II. DEUXIÈME TABLE RONDE

LES RELATIONS ÉCONOMIQUES, TECHNOLOGIQUES ET COMMERCIALES

M. Joël Guerriau, Sénat

Durant les années 2000, et jusqu'au début des années 2010, les échanges économiques entre nos deux pays s'étaient fortement développés avec de nombreux contrats dans l'aéronautique, le spatial et l'armement.

Cette dynamique s'est retournée à partir de 2012 du fait du ralentissement de l'économie russe, puis de la récession provoquée, à compter de 2014, par la baisse des cours du pétrole et l'effet conjugué des sanctions et des contre-sanctions. Entre 2014 et 2015, les échanges entre nos deux pays ont diminué de 35 %, la Russie passant du 4ème au 10ème rang des marchés non européens de la France.

Si l'effet des sanctions reste difficile à isoler, il est certain que celles-ci ont eu un impact sur nos relations économiques dans les domaines directement concernés : énergie, secteur bancaire, armement, biens à double usage. Elles ont retardé, par exemple, le financement du grand projet gazier Yamal, même si le projet a fini par aboutir en 2017, grâce à des capitaux chinois, mais avec une participation en garantie de la France, via la COFACE. Les sanctions ont également un effet indirect en restreignant l'accès au financement d'entreprises étrangères souhaitant se développer sur le marché russe. De manière générale, elles fonctionnent comme un « frein psychologique » qui bride le climat des affaires.

Par ailleurs, l'embargo russe sur les produits agro-alimentaires européens, décidé en août 2014, a conduit à stopper net les importations de certains produits agricoles français comme les viandes (notamment porcine), les fromages et les fruits et légumes, fragilisant l'équilibre économique de certaines filières françaises. Cet embargo, soulignons-le, n'a fait que prendre la suite d'une politique russe de substitution aux importations, lancée avant la crise ukrainienne.

Nos relations économiques restent pourtant denses et variées. 550 filiales d'entreprises françaises, dont 35 entreprises du CAC 40 et de nombreuses PME et TPE françaises, sont toujours présentes en Russie, signe de confiance dans l'avenir de la relation. Aucune d'entre elles n'est partie depuis la crise. Au contraire, la France est devenue depuis lors le premier investisseur étranger en flux en Russie. Ensemble, les entreprises françaises emploient 170 000 salariés, ce qui en fait le premier employeur étranger en Russie. Elles sont présentes dans les secteurs agroalimentaire, financier et bancaire, la grande distribution, l'énergie et l'industrie automobile. La France est aussi le pays européen qui compte le plus grand nombre de start-up dans ce pays.

Par ailleurs, depuis deux ans, les exportations françaises vers la Russie sont reparties à la hausse, grâce à d'importantes livraisons de matériels aéronautiques. Si les exportations agricoles restent à la peine, des opportunités nouvelles sont apparues du fait de nouveaux besoins en amont (semences, bétail, technologies) et en aval (transformation, conditionnement) des filières agricoles.

Le fait que le Conseil économique, financier et industriel, le CEFIC, se réunisse à nouveau régulièrement et au niveau ministériel, depuis janvier 2016, souligne la volonté de la France d'accompagner le développement des entreprises françaises en Russie.

De fait, nous souhaitons développer nos relations économiques. La Russie aura besoin des investissements européens pour moderniser son économie et réduire sa dépendance aux hydrocarbures. Elle ne peut tout miser sur une Chine qui n'investit que très prudemment et de manière très ciblée sur le marché russe.

Par ailleurs, nos coopérations sont fortes dans l'énergie, l'aéronautique - avec le programme Sukhoi Superjet 100 et l'avion civil MC-21- ou le spatial. Le nucléaire civil et l'efficacité énergétique sont des secteurs sur lesquels l'expertise française intéresse la Russie. Les services urbains, les services de santé, le numérique, dans lesquels les entreprises françaises sont en pointe, devraient aussi se développer fortement dans les prochaines années.

Pour cela, il faut lever les obstacles.

D'abord, il y a évidemment la question des sanctions et, plus largement, celle du rétablissement de la confiance sur le plan politique. Sur ce point, notre message est que nous souhaitons sincèrement la levée des sanctions, mais que celle-ci reste conditionnée à la mise en oeuvre des accords de Minsk. Rappelons à ce sujet que le Sénat a voté le principe d'une levée progressive et graduée des sanctions en cas de progrès tangibles constatés dans l'application par la Russie de ces accords.

Par ailleurs, il faut lever les barrières non tarifaires aux échanges : complexité de la législation, restrictions à la concurrence, lenteur des procédures, environnement des affaires.

Enfin, la France et ses partenaires européens attendent de la Russie qu'elle se conforme à ses engagements dans le cadre de l'Organisation mondiale du Commerce, notamment concernant la levée de l'embargo sur le porc et les produits porcins en provenance de l'UE, ou encore la taxe de recyclage sur les voitures importées. Le respect par la Russie de ses engagements internationaux est un paramètre essentiel pour les acteurs économiques et la condition d'une confiance retrouvée.

M. Alexey Dmitrienko, Conseil de la Fédération de Russie

Je vais essayer d'être bref, d'autant que la partie que nous sommes en train de traiter est probablement celle qui pose le moins de problèmes.

Il y a un effet négatif des sanctions de l'Union européenne sur les relations commerciales entre la Russie et la France. Les échanges entre nos deux pays représentaient en effet 28 milliards de dollars en 2011, contre moins de la moitié en 2016. En 2017, on sent poindre une évolution plus positive mais le niveau de 2011 reste un lointain souvenir. Force est de constater que les échanges franco-russes sont revenus à la normale, ce qu'il convient de souligner. Une logique d'intérêts réciproques est à l'oeuvre et même si la situation internationale est complexe, elle n'influe pas sur la réalisation de nos initiatives conjointes dans différents domaines.

Nos échanges sont ainsi en croissance depuis deux ans, même si nos données statistiques sont parfois discordantes, ce qui s'explique notamment par des divergences de vues sur le pays d'origine des marchandises ou par des différences dans les monnaies de calcul qui sont sujettes à des fluctuations de coûts.

La balance des paiements de la Russie montre que les investissements directs de la France en Russie représentent 14 milliards de dollars. La France reste donc un grand investisseur en Russie et nombre d'entreprises françaises telles que Renault, PSA, Alstom, Danone, Lactalis, Bonduelle, Sanofi, Lafarge ou Saint-Gobain sont présentes dans notre pays. En 2017, la France occupait même le premier rang des investisseurs à l'intérieur de nos frontières, devant l'Allemagne.

Le Ministère russe en charge du développement économique est en relation constante avec le MEDEF, notamment via le conseil consultatif sur les investissements.

54 entreprises françaises ont un investissement cumulé en Russie représentant 60 milliards de dollars. Deux tiers des importations réalisées dans notre pays sont des matières premières.

Nous constatons par ailleurs un certain manque d'innovation de la part des acteurs en présence, ainsi qu'un retard du développement des entreprises russes en France. A ce jour, celles sont au nombre de 86 et auraient créé environ 4 500 emplois.

Au cours de la période récente, les relations économiques franco-russes ont connu une nouvelle impulsion, suite à la rencontre entre le Président Poutine et le Ministre français en charge de l'économie, accompagné d'une délégation. Nous espérons par conséquent que le Président de la République française Emmanuel Macron participera au mois de mai 2018 au Forum économique à Saint-Pétersbourg, ce qui démontrera la volonté de nos deux pays de mieux collaborer ensemble.

M. Christian Cambon, Sénat

Nous espérons nous aussi que les conditions seront bientôt réunies pour une baisse des sanctions vis-à-vis de la Russie et nous sommes convaincus que les régions auront un rôle important à jouer dans les prochaines années pour dynamiser les relations économiques de nos deux pays.

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