C. LES INSTANCES D'ÉVALUATION ET DE CONCERTATION

1. Le Haut conseil de la santé publique et le Conseil national
de la santé mentale

Les administrations centrales se sont dotées au niveau national de plusieurs instances d'évaluation et de concertation. La plus ancienne d'entre elles pour les questions de santé est le HCSP créé par loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et mis en place en 2007. Il est chargé de contribuer à l'élaboration, au suivi annuel et à l'évaluation pluriannuelle de la stratégie nationale de santé, de fournir aux pouvoirs publics, en lien avec les agences sanitaires, l'expertise nécessaire à la gestion des risques sanitaires ainsi qu'à la conception et à l'évaluation des politiques et stratégies de prévention et de sécurité sanitaire, de fournir aux pouvoirs publics des réflexions prospectives et des conseils sur les questions de santé publique et de contribuer à l'élaboration d'une politique de santé de l'enfant globale et concertée 140 ( * ) .

Instance d'expertise, le HCSP assure ainsi une mission d'évaluation des différents aspects de la politique de santé en fonction des saisines des pouvoirs publics. Dans ce cadre, il a notamment mené l'évaluation du plan psychiatrie et santé mentale 2011-2015.

Tout récemment, le ministère des affaires sociales et de la santé a néanmoins jugé nécessaire de mettre en place également une instance de réflexion ad hoc en matière de santé mentale. Le conseil national de la santé mentale (CNSM) a été installé le 10 octobre 2016 à l'occasion de la journée mondiale de la santé mentale. Son secrétariat est assuré par la DGS qui en assure le copilotage avec la DGOS et la DGCS.

Le rôle que le CNSM est appelé à jouer apparaît à la fois extrêmement vaste dans l'ambition qu'on lui prête et relativement limité en pratique. Selon la DGS, il « soutiendra la mise en place des projets territoriaux de santé. Il assurera la cohérence et l'évaluation des politiques publiques » 141 ( * ) . La DGOS y fait référence comme un organe « multisectoriel et interministériel ». Son président, M. Alain Ehrenberg, le définit quant à lui comme « à la fois une instance de concertation (...) et une instance d'expertise et de stratégie pour l'action publique. Son rôle est purement consultatif » 142 ( * ) .

Le CNSM est censé permettre une approche transversale des questions de santé mentale, combinant les dimensions sanitaire, médico-sociale et sociale, dans le cadre d'un périmètre très étendu puisqu'il concerne de nombreux ministères, dont certains régaliens, ainsi que les collectivités territoriales et les élus.

Le programme pour les deux prochaines années de mandature devrait être finalisé en juin prochain. Après l'élaboration du projet stratégique, trois commissions thématiques ont été constituées sur des thèmes variés (« Bien-être et souffrance psychique de la grossesse à l'âge adulte » ; « Accès aux soins et accompagnements, diversité et complémentarité des pratiques : développer des parcours coordonnés » ; « Précarités et vulnérabilités ») ainsi que trois « groupes de travail transversaux inter-commissions » (« Prévention du suicide » ; « Intelligence collective » ; « Accompagnement 3.0 e-santé, réalité augmentée, robotique sociale, etc. »). Chacune des trois directions d'administration centrale assure le secrétariat d'une des commissions.

Au-delà de l'ampleur des missions assignées au CNSM, la mission d'information s'interroge sur sa capacité à fonctionner de manière effective compte tenu des choix faits quant à sa composition et de l'absence de moyens propres . En effet, ce conseil a vocation à regrouper l'ensemble des acteurs de la santé mentale, notamment les professionnels, les usagers et les familles. Ainsi que l'affirme son président, « ce conseil est obèse avec près de soixante-quinze membres dont les intérêts peuvent s'avérer contradictoires. Les pédopsychiatres peuvent s'y sentir remis en question, à l'occasion notamment des débats sur le Pass'santé ». Dans ces conditions, la mission d'information constate que le travail de concertation sera particulièrement difficile à mener.

Plusieurs difficultés sont d'ores et déjà identifiées par le président du CNSM : un appui administratif limité à celui fourni par les directions d'administration centrale elles-mêmes, des missions potentiellement contradictoires et le risque de redondance avec d'autres instances . M. Alain Ehrenberg affirme ainsi : « Une tension est palpable. Nous devons à la fois nous assurer que l'action publique est bien conduite à moyen terme et assumer des fonctions de court terme qui risquent d'emboliser notre première tâche. Nous n'avons ni moyens ni budget. Nous ne pouvons enquêter et nos trois commissions, ainsi que notre groupe de travail consacré à la prévention du suicide, ne disposent que de l'appui administratif des directions d'administration centrale. Nous procéderons par auditions, sauf si les choses évoluent au cours de la mandature. Notre place est à prendre puisque, dans le même temps, ont été instaurés le comité de pilotage de la psychiatrie et le comité de pilotage du handicap psychique. En outre, les questions que nous abordons le sont aussi par différents comités de pilotage. Nous avons ainsi besoin d'une sorte de feuille de route nous permettant de naviguer entre ces différents comités et nous évitant de conduire des actions redondantes avec celles des autres instances. »

Le champ de compétences du CNSM semble plus vaste que celui du comité précité de pilotage de la psychiatrie de la DGOS dont les missions sont pourtant déjà très nombreuses. Si le comité de pilotage semble avoir un objet plus technique et plus directement en prise avec les enjeux de terrain, le risque de redondance, voire de contradiction, ne peut être totalement écarté.

Dans la mesure où le CNSM semble être appelé à évaluer l'action publique, la question du rôle qu'il aurait à jouer par rapport au HCSP est également posée. La mission d'information considère que les missions d'évaluation qui semblent imparties au CNSM et ses difficultés de fonctionnement justifieraient de le rapprocher du HCSP, voire de l'y intégrer. Le travail de concertation relève quant à lui, non d'une instance spécifique, mais du travail ministériel et interministériel . La DGOS a d'ailleurs utilisé à cet effet la commission du CNSM dont elle assure le secrétariat afin de mener les consultations préalables à l'élaboration du décret pris sur le fondement de l'article 69 de la loi de modernisation de notre système de santé en ce qui concerne les projets territoriaux de santé mentale.

Proposition n°39 : Intégrer les missions du conseil national de la santé mentale (CNSM) au sein du Haut conseil de la santé publique (HCSP) s'agissant de l'évaluation et laisser le soin aux services ministériels de mener les travaux de concertation.

2. Les conseils locaux de santé mentale

Plusieurs types de structures existent au niveau local afin de coordonner les acteurs notamment dans le domaine de la psychiatrie des mineurs. Il est cependant difficile d'avoir une idée précise de la couverture du territoire qu'ils assurent. Les conseils locaux de santé mentale (CLSM) semblent être le type de structure le plus développé.

Mis en place à partir du début des années 2000 avant d'être consacrés au plan législatif par la loi de modernisation de notre système de santé de 2016, les conseils locaux de santé mentale sont une instance de concertation et de coordination des acteurs locaux principalement à l'échelle communale et intercommunale. Leur champ d'intervention ainsi que leur composition sont tous deux potentiellement très vastes. Ils peuvent par exemple intégrer des représentants des bailleurs sociaux et des institutions culturelles. Les thèmes dont ils se saisissent incluent tous les aspects de la santé mentale.

De fait, le constat prédominant est celui de leur hétérogénéité. Le centre collaborateur OMS pour la recherche et la formation en santé mentale, dont la mission d'information a pu rencontrer les responsables, conduit depuis plusieurs années une évaluation de leur rôle 143 ( * ) .

Au nombre de plus d'une centaine aujourd'hui, ils suscitent un intérêt important comme relais des politiques territoriales, notamment en matière de psychiatrie. Plus de la moitié d'entre eux associent en particulier les responsables des secteurs de pédopsychiatrie.

Le rapport de M. Michel Laforcade propose de renforcer leur action pour l'articulation des prises en charge sanitaire, sociale et médico-sociale. Le Dr Christian Müller affirme pour sa part qu' « il y aurait intérêt à ce que d'autres acteurs investissent les conseils locaux de santé : les médecins scolaires, les médecins urgentistes, les acteurs de la petite enfance... » 144 ( * ) .


* 140 Article L.1411-4 du code de la santé publique.

* 141 Audition du jeudi 12 janvier 2017.

* 142 Audition du mercredi 8 février 2017.

* 143 « Les conseils locaux de santé mentale : état des lieux », juin 2015.

* 144 Audition du mercredi 1 er février 2017.

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