III. LE CONSEIL CITOYEN : UNE INSTANCE ENCORE BALBUTIANTE

L'affirmation du principe de coconstruction avec les habitants, au travers notamment de la création des conseils citoyens et des maisons de projet dans le cadre du NPNRU, est un des grands axes de la réforme de la loi Lamy.

Si lors de l'examen de la loi Lamy, les parlementaires ont volontiers reconnu l'expertise d'usage des habitants et l'utilité de les faire participer à la mise en oeuvre de la politique de la ville, en revanche ils avaient exprimé des positions divergentes sur les modalités de cette coconstruction. À cet égard, on ne peut que regretter qu'une disposition aussi importante ait été introduite par le Gouvernement en cours de navette et n'ait donc pas fait l'objet d'une étude d'impact préalable.

L'article 7 de la loi Lamy instaure les conseils citoyens et précise que les modalités d'application de ces dispositions seront précisées par arrêté du ministre chargé de la ville. Toutefois, le Gouvernement n'a pas jugé nécessaire de prendre cet arrêté, lui préférant dans un premier temps la mise en place d'un « cadre de référence » diffusé sur le site Internet du ministère pour accompagner les partenaires du contrat.

Cependant, à la demande des acteurs locaux, ce « cadre de référence » a été complété par une circulaire publiée le 2 février 2017 visant « à repréciser le cadre de création et de fonctionnement des conseils citoyens afin d'assurer une plus grande harmonisation des pratiques, une animation et des modes de fonctionnement qui garantissent la pérennité de cette nouvelle institution et de l'engagement personnel de ses membres ». Pour vos rapporteures, la publication de cette circulaire apparaît bien tardive à l'heure où une majorité de conseils citoyens ont déjà été installés.

Le Gouvernement a décidé en 2015 d'installer un Comité national de suivi des conseils citoyens réunissant les principaux acteurs de la politique de la ville 11 ( * ) et chargé, d'une part, d'accompagner la mise en oeuvre et le déploiement des conseils citoyens et, d'autre part, de repérer et diffuser les pratiques innovantes. À ce titre, il a été consulté sur la circulaire précitée. Afin d'assurer la pérennité de ce comité, celui-ci a été rattaché au Conseil national des villes.

A. LA MISE EN PLACE DES CONSEILS CITOYENS DISCUTÉE

1. Les réticences de certains élus pour mettre en place les conseils citoyens

Dans son rapport 12 ( * ) sur le projet de loi, Claude Dilain déclarait « que la participation [des habitants] ne doit pas être vue comme un obstacle et une source de délais supplémentaires mais comme une possibilité d'améliorer le projet comme d'éviter des risques de blocages ou d'insatisfaction ultérieurs ».

Pourtant, certains élus sont encore peu motivés par l'installation des conseils citoyens, comme l'a indiqué l'Association nationale des délégués du préfet à vos rapporteures.

Ces réticences ont plusieurs causes. La première d'entre elles tient à l'existence d'un tissu participatif important sur le territoire concerné. Dans ces cas, les élus ont en effet eu le sentiment de se voir imposer un modèle au mépris des dispositifs existants sur leur territoire et ont craint qu'il ne soit instrumentalisé par leur opposition locale.

La réticence des élus peut également venir de leurs difficultés à mettre en oeuvre ce nouveau dispositif de démocratie participative notamment quand ils ont connu des difficultés avec de précédents dispositifs participatifs ou lorsque ces précédents dispositifs n'ont pas fonctionné sur leur territoire. En outre, le Conseil national des villes, porteur du Comité national de suivi des conseils citoyens, a indiqué que les membres des conseils citoyens siégeant au conseil avaient souligné les difficultés des élus à trouver la bonne méthode pour travailler avec des habitants et plus seulement des techniciens.

Néanmoins, fin 2016, selon l'enquête sur la mise en oeuvre des conseils citoyens du CGET/ONPV, on dénombrait 1 054 conseils citoyens installés ou en cours de constitution. Trois quartiers prioritaires sur quatre sont ainsi couverts par un conseil citoyen.

2. Un principe « un conseil citoyen par quartier » pas toujours respecté

L'article 7 de la loi Lamy pose le principe selon lequel chaque quartier prioritaire de la politique de la ville doit avoir un conseil citoyen .

Selon l'enquête du CGET/ONPV précitée, 74 % des conseils citoyens couvrent un quartier prioritaire, 17 % couvrent plusieurs quartiers et 9 % couvrent une partie de quartier.

Le principe « un conseil citoyen par quartier » n'est donc pas toujours respecté , comme l'ont constaté vos rapporteures lors de leurs déplacements. À titre d'exemple, deux conseils citoyens ont été constitués à Saint-Nazaire couvrant trois quartiers. Dans l'agglomération nantaise, cinq conseils citoyens ont été créés dans les quartiers nantais de Malakoff et Nantes nord (couvrant trois quartiers prioritaires), du Sillon de Bretagne à Saint-Herblain, de Château-Mahaudières à Rezé et de Plaisance à Orvault. Dans le département du Nord, il convient de noter l'exemple de la commune de Vieux-Condé qui est revenue sur son choix initial d'accompagner la création de conseils citoyens distincts pour ses deux quartiers prioritaires.

Plusieurs raisons ont été avancées à vos rapporteures pour expliquer le non-respect de cette règle. Tout d'abord, la taille du quartier a pu jouer sur le nombre de conseils citoyens, un rapprochement avec d'autres conseils citoyens étant privilégié lorsque le quartier est trop petit ou plusieurs conseils citoyens étant créés lorsque le quartier est trop important. Tel est le cas de Marseille qui comprend à la fois des quartiers prioritaires composés d'environ 1 000 habitants ou très peuplés pouvant atteindre 87 000 habitants.

Ensuite, certains élus ont souhaité dans un contexte de réduction des moyens financiers des communes rationaliser la mise en place de ces nouvelles instances afin de faciliter la mobilisation des services locaux de la politique de la ville qui en pratique accompagnent la création de ces conseils et en assurent le suivi.

Enfin, des élus ont cherché à favoriser la mobilisation d'un nombre suffisant d'habitants dans les conseils citoyens, notamment dans les communes où existent déjà des dispositifs de participation des habitants.

Vos rapporteures notent que la circulaire du 2 février 2017 précitée a entériné cette situation en précisant que ce choix du nombre de conseils citoyens était laissé à l'appréciation des acteurs du contrat de ville sous couvert du préfet !


* 11 Sont membres du comité de suivi : Les grands réseaux associatifs présents dans les QPV (le Mouvement associatif, la Coordination nationale Pas Sans Nous) ; Le Comité national de liaison des régies de quartier (CNLRQ) ; La Fédération des centres sociaux et socioculturels de France (FCSSF) ; MozaïkRH ; L'inter-réseaux des professionnels du développement social urbain (IRDSU) ; Les centres de ressources de la politique de la ville (CRPV) ; L'Association des maires Ville & Banlieue ; L'Association des Maires de France ; France urbaine ; L'association nationale des délégués du préfet (ANDP) ; Des délégués du préfet ; Des représentants des préfets délégués pour l'égalité des chances ; Des sous-préfets ville ; Des membres du collège Habitants du Conseil national des villes (CNV) ; L'Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU).

* 12 Rapport n° 250 (2013-2014) sur le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine

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