires culturelles et de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, n° 458 (2008-2009)

Bockel J-M et Lorgeoux J., L'Afrique est notre avenir , Rapport d'information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, n° 104 (2013-2014)

Journée d'étude à l'occasion des 20 ans de la loi sur l'emploi de la langue française, Langue française, une loi pour quoi faire ? (13 octobre 2014)

Morin-Desailly C., Bailly D., Danesi R., Duranton N., Duvernois L., Jouve M., Kern C., France et Maroc : un partenariat stratégique pour la jeunesse, Rapport d'information fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, n° 439 (2015-2016)

Articles

Guillou M., Francophonie : la trahison des élites , Le Figaro, 19 mars 2014

Ces langues qui dominent le monde, Courrier international, août 2015

Juppé A., La francophonie : notre patrimoine, une chance pour le monde , Le Figaro, 19 mars 2016

Saragosse M-C., Nous avons l'impérieuse nécessité de toucher la génération co nnectée, Le Figaro, 21 mars 2016

Lorot P., Le continent africain, avenir de la langue française , Le Nouvel économiste, 25 mars 2016

Paxman J., Non, le français n'est pas une langue d'avenir, Le Nouvel économiste, 15 avril 2016

Langue française : le chagrin et la passion , Revue Critique n° 827, avril 2016

Rencontres de la Francophonie , Le Monde, Dossiers et documents, 21 mai 2016

1000 professeurs du monde entier réunis pour défendre le français , Le Figaro,
26 juillet 2016

Fabre T ., L'AFD sort la carte pro-business , Challenges, 3 novembre 2016

Beyer C., Madagascar : l'enfant pauvre de la francophonie , Le Monde, 25 novembre 2016

Rioux R., Faire de l'AFD une agence plus grande et plus innovante, Le Monde, 6 décembre 2016

Blavignat Y., Les dessous de la francophonie en République démocratique du Congo, une arme au service de la France, Le Figaro, 14 décembre 2016

Lachance S., Les francophones hors Québec ont le même espace médiatique national que l'horoscope , Acadie nouvelle, 14 décembre 2016

Langù J., Borloo J-L., Djimi Y-J., Lorot P., L'Afrique a-t-elle encore une importance stratégique pour la France au XXI e siècle ? , Le Monde, 13 janvier 2017


* 1 Cours en Ligne Ouverts Massifs, équivalent en français des MOOCS (Massive Open Online Courses).

* 2 Discours prononcé le 8 décembre 2015 à la Fondation Alliance française à Paris, lors du 30 ème anniversaire de la création de l'Association pour la Diffusion Internationale Francophone de Livre, Ouvrages et Revues (ADIFLOR).

* 3 Voir l'« Atlas des langues en danger dans le monde » de l'UNESCO : http://unesdoc.unesco.org/images/0019/001924/192416f.pdf

* 4 Audition du 11 mai 2016 et op.cit.

* 5 180 millions d'utilisateurs du français sur internet. Le français occupe cependant la 6 ème place par le nombre de sites visités par mois et la 5 ème place sur Wikipédia.

* 6 On compte 125 millions d'apprenants chaque année : 76 millions ont le français comme langue d'enseignement et 49 millions suivent un enseignement de français langue étrangère.

* 7 Op.cit.

* 8 Cf. carte ci-après.

* 9 Jacques Attali désigne sous cette appellation les pays francophones, les pays francophiles et les francophiles individuels, op.cit.

* 10 Voir III.B du présent rapport sur le potentiel de croissance économique en Afrique francophone.

* 11 Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Centrafrique, Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Mali, Niger, République démocratique du Congo, Rwanda, Sénégal, Tchad, Togo.

* 12 Tunisie, Algérie, Maroc.

* 13 En novembre 2016 on comptait 510 Instituts Confucius, établis dans 140 pays.

* 14 Une très récente publicité de la SNCF vous incite à faire voyager « vos kids » pour 10 euros seulement ...

* 15 Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) du 20 octobre 2005.

* 16 Proposition de résolution européenne n° 522 (2012-2013) relative au respect de l'exception culturelle et de la diversité des expressions culturelles.

* 17 Audition du mercredi 7 février 2017.

* 18 Voir la lutte contre l'anglais et les anglicismes mas surtout la longue confrontation qui a opposé le français aux langues régionales pour assurer son affirmation comme langue nationale ( cf. premier alinéa de l'article 2 de la Constitution : « La langue de la République est le français »).

* 19 Avec toutefois l'anglais pour le Cameroun et l'arabe pour le Tchad. L'ensemble des données reprises dans cette partie est issu des données du Livre blanc de la FIPF, op.cit.

* 20 Sauf au Gabon où le français a le statut de langue seconde. À noter qu'au Cameroun, les langues camerounaises sont elles aussi considérées comme « langues étrangères ».

* 21 C'est un constat également fait par le Livre Blanc, s'agissant du Maghreb, op.cit.

* 22 Audition du 17 janvier 2017.

* 23 Le français, langue de l'État, n'est pas devenu la langue véhiculaire espérée (seul un quart des Sénégalais lisent et écrivent le français ; 30 % des parlementaires ne parlent pas français et refusent de l'apprendre) et c'est le wolof, langue maternelle d'environ 40 % de la population sénégalaise, qui a en partie pris cette place.

* 24 Livre blanc, op.cit.

* 25 Chiffres OIF.

* 26 Instituts français de recherche à l'étranger.

* 27 Op.cit.

* 28 « France et Maroc : un partenariat stratégique pour la jeunesse », Rapport d'information n° 439 de Catherine Morin-Desailly, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, mars 2016, op.cit ., p. 26.

* 29 Dans son rapport sur la francophonie économique, Jacques Attali nous enjoint, dans les outre-mer, de « favoriser l'apprentissage du français. Seuls 60 % des mahorais parlent et comprennent le français. (...) De même, Saint-Martin et la Guyane sont dans une situation de multilinguisme (...) » ( op.cit .).

* 30 Il existe une douzaine d'Alliances françaises opérationnelles sur le territoire français qui pourraient utilement participer à l'accueil des étrangers allophones en France.

* 31 Rapport pour avis sur le projet de loi relatif au droit des étrangers en France, n° 2 (2015-2016), fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat.

* 32 Communication sur la politique en faveur de la langue française pour la cohésion sociale présentée en Conseil des ministres le 15 février 2017.

* 33 Op.cit .

* 34 Op.cit. p. 30

* 35 Commission de l'Océan Indien.

* 36 Loi n° 2016-1657.

* 37 Loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000.

* 38 Audition du 20 septembre 2016 et op.cit.

* 39 Cette analyse a été relayée par Henri Lopes, ambassadeur du Congo en France de 1998 à 2015 qui s'exprime ainsi lors d'un colloque au Sénat d'avril 2006 consacré à la francophonie : « Je n'adhère pas au discours qui prétend que le français véhicule des valeurs démocratiques (...). Aucune langue ne porte en elle des valeurs propres. Seules les cultures et les civilisations le peuvent . », op.cit, p. 56.

* 40 Des auteurs comme Humboldt, Sapir et Whorf, stipulent que la structure de la langue détermine non seulement la pensée, mais la perception et la culture (cité par Xavier North « Shiak, silures et métaplasmes », in Revue Critique, op.cit .).

* 41 Voir Livre blanc, op.cit.

* 42 Ibid.

* 43 C'est le cas notamment de certaines auteures maghrébines contemporaines qui choisissent délibérément le français plutôt que l'arabe. Cela fut également le cas de nombreux autres grands auteurs qui n'avaient pas le français comme langue maternelle mais qui l'ont choisi comme langue d'écriture : Samuel Beckett, Emil Cioran, Julien Green, Jorge Semprun, etc.

* 44 Cité par notre collègue député Yves Tavernier dans son rapport, op.cit.

* 45 Op.cit.

* 46 Op.cit.

* 47 Audition du 28 octobre 2016.

* 48 Auditionné à l'Assemblée nationale le 22 janvier 2014.

* 49 Op.cit.

* 50 Cf. infra.

* 51 Comme on l'a vu par exemple avec la nomination d'Alain Decaux, ministre délégué à la Francophonie du 28 juin 1988 au 16 mai 1991.

* 52 Op.cit.

* 53 Op.cit.

* 54 Op.cit.

* 55 On compte aujourd'hui 900 000 enseignants de français dans le monde. L'UNESCO estime que l'Afrique subsaharienne devra recruter 2 millions de nouveaux professeurs de français d'ici 2030.

* 56 Le français est une langue d'enseignement dans 32 États et gouvernements dans le monde.

* 57 Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

* 58 Mission Laïque Française.

* 59 Centre national d'enseignement à distance.

* 60 Français Langue Maternelle.

* 61 Pour une présentation plus détaillée de cette offre d'enseignement du et en français voir les rapports budgétaires successifs de votre co-rapporteur Louis Duvernois, faits au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat.

* 62 Audition du 17 janvier 2017.

* 63 CICID du 30 novembre 2016.

* 64 Pour mémoire et ainsi qu'il a été rappelé à vos co-rapporteurs au cours de l'audition du 7 décembre 2016, l'AFD consacre chaque année grosso modo 50 % de ses autorisations d'engagement à des pays francophones (2,9 milliards d'euros en 2015 sur un montant total de 6,7 milliards d'euros d'autorisations).

* 65 Cf. infra.

* 66 Chiffres OIF.

* 67 « France et Maroc : un partenariat stratégique pour la jeunesse », Rapport d'information n° 439 de Catherine Morin-Desailly, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, mars 2016, op.cit. , p. 12.

* 68 « Relever ensemble les défis contemporains : L'éducation et la culture au coeur du développement de la relation France-Maroc », colloque organisé au Sénat le 14 février 2017 à l'initiative de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat en collaboration avec l'ambassade du Maroc en France.

* 69 Audition du 17 janvier 2017.

* 70 Op.cit.

* 71 Op.cit.

* 72 Op.cit.

* 73 Audition du 19 janvier 2017 et op.cit.

* 74 Op.cit.

* 75 Avec l'anglais, le portugais, l'arabe, l'espagnol, le swahili et toute langue africaine.

* 76 Aujourd'hui, seuls les organes de l'Union africaine à Arusha et de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) à Abuja bénéficient de cours de français.

* 77 Étude confiée à l'AFFOI (Assemblée des fonctionnaires francophones des assemblées internationales) portant sur 229 sites d'organisations internationales en 2015-2016, citée par le Rapport au Parlement sur l'emploi de la langue française, op.cit.

* 78 Rappelons que notre collègue député Yves Tavernier avait même proposé de sanctionner les fonctionnaires français qui n'utiliseraient pas le français dans les instances internationales, op.cit.

* 79 Conformément à la déclaration de Bucarest des 28-29 septembre 2006 et au Vade-mecum de l'OIF relatif à l'usage de la langue française dans les organisations internationales adopté lors de la même conférence.

* 80 Dispositions relatives à l'emploi de la langue française dans la fonction publique.

* 81 Audition à l'Assemblée nationale du 22 janvier 2014 .

* 82 Audition du 19 janvier 2017.

* 83 197 États, dont 193 membres de l'ONU.

* 84 Op.cit.

* 85 In fine seuls le Liban, l'Arménie, le Burundi, Sainte-Lucie et les Seychelles ont signé de tels pactes.

* 86 Environ 14 millions d'euros au titre de sa contribution « statutaire », 8 millions d'euros au titre de sa contribution « volontaire » et 5 millions d'euros de prise en charge du loyer du siège de l'OIF au 19-21 de l'avenue Bosquet à Paris, sur un budget annuel total de 85 millions d'euros.

* 87 Op.cit.

* 88 Op.cit.

* 89 Allemand, anglais, bulgare, croate, danois, espagnol, estonien, finnois, français, grec, hongrois, irlandais, italien, letton, lituanien, maltais, néerlandais, polonais, portugais, roumain, slovaque, slovène, suédois et tchèque.

* 90 Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie et Slovénie.

* 91 2,93 % en 2016 sous la présidence des Pays-Bas.

* 92 Source : direction générale de la traduction, citée par le Rapport au Parlement sur l'emploi de la langue française, 2016 ( op.cit .). Les statistiques et analyses présentées dans la présente partie sont issues de ce rapport.

* 93 Op.cit.

* 94 La langue officielle de Malte est le maltais, la langue officielle de l'Irlande, l'irlandais.

* 95 Bilingue français-flamand dans le cas de Bruxelles.

* 96 Cf. supra.

* 97 Sur la période 2010-2016, les Français n'occupent que la cinquième place en nombre d'administrateurs reçus aux concours de la fonction publique européenne, une position bien en-deçà du poids démographique de la France dans l'Union.

* 98 C'est aussi l'une des propositions de notre collègue député Pouria Amirshahi qui préconise la « défense active de l'enseignement d'au moins deux langues étrangères au sein de l'Union européenne », op.cit.

* 99 Audition de Stéphane Lopez, représentant permanent de l'OIF auprès de l'Union européenne, du 24 janvier 2017.

* 100 Audition de Thierry Vautrin, chef du secteur Présence et Influence françaises dans les institutions européennes, du 24 novembre 2016.

* 101 Rapport n° 27 (2005-2006), fait au nom de la commission des affaires culturelles du Sénat, déposé le 19 octobre 2005.

* 102 Op.cit.

* 103 Op.cit.

* 104 Audition du 6 juillet 2016. L'office franco-québécois de la jeunesse accompagne en moyenne 4 000 participants chaque année.

* 105 Cité par « Étudiants internationaux, les chiffres clés », Campus France, janvier 2017.

* 106 « Relever ensemble les défis contemporains : L'éducation et la culture au coeur du développement de la relation France-Maroc », colloque organisé au Sénat le 14 février 2017 à l'initiative de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication en collaboration avec l'ambassade du Maroc en France.

* 107 Audition du 1 er juin 2016.

* 108 Plus d'un étudiant sur deux en mobilité dans un pays de langue française est originaire d'un pays non francophone, d'après les statistiques de l'UNESCO, citées par « Étudiants internationaux, les chiffres clés » de Campus France, janvier 2017.

* 109 Loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche.

* 110 Audition du 19 janvier 2017.

* 111 Audition du 29 septembre 2017.

* 112 Alors même que tous les foyers africains ne bénéficient pas d'un téléphone fixe, le taux de couverture de la population en téléphonie mobile atteint les 80 %.

* 113 Op.cit.

* 114 Pour une présentation plus détaillée de l'action audiovisuelle extérieure de la France voir les rapports budgétaires successifs de votre co-rapporteur Claudine Lepage, faits au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

* 115 Op.cit.

* 116 Chiffres OIF et audition du 14 juin 2016.

* 117 Audition du 16 novembre 2016.

* 118 Canal Plus, Africa Plus, Canal Olympia, Blue zones, etc. Audition du 17 novembre 2016.

* 119 Cité par Revue Critique, op.cit.

* 120 Op.cit.

* 121 C'était l'une des préconisations de notre collègue député Pouria Amirshahi, op.cit.

* 122 C'était l'une des préconisations du rapport de Jacques Attali, op.cit.

* 123 Cours en Ligne Ouverts Massifs, équivalent en français des MOOCS (Massive Open Online Courses).

* 124 Op.cit.

* 125 Op.cit.

* 126 Rédigé à la demande de Pierre Moscovici, ministre français de l'Économie et des Finances, par cinq personnalités françaises et franco-africaines du monde politique et économique, Hubert Védrine, Lionel Zinsou, Tidjane Thiam, Jean-Michel Severino et Hakim El Karoui en décembre 2013.

* 127 Il s'agit ici de définir comme « francophones » les pays qui ont comme langue officielle le français et/ou les pays dont au moins 20 % des habitants parlent le français.

* 128 Chiffres issus de « L'impact économique des langues », op.cit.

* 129 Jacques Attali, op.cit.

* 130 Ibid.

* 131 Anderson et Van Wincoop, 2004, cité par « L'impact économique des langues », op.cit.

* 132 Op.cit.

* 133 Audition du 20 septembre 2016.

* 134 Exemple de la « bichicotte » qui sert à couper la gomme.

* 135 Op.cit.

* 136 Voire 44 % selon Egger et Lassemann, 2012a, cité par « L'impact économique des langues », op.cit.

* 137 Carrère et Masood (2016), cité par « L'impact économique des langues », op.cit.

* 138 Op.cit.

* 139 Yves Montenay rapporte qu'en Allemagne, on observe que lorsque les conférences scientifiques se font exclusivement en anglais les phases de débat sont beaucoup plus brèves (et moins pointues) que lorsque les débats sont conduits en allemand, op.cit.

* 140 Parmi les groupes politiques sollicités pour fournir une contribution écrite, seul le groupe CRC a souhaité s'exprimer.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page