IV. ÉCHANGES ÉCONOMIQUES, TECHNIQUES ET COMMERCIAUX

A. TEXTE DU SÉNAT FRANÇAIS : DES RELATIONS ÉCONOMIQUES, TECHNOLOGIQUES ET COMMERCIALES TRÈS DENSES, À DÉVELOPPER

1. Des relations économiques entravées par la récession et le contexte politique

Après une décennie de développement soutenu des échanges entre nos deux pays, marquée par la passation de nombreux contrats dans des domaines aussi stratégiques que l'aéronautique, le spatial et l'armement, la dynamique s'est retournée à compter de 2012 du fait du ralentissement, puis de la récession, de l'économie russe, ainsi que sous l'effet, à compter de 2014, des sanctions occidentales et des contre-sanctions décidées par Moscou. La Russie est ainsi passée du 4e au 10e rang des marchés de la France -hors UE et Suisse- entre 2014 et 2015, les échanges accusant une baisse de 35 % , à la fois du fait d'une baisse des exportations françaises en Russie (-33,2%) et d'une baisse des achats français de produits russes (-36,5%), en partie liée à la diminution du prix du pétrole .

Les sanctions européennes ont eu un impact direct sur nos relations économiques dans les domaines concernés : énergie, secteur bancaire, armement, biens à double usage. Elles ont retardé, par exemple, le financement du grand projet gazier Yamal, même si en définitive, le projet a pu aboutir en 2017, avec une participation en garantie de la France via la COFACE. Elles ont également freiné le partenariat, annoncé comme prometteur, entre la Caisse des Dépôts et des Consignations et le Fonds russe d'investissement direct (FRID). Les sanctions ont également un effet indirect lié au comportement de certaines banques, françaises comme étrangères qui, par crainte de l'extraterritorialité des sanctions américaines, ont coupé court au financement des projets d'entreprises présentes en Russie, freinant leur développement ou les obligeant à se tourner vers d'autres établissements bancaires. Enfin, de manière générale, elles fonctionnent comme un « frein psychologique » qui bride le climat des affaires .

Par ailleurs, l'embargo russe sur les produits agro-alimentaires européens, décrété en août 2014 - venant conforter une politique de substitution aux importations initiée avant la crise ukrainienne - a eu pour conséquence de stopper net les importations de certains produits agricoles français comme les viandes (notamment porcine), les fromages et les fruits et légumes, fragilisant l'équilibre économique de certaines filières françaises .

2. Des liens qui résistent et se renforcent malgré tout

Malgré les sanctions, la situation économique et le contexte politique, 550 filiales d' entreprises françaises sont toujours présentes en Russie , signe de confiance dans l'avenir de la relation. 35 entreprises du CAC 40 y sont présentes, de même que de nombreuses PME et TPE. Aucune d'entre elles n'est partie depuis la crise. Hors zones à fiscalité attractive, la France est devenue depuis 2014 le premier investisseur étranger en flux en Russie (et le deuxième en stock). Présentes dans des domaines variés, les entreprises françaises sont particulièrement bien représentées dans le secteur agroalimentaire, financier et bancaire, la grande distribution, l'énergie et l'industrie automobile. Les entreprises françaises sont ainsi le premier employeur étranger en Russie ( 170 000 salariés). La France est aussi le pays européen qui y compte le plus grand nombre de start-up.

Par ailleurs, en 2016 et en 2017, les exportations françaises vers la Russie sont reparties à la hausse , grâce à d'importantes livraisons de matériels aéronautiques (aéronefs et engins spatiaux) qui constituent l'un des tout premiers postes d'exportation. Si les exportations agricoles continuent à pâtir des sanctions et de la politique russe de substitution aux importations, des opportunités sont apparues dans le même temps , compte tenu de la demande russe en amont (semences, bétail, technologies) et en aval (transformation, conditionnement) des filières agricoles.

Le fait que le Conseil économique, financier et industriel (CEFIC) se réunisse à nouveau régulièrement, et au niveau ministériel, depuis janvier 2016 souligne la volonté de la France d'accompagner le développement des entreprises françaises en Russie, en dépit des difficultés politiques.

3. Un potentiel de développement important

Malgré l'affichage d'un « pivot asiatique », la Russie ne peut en effet tout miser sur une Chine qui n'investit que très prudemment et de manière très ciblée sur le marché russe. Or, la Russie a un besoin crucial de capitaux et de technologies pour moderniser son économie, la diversifier et la sortir d'une situation de dépendance aux hydrocarbures qui ne permet pas de garantir une trajectoire de croissance durable.

Les pays européens en général, et la France en particulier, ont donc une carte économique à jouer en Russie , d'autant que la faiblesse du rouble est favorable aux investissements. Les grands projets d'infrastructures requièrent des investissements importants. Le programme de privatisations annoncé en 2016 pourrait aussi être une opportunité à saisir s'il se concrétisait.

Nos coopérations industrielles dans les secteurs phares que sont l'énergie, l'aéronautique -avec le programme Sukhoi Superjet 100 et l'avion civil MC-21 - ou encore le domaine spatial sont appelées à se poursuivre. Le nucléaire civil et l'efficacité énergétique , secteurs dans lesquels l'expertise française intéresse la Russie, s'avèrent prometteurs pour des coopérations. Les services urbains et, compte tenu du vieillissement de la population, les services de santé, sont appelés à se développer fortement dans les prochaines années et représentent autant d'opportunités à saisir pour les entreprises françaises.

La Russie représente aussi un vaste marché de plus de 140 millions d'habitants , dont le pouvoir d'achat a certes diminué, mais qui, en dépit des politiques de substitution aux importations, restent attirés par les produits occidentaux, synonymes de qualité. Les produits français notamment gardent une très bonne image auprès des consommateurs russes.

4. Lever les obstacles au développement de relations commerciales

La Russie demeure un marché difficile pour les entreprises françaises . La complexité de la législation, les restrictions à la concurrence, notamment l'existence de barrières non-tarifaires, la lourdeur administrative et, en dépit des progrès enregistrés, l'environnement des affaires, constituent des freins aux échanges. Pour les petites et moyennes entreprises, la difficulté de l'accès aux financements constitue un problème supplémentaire.

La dynamisation de nos relations dans le domaine économique reste également tributaire d'un rétablissement complet de la confiance sur le plan politique et de la levée des sanctions - conditionnée au règlement de la crise ukrainienne.

Elle implique aussi que la Russie se conforme à ses engagements dans le cadre de l'Organisation mondiale du Commerce , notamment la levée de l'embargo sur le porc et les produits porcins en provenance de l'UE, ou encore la taxe de recyclage sur les voitures importées.

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