C. QUELLE POLITIQUE COMMERCIALE POUR L'EUROPE ?

1. Une actualité particulièrement riche

L'année 2017 a été dense en matière de politique commerciale. Marquée à la fois par le nombre d'accords de libre-échange en voie d'être finalisés, par l'amélioration des capacités de défense commerciale de l'Union et enfin, par la nouvelle démarche de transparence engagée par la Commission.

En premier lieu, force est effet de constater que l'abandon de fait des négociations sur le TTIP avec les États-Unis ne sonne pas le glas de la poursuite de l'ouverture commerciale de l'Europe, loin s'en faut. Le 21 septembre, le CETA est entré en vigueur à titre provisoire tandis que début 2018, les accords avec le Japon, le Mercosur, et la modernisation de l'accord avec le Mexique sont en voie de conclusion. Dans quelques semaines et sous réserve de l'adoption par le Conseil des recommandations de la Commission, un double exercice s'ouvrira à son tour avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande.

En second lieu, il convient de rappeler que la dernière présidence de l'Union européenne est parvenue à dégager un consensus sur la défense commerciale et ce, à deux niveaux :

- par l'adoption d'une nouvelle méthode de calcul des cas de dumping de la part de certains pays où l'État joue un rôle massif dans l'économie 39 ( * ) ,

- et par la modernisation plus générale de nos instruments, en particulier un aménagement important de la règle du droit moindre en cas de dumping, jusqu'alors inéquitable et peu efficace.

Enfin, le troisième élément de cette actualité particulièrement dense est l'engagement de la Commission à plus de transparence dans sa politique commerciale. Dans son discours sur l'état de l'Union en septembre, M. Juncker a en effet annoncé la publication systématique par la Commission des projets de mandats de négociation, jusqu'à présent confidentielles. A également été mis en place un groupe consultatif sur les accords commerciaux, destiné à établir un dialogue avec les représentants des secteurs économiques, les syndicats, les ONG, les organisations de consommateurs. Composé de 28 personnes, il se réunira une première fois au mois de février 2018.

2. La double exigence de transparence et d'équilibre dans les négociations commerciales

L'entretien avec la commissaire Malmström a permis un large tour d'horizon des questions relatives au commerce international.

Le premier thème qui ressort de ces échanges est celui de la transparence démocratique de la politique commerciale . Il ressort notamment des propos de la commissaire que la dissociation entre le volet commercial et le volet investissements des accords commerciaux n'avaient pas vocation à devenir une règle qui auraient pour but de permettre à la Commission européenne d'échapper à la mixité des accords 40 ( * ) et donc à une décision partagée entre l'Union européenne et les parlements nationaux. Dans tous les cas, qu'il s'agisse d'accords mixtes ou relevant de la compétence exclusive de l'Union, un consensus existe aujourd'hui sur la nécessité d'associer les parlements nationaux le plus en amont possible, selon des modalités qui ne peuvent en revanche être définies qu'au niveau national.

Cette exigence à destination des parlementaires s'accompagne aussi d'un besoin de transparence vis-à-vis de l'ensemble de la société au stade de la conclusion des mandats de négociation 41 ( * ) comme au stade des consultations préalables. Sur ce dernier point la commissaire s'est toutefois engagée à répondre à certaines difficultés qui ne permettent pas à tous les citoyens de participer à une consultation publique au motif... qu'il fallait être importateur ou exportateur pour ce faire. 42 ( * )

Il a aussi été admis que la transparence entendue au sens large imposait que les effets des accords commerciaux soient évalués. L'exemple du Cambodge a été évoqué, pour lequel la commissaire envisage d'engager effectivement une évaluation sur le terrain.

L'autre grand thème sur lequel la discussion a été particulièrement instructive est celui de l'équilibre général des relations commerciales. D'une façon ou d'une autre, il s'avère en effet nécessaire que soient mis en place des mécanismes de compensation de certains effets négatifs de l'ouverture commerciale ou de distorsion dans les conditions de production.

Sur ce second aspect, la commissaire a rappelé qu'elle réfléchissait actuellement à des formes de protection de l'Europe contre des importations peu vertueuses du point de vue environnemental. Elle a toutefois estimé que sur les questions les plus « modernes 43 ( * ) » (liées à l'environnement, aux normes sociales, au e-commerce, à la sécurité...), le cadre de l'OMC était sans doute mal adapté car trop large, comme l'a rappelé la dernière conférence de Buenos Aires. Elle reconnaît aujourd'hui la nécessité de chercher un autre cadre et évoque par exemple la possibilité de recourir à des accords plurilatéraux 44 ( * ) . Plus précisément, la commissaire a aussi confirmé nos propres interrogations quant à l'avenir de l'Organe de règlement des différends de l'organisation de Genève.

L'un des intérêts de la discussion avec la commissaire au commerce a aussi été pour nous de lui rappeler la préoccupation constante du Sénat français de voir l'Europe faire émerger des champions mondiaux, notamment dans le domaine du numérique.

Enfin, nous avons pu constater, sans surprise, que la commissaire européenne était elle aussi dans l'expectative s'agissant des relations futures entre le Royaume-Uni et l'Europe, notamment suite aux déclarations contradictoires du gouvernement britannique dont certaines seraient favorables à l'union douanière. 45 ( * )

* *

*

Notre délégation a quitté Bruxelles avec le sentiment que l'année 2018 mériterait une vigilance toute particulière au regard des défis qui la jalonnent et des incertitudes liées notamment au Brexit.

D'un point de vue immédiatement opérationnel, nous avons aussi pris date :

- d'une part avec le commissaire Phil Hogan à la fin du premier semestre 2018 pour lui livrer l'état de nos réflexions sur l'avenir de la PAC ;

- d'autre part, nous procéderons dans quelques mois à un échange de vue approfondi avec les équipes chargées auprès du premier président M. Frans Timmermans chargées de l'animation de la Task force sur la subsidiarité et la proportionnalité.

Notre commission pourra ainsi continuer de mettre à profit son expérience reconnue dans les relations entre parlement national et institutions européennes.


* 39 Chacun songe au cas de la Chine.

* 40 En application de l'avis de la Cour de justice de l'Union européenne relatif à l'accord avec Singapour du 16 mai 2017.

* 41 Qui sont effectivement, comme annoncé par le président Juncker, d'ores et déjà publiés sans délai sur le site internet de la Commission.

* 42 À ceci s'ajoute l'inconvénient d'un questionnaire uniquement rédigé en anglais.

* 43 Selon l'expression de la commissaire.

* 44 Étant entendu que ces derniers respecteraient les principes de l'OMC et seraient ouverts à tous ses États membres.

* 45 Sur un point très spécifique mais d'importance pour nos éleveurs Mme Malström nous a aussi confirmé que rien n'était aujourd'hui fixé concernant le sort du fameux contingent tarifaire de 200 000 tonnes de viande aujourd'hui importées de pays tiers vers le Royaume-Uni.

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