B. L'ABSENCE DE COORDINATION ENTRE LE COP DU GIP ET LES COG DES RÉGIMES N'EST PLUS TENABLE

1. Le COP du GIP et les COG des régimes ne sont pas coordonnés
a) Les priorités du GIP Union retraite définies dans le COP 2015-2018 ne se retrouvent pas dans les objectifs fixés dans les COG des régimes

Le manque de coordination entre le COP du GIP Union retraite et les COG des régimes de retraite 116 ( * ) constitue la principale limite, évoquée par l'ensemble des personnes auditionnées, dans les relations entre le groupement et ses membres.

Ce manque de coordination se retrouve dans la faible prise en compte des priorités définies dans le COP du GIP dans le contenu de chacune des conventions des régimes.

Pour ne citer que les exemples des trois principaux régimes de base :

- si la COG 2016-2019 du RSI 117 ( * ) fixe explicitement l'objectif à la caisse de « mettre en oeuvre de façon sécurisée le projet interrégimes de la liquidation unique », elle évoque sans jamais mentionner le GIP Union retraite celui « d'améliorer l'information des travailleurs indépendants sur leurs droits à retraite » . La COG vise également la participation « aux travaux préparant le raccordement du RSI au RGCU prévu au second semestre 2019 » . Il n'est jamais fait mention, alors même que la COG a été signée en août 2016, de la participation du RSI à la mission de simplification et de mutualisation des régimes de retraite menée dans le cadre du GIP ;

- il en est de même dans la convention liant l'État à la caisse centrale de la MSA pour la période 2016-2020. La fiche consacrée à la simplification et à la dématérialisation 118 ( * ) vise précisément les projets de la déclaration sociale nominative et du titre emploi service agricole 119 ( * ) mais affirme simplement que « le plein accès aux droits sociaux repose (...) sur une simplification des démarches, à conduire également dans le cadre de l'interrégimes » . Le GIP Union retraite n'est jamais cité, ni ses nouvelles missions de simplification et de mutualisation ;

- enfin, la COG du régime général de retraite 2014-2017 stipule que la Cnav s'engage à « consolider son rôle en tant que coordonnateur et opérateur du système d'information retraite interrégimes » 120 ( * ) . Signée avant la création du GIP Union retraite , cette convention est celle qui entre le plus dans le détail de l'activité de l'interrégimes en évoquant le RGCU, les différentes évolutions du DAI et le système d'échanges interrégimes de retraite (EIRR) 121 ( * ) .

Cette absence d'articulation formelle entre le COP et les COG en vigueur dans les régimes est qualifiée de « fragilité » pour la définition des priorités, par le directeur du GIP Jean-Luc Izard : « En ce qui concerne la définition globale de l'offre de services retraite, cet inconvénient sera résolu au fur et à mesure des renégociations des COG concernées, mais dans la période intermédiaire, il fragilise l'architecture globale de l'interrégimes en ne permettant pas d'éviter avec certitude les doublons. Plus importante, l'absence de volet « moyens » dans la définition législative du contrat d'objectifs pluriannuels rend la réalisation de ces objectifs tributaires des crédits inclus dans les COG des régimes, COG qui n'offrent pas la garantie (...) d'une parfaite articulation des objectifs entre les niveaux régimes et interrégimes » 122 ( * ) .

Les engagements pris en matière d'information des assurés par un régime peuvent par exemple justifier des doublons en matière de communication faite auprès des assurés. De plus, comme les exemples des COG de la MSA et du RSI le montrent, la renégociation des COG depuis la signature du COP 2015-2018 n'a pas été l'occasion de réaffirmer les priorités de l'interrégimes au premier rang des priorités des régimes.

b) Le double encadrement théorique des dépenses du GIP Union retraite

Comme l'a indiqué Gérard Rivière à vos rapporteurs, au-delà de l'inscription de ces priorités dans le contenu de la COG, se pose le problème « de l'articulation entre les contributions budgétaires des régimes et les moyens attribués dans le cadre des COG qui sont par nature limitatifs ». Les dépenses du GIP sont en effet doublement encadrées.

Elles le sont tout d'abord, par le budget pluriannuel fixé dans le COP, qui détaille le coût des principaux projets répartis sur la période. Comme on l'a vu, si le budget du COP a été tenu en 2015 et 2016, la très forte progression des dépenses l'ayant fait presque doubler pour les années 2017 à 2019 en fait un cadrage théorique. Ce dérapage de la trajectoire financière est dû à un problème de sous-estimation du coût des projets qui s'explique par la signature prématurée du COP en 2015 au regard de son niveau de préparation.

Les dépenses du GIP, financées exclusivement par les contributions des régimes, sont surtout encadrées par les crédits des régimes prévus dans leurs COG respectives pour leur contribution au GIP Union retraite . Or cette dépense s'impute, pour toute la génération de COG actuelle, sur des crédits limitatifs (voir encadré) et qui plus est sur une enveloppe limitative particulièrement contrainte : l'enveloppe « Autre dépenses de fonctionnement » .

Dépenses à caractère limitatif/dépenses à caractère évaluatif au sein des COG

Chaque convention d'objectifs et de gestion signée dans le domaine de la sécurité sociale dispose d'une annexe fixant les règles budgétaires encadrant le fonds national de gestion administrative (FNGA) pour chaque caisse. Ce fonds, qui regroupe les dépenses de fonctionnement (y compris de personnel) et d'investissement, fait l'objet d'une programmation pluriannuelle donnant lieu à l'élaboration d'un budget national de gestion annexé à la COG. Toutes les dépenses sont programmées pour chaque exercice annuel de la période de la convention.

Deux types de dépenses sont distingués :

- les dépenses à caractère limitatif , pour lesquelles les montants sont arrêtés de manière définitive pour chaque exercice : elles regroupent les dépenses de personnel, les autres dépenses de fonctionnement (notamment les contributions des caisses aux GIP Union retraite et Modernisation des données sociales), les autres dépenses de fonctionnement informatique, les dépenses d'investissement (informatiques, immobiliers, opérations courantes), des dépenses de projet spécifiques mais aussi les crédits de la réserve nationale :

- les dépenses à caractère évaluatif , arrêtées de manière indicative et qui peuvent être ajustées en cours de période en fonction des décisions qui s'imposent à la caisse : on y retrouve la dotation aux amortissements et aux provisions, les charges exceptionnelles, les frais de fonctionnement de certains programmes ou organismes (ARS, RNCPS, Cleiss, EN3S, Institut des hautes études en protection sociale...), les dépenses de contentieux...

Les autres enveloppes limitatives, comme par exemple celle consacrée aux investissements informatiques, subissent une moindre contrainte budgétaire et sont calibrées de telle sorte que des reports annuels peuvent être opérés sur la période, rendant possibles des marges de manoeuvre. Or, l'enveloppe dédiée aux « autres dépenses de fonctionnement » subit une pression forte de la part de la tutelle.

Comme l'ont indiqué les représentants de la DSS, l'imputation « des contributions au GIP sur les enveloppes limitatives des COG a l'avantage de servir de levier de régulation (ou contrainte) budgétaire de l'ensemble interrégimes et de nourrir ainsi le contradictoire entre les régimes et le GIP sur le coût des projets » 123 ( * ) .

Toutefois, ce mécanisme de régulation a posé problème dans le contexte de sous-estimation initiale du coût des projets du budget de l' Union retraite , sur lesquels s'est fondé le calcul des contributions des régimes sur la période 2015-2018 et donc leur inscription dans les COG des régimes.

Ainsi que l'a affirmé Gérard Rivière devant vos rapporteurs, « la qualité du chiffrage du GIP est déterminante car on voit qu'à défaut, il y a un risque sérieux que les équivalents temps plein (ETP) et budgets dédiés soient insuffisants et que les sommes soient prélevées sur le fonds national de gestion administrative des régimes et donc au détriment des moyens disponibles pour la mise en oeuvre des projets propres à chacun des régimes surtout dans un contexte de restriction des moyens de plus en plus exigeant » .

La stratégie financière mise en oeuvre par la tutelle se comprend en réalité assez facilement : ne pouvant réguler en amont le cadrage financier de l'activité interrégimes, elle opère une régulation par le strict encadrement de la contribution des régimes. Comme en ont d'ailleurs convenu les représentants de la DSS, cette logique touche toutefois à ses limites et nécessite d'être dépassée pour mieux articuler les priorités du GIP et la capacité de financement des régimes.

2. La nécessité de mieux articuler la programmation financière des projets du GIP et les financements dédiés des régimes

Des réflexions sont ainsi en cours pour pallier ce problème d'articulation. Deux options semblent possibles, qui emportent toutes deux l'adhésion de vos rapporteurs.

La première consisterait à doter le GIP d'un nouveau contrat d'objectifs pluriannuels mieux défini en amont , suivant les méthodologies très contraignantes d'évaluation du coût des projets utilisées dans le cadre de la négociation des COG de chacun des régimes. Ce cadrage plus strict imposerait que tout dérapage financier soit directement discuté et négocié avec la tutelle. En contrepartie, il serait envisageable d'inscrire les dépenses de participation des régimes au sein des crédits évaluatifs au même titre que leur contribution au projet de répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) ou au centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (Cleiss). À tout le moins, l'imputation de cette dépense sur une enveloppe moins contrainte apparaît nécessaire . Au regard de la nature des projets financés par le GIP, ces crédits pourraient être prévus dans l'enveloppe consacrée aux dépenses d'investissement informatique.

La seconde option serait de coordonner très strictement les priorités définies dans le futur COP du GIP avec les conventions de chaque régime en y inscrivant un chapitre « interrégimes de retraite » identique à tous les régimes et reprenant les priorités arrêtées par le COP.

Cette proposition impliquerait de revoir le calendrier de négociation du COP du GIP et des COG des régimes afin de les faire coïncider sur une même période. Cette démarche semble difficile à entreprendre en raison de la grande diversité des échéances de COG actuellement en vigueur. Il serait toutefois possible d'envisager un mécanisme d'avenant aux COG des régimes, signé automatiquement après la signature du COP du GIP. L'État pourrait alors s'engager à revoir spécifiquement le montant des crédits limitatifs consacrés à la participation du régime au GIP.

Vos rapporteurs souscrivent également à la proposition formulée par Gérard Rivière de mieux associer les caisses et les partenaires sociaux à la définition des priorités du GIP en faisant délibérer les conseils d'administration de chacun des régimes sur le projet de COP avant sa signature. Cette proposition n'est pas sans risque car elle pourrait donner l'occasion à certains régimes d'exprimer une humeur qui menacerait la fabrique du consensus au sein du GIP.

Il pourrait être envisagé que cette procédure d'avis ne lie en aucun cas le GIP ou la tutelle mais qu'elle permette que l'expression des régimes soit prise en compte dans la mesure du possible.

Recommandation n° 5 : renforcer la cohérence entre les priorités définies dans le contrat d'objectifs et de moyens du GIP Union retraite et les moyens alloués pour leurs financements dans le cadre des conventions d'objectifs et de gestion des régimes.

Recommandation n° 6 : mieux associer les régimes de retraite et les partenaires sociaux à la définition des priorités du GIP Union retraite .


* 116 Le service des retraites de l'État n'est pas piloté par l'intermédiaire d'une COG mais directement par les lois de finances, pluriannuelles et annuelles.

* 117 Fiche programme n° 9.

* 118 Fiche n° 2 de l'ambition 1 de la Cog : Développer des services aux adhérents et aux entreprises dans une logique de mise en oeuvre des politiques publiques.

* 119 Ce projet vise à permettre aux petits employeurs agricoles, qui ne disposent pas de logiciel de paie et qui n'ont pas recours à un tiers déclarant de satisfaire à leurs obligations déclaratives sous format DSN.

* 120 Fiche n° 11.

* 121 Ce dernier permet le partage de l'ensemble des montants de pensions de retraite de base ou complémentaire versés aux assurés pour le versement ou le contrôle de certaines prestations plafonnées (voir infra).

* 122 Regards Protection sociale, op. cit.

* 123 Réponse écrite à l'une des questions de vos rapporteurs.

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