EXAMEN EN COMMISSION

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Réunie le jeudi 20 juillet sous la présidence de M. Alain Milon, la commission entend la communication de Mme Anne Emery-Dumas et Gérard Roche, au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, sur l'interrégimes en matière de retraite au service des assurés.

Mme Anne Émery-Dumas, rapporteure. - Comment simplifier notre système de retraites ? C'est à cette question que va s'atteler le Gouvernement dans les prochains mois avec son projet annoncé de réforme systémique des retraites. Mais c'est déjà à cette question que l'interrégimes des retraites tente, depuis quatorze ans maintenant, d'apporter une réponse pragmatique aux assurés.

Les faits sont connus. Le paysage des retraites en France est morcelé : 35 régimes de base, 29 régimes complémentaires. Chaque Français cotise en moyenne à 2,3 caisses de retraite différentes et la part des personnes polypensionnées, c'est-à-dire percevant une retraite d'au moins deux régimes de base, représente chaque année 40 % des départs à la retraite pour les hommes et 30 % des départs à la retraite pour les femmes. Et cette tendance devrait s'amplifier.

Cette situation a justifié la création, lors de la réforme des retraites de 2003, d'un droit à l'information retraite (DAI) qui permet à chaque assuré de disposer, lorsqu'il prépare son départ à la retraite, d'une vision consolidée de ses droits acquis et d'une évaluation de son futur montant de retraite. Ce droit à l'information retraite a été mis en oeuvre par l'ensemble des régimes de retraite, réunis au sein d'un groupement d'intérêt public (GIP) appelé Info retraite. En 2015, ce GIP est devenu le GIP Union retraites à l'occasion de l'élargissement de ses missions, décidé par la réforme des retraites de 2014. Outre le droit à l'information retraite, il est désormais chargé du pilotage de l'ensemble des projets de coordination, de simplification et de mutualisation ayant pour objet d'améliorer les relations des régimes avec leurs usagers.

Aux termes de nos auditions avec notamment des régimes de retraite aussi différents que le régime général, le service des retraites des fonctionnaires de l'État ou le régime spécial de l'Opéra de Paris, il apparaît que l'interrégimes de retraite entre aujourd'hui dans une ère de méfiance. Si le droit à l'information retraite est un succès incontestable qu'il faut souligner, la définition concrète de la nouvelle mission du GIP de simplification et de mutualisation de l'assurance vieillesse ne fait pas l'objet d'un consensus entre le GIP et les régimes. Cette absence de consensus sur le rôle du GIP et les tensions actuellement perceptibles au sein de l'interrégimes au niveau budgétaire résulte en réalité de l'absence de vision stratégique de l'État quant à l'organisation de notre système de retraite. En ce sens, le projet de réforme systémique contribue pour l'instant à l'incertitude du monde de la retraite quant à son avenir.

Aussi, et afin de lancer les travaux de notre commission en vue de cette future réforme, il semble utile de faire le bilan de l'action de l'interrégimes de retraite depuis sa création avant d'analyser les conséquences de cette absence de vision stratégique de l'État sur l'avenir de l'interrégimes et du GIP Union retraite en particulier.

M. Gérard Roche, rapporteur. - Le Général de Gaulle considérait « [qu']une Constitution, c'est un esprit, des institutions, une pratique ». Ce triptyque pourrait très utilement être repris pour analyser le bilan de l'interrégimes en matière de retraite.

L'interrégimes c'est, en effet, tout d'abord des institutions. Le GIP Union retraite a mis en place un système sophistiqué de conseils et de comités permettant une large représentation de l'ensemble des régimes mais très hautement consommateur de ressources. L'Assemblée générale du GIP rassemble 36 organismes couvrant presque l'intégralité des régimes de retraite légalement obligatoires, de base et complémentaire. Il nous semblerait logique que les derniers régimes de retraite à ne pas avoir intégré le GIP Union retraite, en particulier ceux des assemblées parlementaires ou le régime temporaire des enseignants du privé, puissent le faire prochainement. Le conseil d'administration à la composition plus resserrée est l'instance délibérative ordinaire. Les projets informatiques sont discutés au sein de groupes de travail composant une « comitologie » assez complexe et qui s'avère chronophage de l'aveu même des services du GIP et des régimes. Les plus petits régimes spéciaux n'ont d'ailleurs pas les moyens de faire face à toutes les sollicitations. Ils sont représentés au sein du conseil d'administration par le collège des régimes spéciaux qu'anime la caisse centrale de retraite de la SNCF. La démocratie sociale n'est pas en reste puisqu'un comité des usagers, réunissant des représentants des partenaires sociaux, joue un rôle de veille sur les projets développés dans l'intérêt des usagers.

L'ensemble des personnes auditionnées juge que les rapports entre les régimes au sein du GIP, fondés sur le consensus, le respect de l'identité de chaque régime et la transparence, sont de bonne qualité et se développent au sein d'une atmosphère courtoise et constructive. Il semblerait toutefois utile que l'assemblée générale, seule instance à associer directement chacun des régimes et qui se réunit une fois tous les trois ans, puisse le faire chaque année. Les plus petits régimes ont en effet indiqué qu'une instance plus régulière d'information directe sur l'état d'avancement des projets manquait réellement. Nous formulerons une proposition en ce sens qui est partagée par le président du GIP, également président du conseil d'administration de la Cnav et bien connu de notre commission, M. Gérard Rivière.

L'interrégimes c'est aussi une pratique, celle du droit à l'information retraite, qui constitue aujourd'hui encore le coeur de métier du GIP.

Le DAI s'est tout d'abord développé au cours des campagnes d'information annuelles lancées depuis 2007. À partir de 35 ans et jusqu'à ses 50 ans, chaque assuré reçoit tous les cinq ans un courrier, son « relevé individuel de situation » (Ris), commun à tous ses régimes de retraite récapitulant l'ensemble de ses droits acquis.

À partir de ses 55 ans et jusqu'à 65 ans, l'assuré reçoit tous les cinq ans également une « estimation indicative globale » (EIG) de sa future retraite. Depuis la loi de 2010, une information aux nouveaux assurés est également transmise à toute personne qui valide pour la première fois une durée d'assurance d'au moins deux trimestres afin de lui présenter le système de retraite par répartition et l'impact potentiel d'une activité à temps partiel. Le coût annuel des campagnes d'information « papier », à la charge des régimes, s'élève à environ 7 millions d'euros.

La loi de 2010 a également institué la possibilité, pour chaque personne à partir de 45 ans, de demander un « entretien d'information retraite » auprès de sa caisse de retraite de base ou complémentaire pour faire le point sur sa situation et réaliser des simulations sur les montants futurs de pension.

En parallèle, le GIP a développé de nouveaux outils numériques d'information des assurés, leur permettant à tout moment de disposer de ces mêmes informations sans attendre l'envoi du courrier quinquennal. Après avoir créé le portail commun d'information interrégimes, le GIP a lancé en octobre 2016 le compte personnel retraite afin de rendre disponible en ligne les outils de simulation et d'évaluation des droits retraite, appelés EVA et M@rel. Ces deux programmes interrogent en temps réel les bases de données de chacun des régimes pour un assuré et lui fournit en quelques secondes le récapitulatif de ses droits acquis et, en fonction de son âge et de l'avancée de sa carrière, une évaluation ou une estimation indicative du montant de sa future retraite. Depuis février dernier, les assurés de plus de 55 ans peuvent également demander en ligne des rectifications de carrière. Ce compte, qui a déjà été ouvert par 1,3 million de personnes, va continuer à s'enrichir dans les prochains mois.

Vos deux rapporteurs ont été véritablement séduits par la facilité d'utilisation de ce compte et par son ergonomie. L'assuré peut désormais estimer le montant de sa future retraite en fonction de différents scenarii de carrières et évaluer, par exemple, assez précisément la conséquence financière du recul d'un an de son départ à la retraite. Le compte personnel retraite est donc un véritable outil d'aide à la décision qui devrait à terme modifier les comportements des assurés en leur faisant mieux appréhender les mécanismes de surcote et de décote qui sont encore, d'après les dernières enquêtes disponibles, mal connus.

Du droit à l'information retraite « version papier » au DAI « 2.0 », il faut vraiment saluer le succès de ce projet de l'interrégimes qui, sans simplifier en soi le système des retraites, en offre une vision simplifiée pour chaque assuré. Les enquêtes de satisfaction menées auprès des assurés sont d'ailleurs très encourageantes puisque 9 assurés sur 10 considèrent que la qualité et la complétude des documents transmis est satisfaisante.

L'interrégimes c'est enfin un esprit, inscrit dans la loi depuis 2014, de mutualisation et de simplification de l'assurance vieillesse. Cet esprit sous-tend l'ensemble des projets contenus dans le contrat d'objectif pluriannuel 2015-2018 (COP) du GIP. Au-delà de l'approfondissement du DAI, deux projets concrétisent ce nouvel enjeu : la demande unique de retraite en ligne, qui est une avancée formidable pour l'assuré, et le répertoire de gestion des carrières unique (RGCU). Il aurait d'ailleurs été plus clair de l'appeler répertoire unique de gestion des carrières - RUGC, sa fonction aurait été plus compréhensible à l'oreille.

La demande unique de retraite en ligne devrait être effective à partir du 1 er janvier 2019. C'est une étape très importante dans la simplification des démarches de l'assuré qui s'inscrit dans le mouvement « Dites-le nous une fois ». Notre rapport reprendra la demande formulée par le Comité des usagers d'engager sans tarder la mise au point de la demande unique de pension de réversion en ligne, notamment lorsque l'assuré décédé était déjà pensionné.

Le RGCU est actuellement le principal chantier de l'interrégimes de retraite et est considéré comme la future colonne vertébrale de son système d'information. Il constituera à terme, soit 2022, le référentiel unique et commun des carrières des assurés de l'ensemble des régimes de retraite obligatoire. Cet outil contiendra les informations relatives aux droits mais ne calculera pas les montants de retraite. Contrairement aux craintes exprimées par les régimes de retraite lors de nos auditions, ces derniers ne seront pas dépossédés de leurs données car ils demeureront responsables de l'alimentation du répertoire et continueront de valider la partie de carrière qui leur est associée.

Décidé dans le cadre de la réforme des retraites de 2010, ce projet a pris un retard considérable qui a nécessité, à la suite d'un audit de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), la mise en place d'une nouvelle gouvernance à la fin de l'année 2016 afin de stabiliser son périmètre fonctionnel. La trajectoire financière du RGCU, dont le coût final s'élèverait à ce stade à 188 millions d'euros, soulève des inquiétudes de la part des régimes de retraite qui se sentent tenus à l'écart du processus de décision. Ils ont, par exemple, regretté de ne pas avoir été destinataires du rapport d'audit de l'Igas. Or, comme le prévoit la loi de 2014, le GIP est censé jouer le rôle de pilote du projet. Il semble toutefois que les décisions se prennent directement entre l'État et la Cnav qui est l'opérateur du RGCU sous l'égide de la personne désignée « sponsor » du projet, M. Jean-Jacques Marette, ancien directeur général de l'Agirc-Arrco. Un effort de transparence apparaît donc nécessaire pour mieux associer l'ensemble des régimes et doit avoir pour cadre le GIP Union retraite.

A l'image du RGCU, l'esprit de mutualisation et de simplification, activement porté par les services du GIP, suscite donc une certaine réticence de la part des régimes. Au cours de nos travaux, les régimes auditionnés ont exprimé leurs inquiétudes face à la progression exponentielle du budget du GIP passé de 7,7 millions d'euros en 2016 à 13,1 millions d'euros en 2017. Cette progression s'explique par l'intégration dans le compte personnel retraite du nouveau simulateur ainsi que d'une offre de service étoffée comme par exemple la consultation d'un bulletin de paiement des pensions unique. Mais cette évolution pèse sur les comptes des régimes. Ces derniers ont de plus pointé l'absence d'articulation entre les projets portés par le GIP et leurs impératifs de service et de gestion expliquant leur difficulté à s'approprier les nouveaux projets alors même que leur coût est élevé.

Vos rapporteurs considèrent que cette différence de vue est davantage due à une absence de vision stratégique de l'État quant à l'organisation du système de retraite qu'à une volonté des régimes de freiner l'activité interrégimes.

Mme Anne Émery-Dumas, rapporteure. - Cette absence de vision stratégique de l'État se retrouve en effet à la fois dans le domaine budgétaire, dans celui de l'architecture du système d'information de l'assurance vieillesse et au niveau de l'organisation du système de retraite.

Dans le domaine budgétaire tout d'abord, les priorités d'investissement de l'interrégimes, identifiées dans le COP du GIP, ne sont presque pas abordées dans les conventions d'objectifs et de gestion (COG) des régimes. Ainsi, la COG de la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole signée en septembre 2016, soit un an et demi après le COP du GIP, n'évoque que très indirectement et partiellement les projets de l'interrégimes de retraite. De plus, les participations financières des régimes au GIP sont contenues dans des enveloppes limitatives alors même qu'elles recouvrent également des dépenses d'investissement par nature évolutives. Tous les régimes auditionnés nous ont ainsi confié que la progression non anticipée des crédits du GIP en 2017 avait entraîné une hausse de leur contribution qui avait dû être financée au prix d'une baisse de leurs moyens de fonctionnement en interne. L'imputation des contributions des régimes au GIP sur les enveloppes limitatives des COG devait permettre une meilleure régulation budgétaire de l'interrégimes en nourrissant un dialogue contradictoire entre les régimes et le GIP sur le coût des projets. Toutefois la dynamique constatée des dépenses de projets, insuffisamment anticipée lors de la négociation du COP du GIP en 2014, pose désormais des difficultés.

L'absence d'articulation entre le COP du GIP Union retraite et les COG des régimes ne nous paraît donc plus tenable. Il s'agit là de la principale recommandation que nous formulons. Il apparaît en effet nécessaire d'inscrire dans chacune des COG un chapitre interrégimes identique, identifiant les projets auxquels les régimes sont tenus de contribuer. Le calendrier de signature du COP du GIP et des COG des régimes doit être revu afin de faire coïncider, sur une même période, l'ensemble des priorités et moyens associés de l'assurance vieillesse. Il conviendrait également de pouvoir distinguer, au sein des contributions des régimes au GIP, la part des dépenses relevant du fonctionnement du groupement et celle recouvrant les dépenses d'investissement. Ces dernières doivent pouvoir être inscrites au titre des crédits évaluatifs de façon à ne pas faire peser trop lourdement, sur les crédits de fonctionnement des régimes de retraite, le coût d'éventuelles hausses des budgets finançant des projets structurants. Afin d'associer plus en amont les partenaires sociaux dans la définition des priorités de l'interrégimes, il semblerait opportun de pouvoir faire délibérer les conseils d'administration de chacun des régimes sur le projet de COP du GIP avant sa signature, à l'instar de la pratique en cours pour les COG.

L'absence de vision stratégique de l'État se révèle également problématique au niveau de l'architecture du système d'information de l'assurance vieillesse et plus généralement de la protection sociale. Les projets du GIP ne s'inscrivent en effet dans aucune vision d'ensemble.

Le schéma stratégique des systèmes d'information du service public de la sécurité sociale, arrêté en juillet 2013, n'intègre aucun des grands projets actuellement développés par l'interrégimes comme le RGCU ou la liquidation unique des régimes alignés. Si ce schéma stratégique a permis des avancées notables pour sécuriser l'immatriculation et l'identification des assurés et déployer la déclaration sociale nominative (DSN) dans l'ensemble des organismes de la sécurité sociale, il apparaît aujourd'hui obsolète et est en cours de refonte avec comme axe de développement la relation à l'usager.

Par ailleurs, nous avons pu constater au cours de nos auditions que les projets du GIP sont concurrencés par les autres priorités informatiques définies par l'État avec des calendriers souvent plus urgents. Les régimes ont ainsi souligné la lourdeur des développements exigés pour la mise en oeuvre de la déclaration sociale nominative ou encore le projet de prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu qui devait, récemment encore, entrer en vigueur au 1er janvier 2018. Ces projets, annoncés sans tenir compte des plans de charge des régimes, perturbent leur ordre des priorités de développements informatiques. L'accumulation de ces trois projets en particulier- le RGCU, la DSN et le prélèvement à la source- a provoqué une sorte de saturation au sein des régimes qui explique la réticence de ces derniers à appréhender de nouveaux projets au sein de l'interrégimes.

Enfin, le projet de réforme systémique des retraites, aux contours encore incertains, ne manquera pas, dans un premier temps, de freiner l'action de l'interrégimes. En 2010, la réforme des retraites s'était contentée de lancer le débat en demandant que soit remis au Parlement un rapport sur les « conditions de mise en place d'un régime universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition au coeur du pacte social qui unit les générations ». Le Président de la République a précisé, pendant sa campagne, que son projet d'unification des règles des retraites devant tendre à « un système universel de retraites où un euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé », n'entraînerait pas forcément la création d'un régime unique. Néanmoins, et c'est bien normal, cette réforme va entraîner des interrogations de chacun des régimes quant à leur propre avenir ce qui aura des conséquences sur le fonctionnement de l'interrégimes dans les prochaines années et sur l'avenir du GIP.

À ce stade, trois pistes semblent possibles pour le GIP, qui dépendent très étroitement du schéma qui sera retenu et sur lequel vos rapporteurs n'ont pas encore d'information. La première verrait le GIP disparaître à l'issue de la mise en oeuvre de la demande unique de retraite en ligne en 2019, parachevant le droit à l'information retraite. La création d'un système de retraite fondé sur des règles identiques voire un régime unique lui ferait perdre son objet social.

La deuxième piste lui ferait jouer un rôle dans la réforme qui s'engage en lui donnant la mission d'approfondir la convergence des régimes de retraite pendant la période de transition. Depuis 2003, le GIP a acquis une connaissance des règles et des modalités de fonctionnement de chacun des régimes qu'il pourrait être pertinent d'utiliser pour la mise en place de la réforme.

Enfin la troisième piste d'évolution serait de transformer le GIP Union retraite en un instrument, non plus seulement interrégimes, mais interbranches. Les travaux liés au schéma directeur du système d'information du service public de la sécurité sociale ont souligné l'importance des problématiques transverses à l'ensemble des organismes de sécurité sociale en matière d'identification des assurés, de simplification de leurs démarches ainsi que de celles des employeurs mais aussi de lutte contre la fraude. Je rappelle que nous avons évoqué ce sujet très récemment devant notre commission avec ma collègue Agnès Canayer. Le portage et le pilotage de cette stratégie commune pourraient être confiés à un GIP, en l'espèce le GIP Union retraite. Ce dernier n'est pas le seul dans la sphère sociale à pouvoir revendiquer ce rôle. Le GIP de modernisation des déclarations sociales, qui met en oeuvre le déploiement de la DSN et que nous avons aussi auditionné pour nos travaux, pourrait également apporter son expertise interbranches.

Quoi qu'il en soit, le bilan de l'interrégimes en matière de retraite représente un héritage positif qui bénéficiera au futur système de retraite. Cet héritage repose d'abord sur les outils créés au sein de l'interrégimes au premier rang desquels le droit à l'information retraite et le futur RGCU. Le GIP aura également permis de faire dialoguer des régimes qui aujourd'hui encore ne parlent pas toujours le même langage, sont gérés selon des règles différentes et sont soucieux de leur identité propre et de leurs spécificités issues de notre histoire sociale. Néanmoins, cette habitude acquise d'un travail en commun aidera sans nul doute à la réforme. Enfin, l'interrégimes a su insuffler une culture de l'assuré à travers son exigence de simplifier les relations avec les régimes de retraite. Ce point me paraît très important à souligner.

Le droit à l'information retraite, qui est une vraie avancée au service de l'assuré, s'est patiemment construit, sans bénéficier sans doute de l'attention qu'il méritait. Puisse ce rapport donner le coup de projecteur mérité au travail accompli depuis quatorze ans.

M. Philippe Mouiller. - Je remercie nos rapporteurs pour ce travail d'éclairage sur le fonctionnement de l'interrégimes de retraite qui est insuffisamment connue. Vous avez souligné l'efficacité des outils mis à la disposition des assurés en particulier pour le droit à l'information retraite. Mais j'aimerais vous interroger plus spécifiquement sur le rôle du GIP dans le débat sur la future réforme des retraites. Les différents régimes de retraite vous paraissent-ils enclins à utiliser cet espace de dialogue pour avancer sur l'objectif politique fixé par le Gouvernement ou au contraire sont-ils dans l'idée de penser prioritairement à leur propre avenir ? Et donc quel rôle donner au GIP dans ce contexte ?

M. Yves Daudigny. - La dernière phrase de votre intervention me paraît en effet essentielle : le GIP et les différents projets qu'il a réalisés sont largement méconnus. J'en avais déjà pris conscience en janvier 2016, lorsque nous nous étions déplacés, avec quelques collègues de la commission des affaires sociales, dans les locaux du GIP dans le quartier de Bercy à Paris. Je pense que notre rapporteur général Jean-Marie Vanlerenberghe et notre rapporteur « retraite » Gérard Roche se souviennent très bien de cette visite au cours de laquelle nous avions été impressionnés par les services proposés.

Votre rapport souligne une nouvelle fois le poids des systèmes d'information dans toute réflexion sur l'évolution de notre protection sociale. On constate une multiplication des logiciels dans chacune des branches de la sécurité sociale qui peut être un frein pour la simplification des démarches des usagers. L'unification des systèmes d'information pose à la fois des problèmes juridiques mais aussi financiers puisqu'elle s'effectue à des coûts exorbitants et votre rapport le montrera dans le cadre de l'interrégimes de retraite. Je veux enfin remarquer que la mise en oeuvre du projet du Gouvernement de réforme systémique des retraites, de par l'ampleur de la tâche qu'il suppose, nécessitera un poids politique et une légitimité qui ne devront pas être remis en cause.

M. René-Paul Savary. - Votre rapport va lancer le débat sur la réforme des retraites et souligne bien l'importance des problèmes informatiques pour la mise en oeuvre de ces réformes. Comme cela commence à être déjà le cas, l'utilisation du numéro d'identification de sécurité sociale (NIR) permet d'être un point d'entrée concernant l'assuré pour tous ses organismes de sécurité sociale. Mais les progrès accomplis ne règlent pas tous les problèmes de compatibilité. On le constate notamment dans les relations entre les conseils départementaux, les maisons départementales des personnes handicapées et la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie qui ne partagent pas de système d'information commun, ce qui est à la fois une perte d'argent et d'énergie.

Mme Catherine Génisson. - Je constate que l'Etat, réputé centralisateur, peine à unifier les systèmes d'information des régimes de retraite alors même que les pouvoirs publics doivent avoir l'exigence de simplifier les démarches des assurés.

M. Gérard Roche. - Le bilan de l'interrégimes en matière de retraite est un sujet beaucoup plus complexe qu'il n'en a l'air et il nous a fallu du temps pour y voir clair parmi les nombreux projets informatiques développés mais aussi pour comprendre les relations complexes entre les régimes de retraite et le GIP. Comme l'a rappelé Yves Daudigny, nous avions été conquis lors de notre visite du GIP par le dynamisme et la rapidité d'action de l'équipe du groupement. On a pu le constater une nouvelle fois lors de notre audition avec les représentants de l'Union retraite. Le simulateur interrégimes, c'est une application extraordinaire. Ils avancent vite, parfois trop même pour les plus petits régimes...

M. Alain Milon, président. - Donnons-leur le dossier médical personnel !

M. Gérard Roche, rapporteur. - Effectivement ! Il n'en demeure pas moins que les plus petits régimes se sentent dépassés par les projets envisagés dans le cadre de l'élargissement des missions du GIP. C'est pourquoi nous proposons la tenue d'une réunion annuelle de l'assemblée générale du groupement. La demande concerne essentiellement un besoin d'information. Le problème majeur que nous avons identifié concerne le dyschronologie, comme l'on dit en psychiatrie, entre les priorités fixées aux régimes dans leur COG et à celles définies dans le COP du GIP. Ce manque de coordination se ressent actuellement sur le dossier du RGCU. Ce répertoire, auquel j'associe souvent l'image d'une vaste « grange » dans laquelle les régimes stockeraient leurs données, inquiète véritablement les régimes. Deux raisons à cela : bien évidemment le dérapage financier du projet que l'on a évoqué mais surtout le fait d'être dépossédés de leurs données.

En réalité, les nouveaux projets du GIP touchent désormais au coeur des procédures « métiers » des régimes, ce qui conduit à les interroger directement sur leurs pratiques.

Mme Anne Émery-Dumas, rapporteure. - En complément, j'ajouterais que ces projets de simplification et de mutualisation ont pour vocation la convergence de l'information mais surtout le service à l'assuré. C'est pour le service à l'assuré que l'on a besoin d'un système d'information unifié et le plus complet possible. Mais c'est vrai qu'il y a des réticences de la part des régimes à tendre vers cette unification et bien évidemment vers un régime unique. Le GIP a réussi à diffuser cette culture de l'usager à laquelle les régimes n'étaient pas directement sensibles, soucieux de rendre correctement leur service de liquidation et paiement de leur pension. L'objectif désormais, je le répète, c'est bien d'aller vers plus de simplicité pour l'assuré et aussi pour les régimes dans leurs procédures de gestion. En ce sens, le RGCU est un beau projet. Je vous invite vraiment à vous rendre sur le site du GIP Union retraite, www.info-retraite.fr et d'ouvrir votre compte personnel retraite. Vous pourrez y faire le bilan sur votre carrière et je vous assure que vous serez bluffés par la complétude des informations qui remontent.

M. Gérard Roche, rapporteur. - C'est d'autant plus vrai pour les assurés à la carrière complexe. Si les régimes de retraite rendent de nombreux services à leurs assurés, y compris en ligne désormais, seuls les travaux du GIP et de la communauté des régimes permettent de répondre aux interrogations de ces assurés qui sont très satisfaits du résultat obtenu.

Mme Patricia Schillinger. - Le travail de nos collègues permet de mesurer à quel point le virage du numérique est difficile à prendre, même en 2017, pour les administrations de sécurité sociale. Votre rapport questionne-t-il le prélèvement de cotisations d'assurance vieillesse sur les salariés ? Je m'étonne toujours du rapport entre ces cotisations et le faible niveau de prestation vieillesse qui peut être versée à certains assurés après une vie de travail. En Suisse, qui ne présente pas le même niveau de vie que la France, la retraite minimale est à 1 700 euros par mois quand un salarié a travaillé 44 ans. Loin des chiffres de petite retraite que l'on peut observer en France...

M. René-Paul Savary. - Dispose-t-on d'une analyse actuarielle concernant les réserves financières des régimes ? De plus, le passage d'un système de retraite par répartition à un système par point vous semble-t-il réaliste ? Le passage d'un système à l'autre est complexe. L'avez-vous abordé ?

M. Alain Milon, président. - Les comparaisons avec la Suisse sont difficiles car il faut considérer l'ensemble du système. L'assurance maladie est beaucoup moins avantageuse selon les niveaux de vie.

M. Gérard Roche. - Je rappelle à notre collègue Patricia Schillinger qu'en moyenne, le niveau de vie des retraités en France est égal à celui des actifs ce qui place notre pays en tête des pays de l'OCDE, s'agissant de cet indicateur. Sur la réforme systémique, on sait que c'est une réforme qui pose des problèmes informatiques mais qui sont en réalité des problèmes institutionnels et surtout des problèmes financiers.

L'intégration des régimes spéciaux de la fonction publique va être très difficile en raison du décalage entre le taux de cotisation employeur de droit commun dans le secteur privé et celui appliqué aux employeurs publics et qui permet d'équilibrer artificiellement ces régimes. C'est un point dur que le Gouvernement devra trancher.

M. Alain Milon, président. - Cette communication est effectuée au nom de la Mecss et la commission doit en autoriser la publication.

La commission autorise la publication du rapport d'information.

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