ANNEXE VIII - PROCÉDURES DE CRÉATION D'INFRASTRUCTURES : COMPARAISONS INTERNATIONALES

La présente annexe a été établie à partir :

- d'une étude de la division de législation comparée de la direction de l'initiative parlementaire et des délégations du Sénat. Cette étude, qui concerne les Pays-Bas et le Canada, est disponible dans l'annexe suivante 344 ( * ) ;

- des réponses apportées par les ambassades de sept pays (Autriche, Allemagne, Espagne, Estonie, Finlande, Pologne, Royaume-Uni) à un questionnaire qui leur a été transmis par la mission d'information le 7 mars dernier ;

- des déplacements de la mission d'information en Suisse (16 mars 2017) et au Danemark (30 et 31 mars 2017).

Ces comparaisons internationales démontrent que la longueur des délais de conception et de réalisation des infrastructures n'est pas un problème propre à la France : aux Pays-Bas, ces délais dépassent onze ans 345 ( * ) , au Canada, un plan d'accélération des procédures intitulé « Emplois, croissance et prospérité à long terme » a été lancé en 2012, etc. En Suisse, le projet ferroviaire CEVA (Cornavin - Eaux-Vives - Annemasse) a commencé en 2001 ne devrait pas être terminé avant 2021. En Allemagne, il faut en moyenne quatorze années pour construire une « grande route fédérale » , un « forum d'innovation » devant prochainement proposer des mesures d'accélération des procédures.

La conception et la réalisation de « grandes routes fédérales » en Allemagne

Étapes de planification et de construction

Durée moyenne

(en années)

Recherche de données existantes, études préliminaires (notamment concernant l'aménagement du territoire, la détermination du tracé, l'évaluation de l'impact sur l'environnement)

3

Conception (notamment élaboration et autorisation d'un projet préliminaire, y compris projet d'accompagnement paysager)

3

Autorisation (notamment procédure d'approbation, y compris la préparation des documents, les procédures, les éventuels recours)

4

Projet d'exécution, passation de marchés et commandes, supervision des travaux (préparation des travaux, travaux de construction proprement dits)

4

Total

14

Source : ambassade d'Allemagne en France

De même, la sédimentation des procédures constitue souvent une difficulté . Au Canada, l'agence d'évaluation environnementale coordonne par exemple vingt étapes administratives, de la conception du projet jusqu'à sa mise en oeuvre. Aux Pays-Bas, la loi du 23 mars 2016 sur la protection et l'utilisation de l'environnement physique de vie vise à unifier, à compter de 2019, un ensemble des procédures disparates précédemment dispersées entre vingt-six textes. En Pologne, une « loi routière spéciale » a été adoptée le 10 avril 2003 afin de simplifier la préparation et la réalisation des investissements routiers.

De nombreux pays suivent une démarche de programmation des infrastructures plus poussée que la France , comme la Pologne ( « programme national de construction routière » , « programme national des chemins de fer » ), l'Espagne ( « plan des infrastructures, des transports et du logement » ), l'Estonie, etc. En Allemagne, un plan des infrastructures fédérales des transports est élaboré par le Gouvernent et des « plans de besoins » sont établis à partir de ce document. Définissant les projets à conduire, ces « plans de besoins » sont adoptés par le Bundestag et actualisés tous les cinq ans.

La participation du public est parfois très forte dès ce stade de planification : en Pologne, plus de quarante mille commentaires ont été recueillis concernant le programme national de construction routière 2014-2023.

Aucun des pays examinés ne possède une structure comparable à la Commission nationale du débat public (CNDP) française :

- l'agence d'évaluation environnementale du Canada et l'organe de concertation des Pays-Bas se chargent globalement de la participation du public dans les projets d'infrastructure, mais ne sont pas indépendants du Gouvernement ;

- la « national infrastructure commission » britannique délivre des recommandations d'ordre général au Gouvernement sur la gestion des infrastructures, mais n'est pas chargée, sur le terrain, d'organiser les dispositifs de concertation du public ;

- dans certains pays, aucune structure spécialement dédiée à la participation du public n'existe (Espagne, Finlande, Suisse et Pologne notamment). Les dispositifs de concertation relèvent alors directement du Gouvernement ou des autorités locales. En Autriche, des experts sont toutefois chargés de contrôler « l'autorisation de compatibilité environnementale » délivrée par le ministre fédéral des transports, de l'innovation et de la technologie.

À l'inverse de la France, certains États ont réussi à centraliser sur un même site internet les informations relatives à la conception et à la réalisation des infrastructures . Tel est le cas des Pays-Bas ( http://www.platformparticipatie.nl ) ou du Canada (registre canadien d'évaluation environnementale ( www.ceaa-acee.gc.ca ).

Les dispositifs participatifs mis en oeuvre sont très divers : « négociations orales » en Autriche et « discussions publiques » en Estonie (qui se rapprochent des réunions publiques organisées en France), consultation des riverains, des entreprises et des associations en Pologne, ateliers citoyens en Finlande, etc. L'enquête publique française ne semble pas avoir d'équivalent dans les exemples examinés.

Dans la plupart des cas, une large marge de manoeuvre est laissée pour l'organisation des consultations du public , les procédures étant moins « normées » qu'en France. Aux Pays-Bas, la loi ne prescrit pas les modalités de cette participation, les démarches participatives étant « sur mesure ». En Pologne, les administrations publiques sont libres d'organiser leurs procédures dès lors qu'elles respectent les principes généraux « d'information » et de « participation active des parties à la procédure » . En Allemagne, les maîtres d'ouvrage disposent également d'une large marge de manoeuvre, mais ils peuvent s'appuyer, en tant que de besoin, sur le « guide de la consultation du public » rédigé par le ministère fédéral des transports et des infrastructures numériques (BMVI).

Des délais minimaux de concertation sont toutefois prévus. Ils sont, à titre d'exemple, de dix semaines en Autriche (six semaines avant l'expertise de compatibilité environnementale et quatre semaines après), de quarante-cinq jours en Estonie et de trente-cinq jours sur les documents de planification en Pologne.

Le Canada se singularise par son programme d'aide financière à destination des participants. À titre d'exemple, près de 15 000 euros et de 5 000 euros ont été versés en 2015 réciproquement à « Conservation Halton » et à « Milton says no » , qui contestaient la réalisation de 20 kilomètres de voies ferrées dans la ville de Milton (Ontario).


* 344 Cf. annexe IX.

* 345 Résultat de la commission Elverding, à partir de l'examen de 120 projets réalisés aux Pays-Bas entre 1998 et 2007.

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