B. UN SUCCÈS UNANIMEMENT SALUÉ MAIS DONT LES EFFETS DOIVENT DÉSORMAIS SE CONFIRMER

1. Les enquêtes de satisfaction donnent des résultats dithyrambiques mais doivent désormais s'affiner

Au cours de leurs auditions, vos rapporteurs ont constaté l'unanimité de l'ensemble des acteurs du monde de la retraite à saluer le succès du droit à l'information retraite.

Chaque année, le GIP commande auprès d'un cabinet spécialisé deux études d'opinion sur la perception des documents reçus lors de la campagne d'envoi du droit à l'information retraite et sur les attentes des usagers ayant pris contact avec un régime de retraite après la réception de leur document. Ces deux enquêtes présentent des résultats très positifs.

Pour la campagne 2016, le document envoyé (Ris ou EIG) a été lu par huit assurés sur dix. Le document, très majoritairement conservé, est apprécié des assurés qui le considèrent bien organisé, clair et délivrant des informations utiles. La complétude du document est jugée satisfaisante par neuf assurés sur dix. Les trois quarts des assurés semblent attachés au format papier, ce qui tient sans doute pour l'instant au manque de notoriété des outils disponibles en ligne.

Sur le fond, les assurés interrogés déclarent de plus en plus vérifier ligne par ligne les informations contenues dans le document et souhaiter des informations supplémentaires relatives aux règles de calcul du montant de retraite, aux conditions de départ ou au système de retraite qui demeure une source d'incompréhension. En revanche, la part des assurés déclarant ne pas savoir si le montant affiché sur l'EIG correspond à ce qu'ils attendaient augmente. Dans l'ensemble, les documents du DAI donnent envie aux assurés de préparer leur retraite ou de contacter un organisme.

S'agissant des assurés contactant lesdits organismes de retraite, l'échange établi permet de signaler un manque ou une erreur dans la restitution du parcours (six cas d'appel sur dix). Les assurés jugent que le document du DAI leur permet clairement de savoir qui contacter et apprécient la facilité à joindre le bon interlocuteur (huit assurés sur dix). Si le contact établi est jugé de qualité dans une majorité écrasante (90%), les assurés font état de délais de rappels qui augmentent (en moyenne plus de trois semaines) de même que pour les délais de réception du document corrigé (en moyenne deux mois).

Si ces résultats démontrent combien le droit à l'information retraite demeure apprécié et utile aux yeux des assurés, ces enquêtes sont regardées avec une certaine distance par les membres du GIP.

Lors de son audition, Gérard Rivière a par exemple évoqué la nécessité d'aller plus loin dans l'analyse afin de définir une approche client plus spécifique, différenciée en fonction des âges mais aussi des statuts. Il n'est pas possible de savoir aujourd'hui si des différences existent dans la perception des documents transmis lors des campagnes selon les catégories socio-professionnelles par exemple.

Cette préoccupation a été partagée également par le président du Comité des usagers, Jean-Marie Toulisse, qui a souhaité que les enquêtes de satisfaction de l'interrégimes puissent être croisées avec celles menées par les régimes dans le but d'approfondir davantage la connaissance de l'usager.

Recommandation n° 3 : enrichir les enquêtes de satisfaction sur le droit à l'information retraite dans une approche plus qualitative.

2. Un effet sur le comportement des assurés qui n'est pas encore démontré

Le comportement des salariés partant à la retraite a-t-il changé depuis la mise en oeuvre du droit à l'information retraite en 2007, en raison d'une meilleure connaissance du système de retraite ? Les outils du DAI sont en effet conçus comme des aides à la décision devant éclairer le choix de cesser ou de poursuivre son activité.

Depuis 2010, l'enquête sur les motivations de départ à la retraite publiée tous les deux ans par l'Insee 72 ( * ) ne montre pas d'évolution significative sur le comportement des nouveaux retraités interrogés (voir graphiques ci-contre) . Ces derniers déclarent dans une très large majorité (80 %) avoir été bien informés au moment de leur départ, une proportion élevée qui demeure stable sur les trois enquêtes.

Les règles spécifiques de la retraite sont en revanche mal connues à l'exception de la notion de taux plein qui est définie correctement par deux assurés sur trois. En 2014, une majorité de retraités (53 %) n'a jamais entendu parler du minimum contributif alors qu'ils sont 40 % à en bénéficier pendant leur retraite. Le niveau de connaissance des dispositifs de la retraite progressive et du cumul emploi-retraite régresse même entre 2010 et 2014.

Source : Enquête Insee

S'agissant de la surcote et de la décote qui concernent respectivement 13 % et 7 % des nouveaux retraités, ces règles affectant directement le niveau de pension ne sont toujours bien connus que par 25 % et 30 % des assurés.

La part de personnes déclarant ne pas savoir qu'elle serait touchée par la surcote ou la décote demeure relativement stable (autour de 15% pour la décote mais désormais moins de 10 % pour la décote).

Source : Enquête Insee

Plus généralement, la question de la confiance des Français dans leur système de retraite ne semble pas plus avoir été modifiée par le droit à l'information retraite. Dans la dernière vague disponible du baromètre de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) pour l'année 2015 73 ( * ) , 88 % des Français se disent inquiets sur l'avenir du système de retraites dont 59 % très inquiets.

Vos rapporteurs ne prétendent bien évidemment pas que le droit à l'information peut seul restaurer la confiance de nos concitoyens dans leur système de retraite. Comme le notait le rapport de la commission Moreau pour l'avenir des retraites 74 ( * ) , ce « sentiment de défiance (...) compréhensible mais excessif (...), s'explique par des déséquilibres financiers trop fréquents qui doivent être corrigés » . Néanmoins, force est de constater que le développement de l'information des assurés sur leurs droits à la retraite n'a pas encore réussi à rééquilibrer l'inclination des Français à considérer qu'ils « n'auront pas de retraite ». Cet état d'esprit, certes exagéré, contribue pourtant à fragiliser le contrat intergénérationnel qui fonde notre système de retraite. C'était l'un des objectifs, sans doute le plus ambitieux, conféré au droit à l'information retraite et le bilan n'est pas encore, sur ce point, à la hauteur de l'espérance initiale.

3. Un doublon avec la communication des régimes, à terme source de confusion pour l'assuré

Si les outils de communication auprès des assurés développés par le GIP constituent une source d'information supplémentaire, ils n'ont pas vocation à se substituer aux propres instruments de communication utilisés par les régimes de retraite. Comme l'ont confié lors de leur audition les représentants de l'Agirc-Arrco, le risque en matière d'information retraite réside plutôt dans le manque que dans le « trop plein » de communication. Si cette remarque vaut pour les supports de communication générale, elle semble plus contestable s'agissant du compte personnel retraite et des espaces personnels que les assurés sont invités à ouvrir sur les sites internet de chacun de leurs régimes.

Les espaces personnels des caisses utilisent en effet les outils développés dans l'interrégimes en matière d'information et de simulation. Ainsi, la rubrique « Simulez votre retraite » sur les sites du régime général 75 ( * ) ou de l'Agirc-Arrco 76 ( * ) renvoie à la page du simulateur M@rel présent sur le portail commun interrégimes avec comme affichage les logos du régime concerné et du GIP. L'espace personnel sur le site de l'Agirc-Arcco permet de télécharger directement son relevé individuel de situation ou son estimation indicative globale tandis que celui du régime général offre un récapitulatif « tous régimes » mais étonnement pour les seuls régimes de base.

Ces espaces personnels offrent également un bouquet de services mono-régime beaucoup plus développé pour l'assuré que ce que ce dernier peut trouver sur son compte personnel retraite. Ils lui permettent de dialoguer directement avec son régime pour accomplir des transactions. Il est ainsi possible de consulter les historiques de paiement, de communiquer un changement d'adresse ou de prendre rendez-vous avec un conseiller. Depuis le 1 er janvier 2017 sur le site du régime général, l'assuré peut procéder à la demande en ligne de sa retraite pour les trois régimes alignés en déposant son dossier et en joignant les pièces justificatives. Ce nouveau service s'appuie sur des informations de carrière déjà connues et le cas échéant, contrôlées et corrigées par l'assuré lui-même après la réception des documents du droit à l'information au cours des années précédant son départ à la retraite. Depuis le 1 er juillet 2017, ce service est désormais proposé aux assurés du régime des salariés agricole et du régime social des indépendants dans le cadre de la mise en place de la liquidation unique des régimes alignés (voir infra) .

La nécessité pour l'assuré de maintenir actif ces espaces personnels n'est donc absolument pas remise en cause par l'ouverture d'un compte personnel retraite interrégimes.

Il s'ensuit pour l'assuré un risque de confusion. Déjà contraint d'ouvrir un compte auprès de son ou ses régimes de base et complémentaires, il est donc désormais invité à en ouvrir un supplémentaire sur lequel il retrouve des services qui à ce stade sont déjà disponibles presqu'intégralement sur chacun des comptes qu'il possède déjà.

Vos rapporteurs considèrent que si les applications composant le compte personnel retraite sont incontestablement une avancée pour le droit à l'information retraite, l'existence même du compte personnel retraite n'aura de sens que lorsque l'assuré pourra y accomplir toutes ses démarches, dialoguer directement avec l'ensemble de ses régimes et ne plus avoir à gérer plusieurs comptes personnalisés.

Certaines actions de communication des régimes peuvent par ailleurs brouiller le message de l'interrégimes.

L'action menée par le régime général peut à ce titre sembler contestable. Le nom de marque choisi par la Cnav, « L'Assurance retraite, votre retraite de la sécurité sociale » peut en effet porter à confusion car il donne l'impression que la caisse, qui ne gère que le régime général de base 77 ( * ) , représente l'ensemble du système de retraite. De façon plus anecdotique, la campagne de publicité radiophonique nationale lancée par la Cnav au début du mois de novembre 2016 au sujet de la garantie de versement 78 ( * ) a interféré avec le lancement quinze jours plus tôt du compte personnel de retraite.

De même, le développement par l'Agirc-Arrco de l'application mobile « Smart retraite » est un service intéressant pour l'assuré mais qui, présenté comme « l'application mobile indispensable pour comprendre et prévoir sa retraite » 79 ( * ) , concurrence le compte personnel retraite alors qu'elle n'offre qu'une information liée à la retraite complémentaire.

Interrogés sur ces risques de doublon, les régimes ne voient pas dans la multiplication des moyens de communication un risque de confusion mais au contraire le moyen d'atteindre l'assuré.

Vos rapporteurs appellent toutefois les régimes à intégrer la dimension interrégimes dans leur stratégie de communication. Ils réaffirment leur souhait que le compte personnel de retraite se transforme, le plus rapidement possible, en compte unique de retraite, assumé comme tel par l'ensemble des régimes et avec lequel ces derniers communiqueront avec leurs assurés.

La difficulté du « branchement » des plus petits régimes à un compte unique de retraite, qui pourrait devenir l'interface de dialogue avec leurs assurés, ne doit pas être sous-estimée. Ces régimes n'ont bien souvent pas encore mis en place de services en ligne.

Il n'en demeure pas moins que l'exigence du service à l'assuré, passant par le développement de tels services et surtout par la simplification des démarches, doit demeurer la ligne d'horizon de chacun des régimes mais également de tout projet de réforme des retraites. En ce sens, la réforme systémique devra apporter une réponse à la nécessaire clarification du nombre de régimes gestionnaires.


* 72 Troisième édition portant sur les comportements des salariés partis à la retraite en 2014, Retraites : le recul de l'âge minimal a peu d'effet sur les motivations de départ , Études et résultats n° 902, Insee/Drees/Cnav/DSS, janvier 2015. Deux autres enquêtes avaient été publiées en 2011 pour les nouveaux retraités de 2010 et en 2013 pour ceux de 2012.

* 73 Baromètre d'opinion de la Drees sur la santé, la protection sociale et les inégalités, Principaux enseignements de l'enquête 2015, janvier 2016.

* 74 Nos équilibres demain : équilibre financier et justice, commission pour l'avenir des retraites présidée par Yannick Moreau, juin 2013.

* 75 www.lassuranceretraite.fr

* 76 www.agirc-arrco.fr

* 77 Ce dernier verse 120 milliards d'euros de prestations par an, sur les 330 milliards d'euros de prestations versées par le système de retraite dans son ensemble. La « position dominante » du régime général dans l'assurance vieillesse est donc beaucoup moins importante que dans les autres branches de la sécurité sociale.

* 78 Le décret n° 2015-1015 du 19 août 2015 relatif au délai de versement d'une pension de retraite instaure une garantie de versement de la pension de retraite dès le départ en retraite pour les assurés ayant déposé leur demande complète au moins quatre mois avant la date de départ prévue.

* 79 Site de l'Agirc-Arrco.

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