II. LE PLAN JUNCKER, L'AVENIR DE LA PAC ET DE LA POLITIQUE COMMERCIALE : TROIS ENJEUX MAJEURS À L'AGENDA EUROPÉEN

En complément des relations continues que notre commission entretient avec les institutions européennes notamment à travers le dialogue politique 23 ( * ) , nous avons saisi l'opportunité de notre mission à Bruxelles pour assurer le suivi de trois dossiers en particulier :

- la mise en oeuvre du plan Juncker avec M. Jyrki Katainen, commissaire en charge de l'emploi, de la croissance, de l'investissement et de la compétitivité ;

- la politique agricole avec M. Phil Hogan, commissaire chargé de l'agriculture et du développement rural ;

- et la politique commerciale de l'Union européenne avec Mme Cecilia Malmström, commissaire au commerce.

A. LE PLAN D'INVESTISSEMENT POUR L'EUROPE : UNE AMBITION À CONSOLIDER

1. Une réalisation majeure de la législature au service de l'économie européenne
a) Un marqueur fort de la présidence Juncker dès ses débuts

Annoncé dès juillet 2014 et pleinement opérationnel depuis septembre 2015, le plan d'investissement pour l'Europe, dit « plan Juncker », vise à relancer les investissements stratégiques dans l'Union européenne. Plus précisément, il entend répondre à trois objectifs :

- stimuler l'investissement, en s'assurant que les ressources publiques, limitées par nature, sont utilisées pour mobiliser l'investissement privé, afin de cibler les défaillances du marché de manière efficace, en attirant les capitaux privés ; c'est le principe de l'effet de levier ;

- renforcer la compétitivité en améliorant l'environnement des investissements, tant au niveau européen que dans chaque État membre ;

- favoriser la croissance économique à long terme dans l'Union et donc l'investissement dans l'économie réelle.

Le plan s'est dès l'origine accompagné d'objectifs chiffrés. Il s'agissait de mobiliser 315 milliards d'euros d'investissements entre 2015 et 2017, avec un effet de levier de 15. Les projets les plus risqués - que le marché seul ne financerait pas - bénéficient ainsi de la garantie apportée par un fonds public, le fonds européen de soutien aux investissements stratégiques (FEIS) dont la gestion est confiée à la BEI 24 ( * ) .

Outre la création du FEIS, le plan Juncker prend appui sur deux piliers techniques et un volet réglementaire, à savoir :

- la plateforme européenne de conseil en investissement, qui permet le recensement, la préparation et le développement de projets d'investissement. Elle fournit aussi un conseil technique au financement de projets dans l'Union, en particulier en matière d'ingénierie financière ;

- le portail européen des projets d'investissement, site Internet qui fournit des informations sur des projets d'investissement qui n'ont pas encore trouvé de financements ;

- le volet réglementaire vise quant à lui à créer un environnement propice aux investissements, en levant les obstacles réglementaires.

b) Le plan est d'ores et déjà un succès, dont la France a su profiter

La mise en oeuvre du plan Juncker s'est effectuée rapidement, le FEIS ayant été déployé dès janvier 2015.

Quant aux investissements générés, ils sont en ligne avec les objectifs affichés. Selon la BEI, près de 80 % des 315 milliards d'euros mis à disposition du plan à sa création 25 ( * ) avaient été mobilisés à la fin de l'année 2017. De manière générale, les économistes de l'institution considèrent que le plan a une incidence marquée sur la croissance et sur l'emploi : ils estiment que, d'ici à 2020, le PIB de l'Union européenne en ressortira accru de 0,7 % et qu'environ 700 000 emplois auront été créés.

La France est le principal pays bénéficiaire du Plan en valeur absolue avec plus de 70 projets, correspondant potentiellement à 37 milliards d'euros d'investissements essentiellement dans les réseaux numériques à très haut débit (dans le Nord, le Grand Est), les fonds d'infrastructures (comme Gingko pour la dépollution des friches industrielles) ou dans des projets pour l'efficacité énergétique (notamment dans les Hauts-de-France) 26 ( * ) .

c) La prolongation du plan dans un sens conforme à nos préoccupations

Alors que le plan Juncker devait prendre fin au 31 décembre 2017, sa prolongation a été définitivement décidée à la fin de l'année dernière. Ce doublement de la durée du Plan (le terme en est désormais prévu fin 2020) s'est accompagné d'une augmentation de la dotation du FEIS de 21 à 33,5 milliards d'euros, l'objectif étant de mobiliser 500 milliards d'investissements sur la totalité de la période.

Il est aussi prévu que les fonds seront concentrés sur les investissements durables afin de contribuer à atteindre les objectifs de l'Accord de Paris. Deux nouveaux secteurs ont en outre été déclarés éligibles, ceux de la pêche et de l'agriculture durables. Enfin, de nouvelles règles ont été établies, plus favorables aux régions les moins développées et aux projets de taille modeste, rejoignant ainsi les préoccupations exprimées par le Sénat dans sa résolution du 24 mars 2015 27 ( * ) .

2. Une ambition à consolider

L'entretien avec le commissaire Katainen a été l'occasion de revenir sur les réalisations et perspectives du plan d'investissement pour l'Europe et sur la forte mobilisation de la France. En se félicitant de l'implication des régions, le commissaire a rappelé que celles-ci peuvent directement soumettre des projets aux services en charge de la gestion du plan sans passer par les autorités nationales.

Le commissaire a rappelé que la définition des secteurs d'intervention du FEIS n'était pas figée et que des réflexions actuelles étaient ouvertes sur les domaines évoqués par notre délégation : la production énergétique agricole, le marché des données ou encore la défense. Il a, pour sa part, exprimer un intérêt particulier pour les secteurs du numérique et de l'intelligence artificielle. Il a même considéré que ce faisant, le plan Juncker pourrait constituer l'un des éléments de réponses aux propositions du Président de la République sur le soutien européen à l'innovation.

Nous avons pu constater que M. Katainen, partageait notre souci de faire en sorte que le plan bénéficie à un plus grand nombre d'acteurs. Pour ce qui est des entreprises, il a exprimé son souci de favoriser l'accès de PME et d'ETI, notamment grâce à l'abaissement des seuils d'éligibilité et l'assistance technique 28 ( * ) . S'agissant en outre, des acteurs publics, nous avons attiré son attention sur les difficultés rencontrées par les plus petites collectivités, notamment en termes d'accès à l'information et d'articulation avec les fonds structurels 29 ( * ) .

Le commissaire a rappelé l'importance de l'accès à l'information sur le plan dans laquelle les acteurs nationaux et régionaux ont un rôle particulier à jouer. Il a aussi rappelé qu'un effort très significatif avait été engagé par la Commission afin d'améliorer la transparence de fonctionnement du plan, par exemple par la mise en place d'une plateforme Internet qui recense tous les projets, par pays, par région et par secteur.

Enfin, s'inscrivant en cela dans la tonalité bruxelloise générale 30 ( * ) en ce début 2018, le commissaire Katainen a considéré qu'après les crises de ces dernières années, les citoyens européens avaient retrouvé l'envie d'aller de l'avant et que, désormais, ils attendaient que l'Europe réponde à leurs attentes concrètes, par exemple en matière d'emploi ou de lutte contre le réchauffement climatique.


* 23 En adoptant des avis politiques directement adressés à la Commission européenne.

* 24 Banque européenne d'investissement.

* 25 Répartis à raison de 240 milliards affectés aux investissements à long terme et 75 milliards aux PME et ETI.

* 26 Notons que rapporté au PIB, la France figure en milieu de classement, les principaux bénéficiaires étant la Finlande, les pays baltes, la Bulgarie, l'Espagne et le Portugal.

* 27 Proposition de résolution n° 298 (2015-2016) de MM. Jean-Paul Émorine et Didier Marie adoptée par la commission le 11 février 2015, devenue résolution du Sénat le 24 mars 2015.

* 28 Nos collègues Didier Marie et Cyril Pellevat avaient rappelé la nécessité d'une telle amélioration lors de la leur communication du 2 novembre 2017, de même qu'ils avaient rappelé l'importance des plateformes permettant d'agréger plusieurs projets de taille modeste.

* 29 Question dite du « blending » entre le FEIS et les autres fonds européens.

* 30 Cf I.A.

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