III. VERS UN NOUVEAU PARTAGE DE COMPÉTENCES

La Commission propose, dans le scénario n° 4, plusieurs domaines dans lesquels l'Union européenne ne devrait intervenir qu'à l'appui des États membres. Elle considère ainsi que sa plus-value peut être limitée en matière de santé publique ou de développement régional. Elle estime en outre que de nouvelles normes relatives à la protection des consommateurs, à l'hygiène ou à la santé et à la sécurité au travail, ne devraient viser qu'un degré minimal d'harmonisation. Les États bénéficieraient alors d'une marge d'expérimentation plus grande dans certains secteurs.

Vos rapporteurs partagent l'idée d'un meilleur partage de compétences. La commission des affaires européennes a déjà, par le passé, pris position sur la question d'une rationalisation de l'activité de la Commission 25 ( * ) . Cette démarche est à même de favoriser une meilleure lisibilité de l'action de l'Union européenne et doit faciliter un partage des rôles plus efficace et plus visible. Elle participe en outre pleinement à la mise en avant d'une « Union du changement démocratique » mise en avant par le président de la Commission européenne, M. Jean-Claude Juncker, lors de son élection en juillet 2014 et au sein de laquelle les parlements nationaux doivent consolider leur place.

S'agissant des domaines cités par la Commission, vos rapporteurs insistent sur la nécessité d'adopter une approche pragmatique plutôt que de déterminer à l'avance quels sont les domaines dans lesquels l'Union européenne ne devrait plus intervenir. Toute réglementation européenne doit démontrer une réelle plus-value, être compréhensible et ne pas concourir à alourdir la charge administrative pesant sur l'activité. Ce raisonnement peut s'appliquer à tous les domaines économiques. Le choix de la Commission de citer un prochain retrait sur les questions touchant à la santé et la sécurité au travail, à l'hygiène ou au droit des consommateurs ne doit pas non plus effrayer. Notre commission a, ces dernières années, émis plusieurs fois des avis indiquant que, dans ces domaines, elle refusait toute harmonisation dès lors que celle-ci conduisait à une uniformisation par le bas des droits des citoyens européens. Le cas le plus récent concerne la proposition de la Commission sur les contrats de vente en ligne 26 ( * ) . La sûreté nucléaire avait également conduit notre commission à se prononcer contre une harmonisation dans la mesure où elle aurait impliqué de réduire nos exigences en la matière 27 ( * ) .

Il s'agit, plus largement, d'être vigilant à la nature même des textes juridiques proposés par la Commission. Nous constatons en effet, ces dernières années, une évolution du droit européen. Les traités prévoient deux instruments juridiques : les règlements d'application directe et les directives qui doivent être transposées en droit interne, avec une marge de manoeuvre pour les États membres. La pratique a fait apparaître une application nouvelle de ces instruments : des règlements qui prévoient assez largement la possibilité de mesures nationales d'adaptation - à l'image du règlement sur la protection des données adopté en 2016 28 ( * ) - et des directives d'harmonisation maximale qui interdisent toute liberté au législateur national, à l'instar de la proposition de directive sur les contrats de vente en ligne. Avant toute définition d'un périmètre d'activité, la Commission doit donc revenir à l'esprit même des traités et proposer des directives et des règlements répondant aux critères indiqués plus haut.

A. LE CAS DE LA POLITIQUE RÉGIONALE

L'intention affichée par la Commission de limiter son intervention en matière régionale peut susciter des craintes légitimes tant la politique européenne, dans ce domaine, contribue financièrement au développement de nos régions. Vos rapporteurs peuvent néanmoins rejoindre ce point de vue en ce qui concerne la mise en oeuvre effective de la politique de cohésion. Il ne s'agit pas de remettre en cause les dotations financières, mais plutôt de réfléchir à une meilleure mise en oeuvre sur le terrain.

Plus qu'un retrait, vos rapporteurs estiment que la simplification de la politique de cohésion apparaît indispensable si l'on entend mettre en avant la plus-value européenne dans le domaine régional. Il s'agit, ainsi, de garantir son appropriation par nos citoyens. Comme l'a relevé le groupe de suivi dans son rapport sur la refondation, la simplification doit porter en particulier sur la règlementation dont la lourdeur et la complexité sont exponentielles. Les normes réglementaires européennes s'avèrent à la fois formellement excessives, juridiquement instables et opaques.

Il s'agit, dans le même temps, de promouvoir la proportionnalité. Les procédures de contrôle et d'audit doivent être adaptées à l'ampleur du projet concerné en fonction, notamment, du niveau de ressources et de risques qu'il engage. Il convient également d'ajuster les procédures européennes de contrôle et d'audit à la capacité administrative de chaque État membre en ce domaine.

S'agissant de l'allocation des fonds, vos rapporteurs insistent sur une approche pragmatique permettant de répondre à une double exigence de flexibilité et de réactivité budgétaires. Il s'agit d'aboutir à la mise en réserve de crédits rapidement mobilisables pour affronter des circonstances exceptionnelles et éviter des transferts entre rubriques du budget européen ou des modifications imposées en cours de route aux programmes régionaux.

Le versement des fonds doit, quant à lui, faire l'objet d'une harmonisation des règles, pour l'heure différenciées en fonction de l'origine des crédits. Ceci doit permettre la compréhension du dispositif par les porteurs de projet et les bénéficiaires, et donner ainsi pleine mesure de ses potentialités auprès des citoyens européens.


* 25 Programme de travail de la Commission européenne pour 2016, rapport d'information n° 322 (2015-2016) de MM. Jean Bizet et Simon Sutour, fait au nom de la commission des affaires européennes, 21 janvier 2016.

* 26 Proposition de directive concernant certains aspects des contrats de vente de biens (COM (2017) 637 final) et proposition de résolution européenne n° 327 (2017-2018) sur la proposition de directive concernant certains aspects des contrats de vente de biens, présentée par M. André Gattolin et Mme Colette Mélot, au nom de la commission des affaires européennes.

* 27 La politique européenne de sûreté nucléaire : la nécessité d'avancer, rapport d'information n° 561 (2010-2011) de MM. Jean Bizet et Simon Sutour, fait au nom de la commission des affaires européennes, 25 mai 2011, et résolution européenne du Sénat n° 153 (2010-2011) sur la politique européenne de sûreté nucléaire, 30 juin 2011.

* 28 Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données).