N° 682

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 juillet 2018

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux entreprises (1) relatif aux rencontres entre la délégation aux entreprises et les entrepreneurs , intervenues au cours de l' année parlementaire 2017 - 2018 ,

Par Mmes Élisabeth LAMURE, Martine BERTHET, M. Éric JEANSANNETAS, Mmes Anne-Catherine LOISIER et Nelly TOCQUEVILLE,

Sénateurs

(1) Cette délégation est composée de : Mme Élisabeth Lamure, présidente ; MM. Gilbert Bouchet, Olivier Cadic, Emmanuel Capus, Fabien Gay, Xavier Iacovelli, Joël Labbé, Mmes Patricia Morhet-Richaud, Nelly Tocqueville, MM. Michel Vaspart, Richard Yung, vice-présidents ; Mmes Nicole Bonnefoy, Catherine Fournier, Pascale Gruny, M. Jackie Pierre, secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Guillaume Arnell, Mmes Martine Berthet, Annick Billon, M. Martial Bourquin, Mme Agnès Canayer, M. Michel Canevet, Mmes Anne Chain-Larché, Laurence Cohen, M. René Danesi, Mme Jacky Deromedi, M. Jérôme Durain, Mme Dominique Estrosi Sassone, MM. Michel Forissier, Jean-Marc Gabouty, Éric Jeansannetas, Antoine Karam, Guy-Dominique Kennel, Daniel Laurent, Jacques Le Nay, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Sébastien Meurant, Claude Nougein, Philippe Paul, Rachid Temal, Jean-Louis Tourenne, Mme Sabine Van Heghe.

AVANT-PROPOS

Madame, Monsieur,

Après trois ans d'existence, la délégation sénatoriale aux entreprises a connu son premier renouvellement en octobre 2017, en conséquence du renouvellement du Sénat intervenu à l'issue des élections sénatoriales du 24 septembre 2017. Elle m'a fait l'honneur de me renouveler sa confiance, validant ainsi l'approche pragmatique qui est la marque de fabrique de notre action depuis décembre 2014 : aller au contact direct des entreprises, là où elles sont, pour porter leur voix au Sénat et prendre des initiatives, au service de l'emploi dans les territoires.

C'est pourquoi la délégation a poursuivi ses déplacements de terrain durant l'année parlementaire 2017-2018. Elle s'est rendue dans quatre départements : la Côte-d'Or en décembre 2017, la Savoie en février 2018, la Creuse en mai 2018 et la Seine-Maritime en juin 2018.

De ces rencontres, la délégation est revenue enrichie, à la fois confortée dans ses premières orientations de travail, mobilisée sur de nouvelles problématiques et attentive à la nécessité de valoriser les clés du succès des entreprises qu'elle a pu découvrir.

Plusieurs pistes de travail déjà creusées par la délégation ont trouvé en effet leur confirmation dans ses nouveaux déplacements au fil de cette dernière session parlementaire . D'abord, la mission première de la délégation, « simplifier les normes applicables à l'activité économique » 1 ( * ) , demeure impérative : l'instabilité et la lourdeur normatives restent déplorées par l'ensemble des entreprises. De nouveau, il a été dénoncé le fait que cette situation touche toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, et donc qu'elle pèse proportionnellement plus lourd sur les plus petites d'entre elles, qui n'ont pas les moyens d'assurer une veille législative et d'intégrer les changements permanents. À cet égard, plusieurs ont souligné le rôle déterminant des chambres de commerce et d'industrie, en appui aux PME. La délégation a également découvert qu'une pression administrative accrue pouvait s'exercer dans les départements où l'activité économique est la moins dense : ainsi, dans la Creuse, il est apparu que les contrôles exercés par l'administration fiscale sur les entreprises reviennent à une fréquence plus élevée, en raison d'une population d'entreprises plus réduite dans ce département. Cette année, les entreprises des quatre départements visités ont manifesté une inquiétude renforcée en raison de l'alourdissement de leur fardeau administratif lié aux récentes évolutions : mise en place du bulletin de salaire simplifié, qui est destiné à être plus lisible pour le salarié mais qui complique le travail de l'employeur, tenu d'établir ce bulletin simplifié mais aussi et toujours la version détaillée de toutes ses lignes lesquelles n'ont connu en réalité aucune simplification ; modalités retenues pour la mise en oeuvre du prélèvement de l'impôt à la source qui feront, dès le 1 er janvier prochain, reposer la collecte de l'impôt sur le revenu des salariés sur les entreprises ; entrée en vigueur, au 25 mai 2018, du règlement général de la protection des données qui emporte de nouvelles obligations pour les entreprises envers les données personnelles de leurs clients. Tout ceci doit encourager la délégation à poursuivre son action en faveur de la simplification normative pour les entreprises 2 ( * ) .

Corollaire de cette problématique, la surtransposition des normes européennes en droit français est encore apparue comme un frein à la compétitivité des entreprises nationales : le préjudice économique subi en raison des valeurs limites d'exposition professionnelle au chrome hexavalent et aux poussières de bois, particulièrement exigeantes en France, de la règlementation nationale en matière de déclaration de bénéficiaires effectifs, et du niveau national du plafond d'exposition aux composants organiques volatils ont été dénoncés par les entreprises, respectivement en Côte-d'Or, Savoie et Seine-Maritime. La délégation a justement entrepris de recenser les cas de surtransposition et de faire observer leur impact sur la compétitivité dans un récent rapport 3 ( * ) , établi en commun avec la commission des affaires européennes du Sénat.

Les difficultés de la transmission d'entreprise , qui ont donné lieu à l'adoption, par la délégation, d'un rapport d'information 4 ( * ) suivi du dépôt d'une proposition de loi 5 ( * ) , ont à nouveau été exprimées lors des déplacements de l'année, particulièrement en Savoie et en Seine-Maritime. L'attention de la délégation a notamment été attirée sur deux situations particulièrement délicates en cette matière : celle des stations de ski, où le prix très élevé de l'immobilier implique une fiscalisation très lourde au moment de la transmission, ce qui complique particulièrement la transmission des hôtels ; et celle de la presse indépendante, dont la survie est menacée par les clauses de cession applicables dans le secteur du journalisme (le repreneur se trouvant ponctionné par les nombreux mois de salaires auxquels peut prétendre un journaliste en cas de cession du journal qui l'emploie).

La nécessité de développer la formation en alternance, et particulièrement l'apprentissage , sujet sur lequel la délégation a entrepris de travailler quasiment dès sa création jusqu'au dépôt d'une proposition de loi 6 ( * ) , a encore été démontrée par les derniers déplacements de la délégation. Les difficultés de recrutement sont particulièrement aigües dans un département comme la Creuse qui souffre d'un défaut d'attractivité : Pôle emploi lui-même en est victime sur ce territoire. Mais les entreprises s'en plaignent aussi dans des départements comme la Seine-Maritime, la Savoie ou la Côte-d'Or. Dans ces départements, ce sont surtout les entreprises dont l'activité requiert une maîtrise technique particulière qui en pâtissent : la chaudronnerie en Seine-Maritime, la mécanique (par exemple au service de la réparation d'hélicoptères chez SAF) ou la métallurgie (comme en a témoigné Ugitech) en Savoie ou autour de de la Metal'Valley à Montbard en Côte-d'Or... Mais les déplacements de cette année parlementaire ont offert à la délégation l'occasion de connaître plusieurs actions remarquables entreprises localement pour remédier à la situation : ainsi, en Savoie, le projet de double diplôme licence/CAP mené par l'Université Savoie/Mont-Blanc contribue au rapprochement souhaitable entre le monde de l'éducation et celui de l'entreprise ; à Montbard, la délégation a observé une synergie remarquable autour du lycée professionnel, pour le plus grand bénéfice réciproque des entreprises et des jeunes. Ce succès repose sur un maillage du bassin d'emplois au plus près des besoins des entreprises pour mieux y répondre, sur un décloisonnement entre CAP, lycée professionnel et GRETA, et sur la mobilisation de tous les acteurs concernés (Éducation nationale, entreprises, mission locale, bailleurs sociaux pour le logement, élus locaux...). Au-delà de la pénurie de compétences imputable aux modalités de formation et à la place de l'alternance, les entreprises dénoncent aussi d'autres obstacles à l'adéquation entre l'offre et la demande d'emplois, aux niveaux local comme national : le manque de savoir-être des candidats à l'emploi, le niveau de l'allocation-chômage qui n'incite pas à la reprise d'emploi... Autant de sujets dont l'examen actuel du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel donne au Parlement l'occasion de débattre.

Si les déplacements qu'elle a effectués cette année ont confirmé la délégation dans les pistes de travail qu'elle a déjà retenues, ils lui ont aussi permis d'identifier des points de blocage pour la croissance des entreprises, points qui méritent une attention accrue.

Le premier concerne le financement des PME : d'une part, leur trésorerie semble à nouveau souffrir des délais de paiement, après les avancées qu'avait permises en ce domaine la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008. En Savoie, en Seine-Maritime comme en Creuse, plusieurs entreprises ont dénoncé l'allongement de ces délais de paiement et jugé que la législation était trop favorable au mauvais payeur. Les acheteurs publics sont trop souvent désignés comme fautifs, certaines collectivités territoriales payant à 18 mois selon les témoignages d'entreprises savoyardes. D'autre part, s'agissant du financement de la croissance de l'entreprise, les banques, auxquelles il est déjà reproché de réserver les jours de valeur à l'encaissement des crédits et de ne pas en appliquer au décaissement des débits, sont accusées d'être excessivement frileuses dans l'octroi de crédits aux entreprises. En outre, l'investissement direct dans les PME se trouve fragilisé depuis la suppression de l'ISF et, par-là, du dispositif ISF-PME : l'association des business angels de la Savoie, représentée à la table ronde des entrepreneurs rencontrés à Chambéry par la délégation, a fait valoir que cet investissement, en plus d'être risqué, est peu liquide, ce qui justifie qu'il bénéficie d'un dispositif spécifique de soutien. Le simple aménagement du dispositif IR-PME adopté en loi de finances pour 2018 n'y suffit pas et ce sujet important doit rester un point de vigilance pour la délégation aux entreprises.

Un deuxième défi stratégique mérite l'attention de la délégation : l'aménagement du territoire, élément clé pour le développement des entreprises . Le déplacement en Creuse, sans même tenir compte des complications spécifiques rencontrées le jour où il a eu lieu en raison du mouvement de grève nationale à la SCNF, a donné concrètement à la délégation l'opportunité de voir combien la qualité des réseaux, en matière de routes, de rail comme de très haut débit, conditionne le potentiel de croissance des entreprises. Le manque d'infrastructures et l'éloignement entraînent des surcoûts pour les entreprises creusoises, qui peinent à contracter avec des agences d'entretien, de maintenance ou de surveillance. La médiocre qualité de la desserte ferroviaire de la Seine-Maritime constitue également un handicap majeur pour les entreprises de ce département. A contrario , le pôle métallurgique qui s'est cristallisé à Montbard en Côte-d'Or, ville qui bénéficie d'une gare TGV alors qu'elle compte 5 300 habitants, et le foisonnement d'entreprises au technopole de Savoie Technolac, opportunément situé au carrefour de grands axes routiers, illustrent l'importance de ces infrastructures pour le développement économique. Le désenclavement physique et numérique des zones rurales reste un objectif essentiel. Certes, le représentant du préfet en charge du projet pilote de revitalisation du bassin d'emplois de la Creuse, mis en place après la fermeture de GM&S, a indiqué à la délégation que, selon lui, une gare TGV, une autoroute ou même un grand projet ne résoudrait pas tout et qu'il travaillait à accompagner une dynamique qui vienne du territoire, en favorisant l'éclosion de multiples petits projets. La délégation ne doit toutefois pas perdre de vue l'enjeu que représentent, pour les entreprises, les aménagements qui structurent les territoires.

Un troisième sujet de préoccupation pourrait également mobiliser utilement la délégation : les entraves réglementaires qui freinent la transformation économique liée à la transition énergétique . Plusieurs entreprises en ont fait état : en Savoie particulièrement, deux d'entre elles ont témoigné de freins réglementaires au développement de leur activité qui contribue pourtant à une optimisation des ressources énergétiques.

L'une, Gaseo, produit de l'énergie propre -biométhane, électricité-, à partir de biogaz venant soit de méthaniers agricoles, soit de stations d'épuration, soit de centres d'enfouissement de déchets. À chaque type de biogaz correspond un tarif de rachat de l'électricité, fixé par arrêté ministériel et actualisé régulièrement. Gaseo déplore que seul le tarif de rachat du biogaz issu de déchets d'enfouissement n'ait pas été renouvelé au motif que, selon la réglementation européenne, l'électricité produite à partir d'un biogaz (fatal) issu de déchets ne serait pas verte, alors même que le biométhane produit à partir de ce biogaz est considéré comme vert. Cette difficulté réglementaire a stoppé brutalement un pan essentiel de l'activité de Gaseo qui y avait investi près de 7 millions d'euros. De surcroît, chaque biogaz ne pouvant, pour des raisons de qualité, être transformé en biométhane, le biogaz non transformé est envoyé en torchère, ce qui génère une augmentation massive de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pour les collectivités et pour les contribuables, la loi obligeant à valoriser le biogaz sous peine de pénalité de TGAP.

L'autre, Energy Pool, a développé des logiciels qui optimisent la consommation électrique grâce à une gestion intelligente de l'énergie. Pour parer à une pénurie d'électricité, les clients industriels électro-intensifs, ayant contracté sur le long terme avec Energy pool pour stabiliser leur approvisionnement électrique à des prix intéressants, sont invités à réduire leur consommation, selon une procédure dite d'« effacement », ce qui évite de devoir accroître la production électrique dans ces circonstances : ceci permet d'importantes économies financières et limite les émissions de CO2, puisque les centrales thermiques fortement polluantes servent traditionnellement de variable d'ajustement. Or ce ne sont que 100 heures par an, en hiver, durant lesquelles l'électricité fait défaut en France pour satisfaire la consommation : une meilleure gestion du réseau d'électricité permettrait de mieux rentabiliser ses capacités et d'abaisser ainsi le coût de l'électricité, au bénéfice de la compétitivité de nos entreprises. Mais la multiplicité des acteurs publics en charge de ce secteur empêche une véritable refonte du système électrique en ce sens. En Côte-d'Or et en Seine-Maritime, c'est le défaut de soutien public au recyclage du bois qui a été souvent regretté, alors même que la filière bois offre un potentiel important de projets d'économie circulaire comme celui que la délégation a pu découvrir dans le Morvan, à La Roche-en-Brenil. Les Allemands sont à cet égard beaucoup plus en avance et développent une industrie et une chimie autour du bois, lesquelles peinent à émerger en France alors même que notre pays dispose de ressources exceptionnelles en bois d'essences variées.

Les déplacements effectués cette année par la délégation ont aussi été l'occasion pour elle de visiter de très belles entreprises et ainsi d'identifier les facteurs de leur succès , qu'il convient de valoriser autant que possible.

Le premier atout sur lequel repose le succès de plusieurs des entreprises visitées est assurément l'adéquation entre la matière première de l'entreprise et son territoire. Ainsi, les entreprises de la filière bois rencontrées en Côte-d'Or développent une industrie autour de la ressource en bois abondante du Morvan, soutenues par l'engagement des élus locaux et la réalisation d'un pôle d'excellence rurale, quand d'autres territoires pourvus également en bois, comme le Limousin, ne semblent pas assez miser sur cette ressource locale: ainsi, notre collègue de la délégation élu de la Haute-Vienne a observé que l'industrie du bois de seconde transformation faisait défaut en France et que le bois exporté depuis le Limousin y revenait sous forme de cuisines sur-mesure. Dans la Creuse également, la croissance de Microplan s'est d'abord adossée sur l'abondance de roches granitiques à proximité : son activité, d'abord consacrée à la fabrication de pavés de rue, a évolué vers la métrologie, la science de la mesure, grâce à la fabrication de blocs de granits de grandes dimensions parfaitement plans, pour les appareils de mesure ou de production de très haute précision. Cette montée en puissance, à partir d'une ressource locale, permet aujourd'hui à Microplan de compter parmi ses clients des grands noms comme Nikon, Apple, EADS ou Safran et de grands centres de recherche comme le CERN ou le CEA de Saclay. C'est également en prenant appui sur la spécialisation de la Seine-Maritime dans la culture du lin -on y trouve le tiers des 60 000 hectares de lin cultivés dans l'hexagone- qu'Eco-Technilin s'est développée pour devenir l'un des principaux acteurs européens de la fabrication de produits non tissés à base de fibres naturelles (essentiellement à destination du secteur automobile). De même, le succès mondial rencontré par POMA, leader du transport par câble, s'est construit au pied des Alpes, les stations de la Tarentaise servant de territoire d'expérimentation et de vitrine à son savoir-faire. L'ancrage territorial de ces entreprises apparaît donc comme un élément décisif de leur succès.

La délégation a aussi pu constater que les entreprises florissantes sont le plus souvent celles qui exportent le plus : plusieurs des entreprises qu'elle a visitées font plus de la moitié de leur chiffre d'affaires à l'export: 60 % pour Microplan, 70 % pour Eco-Technilin, 75 % pour POMA, 90 % pour AMN voire plus encore pour Valinox nucléaire, leader mondial de tubes critiques pour les générateurs de vapeur des centrales nucléaires. Pour rester concurrentielles, elles ont besoin de disposer d'armes égales et réclament une plus grande souplesse dans le recours aux heures supplémentaires ou au travail dominical -particulièrement chez POMA-. Plusieurs ont aussi passé le cap de l'internationalisation : AMN a développé depuis vingt ans une filiale commerciale au Texas et Eco-Technilin a investi dans une usine en Pologne. Le cas de Nutriset, visitée en Seine-Maritime, est particulier. La société exporte 100 % de sa production, puisque celle-ci est dédiée à la prévention et au traitement de la malnutrition dans les pays en développement, mais elle crée aussi des emplois dans les pays où ses produits sont utilisés : un réseau de fabricants locaux de ces produits s'est ainsi constitué dans une dizaine de pays, surtout en Afrique. Cette valorisation des filières agricoles locales a déjà permis la création de 600 emplois directs et encore plus d'emplois indirects. Le rayonnement de ces entreprises sur les marchés extérieurs est à la fois la résultante et le socle de leur succès national. C'est précisément sur ce sujet que la chambre de commerce et d'industrie de Savoie a tenu à attirer l'attention de la délégation lors de la table ronde qui s'est tenue à Chambéry : constatant que seules 100 000 entreprises sur les 4 millions que compte notre pays exportent, son président a estimé que ces piètres performances de nos entreprises à l'export tenaient largement au poids administratif qui pèse sur elles et que cette situation requérait un accompagnement de la part des grands groupes et une diplomatie économique plus active.

Enfin, le point commun que la délégation relève comme décisif dans le succès des entreprises qu'elle a pu rencontrer cette année est assurément leur investissement dans l'innovation et la qualité : par exemple, le dirigeant de Nutriset a indiqué que le coeur de l'entreprise était la recherche, avant la production. Nutriset a effectivement déposé plus de 50 brevets et noué plus de 60 partenariats de recherche dans le monde. L'entreprise AMN, en Seine-Maritime également, est même née d'une innovation qui a permis d'associer des matériaux tels que l'inox et le carbure de tungstène pour développer des outils haut de gamme de découpe du plastique en granulés. La capacité d'innovation d'Eco-Technilin est également au coeur de sa croissance : l'entreprise a mis au point un filtre en lin capable de retenir les métaux lourds dans l'eau sur les chantiers de bâtiment ou de génie civil. En Côte-d'Or, l'entreprise allemande JRS se distingue par une croissance annuelle de 20 %, qui se nourrit de ses recherches sur les fonctions liées aux fibres de bois, réalisées dans ses 7 centres de R&D à travers le monde. À une autre échelle, Valinox, en Côte-d'Or, obéit également à cette exigence de se maintenir à la pointe, dans ses processus de fabrication pour garantir le meilleur niveau de sûreté des réacteurs nucléaires, au meilleur coût. Microplan, en Creuse, innove également en continu et travaille aujourd'hui sur la céramique, matériau deux fois plus stable que l'acier et cinq fois plus rigide que le granit. Dans le même département, Atulam et TIGR ont également connu leur essor grâce à des innovations: la réalisation, avec des outils industriels, de fenêtres sur mesure déjà enduites d'une peinture de haute qualité pour l'une, la diversification vers de nouveaux types de chaudières (mixtes gaz/solaires, thermiques au biogaz ou aux granulés de bois) pour l'autre, en réponse aux évolutions du marché vers de nouvelles énergies. Enfin, la Savoie en a également apporté l'illustration : l'activité de pointe développée par Energy Pool et les nombreuses innovations autour du numérique et de l'impression 3D présentées par les startups en incubation ou en accélération à Savoie Technolac sont autant de confirmations du rôle primordial de l'innovation dans le succès des entreprises.

Les rencontres effectuées cette année aux quatre coins de la France par la délégation renouvelée ont donc été éminemment fructueuses, lui permettant de confirmer le bien-fondé de ses pistes de travail, de lui en ouvrir d'autres et de la mobiliser pour encourager les clés identifiées du succès. Autant d'éléments précieux pour la délégation lorsqu'elle se penchera sur le projet de loi portant plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) qui devrait être soumis en octobre à l'examen du Sénat.

Élisabeth LAMURE,

Présidente de la Délégation aux entreprises


* 1 Selon les termes de l'article II ter du chapitre XVII bis de l'Instruction générale du Bureau du Séant lequel a, par l'arrêté n°2014-280 du 12 novembre 2014, créé la délégation sénatoriale aux entreprises.

* 2 Dans le prolongement de son rapport d'information Simplifier efficacement pour libérer les entreprises de Mme Élisabeth LAMURE et M. Olivier CADIC, n° 433 (2016-2017) déposé le 20 février 2017 et suivi par le dépôt de plusieurs textes qui en déclinent juridiquement les préconisations (textes n° 721, 722, 723 et 724) le 28 septembre 2017.

* 3 La surtransposition du droit européen en droit français : un frein pour la compétitivité des entreprises , rapport d'information de M. René DANESI, fait au nom de la commission des affaires européennes et de la délégation aux entreprises, n° 614 (2017-2018), déposé le 28 juin 2018.

* 4 Moderniser la transmission d'entreprise en France : une urgence pour l'emploi dans nos territoires , rapport d'information de MM. Claude NOUGEIN et Michel VASPART, n° 440 (2016-2017, déposé le 23 février 2017.

* 5 Proposition de loi visant à moderniser la transmission d'entreprise, n° 343 de MM. Claude NOUGEIN, Michel VASPART et plusieurs de leurs collègues, déposée au Sénat le 7 mars 2018 et adoptée par le Sénat le 7 juin 2018.

* 6 Proposition de loi visant à développer l'apprentissage comme voie de réussite, n° 394 de Mme Élisabeth LAMURE, M. Michel FORISSIER et plusieurs de leurs collègues, déposée au Sénat le 10 février 2016.

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