B. ENCADRER ET SÉCURISER LA DÉLIVRANCE « PERLÉE » DES QUANTITÉS DE MÉDICAMENTS EN SITUATION DE FORTE TENSION D'APPROVISIONNEMENT

Dans le cadre de la préparation des doses à administrer (PDA) 160 ( * ) de médicaments effectuée pour les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et d'autres établissements médico-sociaux, certains pharmaciens d'officine sont amenés à déconditionner des spécialités destinées à des personnes dont la perte d'autonomie peut compliquer l'observance de leur traitement.

À l'heure actuelle, la PDA ne fait l'objet d'aucun cadre réglementaire 161 ( * ) . Or, pour certaines spécialités, la PDA peut s'avérer un outil pertinent de gestion des tensions d'approvisionnement : une administration séquencée et mieux répartie entre un nombre réduit de patients peut permettre de retarder la rupture effective du produit.

Selon M. Patrice Vigier, pharmacien du département du Nord, « il faut faciliter la possibilité de déconditionner. Actuellement, la PDA ne peut se faire que de façon « éventuelle », au cas par cas. Les bonnes pratiques n'ont jamais été officialisées : les pharmaciens qui y ont recours engagent leur responsabilité. Il serait temps de les valider ! Les pharmaciens pourraient faire du déconditionnement pour gérer la pénurie. Il faut tout de même respecter la traçabilité et assurer la sécurité des piluliers, ce qui représente un investissement pour les pharmaciens. [...] La PDA pourrait être officialisée dans le cadre d'une pénurie. » 162 ( * )

La PDA et le déconditionnement sont des opérations délicates qui réclament un investissement important de la part des pharmaciens, en temps et personnel, afin de veiller au strict respect des exigences de sécurité et de traçabilité. La délivrance perlée des médicaments ne pourra donc atténuer que de façon limitée les effets d'une tension d'approvisionnement. Néanmoins, la PDA mérite d'être mieux encadrée pour sécuriser sa pratique chez les pharmaciens et la systématiser, chaque fois que cela se révèle pertinent, pour gérer une tension sur l'approvisionnement de spécialités destinées à des populations restreintes .

Proposition n° 23 : Officialiser, sous l'égide de l'ANSM, les bonnes pratiques destinées à encadrer la préparation des doses à administrer par les pharmaciens et définir les conditions dans lesquelles le déconditionnement de certaines spécialités peut permettre une meilleure gestion des tensions d'approvisionnement.

Le déconditionnement secondaire pourrait également être envisagé, à titre exceptionnel, au niveau des dépositaires ou des grossistes-répartiteurs afin d'organiser une meilleure répartition des stocks de certains médicaments essentiels entre établissements de dispensation (hôpitaux et officines). Sur le fondement d'une analyse des besoins, effectuée à partir des commandes passées, pour une spécialité exposée à un fort risque de rupture, les dépositaires, avec l'accord du fabricant, et les grossistes-répartiteurs pourraient être amenés, de façon temporaire, à extraire les conditionnements primaires ( blisters ) de médicaments de leur boîte de sorte qu'ils puissent mieux répartir les quantités entre dispensateurs.

Toutefois, cette pratique doit être envisagée à titre exceptionnel et sous l'étroite vigilance de l'ANSM qui devrait être consultée préalablement et donner son accord sous conditions.

Proposition n° 24 : Envisager à titre exceptionnel, avec l'accord et sous le contrôle de l'ANSM, le déconditionnement secondaire par les dépositaires ou les grossistes-répartiteurs de certains médicaments exposés à un fort risque de rupture afin de mieux répartir les quantités de médicaments entre dispensateurs.


* 160 Définie par l'Académie nationale de pharmacie en juin 2013 comme une procédure consistant à « préparer, dans le cas où cela contribue à une meilleure prise en charge thérapeutique du patient, les doses de médicaments à administrer, de façon personnalisée, selon la prescription, et donc par anticipation du séquencement et des moments des prises, pour une période déterminée. Cette méthode vise à renforcer le respect et la sécurité du traitement et la traçabilité de son administration. » (Académie nationale de pharmacie, La préparation des doses à administrer - PDA : la nécessaire évolution des pratiques de dispensation du médicament , juin 2013).

* 161 Le code de la santé publique se cantonne, à son article R. 4235-48, à la mentionner comme l'une des modalités de l'acte de dispensation du médicament par le pharmacien.

* 162 Audition par la mission d'information le 20 juillet 2018.

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