B. LA COMPOSITION DES CONSEILS CITOYENS : UN RECRUTEMENT ORIENTÉ VERS L'APPEL AUX VOLONTAIRES

1. Des règles de composition fixées dans un « cadre de référence »

La loi Lamy a donné peu de précision sur la mise en oeuvre des conseils citoyens. Elle indique seulement que le conseil citoyen doit être composé de deux collèges :

- un collège composé d'habitants ; ces derniers étant tirés au sort et la parité devant être assurée ;

- un collège composé des représentants des associations et acteurs locaux.

Faute d'arrêté du ministre chargé de la ville, les élus ont dû pour mettre en oeuvre ces conseils se reporter à un « cadre de référence » du ministère, complété depuis le début de l'année 2017 par une circulaire.

Ce « cadre de référence » a ainsi précisé que le collège « habitants » devait constituer au moins 50 % des membres du conseil citoyen et qu'il devait être « représentatif des différentes composantes de la population du quartier » et notamment des jeunes.

Il a également préconisé de réaliser le tirage au sort, d'une part, à partir d'une liste de bailleurs, d'EDF ou de la liste électorale et, d'autre part, à partir d'une liste composée de volontaires. La circulaire précitée a de nouveau invité les élus à recourir à plusieurs listes pour procéder au tirage au sort.

Le collège des associations et acteurs locaux doit, selon le « cadre de référence », « garantir la représentation d'associations et de collectifs directement implantés dans le quartier prioritaire concerné ainsi que des acteurs de terrain, exerçant une activité professionnelle ou non lucrative au sein du quartier et ne présentant pas de lien direct avec l'un des acteurs institutionnels déjà représentés au sein des instances du contrat de ville ».

La loi ne précise pas le nombre de membres que doit comporter un conseil citoyen, laissant ainsi toute latitude aux élus locaux pour déterminer ce nombre en fonction des nécessités du terrain. Cependant, la circulaire du 2 février 2017 précitée a conseillé d'en avoir entre 15 et 50 membres.

2. Les difficultés liées au recours au tirage au sort

Vos rapporteures ont pu constater lors de leurs déplacements la diversité des solutions retenues par les acteurs locaux pour mettre en place les conseils citoyens.

Le bilan de la composition du conseil citoyen par tirage au sort préconisé par le « cadre de référence » est mitigé. En effet, selon l'enquête du CGET/ONPV précitée, seuls 45 % des conseils citoyens ont été constitués suivant les modalités de recrutement requises par le « cadre de référence » en réalisant un tirage au sort sur des listes administratives complété d'un appel à volontaires (33 %) ou un tirage au sort sur des listes administratives (11 %). Une majorité de conseils citoyens (48 %) a été constituée avec un appel à volontaires , sans tirage au sort pour 29 % de ceux-ci et avec tirage au sort sur des listes de volontaires pour 19 %.

L'importance du recours au volontariat est pour vos rapporteures révélateur des difficultés rencontrées par les élus pour procéder au tirage au sort à partir de listes neutres.

Une première difficulté réside dans le choix de la ou des listes retenues pour réaliser ce tirage au sort. En effet, ce choix n'est pas anodin, chaque type de liste n'étant pas représentatif à lui seul des habitants des quartiers prioritaires. Ainsi, les listes électorales ne prennent pas en compte les non-inscrits, les mineurs, ou les personnes de nationalité étrangère. Les listes scolaires tendent à écarter les personnes sans enfants et les personnes âgées. Les listes des bailleurs sociaux ne permettent pas de prendre en compte les habitants du quartier qui résident dans le parc privé. Pour obtenir la meilleure représentation possible, les élus locaux auraient dû mixer différentes listes. Tel n'a pas été le cas en pratique, seule une minorité de conseils citoyens ayant été composée à partir de listes mixées.

Plusieurs élus ont souligné les difficultés à obtenir ces listes. Faute d'avoir inscrit dans la loi la possibilité d'utiliser certains fichiers pour la constitution des conseils citoyens, les bailleurs sociaux comme EDF se sont légitimement interrogés au regard de la loi informatique et liberté sur la légalité de transmettre des listes nominatives pour la constitution des conseils citoyens.

Ainsi, dans une résolution à destination de ses bailleurs, l'USH a précisé que le recours aux fichiers de locataires était « une possibilité et non une obligation . D'ailleurs, le cadre de référence n'a aucune valeur juridique. Aussi, la solution qui consiste à transmettre uniquement des numéros de logements à la ville, paraît pertinente . »

Une seconde difficulté réside dans la procédure elle-même . La procédure du tirage au sort sur des listes neutres est plus complexe qu'un tirage au sort à partir d'une liste de volontaires. En effet, le tirage au sort sur les listes précitées suppose d'obtenir des listes, de tirer au sort, d'informer les personnes tirées au sort, voire de les relancer pour obtenir une réponse et éventuellement de refaire un tirage au sort. Certaines communes ont été conduites en raison d'une série d'abandons à procéder à plusieurs tirages au sort successifs.

Pour faciliter le taux de réponses positives, plusieurs communes ont procédé à une campagne de communication au préalable en distribuant des courriers dans les boîtes aux lettres, en affichant et en distribuant des flyers explicatifs, en faisant insérer des articles dans la presse locale, en organisant des réunions d'information, certaines allant même jusqu'à réaliser du porte à porte. Le Conseil national des villes, porteur du Comité national de suivi des conseils citoyens, a indiqué à vos rapporteures que ces démarches de sensibilisation préalable permettaient une mobilisation plus importante.

On peut dès lors comprendre que ce mode de désignation par tirage au sort sur des listes neutres soit demeuré limité en raison de sa lourdeur et de sa lenteur de mise en oeuvre mais aussi en raison de sa moindre visibilité par rapport à un appel à candidatures plus large.

Malgré ces difficultés, nombre d'acteurs se sont montrés satisfaits de l'introduction d'un tirage au sort à partir de listes neutres ou de listes de volontaires. Le recours au tirage au sort a en effet permis dans un certain nombre de villes un renouvellement des instances de démocratie participative et a suscité de nouvelles vocations en attirant des personnes qui ne s'étaient jusque-là pas engagées dans les instances de démocratie locale.

Néanmoins, si le recours au tirage au sort garantit la représentation de l'ensemble de la population concernée, il n'empêche ni les absences ni les démissions . Vos rapporteures regrettent que l'enquête menée par le CGET sur les conseils citoyens n'ait pas abordé la question du turnover qu'elles ont constaté lors de leurs déplacements. Interrogé sur cette question, le Conseil national des villes, porteur du Comité national de suivi des conseils citoyens, a indiqué que les membres de son collège habitants n'avaient pas constaté de désaffection massive bien que des cas soient constatés comme à Montpellier, par exemple, où 95 % des habitants tirés au sort ne viennent pas.

Plusieurs raisons expliqueraient la désaffection des membres des conseils citoyens :

- le mode de désignation par tirage au sort et plus particulièrement l'impréparation en amont ;

- les modalités de fonctionnement du conseil citoyen (horaires inadaptés, équilibre au sein du groupe, longues discussions sur le mode de fonctionnement) ;

- le manque de reconnaissance soit par les élus soit par les habitants du quartier.

L'Association nationale des délégués du préfet a proposé de mettre en place un « système plus souple d'entrées et de sorties » dans les conseils citoyens pour faciliter les remplacements au sein du conseil. Cette souplesse permettrait d'éviter un essoufflement du conseil et de permettre que les nouvelles personnes bénéficient rapidement des droits spécifiques qui leur sont accordés en leur qualité de membre de conseil citoyen (formation, congé..).

La constitution du collège « associations et acteurs locaux » semble avoir suscité moins de difficultés.

La présence de ces acteurs historiquement très présents dans les quartiers devait permettre au collège « habitants » de bénéficier de l'expertise et des ressources de ces acteurs en matière de politique de la ville.

Vos rapporteures ont cependant eu écho de conseils citoyens où les acteurs associatifs ne jouaient pas nécessairement le jeu de la complémentarité et de la formation des habitants, voire étaient peu mobilisés et peu présents au sein du conseil citoyen. Elles souhaitent que le CGET analyse ces cas pour savoir s'ils sont exceptionnels ou non.

Recommandation n° 15 : Faciliter le fonctionnement des conseils citoyens :

- en inscrivant dans la loi la possibilité de recourir à certains fichiers administratifs (fichiers électoraux, fichiers des impôts locaux et/ou des bailleurs sociaux) pour réaliser le tirage au sort des membres du collège « habitants » ;

- en menant une étude sur les vacances et démissions au sein des conseils citoyens et expliquant les raisons de ce phénomène ;

- en facilitant le remplacement des membres démissionnaires.

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