AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

À la suite du discours du Président de la République M. Jacques Chirac, le 16 juillet 1995, lors de la commémoration de la rafle du Vel' d'Hiv', une mission d'étude sur les spoliations perpétrées durant l'Occupation contre les juifs résidant en France fut créée.

Le contexte international de la fin des années 90 mérite un bref rappel tant il s'est trouvé marqué par la résurgence des interrogations sur la portée des réparations mises en oeuvre après la Libération, après une longue période pendant laquelle cette problématique avait connu un déplorable essoufflement. La chute du mur de Berlin, sorte de retour de l'histoire propice aux remémorations, la sensibilité de l'administration américaine du moment à un passé qui ne pouvait passer, illustrée par la création d'un sous-secrétariat d'État chargé de ces questions comme de toutes autres comportant le soupçon de spoliations, avaient créé un environnement, par ailleurs traversé par les actions judiciaires, actions de groupe pour la plupart, contre les banques suisses ou françaises, et par d'autres contentieux plus latents, où il n'était plus question de frapper d'un déni, même discret, la réalité de ces spoliations et de leur nécessaire réparation.

L'important accord de Washington (voir infra ) conclu entre la France et les États-Unis d'Amérique devait dès le 18 janvier 2001 marquer, pour les seules spoliations bancaires et financières, la réactualisation de cette problématique d'une dette mal réglée. Il faisait suite à la Déclaration de Washington, aux signataires plus diversifiés, consacrée à la question toujours lancinante des spoliations d'objets d'art et de culture.

La mission Mattéoli, constituée dans le prolongement de l'initiative du Président de la République, et confirmée dans sa tâche par le Gouvernement issu des élections consécutives à la dissolution de l'Assemblée nationale en 1997, a présenté ses travaux, travaux d'histoire qui ont souvent dû prendre la forme de travaux d'investigation, dans un rapport de plus de 3 000 pages dont l'une des recommandations visait à ce que le Gouvernement crée un organe chargé de l'examen des demandes déposées par les victimes des lois antisémites en vigueur en France sous l'Occupation nazie, et par leurs ayants droit, dans le but d'obtenir une réparation des préjudices alors subis.

Cette recommandation a conduit à l'institution de la commission d'indemnisation des victimes de spoliations (la CIVS) en 1999.

C'était, aux conditions du moment, tirer les leçons d'une histoire qui révélait que tous les préjudices matériels 1 ( * ) subis à raison de l'appartenance à une identité juive, alors motif de plus que des persécutions, n'avaient pas été réparés après la Libération et qu'il convenait d'instaurer un organe administratif spécialisé pour que les réparations puissent être efficacement complétées.

À la création de la CIVS, il était certain que celle-ci ne serait pas privée d'activité. D'emblée, cette prévision fut confirmée et même dépassée par le flux plus nourri que prévu des dossiers adressés à la commission.

Pourtant, très vite le maintien de la CIVS fut mis en cause. Les projets de dissolution furent cependant abandonnés.

Il faut s'en réjouir. La mise en extinction de la commission aurait été une faute, l'activité de la commission, restée soutenue depuis, l'attestant assez.

À l'heure où, semble-t-il, à nouveau, l'opportunité de maintenir l'existence de la commission, se trouve débattue, il faut conserver la mémoire des imprudences ainsi évitées.

Plus encore, malgré la résorption significative de la dette de réparation acquise sous l'égide de la CIVS, ce serait une faute de négliger que le renouvellement des approches de la spoliation antisémite et des défauts de la réparation conduit naturellement à réviser à la hausse l'ampleur de la dette de réparation rémanente, aux aspects plus diversifiés que ceux couramment envisagés.

C'est à cette aune que le bilan de la CIVS doit être mesuré.

À l'issue de l'examen de l'action de la CIVS, quelques convictions se forment.

Pour que le devoir de réparation, à l'accomplissement duquel la commission a largement contribué, soit plus complètement satisfait, il ne suffit pas d'en prolonger l'existence.

Il convient, aujourd'hui, d'étendre ses responsabilités et ses moyens tout en instaurant un contexte beaucoup plus favorable au succès de sa mission.

À cette fin, les dispositifs accessibles à des acteurs de la réparation plus responsabilisés, devront être rénovés afin de donner plus de puissance à une action de justice face à laquelle l'inaction n'est pas une option.

Tout en se dotant d'un appareil national plus fort, la France doit redonner un élan international à une mission dont les dimensions dépassent naturellement les frontières.


* 1 Quant aux autres préjudices, il n'en est ici pas question, du fait des immenses difficultés que pose à leur sujet l'idée même d'une réparation, même si les spoliations matérielles ont été l'un des instruments de préjudices autrement plus profonds, appréciation qui doit être prise en considération lorsqu'on envisage les spoliations matérielles commises à l'encontre des juifs et qui conduit à leur reconnaître une spécificité certaine.

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