C. DES INCERTITUDES À LEVER POUR ATTEINDRE L'OBJECTIF FIXÉ POUR 2022

Comme le soulignait votre commission en 2015 sur l'avancement du plan France très haut débit : « La couverture des 50 % « restants » sera incommensurablement plus longue, coûteuse et techniquement complexe que celle des premiers 50 %. En matière d'aménagement du territoire, tout restera à faire en 2017 ». 3 ( * ) Certaines incertitudes évoquées lors de la table ronde doivent en particulier être levées afin de prétendre à un achèvement du déploiement du très haut débit d'ici fin 2022.

Comme l'ont rappelé plusieurs participants, les défaillances persistantes du conventionnement fragilisent l'achèvement du plan. Cette situation témoigne d'une absence de coordination entre les projets de déploiement des différents opérateurs, dans une zone où la mutualisation des infrastructures doit pourtant primer. L'absence de formalisation des projets prive les pouvoirs publics d'outils de suivi et de contrôle, dans une zone qui demeure exclusivement attribuée à l'initiative privée.

Votre commission regrette que la situation n'ait pas encore trouvé de réponse durable , près de deux ans après avoir pointé les faiblesses bien identifiées de ce volet du plan : « Compte tenu de l'état d'avancement de ces négociations, le terme de « zone à conventionner » décrirait mieux cette partie du territoire national. Deux ans après la mise à disposition de la convention-type, de nombreux territoires ne sont toujours pas couverts par une CPSD, tandis que certaines conventions signées ont une échelle ou des dispositions qui ne permettent pas de vérifier précisément le respect des engagements pris par les opérateurs [...] Cette incertitude place les collectivités territoriales et les citoyens dans une situation de forte dépendance à l'égard de la stratégie commerciale des opérateurs privés. »

Le ministre de l'économie, devenu Président de la République, avait pourtant annoncé un achèvement du processus à la fin de l'année 2015. Lors de la table ronde, le directeur de l'Agence du numérique a annoncé que tous les locaux seraient couverts par une convention signée ou en cours de négociation d'ici la fin 2017, ce qui ne clôturerait pas le processus. Une reprise en main de ce volet apparaît indispensable , pour assurer une couverture effective et homogène des populations dans la zone d'initiative privée. À ce jour seulement 3 millions de prises FttH ont été réalisées dans les zones AMII, sur un total de 12,7 millions de prises à établir.

Face à la couverture inégale de ces territoires par les opérateurs privés et aux problèmes observés en matière de complétude, les membres de votre commission restent très dubitatifs face à l'annonce par un opérateur d'un projet de couverture intégrale de la France en très haut débit d'ici 2025, par ses propres réseaux, y compris dans la zone d'initiative publique. Faute de précisions et de garanties, la valeur de ces déclarations demeure incertaine.

Votre commission observe toutefois que le doublonnement des réseaux publics par des infrastructures concurrentes remettrait en cause leur équilibre économique et l'architecture générale du plan France très haut débit. Dans les zones dont la densité amoindrit la rentabilité des investissements, le plan privilégie un principe de mutualisation des réseaux, afin de minimiser le besoin en ressources, publiques et privées. Par sa réglementation, l'Arcep s'emploie à garantir l'ouverture des réseaux, et un accès non discriminatoire de tous les opérateurs aux infrastructures pour proposer des services aux utilisateurs.

Si la commercialisation des réseaux publics était une inconnue majeure en 2015, la dynamique s'est améliorée depuis. Le taux de mutualisation 4 ( * ) progresse mais reste cependant inférieur en zone d'initiative publique à celui observé en zone d'initiative privée : 26 % contre 70 % au premier trimestre 2017 selon les données de l'Arcep.

Crucial pour l'équilibre économique des RIP, ce sujet nécessite un suivi et des efforts constants de la part des pouvoirs publics, notamment en matière d'harmonisation technique, de régulation et de cofinancement. Le dispositif de « zone fibrée » et la programmation de l'extinction du réseau en cuivre doivent contribuer à un environnement favorable à la commercialisation des réseaux FttH.

Le dimensionnement financier du plan France très haut débit a également été évoqué lors des échanges. Les interrogations soulevées par la Cour des comptes dans un rapport public thématique de janvier 2017 témoignent d'incertitudes quant au coût actualisé du très haut débit, en tenant compte des choix technologiques effectués par les collectivités territoriales 5 ( * ) . Postérieurement à la présente table ronde, le ministre de la cohésion des territoires a mentionné lors de son audition par votre commission le 25 juillet la mobilisation possible de 1,3 à 1,8 Md€ supplémentaires, afin de maintenir des ambitions élevées en matière de fibre optique jusqu'à l'utilisateur 6 ( * ) .


* 3 Rapport d'information du Sénat n°193 - Session ordinaire 2015-2016 - « Couverture numérique des territoires : veiller au respect des engagements pour éviter de nouvelles désillusions » - Hervé Maurey et Patrick Chaize.

* 4 Le taux de mutualisation correspond à la proportion des prises éligibles sur lesquelles au moins deux opérateurs commerciaux sont présents au point de mutualisation. Il apporte ainsi une indication sur la commercialisation des réseaux, leur ouverture et la concurrence sur le marché de détail.

* 5 Rapport public thématique « Les réseaux fixes de haut et très haut débit : un premier bilan », Cour des comptes, janvier 2017.

* 6 Audition du 25 juillet 2017

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