C. UNE MISE EN oeUVRE EFFECTIVE DES DIRECTIVES NÉCESSITE UN PILOTAGE FORT ET UNE APPROCHE DÉCLOISONNÉE

1. La création de lieux de gouvernance locaux participerait à une mise en oeuvre effective des directives environnementales

Une mise en oeuvre rapide et efficace des directives européennes appelle une gouvernance claire et un pilotage fort au niveau local.

L'association de l'État et des acteurs locaux apparaît comme un facteur essentiel du succès de la mise en oeuvre d'une directive environnementale, lorsque certaines obligations qui en découlent relèvent de leur domaine de compétence.

En effet, cette relation partenariale au niveau local, entre structures déconcentrées et collectivités territoriales (communes, départements, régions, syndicats et intercommunalités, métropoles), ne saurait découler exclusivement de l'application du récent principe de coresponsabilité politique et financière présenté plus haut.

Il est impératif de veiller à ce que les transferts de compétence de l'État aux collectivités territoriales récemment opérés s'accompagnent en pratique d'un appui et de financements nécessaires de la part de l'État, afin de ne pas laisser le poids des initiatives et des investissements aux seules collectivités.

Par ailleurs, la multiplication des centres de décision et d'action accroît le risque de méconnaissance du droit européen environnemental. De surcroît, il existe des disparités importantes entre collectivités en fonction des moyens dont elles disposent, tant pour assumer une veille juridique que pour avoir une réelle connaissance des obligations du droit de l'Union européenne qui s'imposent à elles.

Une des principales causes de blocage identifiées dans la mise en oeuvre des directives environnementales tient en effet à la faiblesse de la relation partenariale entre l'État et les collectivités au niveau local, la décentralisation et la nouvelle répartition des compétences issue de la récente réforme territoriale entraînant une dilution des responsabilités.

C'est pourquoi la création de lieux de gouvernance spécifique à la mise en oeuvre des directives environnementales au niveau local doit être encouragée.

Les points de blocage dans la mise en oeuvre découlent non seulement d'une carence d'instances de décision, mais aussi d'une complexité des flux financiers qu'elle implique. Si les coûts de la mise en oeuvre des directives européennes environnementales ne sont pas chiffrés, dès lors qu'elle se fond dans les politiques publiques sectorielles, les moyens de fonctionnement et d'investissement, associés aux politiques sectorielles concernées, sont considérables. Par exemple, la mise en oeuvre de la législation européenne relative aux eaux résiduaires urbaines représente des dépenses d'investissement en infrastructures très importantes. Aussi la création d'instances de gouvernance devra-t-elle permettre d'aborder le plan de financement des actions nécessaires à la mise en oeuvre de la directive.

Ce lieu de gouvernance réunirait les acteurs responsables de la mise en oeuvre des directives environnementales (équipes de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, élus compétents des métropoles, de la région, des communes et intercommunalités). En plus d'aborder le cadrage financier des actions, cette instance serait l'occasion d'assurer le suivi opérationnel des actions.

Recommandation n° 9 : au niveau local, encourager la création d'instances de pilotage dédiées à la mise en oeuvre des directives environnementales, afin d'approfondir la relation partenariale entre l'État et les collectivités territoriales et d'aborder la question du plan de financement nécessaire à cette mise en oeuvre .

2. Promouvoir une approche globale et décloisonnée des questions environnementales

Comme y invitaient plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) dans une lettre ouverte adressée au Président de la République en mai dernier 126 ( * ) , la création d'un ministère d'État de la transition écologique et solidaire constitue un signal fort pour une appréhension globale des enjeux environnementaux.

Le décloisonnement des problématiques environnementales apparaît fondamental, tant dans le traitement législatif qui leur est réservé que dans l'approche retenue pour leur mise en oeuvre.

Il est essentiel d'adopter une approche globale des actions dans le domaine environnemental, tenant compte des effets inverses que peuvent avoir certaines mesures. Comme le rappelait Fabienne Keller dans son rapport, « les mesures ne doivent pas être cloisonnées d'un domaine à l'autre dans le domaine environnemental : il faut adopter une vision globale multi-causale et multi-objectifs, qui prenne en compte les différentes dimensions d'une problématique » 127 ( * ) . S'il y a lieu de saluer la prise en compte du caractère « solidaire » que doit impérativement revêtir la transition écologique, il faut néanmoins regretter l'absence du logement, de l'urbanisme, et de l'aménagement du territoire dans le périmètre du ministère.

À titre d'exemple, la question de la qualité de l'air ne saurait être traitée de concert avec la thématique du logement. En effet, l'exemple développé infra de la pollution de l'air aux particules dans les Hauts-de-France, principalement liée au chauffage résidentiel, met en lumière l'interaction entre qualité de l'air et isolation thermique des logements, qui elle-même renvoie à la problématique des foyers pauvres recourant plus facilement au chauffage au bois. Ainsi, le ministère de la transition écologique et solidaire et celui de la cohésion des territoires devront travailler en forte synergie sur ce sujet. À ce titre, le ministre de la transition écologique et solidaire devra élaborer « les règles techniques, y compris thermiques, relatives à la construction des bâtiments et des ouvrages de génie civil » 128 ( * ) , conjointement avec le ministre de la cohésion des territoires.

Une collaboration étroite est également attendue avec les ministères des solidarités et de la santé 129 ( * ) , ainsi qu'avec le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, notamment dans le cadre des états généraux de l'alimentation et de l'agriculture qui devraient se tenir ces prochaines semaines.

L'application du droit européen environnemental nécessite ainsi un pilotage fort et interministériel, les problématiques transversales qui le sous-tendent ne s'accommodant pas des cloisonnements ministériels.

L'élaboration en cours d'une feuille de route gouvernementale en matière de transition écologique constitue une excellente initiative en ce sens .

Il y a lieu de rappeler que l'approche globale et intégrée des problématiques environnementales ici recommandée au niveau national a pu manquer à la Commission européenne , pour laquelle le traitement des atteintes à l'environnement a souvent donné lieu à l'adoption de différentes directives thématiques - directive sur la qualité de l'air, le bruit, les déchets, directive cadre sur l'eau. Cette approche intégrée, au niveau européen, permettrait pourtant de mieux anticiper les difficultés d'application par les États membres.

Outre la revue de la mise en oeuvre de la politique environnementale européenne précédemment décrite, des initiatives contrebalancent toutefois ce constat. Le prix de la Capitale verte européenne décerné, chaque année depuis 2010, à une ville conduisant une politique environnementale ambitieuse en offre une illustration. Les candidatures sont en effet évaluées selon douze indicateurs tenant compte des multiples aspects de la question environnementale : la contribution locale à la lutte contre le changement climatique planétaire, les transports, les espaces verts urbains, le bruit, la production et la gestion des déchets, la nature et la biodiversité, l'air, la consommation d'eau, le traitement des eaux usées, l'éco-innovation et l'emploi durable, la gestion de l'environnement par les pouvoirs locaux et la performance énergétique. Il est dommage qu'une seule ville française - Nantes - ne figure à ce jour parmi les dix lauréates 130 ( * ) .


* 126 Lettre ouverte au Président de la République sur la place de l'écologie dans le futur Gouvernement, France Nature Environnement, Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l'homme, agir pour la biodiversité, réseau action climat France, WWF France, Humanité et biodiversité, les amis de la terre France, Surfrider Foundation Europe, 9 mai 2017.

* 127 « L'application du droit communautaire de l'environnement : de la prise de conscience à la mobilisation des acteurs », rapport d'information n° 20 (2011-2012) de Mme Fabienne Keller, fait au nom de la commission des finances.

* 128 Décret n° 2017-1071 du 24 mai 2017 relatif aux attributions du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

* 129 Le décret n° 2017-1071 du 24 mai 2017 relatif aux attributions du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire mentionne ainsi la participation du ministre, en liaison avec le ministère des solidarités et de la santé, « à la détermination de la politique de la santé en tant que cette dernière est liée à l'environnement ».

* 130 Le prix a été décerné en 2010 à Stockholm, en 2011 à Hambourg, en 2012 à Vitoria Gasteiz, en 2013 à Nantes, en 2014 à Copenhague, en 2015 à Bristol, en 2016 à Ljubjana, en 2017 à Essen, pour 2018 à Nimègue, et pour 2019, à Oslo.

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