B. DES PROBLÉMATIQUES URBAINES COMMUNES AUX PAYS DU SUD ET DU NORD

La question urbaine revêt une importance particulière en Amérique latine , qui abrite la population la plus urbanisée au monde. Le taux d'urbanisation est ainsi de 80 %, comme en Amérique du Nord, contre 73 % en Europe, moins de 50 % en Asie et 40 % en Afrique. La Colombie s'inscrit pleinement dans ce cadre , avec l'agglomération de Bogotá (11 millions d'habitants) et, dans une moindre mesure, celles de Medellín et Cali.

Sans pour autant gommer tout particularisme, vos rapporteurs spéciaux ont pu constater que les problématiques urbaines se posaient souvent dans des termes similaires, en France et en Colombie .

À ce titre, cette proximité illustre parfaitement la nouvelle logique des « objectifs du développement durable », adoptés à New York en septembre 2015 et qui se sont substitués aux « objectifs du millénaire pour le développement ». En effet, il ne s'agit plus d'un agenda de rattrapage, mais d'un agenda de convergence : en d'autres termes, les objectifs sont les mêmes dans les pays du Nord et du Sud. C'est d'ailleurs cette convergence des objectifs qui conduit également à vouloir rapprocher notre banque de développement international, l'AFD, et notre banque de développement domestique, la Caisse des dépôts et consignations 6 ( * ) .

1. La coopération avec des urbanistes

Vos rapporteurs spéciaux ont souhaité rencontrer des spécialistes de l'aménagement urbain et territorial. Ils ont ainsi étudié la coopération entre l'AFD et le « groupe Sur » ( Sostenibilidad Urbana y Regional ), laboratoire d'urbanisme de l'Université de Los Andes de Bogotá. Cette coopération a été mise en place fin 2014 pour travailler au développement d'outils d'évaluation des politiques urbaines. Il s'agit notamment de développer des outils d'analyse et des indicateurs pour mieux comprendre les conséquences des politiques publiques en matière de transport.

Daniel Paez, directeur du groupe Sur, leur a présenté le modèle développé au terme de cette coopération, qui permet d'étudier les changements dans les usages et les prix du foncier ainsi que les conséquences des nouveaux systèmes de transport. Ce modèle est un outil d'aide à la décision, appliqué par la ville de Bogotá pour évaluer l'impact sur l'étalement urbain de mesures règlementaires (urbanisation d'une zone environnementale protégée) et d'un projet de train de banlieue. L'AFD participe également à sa promotion, en proposant de l'appliquer dans les villes de Medellín et de Cali.

Ce projet pourrait d'ailleurs également être utile en France. La similarité des questions urbaines dans les deux pays a également été constatée lorsque vos rapporteurs spéciaux ont été invités à partager leur expérience d'élu local en matière d'aménagement du territoire devant les étudiants en urbanisme de l'université de Los Andes .

Présentation devant les étudiants en urbanisme de l'université de Los Andes

De même, vos rapporteurs spéciaux ont rencontré à Medellín l'équipe universitaire « Urbam », centre d'études urbaines et environnementales de l'université EAFIT de Medellín . Alejandro Echeverri, son directeur, leur a présenté les travaux qu'ils ont menés, avec le soutien de l'AFD, sur l'aménagement de l'Uraba, dans le département d'Antioquia (région de Medellín). Là encore on observe des similarités entre pays du Nord et du Sud, puisque Urbam coopère avec l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur), l'agence d'urbanisme de la ville de Paris .

2. Le métro-câble de Medellín

Mondialement connue dans les années 1980 pour la violence qui y régnait et ses cartels, la ville de Medellín - deuxième ville du pays avec une aire urbaine rassemblant 3,5 millions d'habitants - est depuis redevenue un centre économique et financier de première importance, qui réunit 80 sièges des 100 plus grandes entreprises du pays et connait une croissance de 4,4 % par an, contre 3,1 % dans le pays, tandis que la violence y a été très fortement réduite (division par 15 du nombre d'homicides). Elle est aujourd'hui connue pour sa politique innovante en matière d'aménagement social , dans la mesure où son plan de développement accordait la priorité aux quartiers les plus populaires, théâtres des violences les plus importantes. Il fut choisi d'y investir massivement et simultanément dans tous les secteurs, afin de faire basculer rapidement les conditions de vie et donc les mentalités. Ce projet fut résumé par la formule « le plus beau pour les plus pauvres ».

L'AFD a participé au financement de ces projets, à travers le volet transport du « Projet Urbain Intégral » du centre-est de Medellín, permettant de relier ces quartiers périphériques au centre de la ville, afin de les réintégrer. Ainsi, l'agence a octroyé à la ville de Medellín, en 2011, un prêt de 250 millions de dollars visant à financer le projet du Corridor Ayacucho, comprenant une ligne de tramway (4,3 km pour 9 stations) et deux lignes de métro-câble (respectivement 1 et 1,5 km). Les entreprises françaises New TransLohr et Pomagalski ont respectivement fourni les rames de tramway (42 millions d'euros) et les lignes de métro-câble (28 millions d'euros).

Métrocable de Medellín, installé par l'entreprise Pomagalski, pour désenclaver les quartiers populaires des hauteurs de la ville.

Les populations concernées ont vu leurs conditions de mobilité s'améliorer, mais également leurs conditions de vie et de sécurité, grâce au désenclavement de ces zones.

Premier projet de téléphérique urbain, l'exemple de Medellín a inspiré de nombreuses autres villes dans le monde, que ce soit dans des pays du Sud (Équateur par exemple) ou en France, où la ville de Brest notamment s'est récemment équipée d'un tel moyen de transport .


* 6 Voir le rapport d'information n° 532 (2015-2016) de vos rapporteurs spéciaux : « Pour un rapprochement ambitieux de l'Agence française de développement et de la Caisse des dépôts et consignations », 6 avril 2016.

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