PREMIÈRE PARTIE - L'INTERRÉGIMES EN MATIÈRE DE RETRAITE : DES INSTITUTIONS SOLIDES, UNE PRATIQUE À SUCCÈS DU DROIT À L'INFORMATION RETRAITE, UN ESPRIT À CONSOLIDER

I. LES INSTITUTIONS DE L'INTERRÉGIMES : UNE ORGANISATION COMPLEXE MAIS OUVERTE À TOUS LES RÉGIMES DE RETRAITE

A. DU GIP INFO RETRAITE AU GIP UNION RETRAITE

1. Le groupement d'intérêt public : une catégorie de personne publique efficace pour rassembler les régimes de retraite

Afin d'assurer la mise en oeuvre du droit à l'information retraite qu'elle a créé, la loi du 21 août 2003 8 ( * ) a institué un groupement d'intérêt public (GIP), le GIP Info retraite . Comme le note l'actuel directeur du groupement, M. Jean-Luc Izard, « le choix d'une structure GIP par les pouvoirs publics (...) était loin d'être évident » 9 ( * ) .

Le GIP est une catégorie de personne morale de droit public, qui permet la coopération entre des personnes publiques ou privées afin d'assurer la gestion d'une activité d'intérêt général, pendant une période déterminée. Créée par la loi du 26 janvier 1984 10 ( * ) , cette catégorie de personne publique a été privilégiée dans le secteur de la recherche et du développement technologique puis a proliféré dans des domaines très variés comme pour la création des maisons de service public ou la mise en oeuvre de grands projets informatiques. Elle offre une grande souplesse puisqu'elle repose sur un principe d'origine contractuelle, ses membres étant libres de s'organiser comme ils le souhaitent dans le respect du cadre juridique instaurant le groupement. Une convention constitutive détermine les membres, l'objet, le siège, la durée d'existence ainsi que la responsabilité des membres du GIP. L'État contrôle l'activité des GIP à travers l'approbation de leur convention constitutive par arrêté ministériel. La Cour des comptes est quant à elle compétente pour contrôler leur comptabilité, qui est par défaut de droit privé en dehors de l'hypothèse où le GIP n'est constitué que de personnes publiques.

L'assemblée générale du GIP Info retraite a été réunie une première fois le 5 juillet 2004 pour adopter sa convention constitutive 11 ( * ) . Lors de la création du GIP Union retraite en 2014, la convention constitutive du GIP Info retraite a été modifiée, au cours de la réunion de l'assemblée générale du 7 novembre 2014, pour y intégrer les nouvelles missions du groupement 12 ( * ) . Cette dernière version de la convention comporte 33 articles ainsi qu'un préambule fixant notamment la liste des membres du GIP. Le GIP Union retraite est constitué pour une durée de 25 ans. La convention précise la répartition des compétences entre le groupement et les régimes pour les deux missions qui lui sont confiées : la mutualisation et la simplification de l'assurance vieillesse d'une part, et le droit à l'information retraite d'autre part.

Les règles ainsi établies fixent un cadre d'action qui repose sur trois principes fondateurs :

- le consensus entre les membres, qui est systématiquement recherché malgré l'existence de règles de majorité qualifiée et de droits de vote des régimes pondérés selon le nombre de leurs affiliés ;

- le respect de l'identité de chaque régime, qui permet aux régimes de plus petite taille de faire entendre leurs positions au même titre que les plus grands régimes ;

- la transparence, qui implique que les objectifs soient connus et que les méthodes de travail garantissent une bonne circulation de l'information.

Le succès du GIP en matière de droit à l'information semble attester que le choix de cette forme juridique était pertinent et a permis de faire travailler efficacement les régimes ensemble. Comme l'ont indiqué les représentants de la direction de la sécurité sociale à vos rapporteurs, « le GIP Union retraite repose, de par sa nature juridique sur un fonctionnement collégial au sein duquel l'État n'exerce pas de pouvoirs de tutelle. Les décisions du GIP relèvent de la compétence de son conseil d'administration et s'inscrivent dans le cadre d'un projet stratégique contractualisé entre l'État et le GIP. Le statut du GIP répond à la préoccupation de permettre à l'ensemble de ses membres de mettre en commun des moyens pour la mise en oeuvre de missions d'intérêt général. Les services du GIP doivent s'appuyer sur les données des régimes. Une telle mobilisation semblerait difficile si les régimes n'étaient pas parties prenantes aux décisions relatives aux projets du GIP » 13 ( * ) . D'autres méthodes auraient toutefois pu être envisagées dès 2004 comme la création d'un établissement public ou la délégation, à un régime de retraite, de la réalisation des missions du GIP pour le compte de l'ensemble des régimes.

Vos rapporteurs ont donc examiné l'opportunité d'une évolution du statut de l'interrégimes de retraite. Le bon fonctionnement de ce dernier repose en effet sur l'absence d'opposition entre les acteurs qui n'est pas sans poser problème. Pour Jean-Luc Izard 14 ( * ) , « la règle du consensus (..) présente bien des avantages mais elle peut aussi conduire à un «consensus mou» qui serait incapable de générer un niveau d'adhésion suffisant pour faire faire aux régimes les efforts - parfois vécus comme des renoncements - nécessaires aux projets » . Il découle de cette pratique un « leadership implicite des trois ou quatre principaux régimes ou gestionnaires qui ont, somme toute, la responsabilité de donner la cadence » .

Ces principaux régimes, que sont la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnav), l'Agirc-Arrco 15 ( * ) , la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui assure la gestion de plusieurs régimes de retraite 16 ( * ) et dans une moindre mesure la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, disposent en effet des moyens techniques et humains leur permettant d'assurer le développement des projets informatiques de l'interrégimes.

L'enjeu pour le GIP consiste donc à « trouver un juste équilibre entre la nécessité d'une vision partagée des priorités et des cibles par les principaux gestionnaires et le besoin d'associer l'ensemble de la communauté des régimes de retraite à la mise en oeuvre de ces objectifs » 17 ( * ) .

Si cet objectif d'équilibre fondé sur le consensus a été atteint pour la mise en oeuvre du droit à l'information retraite, il semble qu'il soit plus difficile à dégager pour la définition des nouvelles missions du GIP de mutualisation et de simplification (voir infra ).

Néanmoins et en l'absence de solution alternative satisfaisante, vos rapporteurs considèrent que le maintien du statut juridique de l'interrégimes en GIP s'avère, à ce stade, la meilleure option possible.

2. Le GIP Info Retraite (2004-2014) : la mise en place et le développement du droit à l'information retraite
a) Avant 2003, une information sur les retraites parcellaire et minimale

Le droit à l'information retraite trouve son fondement juridique dans l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, créé par un amendement sénatorial à la loi du 3 janvier 1975 18 ( * ) . Cet article prévoyait une double obligation d'information pour les régimes de base d'assurance vieillesse : d'une part, une information périodique 19 ( * ) permettant aux assurés de vérifier leur situation personnelle et d'autre part, un relevé de compte impérativement communiqué avant un âge fixé par décret et qui s'élevait jusqu'en 2003 à 59 ans.

Ce dispositif, dont l'esprit visait à créer pour l'assuré un droit d'obtenir de son ou ses régimes d'assurance vieillesse de base uniquement des informations personnalisées selon une périodicité au moins quinquennale, n'a toutefois jamais fonctionné. Suivant une interprétation libérale de la Cour de cassation qui en a restreint la portée 20 ( * ) , ce droit a été limité de façon à ce que l'objectif d'individualisation de l'information soit réputé satisfait dès lors que cette information était véhiculée par voie de presse interne.

Malgré les efforts accomplis par les régimes eux-mêmes qui avaient prévu des dispositifs d'information en faveur de leurs assurés, cette première version du droit à l'information retraite était en soi insatisfaisante puisqu'il n'était contraignant que pour les régimes de base et ne permettait pas à l'assuré d'accéder, en une seule démarche, à la connaissance de ses droits consolidés.

Dans cet « angle mort » de l'information institutionnelle en matière de retraites, s'était développée une activité de prestataires privés qui réalisaient des audits et simulations payants sur la retraite de leurs clients et dont la fiabilité n'était pas toujours avérée.

Dans son premier rapport annuel publié en 2001, le Conseil d'orientation des retraites (Cor) 21 ( * ) a placé l'information individuelle des assurés au premier rang des principes majeurs du contrat entre les générations qui fonde notre système de retraite. Commandé par le Cor et publié pendant le débat sur la réforme des retraites de 2003, un rapport exploratoire sur l'information retraite 22 ( * ) a identifié cinq enjeux justifiant le développement du droit à l'information retraite qui s'avèrent toujours d'actualité :

- ce droit « s'inscrit au coeur du contrat entre les générations qui fonde le système français de retraite » . Il est en effet une garantie d'adhésion au système, de transparence et d'équité. Le rapport précisait que « les lacunes de l`information des assurés sur leurs droits à la retraite sont un terreau favorable au développement d'idées erronées sur le système français de retraite, de nature à fragiliser le contrat intergénérationnel qui le fonde » ;

- « les assurés sont aujourd'hui insuffisamment éclairés pour profiter des marges de choix qui sont les leurs en matière de retraite » . Le droit à l'information a donc été perçu dès son origine comme un outil d'aide à la décision afin de mieux faire connaître aux assurés certains dispositifs comme par exemple la décote ou la surcote ou bien encore la possibilité de rachats de trimestres permettant d'anticiper ou de différer sa retraite ;

- « l'information des personnes « polyassurés » 23 ( * ) est insuffisante ». En 2003, un tiers des retraités étaient polypensionnés, ce qui correspond à la proportion aujourd'hui enregistrée lors des départs à la retraite ;

- « les parcours de vie, de plus en plus diversifiés, interagissent avec les droits à la retraite, sans que cela soit nécessairement pris en compte par les assurés ». Ce constat apparaît d'autant plus prégnant quinze ans après, cet argument étant l'un des points de départ du projet de réforme systémique évoqué par le Président de la République lors de sa campagne ;

- « l'amélioration de l'information des assurés est un atout au service de la réforme des retraites » . L'analyse des réformes de retraites entreprises à l'étranger montre que l'information des assurés y a joué un rôle central. En Suède, la réforme a été facilitée par l'information qui a été faite auprès des assurés et a abouti à la création d'un compte individuel notionnel de retraite permettant aux assurés de connaître en permanence leur effort contributif 24 ( * ) .

C'est donc dans ce contexte de réaffirmation de la nécessité du droit à l'information retraite que s'est inscrite la réforme des retraites de 2003. Alors qu'elle a imposé des mesures difficiles de convergence des régimes de fonctionnaires avec les régimes alignés du secteur privé et mis en place une règle d'allongement de la durée de cotisation, cette réforme a pu en contrepartie afficher la consécration effective d'un droit essentiel pour l'assuré en créant les outils nécessaires à sa mise en oeuvre.

b) La loi de 2003 instaure effectivement le droit à l'information retraite et créé le groupement d'intérêt public chargé de le mettre en oeuvre

La loi du 21 août 2003 25 ( * ) modifie l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale en prévoyant trois nouveaux dispositifs :

- le droit pour toute personne d'obtenir un relevé de sa situation individuelle (Ris) au regard de l'ensemble des droits qu'elle s'est constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires ;

- l'obligation pour tous les régimes de retraite légalement obligatoires et les services de l'État chargés de la liquidation des pensions, d'adresser à tout assuré à partir de l'âge de 35 ans, et ce tous les cinq ans, un relevé individuel de situation (Ris) reprenant, sur un seul document, l'ensemble des droits ouverts dans chacun de ces régimes ;

- le droit pour chaque personne, à partir de 55 ans et ensuite tous les cinq ans, de recevoir une estimation indicative globale (EIG) du montant des pensions de retraite auxquelles les durées d'assurance, de services ou les points qu'elle totalise lui donnent droit, à la date à laquelle la liquidation pourra intervenir, eu égard aux dispositions en vigueur.

Deux modifications substantielles sont donc apportées au dispositif existant du droit à l'information retraite (DAI, dans le vocabulaire de l'interrégimes) afin de le rendre effectif :

- le périmètre des régimes concernés par l'obligation d'information s'étend désormais à l'ensemble des régimes de retraite légalement obligatoires c'est-à-dire également aux régimes de retraite complémentaires mais aussi aux services de l'État chargés de la liquidation des pensions des fonctionnaires civils et militaires. Si l'Agirc-Arrco avait mis en place dès 1999 un dispositif d'information des assurés dès 40 ans auprès de l'Agirc et sans conditions d'âge auprès de l'Arrco, les fonctionnaires de l'État devaient attendre 58 ans pour obtenir une première information en matière de retraite 26 ( * ) ;

- les deux documents créés doivent fournir une information consolidée des droits acquis en matière de retraite alors qu'auparavant l'assuré recevait des informations partielles de l'ensemble des régimes auxquels il était affilié. La « révolution » du droit à l'information retraite en 2003 porte bien sur le fait de donner à l'assuré une information personnalisée mais surtout consolidée .

Afin de mettre en oeuvre cette nouvelle version du droit à l'information, le législateur a prévu dans le même article L. 161-17 la création d'un groupement d'intérêt public composé de l'ensemble des organismes assurant la gestion des régimes de retraite soumis aux obligations du DAI. Le GIP Info retraite a commencé ses travaux dès son installation qui ont porté sur l'élaboration du contenu de chacun des deux documents prévus mais également sur les procédures d'échanges de données entre les systèmes d'information des régimes membres, tenus de transmettre les données de carrières de leurs assurés 27 ( * ) .

Un programme de simulation des montants de retraite a commencé à être développé et un site internet ( www.info-retraite.fr ) a été lancé pour offrir un premier niveau d'information générique sur le système de retraite en France.

Le droit à l'information retraite était disponible pour tous les assurés à leur demande à partir du 1 er juillet 2006, soit deux ans seulement après la création du GIP .

La première campagne du droit à l'information retraite a débuté le 1 er janvier 2007 et a concerné les seules générations 1957 (bénéficiaires âgés de 50 ans) pour le Ris et 1949 (bénéficiaires âgés de 57 ans) pour l'EIG.

L'ensemble du dispositif est ensuite progressivement monté en charge au cours des campagnes 2008, 2009 et 2010 selon le calendrier suivant :

Âge du bénéficiaire

Relevé de situation individuelle

Estimation indicative globale

1 er juillet 2006

Quel que soit l`âge,
à la demande de l'assuré

1 er juillet 2007

50 ans

57 ans

1 er juillet 2008

50 ans et 45 ans

56 ans ou 57 ans

1 er juillet 2009

50 ans, 45 ans et 40 ans

55 ans ou 56 ans

À compter du 1 er juillet 2010

50 ans, 45 ans ; 40 ans et 35 ans

55 ans

Lors de la réforme des retraites de 2010, le droit à l'information retraite tel que prévu par la réforme de 2003 était donc mis en oeuvre.

c) La réforme de 2010 a élargi le dispositif du droit à l'information retraite

Si la réforme de 2003 a initié le droit à l'information retraite, la loi du 21 juillet 2009 28 ( * ) a esquissé son volet « conseil » en prévoyant que les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail « informent et conseillent les assurés et leurs employeurs sur la législation de l'assurance vieillesse » 29 ( * ) .

Ce volet « conseil » du droit à l'information retraite a été complété par la loi du 9 novembre 2010 30 ( * ) qui comportait trois mesures destinées à améliorer la visibilité des assurés sur leurs droits en matière de retraite 31 ( * ) .

Elle créé tout d'abord une information aux nouveaux assurés (Ina), concernant tout assuré dès qu'il a validé une durée d'assurance d'au moins deux trimestres dans un régime légalement obligatoire. Un document d'information générale lui est alors transmis précisant notamment les règles d'acquisition de droits à pension et l'incidence sur ces derniers des évènements susceptibles d'affecter sa carrière.

La loi prévoit ensuite la possibilité d'organiser, à partir de 45 ans, un « point d'étape retraite », qui deviendra « l'entretien d'information retraite » (EIR). Cet entretien doit permettre à l'assuré de faire le point sur ses droits retraite déjà acquis, sur leurs perspectives d'évolution compte tenus de ses choix et des aléas de carrière éventuels et sur les dispositifs lui permettant d'améliorer le montant futur de sa retraite 32 ( * ) .

Au cours de cet entretien, l'assuré se voit communiquer une estimation du montant potentiel de sa pension, qui peut varier selon différents scénarii (départ à l'âge légal ou l'âge d'obtention du taux plein, conséquence d'une poursuite d'activité...).

Enfin, la loi instaure un second type d'entretien destiné à informer tout assuré, en dehors de toute limite d'âge, ayant un projet d'expatriation sur les incidences de ce départ sur l'acquisition de ses droits à pension. Une information est aussi apportée à son conjoint.

La réforme de 2010 a également consacré, au niveau législatif, la possibilité de transmission par voie électronique, à la demande de l'assuré, du relevé individuel de situation actualisé, le Ris en ligne (Ris/e). Ce projet, que le GIP avait commencé à développer sans fondement législatif, constitue l'une des étapes importantes dans le processus de dématérialisation du droit à l'information retraite désormais bien avancé ( cf infra ).

Ces nouveaux outils du droit à l'information retraite sont entrés en vigueur à partir du 1 er juillet 2011 .

Comme ce rapport le détaillera par la suite, la mise en oeuvre du droit à l'information retraite est un succès unanimement salué à porter au crédit du GIP Info retraite . Les régimes ont su rapidement collaborer pour répondre à la demande du législateur de 2003 et de 2010 d'offrir à l'assuré un droit, qui bien que toujours perfectible, n'en constitue pas moins une véritable avancée. La réussite de ce projet a reposé sur la volonté commune des régimes et du GIP d'améliorer l'information retraite, que les régimes seuls ne pouvaient pas assurer, et sur les modalités de travail au sein d'un organisme ad hoc auquel les régimes étaient parties prenantes.

La loi du 20 janvier 2014 a ouvert une nouvelle ère pour le GIP chargé désormais de la simplification et de la mutualisation de l'assurance vieillesse. Cette nouvelle compétence ne semble toutefois pas susciter le même degré de consensus au sein du groupement.

3. Le GIP Union retraite depuis 2015 : l'ère de la défiance face au défi de la simplification et de la mutualisation de l'assurance vieillesse
a) La loi du 20 janvier 2014 transforme l'objet du GIP Info retraite

La loi du 20 janvier 2014 33 ( * ) marque une étape cruciale mais incertaine pour l'avenir de l'interrégimes de retraites et du GIP en particulier.

Elle réécrit en effet les dispositions législatives concernant le groupement pour créer, aux termes de l'article L. 161-17-1 du code de la sécurité sociale « l'union des institutions et services de retraites » . Groupement d'intérêt public, cette union regroupe les mêmes membres que ceux du GIP Info retraite en les élargissant à la Caisse des dépôts et consignations, qui y siège désormais en tant que membre à part entière et non plus seulement par l'intermédiaire des régimes dont elle assure la gestion.

Deux missions sont assignées à ce nouvel organisme :

- d'une part, la mise en oeuvre du droit à l'information retraite, dont le contenu n'est pas modifié à l'exception notable de la création d'un compte individuel retraite numérique . Destiné dans un premier temps, à mettre à disposition de l'assuré les documents et les outils du DAI, il intègrera progressivement un bouquet de services actuellement en cours de définition (cf infra) . Il est désormais possible d'ouvrir son compte personnel retraite
depuis le mois d'octobre 2016 en se connectant sur le site du GIP ou de son régime de retraite ;

- d'autre part, le pilotage stratégique de l'ensemble des projets de coordination, de simplification et mutualisation ayant pour objet d'améliorer les relations des régimes avec leurs usagers. Il s'agit de la nouvelle compétence confiée par le législateur au groupement.

Vos rapporteurs remarquent que si le droit à l'information retraite fait l'objet d'un encadrement législatif très détaillé, la loi se perdant dans un luxe de considérations ne relevant manifestement pas de son domaine, la définition de la nouvelle mission de simplification et de mutualisation du groupement n'est pas précisée.

L'article L. 161-17-1 du code de la sécurité sociale prévoit simplement que « l'autorité compétente de l'État conclut avec l'Union des institutions et services de retraites un contrat qui détermine les objectifs pluriannuels de simplification et de mutualisation de l'assurance vieillesse » , oubliant au passage la mission de coordination fixée au paragraphe précédent. Ce contrat d'objectif comprend un schéma directeur des systèmes d'information et est conclu pour une période minimale de quatre ans.
La concision du texte est d'autant plus surprenante, au regard des articles du code relatifs au droit à l'information, que l'étude d'impact du projet de loi sur les retraites de 2014 évoquait explicitement l'objectif de « parvenir, à terme, à la réalisation d'une « demande unique de retraite » pré-remplie et tous régimes 34 ( * ) » , soit un projet de simplification au moins aussi important que l'information aux nouveaux assurés qui figure par exemple dans le code.

Outre le compte personnel retraite et la demande unique de retraite en ligne, la loi de 2014 définit les projets de l'interrégimes qui sont depuis lors au centre de ses échanges :

- la loi déplace l'article du code de la sécurité sociale, créé par la réforme des retraites de 2010 et qui instaure le répertoire de gestion des carrières unique (RGCU) au sein du paragraphe du même code consacré à l'information et à la simplification des démarches des assurés 35 ( * ) . Ce projet était au point mort avant la discussion du projet de loi de 2014 et a depuis été relancé (voir infra) ;

- la loi créé enfin le dispositif de liquidation unique des régimes alignés (Lura), qui permet à une personne ayant cotisé dans plusieurs des trois régimes dit alignés (régime général, régime social des indépendants, régime des salariés agricoles) de bénéficier d'une mutualisation du service de ses pensions. La Lura est un projet spécifique aux trois régimes alignés et pour lequel le groupement n'est pas intervenu (voir infra) .

Au regard de la nouvelle ambition portée par la loi de 2014 pour l'interrégimes de retraite et le groupement chargé de l'animer, il était indispensable de faire évoluer le GIP Info retraite et de le doter d'un contrat d'objectifs permettant de traduire en termes concrets la nouvelle mission de simplification et de mutualisation de l'assurance vieillesse.

b) Le nouveau GIP Union retraite et son contrat d'objectifs pluriannuels 2015-2018

La loi de 2014 renvoyait à un décret la date d'entrée en vigueur du nouveau groupement, au plus tard le 1 er juillet 2014. En l'absence de la prise d'un tel décret, la nouvelle instance a donc été tacitement créée à cette date.

Il a toutefois fallu attendre l'automne de la même année pour que le groupement acquière une véritable consistance à la suite de la publication du rapport de préfiguration du nouveau GIP 36 ( * ) , remis au Gouvernement le 23 septembre 2014. Ce rapport énonce dès son introduction que « la loi affirme l'ambition d'une nouvelle structure clairement et totalement tournée vers l'usager » , ayant pour objectif le « renforcement de la lisibilité du système de retraite » . Il prévient toutefois que « l'article L. 161-17-1 du code de la sécurité sociale reste imprécis tant sur le périmètre exact du GIP que sur la nature de ses intervention. La première étape de la création du GIP doit donc être, au-delà de la reprise des activités liées au droit à l'information, de porter une attention particulière à ces deux points car une définition précise et partagée par l'ensemble des acteurs du secteur est indispensable à la création de conditions optimales de déploiement de l'activité du nouveau GIP » . Si le rapport conclut assez rapidement à l'opportunité de maintenir le système de gouvernance du GIP hérité du GIP Info retraite , il insiste sur le fait que la mise en oeuvre de la nouvelle compétence suppose en premier lieu de conduire un travail de recensement et de priorisation des projets, comme l'y invite d'ailleurs la loi.

Le changement de nom du GIP et l'adoption de la nouvelle convention constitutive est intervenue lors de sa première assemblée générale le 7 novembre 2014.

Le travail de recensement évoqué dans le rapport de préfiguration a abouti à l'élaboration d'un contrat d'objectifs pluriannuels (COP) qui est devenu la feuille de route du nouveau GIP. Suivant la recommandation du rapport de la « nécessité d'un périmètre structuré » qui ne s'écarte pas, en matière de simplification et mutualisation, de « la réalisation prioritaire des projets déjà énumérés dans la loi » , le COP 2015-2018 fait montre d'une ambition somme toute réaliste.

Signé le 13 mars 2015, il définit quatre axes stratégiques « qui ont le même degré d'importance », eux-mêmes déclinés en actions recouvrant parfois plusieurs de ces axes :

- « concrétiser l'innovation et la modernisation de l'offre de services des régimes de retraite au service des usagers » ;

- « mener à terme les projets communs structurants pour l'avenir du système de retraite » ;

- « conforter et moderniser le droit à l'information » ;

- « structurer un espace de réflexion partagée des régimes de retraite sur la simplification » .

Comme l'ont indiqué les représentants du GIP à vos rapporteurs,
le COP ne comporte pas de volet spécifiquement dédié à la simplification et à la mutualisation. Ces objectifs sous-tendent la totalité des actions et surtout des 21 projets identifiés dans le COP 37 ( * ) . La simplification a été entendue comme « l'ensemble des outils qui visent à neutraliser pour les usagers les effets de la complexité du système de retraite en leur proposant une information consolidée sur leurs droits et la possibilité de réaliser des démarches simples et non répétitives » 38 ( * ) . La mutualisation a surtout été appréhendée sous l'angle des coûts budgétaires de chaque projet et de leurs conséquences en termes de gestion. Comme le préconisait le rapport de préfiguration, « avant l'engagement de tout nouveau projet, [il sera proposé de procéder] à une analyse permettant de considérer que le projet est susceptible de représenter une amélioration significative de la qualité du service rendu et une réduction significative des coûts de gestion » .

Parmi les 21 projets, parfois redondants dans leur formulation, on retrouve en réalité trois axes de développement :

- le renforcement du droit à l'information retraite à travers la création et l'enrichissement d'un portail commun interrégimes renvoyant à terme vers le compte personnel de retraite. Les projets rattachables à cet axe sont : la clarification du contenu du site info-retraite.fr , la création d'un conseiller virtuel, l'accessibilité de tous les documents du DAI, l'intégration de toutes les données relatives aux enfants et aux carrières à l'étranger ou encore le renforcement de l'accès des publics fragilisés au DAI ;

- la poursuite des projets structurants de l'interrégimes déjà lancés : le pilotage le RGCU, la mutualisation des certificats d'existence, le développement d'un simulateur ;

- la mise au point d'une méthodologie commune à l'interrégimes , en particulier d'évaluation des coûts, pour faciliter la définition de projets de simplification et de mutualisation.

La compétence du groupement est d'assurer, pour les projets qu'il développe, une fonction de maîtrise d'ouvrage. Comme le précise le préambule du COP, le GIP doit permettre une « élaboration partagée des projets en favorisant l'expression et la prise en compte des besoins de l'ensemble de ses membres » . Les différentes instances du GIP, décrites ci-dessous, y pourvoient largement en mobilisant différents niveaux de représentants des régimes. Elles permettent également une « gouvernance transparente et partagée des outils et services élaborés en son sein » à travers des « reporting réguliers auprès des membres du groupement ou des pouvoirs publics » .

Le GIP veille ensuite à « la répartition transparente des travaux et des coûts associés » , à la « définition et vérification du respect des calendriers », à la « vérification de la qualité des livrables attendus » et au « suivi du respect des budgets » . Enfin, le GIP a intensifié son activité de « communication grand public sur les produits et services » qu'il développe, un aspect qui entre parfois en conflit avec les opérations de communication des régimes ( cf infra ).

Le premier rapport d'activité du GIP Union retraite pour l'année 2015 39 ( * ) précise que la mise en oeuvre du COP a nécessité de nombreuses décisions du conseil d'administration, la constitution de nombreux comités de pilotage et un nombre élevé de réunions. Le taux de réalisation des objectifs atteignait au bout d'un an 40 %. Comme le précise le rapport d'activité, « l'intérêt essentiel de ce pourcentage est de montrer que l' Union Retraite s'est très rapidement mise au travail et que les régimes qui la composent ont activement participé à ces travaux » . D'après les informations obtenues par vos rapporteurs, ce taux serait à la fin de l'année 2016 de 67 %.

À l'instar de son prédécesseur le GIP Info retraite , le GIP Union retraite affiche donc un résultat satisfaisant dans la mise en oeuvre de sa feuille de route. Il s'appuie pour ce faire sur des instances solides bien que chronophages pour les régimes.


* 8 Loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, plus particulièrement son article 10.

* 9 Faire vivre l'interrégimes de retraite : l'union fait-elle la force ? , Jean-Luc Izard, in Regards - Protection sociale n° 49, École nationale de la sécurité sociale, juin 2016.

* 10 Loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur. La loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit tente de rationaliser le cadre juridique des GIP face à la multiplication des statuts différents issus des conventions constitutives.

* 11 Approuvée par un arrêté ministériel du 23 août 2004, publié au Journal officiel du 2 septembre 2004.

* 12 Approuvée par un arrêté ministériel du 9 décembre 2014, publié au Journal officiel du 14 décembre 2014.

* 13 Réponse écrite à l'une des questions de vos rapporteurs.

* 14 Regards - Protection sociale, op. cit.

* 15 L'Association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc) et l'Association des régimes de retraite complémentaire des salariés non-cadres (Arrco).

* 16 C'est le cas pour la CNRACL (caisse nationale de retraites des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers), l'Ircantec (institution de retraite des agents non titulaires de la fonction publique et des collectivités locales), le régime additionnel de la fonction publique, le régime autonome de retraite des mines, la régime de retraite de la Banque de France et le fonds des pensions des ouvriers de l'Etat.

* 17 Jean-Luc Izard, Regards - Protection sociale, op. cit.

* 18 Loi n° 75-3 du 3 janvier 1975 portant diverses améliorations et simplifications en matière de pensions ou allocations des conjoints survivants, des mères de famille et des personnes âgées. Au Sénat, le rapporteur de ce texte pour la commission des affaires sociales était M. Michel Moreigne.

* 19 Contrairement à la préconisation du rapporteur du Sénat qui avait proposé qu'elle soit annuelle, la périodicité retenue ne devait demeurer inférieure, selon les termes de la loi, « au délai de prescription des créances afférentes aux cotisations sociales » . Ce délai correspond à une durée de cinq ans.

* 20 Cour de cassation, soc. 30 janvier 1992.

* 21 Premier rapport du Conseil d'orientation des retraites, Retraites : renouveler le contrat social entre les générations , 6 décembre 2001.

* 22 L'information des assurés sur leurs droits à la retraite, Maud Vialettes en collaboration avec Gérard Garnier, rapport remis au Conseil d'orientation des retraites, 1 er avril 2003.

* 23 Pour rappel, un « polyassuré » est un actif ayant cotisé à plusieurs régimes de retraite et un « polypensionné » est une personne retraitée percevant une pension de plusieurs régimes de retraite.

* 24 Les cotisants suédois reçoivent en effet chaque année une « enveloppe orange », qui fait état de l'évolution de leurs placements dans le cadre du système par capitalisation et fournit une estimation du montant de leur retraite à leur départ selon un calcul établi sur différentes hypothèses macroéconomiques.

* 25 Loi n° 2003-775 du 21 août 2003 déjà citée.

* 26 L'obligation de remise d'un état des services détaillé deux ans au moins avant l'âge de la retraite de l'intéressé était prévue à l'article 2 du décret n° 80-792 du 2 octobre 1980.

* 27 Présentation du programme d'activité pour l'année 2005 du GIP Info retraite , dossier de présentation, fiche n° 15, réunion du Conseil d'orientation des retraites du 29 juin 2005, document n° 2.

* 28 Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

* 29 Art. L. 21-1 du code de la sécurité sociale.

* 30 Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites

* 31 Inscrites à l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale.

* 32 La réforme des retraites de 2010 comportait un ensemble de mesures concernant le cumul emploi-retraite.

* 33 Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.

* 34 Etude d'impact annexé au projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système des retraites, septembre 2013.

* 35 Ancien article L. 161-1-7 devenu l'article L. 161-17-1-2 du code de la sécurité sociale.

* 36 Proposition de schéma cible du GIP « Union des institutions et services de retraite », rapport remis à la ministre des affaires sociales, au ministre des finances et des comptes publics, à la ministre de la décentralisation et de la fonction publique et au secrétaire d'État chargé du budget, Jean-Luc Izard, 23 septembre 2014.

* 37 Voir annexe 2 - Sommaire des fiches-projets du COP 2015-2018 du GIP Union retraite .

* 38 Réponse écrite du GIP Union retraites à l'une des questions de vos rapporteurs.

* 39 Disponible en ligne sur le site du GIP Union retraite .

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