N° 612

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 juillet 2017

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur les unités hospitalières spécialement aménagées ,

Par Mmes Laurence COHEN, Colette GIUDICELLI et Brigitte MICOULEAU,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Alain Milon , président ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général ; M. Gérard Dériot, Mmes Colette Giudicelli, Caroline Cayeux, M. Yves Daudigny, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Gérard Roche, Mme Laurence Cohen, M. Gilbert Barbier, Mme Aline Archimbaud , vice-présidents ; Mme Agnès Canayer, M. René-Paul Savary, Mme Michelle Meunier, M. Jean-Louis Tourenne, Mme Élisabeth Doineau , secrétaires ; M. Michel Amiel, Mme Nicole Bricq, MM. Olivier Cadic, Jean-Pierre Caffet, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Noël Cardoux, Daniel Chasseing, Olivier Cigolotti, Mmes Karine Claireaux, Annie David, Isabelle Debré, Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Chantal Deseyne, M. Jérôme Durain, Mmes Anne Émery-Dumas, Corinne Féret, MM. Michel Forissier, Jean-Marc Gabouty, Mmes Françoise Gatel, Frédérique Gerbaud, M. Bruno Gilles, Mmes Pascale Gruny, Corinne Imbert, MM. Éric Jeansannetas, Georges Labazée, Jean-Baptiste Lemoyne, Mmes Hermeline Malherbe, Brigitte Micouleau, Patricia Morhet-Richaud, MM. Jean-Marie Morisset, Philippe Mouiller, Mmes Catherine Procaccia, Stéphanie Riocreux, M. Didier Robert, Mme Patricia Schillinger, MM. Michel Vergoz, Dominique Watrin, Mme Évelyne Yonnet .

LISTE DES PRINCIPALES PROPOSITIONS

__________

1. Favoriser les échanges et l'élaboration de bonnes pratiques entre les équipes soignantes des unités hospitalières spécialement aménagées.

2. Mettre les moyens en personnel et en transports de l'administration pénitentiaire en adéquation avec les besoins des unités.

3. Renforcer la formation et l'information des magistrats sur le rôle et le fonctionnement des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA).

4. Lancer la deuxième phase du programme de construction des UHSA prévu lors de leur création en 2002.

5. Renforcer la possibilité de recours aux aménagements de peine pour les personnes détenues atteintes de troubles mentaux dans le cadre d'une obligation de soins.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La commission des affaires sociales du Sénat a confié à Mmes Colette Giudicelli, Brigitte Micouleau et Laurence Cohen une mission d'information sur les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA). Ce travail au long cours s'inscrit dans la suite des précédents travaux de contrôle effectués par la commission. En effet, la question des UHSA a été abordée une première fois en 2010 dans un rapport conjoint avec la commission des lois, pour lequel avaient été désignés rapporteurs Mme Christiane Demontès et M. Gilbert Barbier. En 2012 le rapport du Président Milon sur la prise en charge psychiatrique des personnes atteintes de troubles mentaux avait à nouveau abordé cette question.

Cinq ans après ce dernier rapport, la commission a considéré que le moment était venu pour elle de se pencher à nouveau sur cette question. En effet, les UHSA sont un dispositif très spécifique destiné à apporter une réponse à un problème grave, la prise en charge psychiatrique des personnes détenues. De plus, cette mission intervient à un moment charnière, la première phase de construction des unités étant, enfin, achevée avec l'ouverture de l'UHSA de Marseille sur le site de l'hôpital Édouard Toulouse.

Savoir si le bilan des premières UHSA justifie le lourd investissement que nécessiterait la mise en oeuvre de la seconde phase de constructions était un des objectifs premiers de cette mission. A l'issue de ses travaux, cet investissement paraît nécessaire à la commission au regard de l'ampleur des besoins en matière de pathologies mentales lourdes au sein de la population des personnes détenues, et de la qualité des soins que les UHSA rendent possible. Vos rapporteurs ont été particulièrement marqués lors de leurs visites par l'engagement tant des équipes soignantes que de celles de l'administration pénitentiaire et estiment que ces dynamiques, enclenchées lors de la création des unités, doivent être encouragées et étendues à l'ensemble du territoire.

Le développement des UHSA ne présente cependant d'intérêt sanitaire que si leurs missions sont claires et le demeurent. Tout problème social et à l'intérieur du monde pénitentiaire, tout problème disciplinaire, n'appelle pas une réponse psychiatrique. Les UHSA n'ont pas vocation à prendre en charge les personnes jugées dangereuses ou dont le comportement perturbe le fonctionnement des établissements carcéraux, mais uniquement les personnes malades, auxquelles elles doivent apporter des soins hospitaliers pour le temps nécessaire à la stabilisation de leur état.

De même, les UHSA ne doivent pas servir de caution aux déficiences réelles ou supposées de notre système de prise en charge psychiatrique. Concrètement, l'incarcération des personnes atteintes de troubles mentaux pose à notre justice pénale une question qui ne peut être résolue que par un dialogue permanent, organisé et de terrain entre magistrats et équipes soignantes.

Ce dispositif récent que sont les UHSA est important et intéressant à condition de l'utiliser pour les fins qui sont les siennes : offrir une prise en charge hospitalière à temps complet pour les troubles mentaux des personnes détenues pour la durée qui est nécessaire à l'amélioration de leur état. Si on parvient à l'utiliser conformément à sa vocation, il est important de le préserver et de mener son développement à son terme.

I. LA PLACE DES UHSA DANS LE SYSTÈME DE SOINS

A. LE PRINCIPE DE L'ACCÈS DES DÉTENUS AUX MÊMES SOINS QUE LA POPULATION GÉNÉRALE

Les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) ont été créées par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, dite loi Perben I, qui a inscrit dans le code de la santé publique la disposition suivante : « L'hospitalisation, avec ou sans son consentement, d'une personne détenue atteinte de troubles mentaux est réalisée dans un établissement de santé, au sein d'une unité spécialement aménagée ». Ce dispositif a depuis été précisé, en dernier lieu par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé 1 ( * ) . Les rapporteurs de la commission des affaires sociales ont visité trois des neuf UHSA actuellement en fonctionnement, celle du Vinatier à Lyon, la première UHSA, inaugurée en 2010 par Mme Simone Veil et qui porte son nom, celle de Fresnes rattachée au centre hospitalier Paul Guiraud, ouverte en 2013 et celle de l'hôpital Gérard Marchant à Toulouse, la deuxième UHSA, qui a ouvert ses portes en 2012.

Le principe fondamental concernant les soins en prison est que les personnes détenues doivent bénéficier, dans toute la mesure du possible, des prises en charge accessibles à l'ensemble de la population.

Ainsi, depuis 1994, l'organisation des soins dans les établissements pénitentiaires ne dépend plus du ministère de la justice mais de celui de la santé, qui affecte aux unités de soins en prison des personnels hospitaliers et contractuels.

Historiquement, deux niveaux de structure existent pour la prise en charge des soins somatiques et psychiatriques. Le premier est constitué par les unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) situées au sein de chaque établissement. Il y en a 179. Elles ont vocation à prendre en charge les soins ambulatoires tant pour ce qui concerne la santé physique que mentale. Le deuxième niveau de prise en charge est spécifique à la santé mentale. Il est constitué par les 26 services médicaux psychologiques régionaux (SMPR) qui doivent proposer des consultations psychiatriques spécialisées voire une hospitalisation de jour. En mettant en place ces structures on espérait couvrir les besoins en santé physique et mentale de la population détenue. UCSA et SMPR sont désormais regroupés sous le vocable unique d' « unités sanitaires »

Force est cependant de constater que ces moyens sont parfois insuffisants. Sans parler de la santé physique, la santé mentale des personnes détenues est beaucoup plus dégradée que celle de la population générale. De nombreuses études de prévalence ont été menées au début des années 2000, au moment où la question de la « dangerosité » agitait le débat public. Il en ressort que la prévalence des maladies mentales en prison est particulièrement importante, soit que l'on incarcère des personnes atteintes de troubles mentaux, nous y reviendrons, soit que la prison soit elle-même pathogène. Les deux explications se cumulent.


* 1 Articles L. 3214-1 et suivants du code de la santé publique.

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