B. DE TRÈS LOURDS PROJETS INFORMATIQUES SONT VENUS RÉCEMMENT CONCURRENCER LES PRIORITÉS DU GIP POUR LES RÉGIMES DE RETRAITE

Lors de leurs auditions, vos rapporteurs ont constaté une situation de saturation des régimes de retraite, en particulier des plus petits, face à l'accumulation de projets informatiques lourds auxquels ils ont été tenus de répondre au cours de ces deux dernières années.

Pour les représentants du RSI, « les calendriers définis par le GIP Union retraite ne s'adaptent pas aux contraintes s'imposant aux régimes au titre de nouveaux projets impactant directement leur capacité à faire (...). Dès lors, le calendrier global des travaux et livraisons du GIP Union retraite , voté à un instant T par la collectivité des régimes s'impose à ces derniers sans prise en compte suffisante des impératifs pouvant conduire à des adaptations de feuille de route en interne à tout ou partie des régimes » 128 ( * ) .

En effet, si les seuls principaux régimes sont chargés du développement des services de l'interrégimes décidés dans le cadre du GIP, l'ensemble des régime est toutefois tenu d'assurer la connexion de son système d'information au service créé. Cette action est coûteuse à la fois financièrement et en terme de mobilisation des équipes de développement. C'est tout particulièrement le cas pour le projet du RGCU qui nécessite de prévoir non seulement une connexion aux outils métiers du régime mais également une migration des données dans le nouveau répertoire.

Or ces actions de connexion aux différents services (RGCU, simulateur, pack paiement) se sont ajoutés à une feuille de route par ailleurs chargée pour les régimes de retraite avec un projet prévu de longue date, la déclaration sociale nominative , et un projet décidé rapidement, le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu .

Ces deux projets ont nécessité le déploiement de moyens importants au sein des régimes, ce qui a perturbé l'ordre des priorités de développement et nourri ce sentiment de saturation au moment d'envisager de nouveaux projets interrégimes.

La DSN est l'aboutissement d'un processus de simplification des obligations déclaratives des entreprises en matière sociale, lancée en 2000 avec la création du GIP Modernisation des données sociales 129 ( * ) .

Comme l'indique le site du GIP, il s'agit d'un « fichier [informatique, un flux] mensuel produit [automatiquement par chaque entreprise] à partir [du logiciel] de la paie destiné à communiquer les informations nécessaires à la gestion de la protection sociale des salariés aux organismes et administrations concernées permettant de remplacer l'ensemble des déclarations périodiques ou événementielles et diverses formalités administratives adressées jusqu'à aujourd'hui par les employeurs à une diversité d'acteurs (CPAM, Urssaf, Agirc Arrco, organismes complémentaires, Pôle emploi...) ». L'impact de la simplification est résumé dans le schéma ci-dessous.

Le calendrier de déploiement de la DSN s'est étalé sur trois ans avec le lancement de la phase 1 130 ( * ) en avril 2013, de la phase 2 131 ( * ) en février 2015, de la phase 3 132 ( * ) en octobre 2015 avant une généralisation au 1 er janvier 2017 pour l'ensemble des employeurs privés.

D'après les chiffres communiqués par la Cnav, le coût de mise en oeuvre de la DSN au sein du régime général de retraite entre 2014 et 2016 s'est élevé à plus de 17 millions d'euros : 14 000 jours/hommes pour la maîtrise d'ouvrage et la maîtrise d'oeuvre (soit 9,8 millions d'euros 133 ( * ) ) auxquels s'ajoutent des dépenses de prestations externes et d'achats divers (7,5 millions d'euros).

La DSN illustre bien le coût que peut représenter la connexion d'un organisme à un grand projet informatique comme celui-ci : si le coût de développement de la DSN au niveau du GIP MDS se monte à 103 millions d'euros environ, le coût de la connexion de l'ensemble des acteurs avait été chiffré à 150 millions d'euros supplémentaires 134 ( * ) . Il convient d'avoir conscience de cet écart entre coût de développement et coût global incluant le branchement des régimes pour mesurer l'investissement financier que représente la participation aux projets de l'interrégimes et qui ne se retrouvent pas dans les comptes du GIP Union retraite .

À la DSN, s'est ajoutée à partir de mars 2016 la décision du précédent Gouvernement de prélever à la source l'impôt sur le revenu à partir du 1 er janvier 2018 135 ( * ) . Les régimes de retraite sont doublement concernés puisqu'ils sont chargés d'assurer la collecte de l'impôt sur les pensions qu'ils versent mais également sur les revenus d'activité de leurs salariés.

Pour leurs salariés, les régimes échangeront avec l'administration fiscale à travers leur logiciel de paie comme pour tout employeur. Pour les retraités, ils devront utiliser la plateforme d'échanges spécifique nommée PASRAU (prélèvement à la source des revenus autres). Placée sous la responsabilité du GIP MDS, cette plateforme permettra l'échange d'une déclaration mensuelle nominative qu'enverra la caisse de retraite pour fournir la liste des assurés auxquels elle verse une prestation. La DGFiP transmettra en retour le taux de prélèvement à appliquer sur la pension et le régime procèdera à la collecte et lui versera les sommes correspondantes.

Lancée sans véritable préparation 136 ( * ) , le prélèvement à la source devait initialement être mis en oeuvre dès le 1 er janvier 2018, ce qui laissait
aux 35 régimes de retraite un an et demi pour se préparer 137 ( * ) .

Comme l'ont expliqué les représentants de la Cnav à vos rapporteurs, la mise en oeuvre du PAS dans le régime général a nécessité le développement d'une dizaine de sous-projets pilotés par une gouvernance spécifique représentant une charge totale de 4500 jours/homme (soit environ 3 millions d'euros).

Plusieurs outils de gestion du régime général doivent être adaptés : l'outil de gestion des retraites, l'outil de gestion de la relation clients de même que les chaînes de flux sortants pour éditer les courriers justifiant le paiement de l'impôt. Une formation et un accompagnement du personnel de la Cnav ont également dû être mis en place en particulier pour les téléconseillers, les contrôleurs et gestionnaires mais aussi les agents de l'agence comptable. Le régime général, qui verse une pension à 81 % des retraités en France pour un volume de prestations représentant 40 % des pensions versées dans notre pays, sera ainsi chargé de collecter entre
5 et 7 milliards d'euros, soit 10 % environ des recettes totales de l'impôt sur le revenu . Le coût global du projet PAS s'élèverait à 171,6 millions d'euros après deux ans de fonctionnement.

Au vu de l'activité générée au sein du régime général, l'argument selon lequel le PAS et la DSN ont considérablement alourdi le plan de charge des régimes est donc crédible.

L'explication d'une saturation conjoncturelle des régimes face à la mise en oeuvre de projets informatiques très lourds ne doit donc pas être sous-estimée et peut expliquer en partie les tensions perceptibles au sein de l'interrégimes.


* 128 Réponse écrite à l'une des questions de vos rapporteurs.

* 129 Créé en 2000, ce GIP a pour mission de rendre les démarches déclaratives dans le secteur social plus simples pour les entreprises et leurs mandataires en leur proposant un service pour effectuer et régler par internet l'ensemble des déclarations sociales, simplement, gratuitement et en toute sécurité. Il réunit les organismes de protection sociale et les partenaires sociaux avec le soutien des ministères charges de la sécurité sociale et des petites et moyennes entreprises. La DSN s'inscrit dans la continuité de nombreux travaux antérieurs ayant permis d'aboutir à ce projet de simplification de la vie des entreprises et de sécurisation des procédures déclaratives.

* 130 Phase 1 : transmission des déclarations de mouvements de main d'oeuvre, des attestations de salaires et des formulaires de radiation des contrats complémentaires.

* 131 Phase 2 : transmission de la déclaration unifiée des cotisations sociales et ouverture aux employeurs de travailleurs temporaires.

* 132 Phase 3 : transmission de la déclaration unifiée des cotisations sociales (retraite complémentaire, prévoyance..), des déclarations de cotisation MSA et de la déclaration automatisée des données sociales unifiée.

* 133 Le coût moyen d'un jour/homme à la Cnav est d'environ 680 euros.

* 134 D'après une réponse écrite du GIP MDS à l'une des questions de vos rapporteurs.

* 135 Le prélèvement à la source a été instauré par l'article 60 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 136 L'article 76 de la loi de finances pour 2016 prévoyait toutefois la remise au Parlement d'un rapport du Gouvernement sur les modalités de mise en oeuvre du PAS à compter de 2018. Ce rapport a constitué l'évaluation préalable de l'article du projet de loi de finances pour 2017 qui instaurait finalement le dispositif.

* 137 En août 2017, le Gouvernement a toutefois été autorisé à légiférer par ordonnance pour reporter d'un an l'entrée en vigueur de ce dispositif.

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