LE PARTENARIAT CULTUREL, ÉDUCATIF ET HUMAIN

M. Andrey Klimov, Conseil de la Fédération de Russie

Nous ne pouvons que nous féliciter du fait que les conflits que nous connaissons actuellement n'aient pas mis fin à nos bonnes relations culturelles.

Il y a quelques décennies, nombreux étaient les Russes qui parlaient le français. Et après la Révolution de 1917, la France a servi de terre d'accueil à de nombreux Russes fuyant le nouveau régime des Bolcheviks. Nous ne pouvons que nous réjouir, en outre, de l'ouverture d'un nouveau centre spirituel russe en France, au cours de la période récente, attestant du dynamisme réel des relations culturelles que nos deux pays n'ont jamais cessé d'entretenir.

Ces relations sont d'ailleurs toujours restées assez dynamiques, ce qui a notamment permis l'organisation d'une grande exposition en 2012, en pleine période de guerre des sanctions entre nos deux pays, et qui a également favorisé l'organisation d'une année croisée de la langue et de la littérature particulièrement fructueuse en 2017. Des efforts ont également été mis en oeuvre pour parvenir à une double reconnaissance des diplômes délivrés par les autorités de nos deux pays.

Dans ce climat plutôt favorable, certains sujets n'en constituent pas moins, pour nous, des points de préoccupation majeurs. Nous déplorons notamment vivement que notre espace culturel soit constamment pollué par de fausses nouvelles et que les autorités de notre pays fassent l'objet de rumeurs, circulant à travers le monde sans aucun contrôle.

Nous notons par ailleurs qu'alors que la France a toujours affirmé haut et fort son attachement profond à la liberté d'expression, nos collègues de RT et de Spoutnik nous rapportent souvent qu'ils ne se sentent pas très à l'aise dans votre pays car ils défendent des points de vue différents de ceux véhiculés par la majorité des médias occidentaux. J'ajoute que si certains Français semblent estimer que la Russie se mêle des intérêts de la France, d'aucuns pensent, à l'intérieur de nos frontières, que c'est plutôt l'inverse qui se produit.

Là encore, et plus que jamais, le dialogue devra être maintenu entre nos deux pays, afin d'éviter les malentendus, en vue de favoriser une coopération culturelle, affirmée et fructueuse, entre la France et la Russie, au-delà de nos différences qui sont réelles et le resteront.

M. Christian Cambon, Sénat

Pour rebondir sur ce que vous venez de dire, sachez que notre Parlement s'apprête à examiner un projet de loi visant à sanctionner les fake news .

M. Joël Guerriau, Sénat

Vous l'avez souligné, une longue tradition d'amitié lie le peuple français et le peuple russe, fondée sur le partage de moments forts dans l'histoire et sur une considération réciproque pour la culture de l'autre. Cet attachement et cette sympathie se manifestent spontanément en de multiples occasions et particulièrement lorsque nos deux pays subissent des tragédies ou des attentats, comme c'est malheureusement trop souvent le cas.

Le champ culturel a toujours été l'une des facettes les plus dynamiques de nos relations. Saluons, à cet égard, la vitalité et la richesse de la programmation culturelle croisée mise en oeuvre conjointement par nos deux pays. L'année croisée 2018, inaugurée en mars dernier avec un Salon du Livre de Paris, a mis la Russie à l'honneur, occasion de commémorer le bicentenaire de la naissance de l'écrivain Ivan Tourgueniev, qui a longtemps vécu en France, et celle du centenaire de la naissance d'Alexandre Soljenitsyne, dont le livre L'Archipel du Goulag fut publié pour la première fois en France. En 2020, le Musée du Luxembourg, dans l'enceinte du Sénat, devrait, ici même, accueillir une exposition consacrée au fameux joaillier russe Fabergé, fournisseur officiel de la cour des tsars. Un événement rare, d'ores et déjà promis à un grand succès !

En matière de coopération universitaire, l'entrée en vigueur récente en 2016 d'un accord sur la reconnaissance mutuelle des diplômes devrait augmenter le nombre d'étudiants russes suivant des études longues en France - lesquels sont actuellement au nombre de 6 000 -, ce dont nous nous félicitons.

Il faut également se réjouir du dynamisme de la coopération scientifique et technique entre nos deux pays, la France étant le troisième partenaire scientifique de la Russie. Cette coopération étroite, héritage d'une tradition ancienne, repose notamment sur l'implication d'organismes publics de renom, comme le CNRS, l'INSERM ou l'Institut Pasteur, côté français.

Il n'empêche que les tensions politiques ou les représentations parfois déformées, véhiculées par les médias, ont éloigné nos sociétés l'une de l'autre.

Pour éviter qu'un fossé trop grand ne se creuse et pour corriger des perceptions erronées, il est indispensable de renforcer et d'intensifier les échanges culturels, intellectuels et humains, à tous les niveaux.

C'est pourquoi nous insistons pour que la France et la Russie se soutiennent et s'accompagnent mutuellement dans leurs efforts de promotion des langues française et russe. Ceux-ci reposent, bien sûr, en premier lieu, sur les établissements scolaires, mais il faut aussi mettre en valeur le rôle actif joué par les réseaux culturels. On ne peut donc que souhaiter, à cet égard, l'aboutissement des négociations en cours visant à conforter le statut des alliances françaises - qui sont au nombre d'une dizaine - présentes en Russie, de même que celui de l'Institut Pouchkine en France.

Par ailleurs, c'est une évidence, nos deux pays doivent s'efforcer de faciliter les contacts entre leurs ressortissants. Le déroulement en Russie de la prochaine Coupe du monde de football sera, à coup sûr, une occasion de rencontres et de moments partagés. Mais à côté de l'organisation d'événements de ce type, il faut aussi améliorer le cadre juridique de nos échanges. De ce point de vue, la récente entrée en vigueur de l'accord sur les échanges de jeunes, signé en 2008, constitue une avancée. On espère aussi que l'accord de 2009 sur les migrations professionnelle pourra être prochainement redynamisé, notamment en ce qui concerne le dispositif « visas vacances travail », en général très apprécié des jeunes.

S'agissant des visas de court séjour, je rappelle que nous sommes, sur le principe, favorables - sous réserve, bien entendu, de réciprocité - à un régime d'exemption en faveur des citoyens russes. Cependant, vous le savez, la reprise des négociations à ce sujet reste conditionnée à la levée des sanctions contre la Russie et donc à la mise en oeuvre des accords de Minsk. Mais cela ne doit pas nous empêcher de nous y préparer en exploitant au mieux toutes les possibilités offertes par l'accord de facilitation (sur la délivrance de visas) de 2007, actuellement en vigueur. En ce qui concerne la Russie, il semble exister une marge de progression importante, qu'il s'agisse de la durée de validité ou des délais de traitement. La France, pour sa part, se montre diligente, en délivrant ses visas en principe en 48 heures et en développant les visas « à entrées multiples », permettant à une même personne d'effectuer plusieurs séjours.

Enfin, il faut, bien sûr, encourager la montée en puissance du « dialogue de Trianon », lancé à la suite de la rencontre entre les présidents Macron et Poutine le 29 mai 2017, à Versailles. Ce dialogue vise à susciter, au moyen de plateformes numériques, des échanges directs entre les citoyens et acteurs des sociétés civiles des deux pays sur des sujets éloignés des préoccupations politiques, à l'instar du premier thème retenu, la « ville du futur ». Cette méthode originale, qui évite la mise en place d'une structure bureaucratique et réservée à des élites, permettra, nous l'espérons, d'inventer des coopérations innovantes, à partir des idées ainsi collectées.

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