PREMIÈRE PARTIE : LA RÉVOLUTION DES MOBILITÉS EST LANCÉE

Le paysage des mobilités est en perpétuel mouvement . Les 30 dernières années ont ainsi été marquées en France par le développement de déplacements sur de longues distances par train à grande vitesse (TGV) ou par avion, avec le développement spectaculaire des compagnies « low-cost ». Les déplacements du quotidien restent cependant dominés par la voiture individuelle, même si la part des transports en commun a progressé dans les grandes agglomérations avec l'arrivée d'une nouvelle offre (création de lignes de tramway, développement du métro).

La révolution des mobilités n'est donc pas un phénomène brutal mais le résultat d'innovations permises par l'apparition de nouvelles technologies et l'appropriation par les français de pratiques nouvelles, comme l'utilisation du smartphone pour organiser ses déplacements en temps réel. La révolution des mobilités est donc le fruit d'une expérimentation permanente, dans une démarche de tâtonnements successifs qui ouvrent de nouveaux horizons.

Vos rapporteurs notent que la recherche de nouvelles mobilités n'est d'ailleurs pas l'apanage de quelques territoires triés sur le volet. En réalité, cette quête de nouvelles solutions concerne l'ensemble du territoire : des grandes agglomérations comme Paris, Lyon, Marseille, Lille ou Bordeaux aux espaces ruraux, qui craignent d'être laissés sur le bord du chemin des grandes infrastructures et doivent inventer un nouveau modèle de mobilité.

La période actuelle se caractérise par de nombreuses initiatives à l'échelle mondiale dans le domaine des mobilités , qui font intervenir des start-up autant que des grandes entreprises des secteurs traditionnels (automobile, télécommunications, opérateurs de transports de voyageurs ou de marchandises, logisticiens ...). Cette abondance, cette effervescence autour des mobilités donne le tournis. Tous les projets ne sont pas voués à un avenir radieux. Mais ceci montre que la révolution des mobilités est déjà là , et qu'elle a vocation à transformer radicalement notre quotidien, avec le sentiment partout d'une accélération des innovations technologiques mais aussi d'une grande rapidité dans les changements d'habitudes des individus.

Le cadre institutionnel des mobilités est bousculé par toutes ces innovations , avec de nouvelles offres qui apparaissent sans nécessairement avoir été anticipées par les pouvoirs publics, et qui posent de nouvelles difficultés, comme par exemple le partage de l'espace public dans les centres urbains entre piétons, cyclistes, utilisateurs de trottinettes électriques et autres engins de déplacement personnel.

La première partie du présent rapport vise à établir un état des lieux de ces changements dans le domaine des mobilités, largement provoqués par la diffusion des technologies numériques.

I. UN ÉTAT DES LIEUX CONTRASTÉ : LES FRANÇAIS INÉGAUX DEVANT LES MOBILITÉS

A. UNE OFFRE DE TRANSPORTS IMPORTANTE ET DIVERSIFIÉE

1. La place essentielle de la route, pour le transport des personnes comme pour celui des marchandises
a) La France bien dotée en infrastructures routières

L'infrastructure routière française est particulièrement développée et s'est encore renforcée ces vingt dernières années , passant de 963 451 km en 1996 à 1 092 913 km en 2016 (hors outre-mer), soit une progression d'environ 15 %.

Cette progression est encore plus forte pour les autoroutes , passant de 8 596 km en 1996 à 11 612 km en 2016, soit une hausse de 35 % 7 ( * ) .

Avec plus de 16 000 km de routes par million d'habitant, la France dispose d'une densité de réseau routier très supérieure à ses voisins (près de 8 000 km par million d'habitants en Allemagne et aux Pays-Bas, un peu plus de 4 000 km en Italie et de 3 000 km en Espagne).

La circulation routière est aussi en progression sur les dix dernières années , passant de 555 milliards de véhicules-kilomètre en 2006 à 600 en 2016, soit une progression de 8 %.

Près de trois quarts de la dépense de transport est consacrée chaque année à la route , loin devant les autres modes, ferroviaire, transports collectifs urbains, car, avion, bateau.

Le niveau de qualité de l'infrastructure routière française peut être considéré comme élevé : d'après l'indicateur IQRN (image qualité du réseau national), environ 85 % des chaussées étaient considérées en état correct en 2012 8 ( * ) . Mais cet indicateur a tendance à se dégrader, comme l'a montré le rapport Maurey de mars 2017 9 ( * ) , qui appelait à renforcer les efforts de maintenance et d'investissement. L'effondrement du pont Morandi de Gênes à l'été 2018 a aussi mis en lumière la problématique de l'état des ouvrages d'art : ponts et tunnels.

b) La route au coeur des déplacements individuels, pour les déplacements du quotidien comme pour les déplacements ponctuels et de loisir

Le véhicule individuel reste le principal moyen de transport utilisé par les particuliers en France. En 2016, 756 des 956 milliards de voyageurs-kilomètres transportés sur le territoire national l'ont été par la route en véhicule individuel, représentant 79,1 % des transports intérieurs de voyageurs , contre 10,8 % pour le transport ferré, 8,5 % pour le transport par autocars et 1,5 % pour le transport par avion.

Sur les 162,9 milliards d'euros des dépenses de transport des ménages en 2016, représentant 13,7 % des dépenses de consommation, 127,3 milliards d'euros, soit plus des trois quarts, concernaient des dépenses liées aux véhicules individuels . Ces dépenses ont augmenté de 26 % en 15 ans (entre 2001 et 2016) 10 ( * ) .

Avec plus de 32 millions de véhicules particuliers (VP) en circulation, le parc automobile français ne progresse plus que faiblement , mais atteint quasiment le ratio d'une voiture pour deux habitants.

Le véhicule particulier reste le mode principal de déplacement entre le domicile et le travail : en 2010, 70 % des actifs en France métropolitaine utilisaient leur voiture pour se rendre à leur travail, 15 % utilisaient les transports en commun et 15 % se déplaçaient à pied ou en véhicule à deux roues 11 ( * ) . En zone rurale, ce sont 90 % des déplacements du quotidien qui sont effectués en voiture, sur des distances souvent plus longues que dans les agglomérations.

L'évolution des modes de transport semble au demeurant très différente selon les territoires . Deux mouvements inverses sont en effet observés entre 1999 et 2010 : la part des déplacements domicile-travail en voiture individuelle progressait pour les habitants des zones rurales et périurbaines, tandis qu'elle reculait pour les habitants des grandes agglomérations, sous l'effet de la création ou du renforcement d'offres de transports collectifs urbains : on est passé entre 2006 et 2015 de 114 à 134 km de lignes de métro hors Île-de-France et de 322 à 700 km de lignes de tramway. Dans le même temps, le parc de bus et cars a progressé de presque 1 % par an. Les transports collectifs de proximité ont connu une augmentation du nombre de voyageurs-kilomètres de l'ordre de 30 % depuis le début des années 2000, mais restent loin du volume de la circulation automobile.

Au-delà des déplacements domicile-travail, de caractère pendulaire, le véhicule individuel est aussi privilégié pour les déplacements motivés par les autres activités du quotidien ou occasionnelles : emmener les enfants à l'école, faire les courses (principalement dans des zones commerciales ou en allant dans des « drive », adaptation moderne du supermarché), sortir pour se divertir (cinémas des zones commerciales) ou visiter son réseau relationnel (famille, amis). Les flux impressionnants de véhicules lors des chassés croisés des vacances d'été montrent que la voiture individuelle reste prisée des français au-delà des déplacements du quotidien.

Le cas particulier de l'Île-de-France : le reflux des déplacements en voiture et le développement de modes alternatifs

Paris et la région parisienne occupent une place particulière dans le paysage des mobilités en France, du fait du grand nombre d'habitants de l'agglomération parisienne (environ 12 millions d'habitants) et de la forte densité de population et d'emplois.

D'après la dernière enquête globale transport en Île-de-France 12 ( * ) réalisée en 2009-2011, 93 % de la population d'Île-de-France effectue au moins un déplacement par jour, la moyenne des déplacements quotidiens étant de 3,87 soit 41 millions de déplacements quotidiens pour une moyenne de 1h20 de trajet 13 ( * ) .

La circulation automobile y est particulièrement dense, avec 15,5 millions de déplacements en voiture par jour , soit plus qu'à Londres, mais le nombre de ces déplacements a tendance à stagner. La part des déplacements en voiture individuelle en Île-de-France n'est que d'un peu plus de 40 %, tandis que 20 % des déplacements s'effectuent en transports en commun, le reste des déplacements étant effectués à pied ou en deux-roues, notamment en vélo, ce mode de transport étant en plein essor.

La part des ménages motorisés a tendance à se réduire dans Paris et en petite couronne : d'après une étude de l'INSEE de juin 2017, seulement 36,8 % des ménages domiciliés à Paris et 66,7 % des ménages franciliens disposaient d'un véhicule individuel (contre 75 % en 2006). Plus on s'éloigne du coeur dense de la capitale, plus la motorisation des ménages est forte et plus les déplacements sont effectués en voiture.

À l'inverse, à Paris et en proche couronne, se développent des alternatives innovantes à la voiture individuelle : autopartage, scooters, vélos, marche. La région parisienne expérimente aussi la circulation multimodale, ce qui fait de l'Ile-de-France un territoire pionnier des nouvelles formes de mobilité.

c) La route, plus que jamais le mode principal pour les transports de marchandises

Si la route est le mode principal de circulation des ménages, elle est aussi le mode prédominant pour le transport de marchandises. Représentant 338,4 milliards de tonnes-kilomètres en 2016, le transport intérieur terrestre de marchandises est dépendant de la conjoncture économique. Il a connu une baisse marquée lors de la crise de 2008-2009 et s'établit aujourd'hui à un niveau inférieur à celui de 2001.

C'est par la route que passent cependant 88 % des flux. Le fret ferroviaire a vu son activité réduite de plus d'un tiers en 15 ans et ne représente qu'un peu moins de 10 % des tonnes-kilomètres transportés, les causes de ce phénomène étant multiples (manque de sillons de fret du fait de la priorisation du trafic voyageurs par la SNCF, moindre souplesse que le fret routier, concurrence tarifaire). Les transports fluviaux ne représentent pour leur part que 2 % des flux mais présentent un beau potentiel de développement.

Les véhicules sous pavillon français (immatriculés en France) n'assurent plus que 61 % du transport de marchandises sur le territoire national, contre près des trois quarts il y a 15 ans. Le secteur du transport routier de marchandises (TRM) compte une grande diversité d'entreprises : des PME côtoient des grands groupes logistiques, avec un total d'un peu plus de 37 000 entreprises pour 420 000 emplois et un chiffre d'affaires annuel de 44 milliards d'euros 14 ( * ) .

Le transport de marchandises par la route est d'abord et avant tout un transport de proximité : 78 % des tonnages sont transportés dans un rayon de 150 km d'après le service d'observation et de statistiques (SOeS) du Ministère de la transition écologique et solidaire.

Si l'essentiel du transport de marchandises par la route se fait par des poids lourds de plus de 3,5 tonnes, une part non négligeable relève des véhicules utilitaires légers (VUL), beaucoup plus nombreux (plus de 6 millions contre 544 000 poids lourds) et qui ne constituent pas un mode de transport optimal sur le plan économique et écologique.

Le transport de marchandise se déploie sur les grands axes routiers, notamment les autoroutes où les poids lourds représentent environ 15 % des véhicules en circulation 15 ( * ) , mais aussi sur les axes secondaires et dans les agglomérations où se concentrent les livraisons aux clients finaux, professionnels ou particuliers.

En ville, le transport de marchandises représente environ 20 % du trafic, 30 % de l'occupation de la voirie et 30 % des émissions de gaz à effet de serre 16 ( * ) . Le sujet des mobilités ne peut donc être abordé sans un regard pour la logistique urbaine.

La route est donc aujourd'hui le mode principal et quasi-exclusif du transport de marchandises, sur longue distance comme sur des distances plus courtes , le transport de marchandises entrant en concurrence avec le transport des personnes, car il utilise fondamentalement les mêmes infrastructures.

2. Des réseaux publics de transport collectif qui structurent les territoires urbains et périurbains et assurent le maillage interurbain du territoire
a) La progression des réseaux de transport collectifs dans les agglomérations

Depuis une quarantaine d'années, l'État, puis, dans la foulée de la décentralisation, les collectivités territoriales, ont entrepris de développer l'offre de transports publics urbains.

Ce mouvement s'est d'abord concrétisé en Île-de-France , notamment par la création des RER et l'extension des lignes de métro en Île-de-France, afin de mieux relier la banlieue à Paris.

Ce mouvement s'est aussi concrétisé dans les métropoles de province , avec la création de métros (Lyon et Marseille en 1979, Lille en 1983), de tramways et lignes de transports en commun en site propre à Nantes, Grenoble, Toulouse, Rouen, Strasbourg et dans bien d'autres villes.

Ce mouvement enfin s'est poursuivi ces dernières années , avec une longueur cumulée des lignes de RER, métro et tramways passant de 917 km en 1996 à 1 659 km en 2016 17 ( * ) . En 1995, 7 métropoles régionales disposaient de tramways. En 2014, 27 villes hors Île-de-France disposent de tramways ou de transports sur voie réservée 18 ( * ) .

Le périmètre couvert par les transports collectifs urbains (TCU) n'a cessé de s'étendre : aujourd'hui les 330 autorités organisatrices des mobilités (AOM) françaises 19 ( * ) couvrent seulement 25 % du territoire, mais près de 75 % de la population.

Parallèlement, la croissance du nombre de voyageurs-kilomètres des TCU a été quasi-continue sur les vingt-cinq dernières années, comme le montre le graphique ci-après, tiré d'un rapport du CGDD. Le trafic a davantage augmenté que la population : ainsi, en Île-de-France, entre 2000 et 2014, la population a crû de presque 10 % tandis que le trafic en voyageurs-kilomètres a augmenté de 32 %.

Tous les indicateurs utilisés vont dans le même sens : le dernier rapport annuel de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) 20 ( * ) indique ainsi que, sur vingt-cinq ans, l'offre kilométrique , c'est-à-dire le rapport entre le nombre de kilomètres parcourus et la population desservie, a progressé de 23 % entre 1991 et 2016, cette progression étant enregistré dans toutes les agglomérations de toutes tailles. Ce phénomène de croissance de l'offre kilométrique semble cependant stoppé depuis 2014.

Si la part des transports publics dans l'ensemble des déplacements du quotidien reste minoritaire, elle progresse dans les grandes agglomérations. L'observatoire de la mobilité mis en place par l'UTP indique ainsi qu'en 2017, 68 % des habitants d'agglomérations de plus de 50 000 habitants déclaraient utiliser régulièrement les transports publics.

Progression des « voyageurs-kilomètres » depuis 1990 (chiffres CGDD)

Progression de l'offre kilométrique de transport collectif (chiffres UTP)

b) Les transports collectifs de longue distance structurés par les trains à grande vitesse

Parallèlement au choix fait dans les années 1970 de développer les réseaux de transport collectif urbains, la France a modernisé son réseau ferroviaire en développant le train à grande vitesse (TGV), dont les premières rames ont circulé à partir de 1981 sur le tronçon Paris-Lyon.

La longueur du réseau ferré exploité par la SNCF a tendance à se réduire, passant de 31 852 km en 1996 à 28 364 km en 2016, mais dans le même temps, les lignes parcourues par des TGV sont passées de 6 133 km à 10 995 km, dont 2 166 km de lignes dédiées à la grande vitesse. Sur la même période, le parc de matériel ferroviaire s'est accru de 27 %.

L'utilisation des transports collectifs de longue distance (plus de 80 km) connaît une augmentation sensible , passant de 104 315 millions de voyageurs kilomètres (mvk) en 2001 à 135 798 mvk en 2016, essentiellement sous l'effet du développement des transports occasionnels en car (passant de 29 660 mvk à 48 219 mvk entre 2001 et 2016) et du développement des TGV (passant de 37 200 mvk à 53 140 mvk), tandis que les trains interurbains ont vu leur utilisation réduite de moitié, pour s'établir aujourd'hui à 7 052 mvk, soit deux fois moins que les transports aériens intérieurs, qui sont stables sur longue période autour de 14 000 mvk.

C'est donc le développement des autocars dans le cadre d'une activité principalement touristique et le TGV qui ont tiré la croissance des déplacements collectifs sur longue distance.

Les possibilités de mobilités entre les différents pôles urbains du territoire français sont donc fortement dépendantes de l'accès à des trains à grande vitesse. Le développement de la grande vitesse s'est effectué principalement sur des liaisons radiales à destination ou en provenance de Paris, vers le Sud, l'Ouest puis l'Est, même si la SNCF a mis aussi en place quelques lignes transversales permettant de raccorder directement les agglomérations entre elles. Le plan du réseau comme l'histoire de son déploiement font cependant de Paris son véritable centre névralgique.

À rebours de la dynamique de développement TGV, les trains d'équilibre du territoire (TET, ex-corail), après avoir connu une progression du nombre de voyageurs-kilomètres dans les années 2000, stagnent depuis le début de la décennie 2010.

c) Le maillage des territoires périurbains, des territoires ruraux et le raccordement des petites villes en question.

Dans le paysage des transports collectifs, la question de la place des petites villes et des territoires ruraux est délicate.

Vos rapporteurs soulignent que la frontière entre territoires urbains, périurbains et ruraux n'est pas très nette. Si l'on estime que 21 % de la population vit en zone périurbaine et 18 % en zone rurale 21 ( * ) , l'INSEE estimait en 2010 que 90 % de la population vivait dans la zone d'influence de la ville, soit en y travaillant, soit en y ayant diverses autres activités structurantes.

Au-delà des classifications, une réalité s'impose en matière de mobilité : l'organisation collective de celle-ci est plus difficile dans les territoires peu denses , définis comme accueillant moins de 300 habitants au km², et au sein desquels habitent environ 35 % de la population française.

Ces espaces peu denses se caractérisent par une population plus âgée, des revenus plus faibles, et une plus faible accessibilité aux équipements publics et services souvent éloignés des lieux d'habitation.

La plupart du temps, ces territoires peu denses ne sont pas inclus dans le dispositif de transport structuré autour des pôles urbain à travers les AOM. Ces territoires peuvent être qualifiés de « zones blanches de mobilité », non pas du fait de l'absence de transports collectifs - une offre est mise en place et financée par les collectivités territoriales, en particulier le département - mais à cause de l'absence d'une autorité qui serait en charge de la problématique globale des déplacements.

Ils se caractérisent, à des degrés divers, par une rareté de l'offre de transports collectifs pour assurer le maillage avec les pôles urbains éloignés, mais aussi pour assurer le maillage de proximité répondant aux besoins du quotidien.

Le développement de transports collectifs lourds dans les zones peu denses se heurte en effet à des obstacles majeurs :

• Le taux de remplissage insuffisant des transports collectifs génère des dépenses très élevées par passager et s'avère négatif du point de vue environnemental. Ces territoires sont frappés de plein fouet par l'impératif de rationalisation des réseaux de transport publics. Leur faible fréquentation peut amener à s'interroger sur la pertinence du maintien de certaines liaisons ferroviaires

• Lorsque le service de transport collectif est assuré, en train ou en autobus, la fréquence est bien plus faible que dans les zones urbaines et oblige les usagers à s'adapter aux horaires et conditions définis par le prestataire de transport collectif, ce qui nuit à l'attractivité du mode collectif par rapport à l'automobile.

Le paysage des mobilités dans les espaces peu denses est donc marqué par la domination de la voiture individuelle , qui offre une plus grande liberté et assure un service porte à porte entre lieux éloignés. Ainsi, selon une étude de l'observatoire société et consommation (Obsoco) datant de 2016 et consacrée aux mobilités émergentes, dans les agglomérations de moins de 100 000 habitants, 60 à 75 % des habitants interrogés n'utilisent que la voiture comme mode de déplacement, et dans les communes rurales, seuls 22 % des habitants affirment disposer d'un choix modal 22 ( * ) .

3. La France au coeur d'un réseau international de transports
a) La France, pays de transit routier

Le panorama de la mobilité ne serait pas complet sans prendre en compte le positionnement géographique singulier de la France , entre Europe du Sud et Europe du Nord, qui en fait aussi un pays de transit routier.

Le transport de marchandises réalisé par des véhicules lourds, la plupart du temps immatriculés à l'étranger, qui traversent la France sans effectuer de livraison représentait en 2017 environ 45 milliards de tonnes kilomètres, soit presque 20 % du fret routier total.

Plus ponctuellement, la France est traversée, notamment durant la période estivale, mais pas uniquement, par un grand nombre de véhicules de tourisme venant du Nord de l'Europe à destination des lieux de vacances du Sud de l'Europe, en particulier la péninsule ibérique. Chaque année, ce sont environ 120 millions « d'excursionnistes » 23 ( * ) (qui se distinguent des touristes par le fait qu'ils ne passent pas la nuit sur le territoire national) qui transitent par la France.

Or, toutes ces circulations de personnes et de marchandises en transit utilisent les mêmes infrastructures et contribuent à l'engorgement des voies routières. Il en va de même à l'approche des grandes agglomérations : les déplacements du quotidien et ceux de longue distance sont alors amenés à se rejoindre sur les mêmes rocades et à consommer les mêmes services.

b) La France, acteur important des transports internationaux : le rôle des ports et des aéroports

La mobilité des français et celle des marchandises sur le territoire national ne fonctionnent pas en vase clos. Par ses infrastructures destinées aux déplacements sur très longue distance, la France est fortement connectée au monde.

• Le réseau portuaire français , constitué de 66 ports de commerce (dont 7 grands ports maritimes en métropole) auxquels s'ajoutent de 500 ports décentralisés, constitue la porte d'entrée et de sortie des marchandises qui viennent ou partent vers l'étranger. Les ports de commerce traitent environ 350 millions de tonnes de fret par an et jouent un rôle essentiel dans l'approvisionnement énergétique du pays. Les ports maritimes ne sont pas seulement des plaques tournantes de la logistique et du fret. Autour des ports se structure également une activité industrielle importante, dans la pétrochimie, l'énergie (terminaux méthaniers), l'automobile ou encore la sidérurgie.

Les ports jouent aussi un rôle non négligeable dans le transport de passagers, avec 32 millions de voyageurs par an, dont 9 millions uniquement pour le port de Calais, tourné vers le Royaume-Uni.

Les aéroports assurent un double rôle d'une part de liaison rapide entre pôles urbains éloignés ou de liaison entre la France hexagonale et les outre-mer, et d'autre part de connexion de la France au monde pour des déplacements professionnels ou touristiques.

Les aéroports français ont accueilli près de 200 millions de passagers en 2017 24 ( * ) , 26 % de plus qu'il y a 10 ans. Les aéroports de Roissy et d'Orly assurent à eux seuls environ 55 % de ces flux de passagers. Les trois quarts des flux de passagers aériens correspondent à des déplacements internationaux, se répartissant à parts presque égales entre des déplacements au sein de l'espace Schengen et déplacements en provenance ou à destination de lieux hors espace Schengen.

Les aéroports ont aussi un rôle croissant pour le transport de marchandises. Le fret aérien ne représente que 2,5 millions de tonnes par an, mais progresse de 3 à 4 % par an. Il est essentiel pour les échanges de certains types de marchandises : équipements électroniques à forte valeur ajoutée, produits frais, et contribue à la création de zones logistiques, comme la plateforme du géant américain FedEx, qui a installé son hub pour l'Europe et le Moyen-Orient à côté de l'aéroport de Roissy.


* 7 Source : Commissariat général au développement durable, chiffres clefs du transport, édition 2018.

* 8 La qualité du réseau routier national non concédé peut être suivi sur le site Internet du ministère de la transition écologique et solidaire : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/louverture-des-donnees-du-reseau-routier-national.

* 9 Infrastructures routières et autoroutières, un réseau en danger, rapport précité.

* 10 Source : Comptes des transports publics : http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/publications/p/2669/1874/comptes-transports-2016-tome-1-54e-rapport-commission.html

* 11 Source : Observatoire des territoires - http://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/observatoire-des-territoires/fr/part-des-d%C3%A9placements-domicile-travail-en-transports-en-commun

* 12 http://www.omnil.fr/IMG/pdf/egt2010_enquete_globale_transports_-_2010.pdf

* 13 Voir aussi : Ile-de-France Mobilités - Comité d'évaluation de l'amélioration de l'offre de transport en Ile-de-France - Rapport pour l'année 2016, publié en février 2018 - https://www.iledefrance-mobilites.fr/wp-content/uploads/2018/02/Rapport_Comite_Bailly_BAT.pdf

* 14 Chiffres de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) : http://www.fntr.fr/espace-documentaire/chiffres-cles/les-chiffres-blancs-du-trm-francais

* 15 Source : ASFA - http://www.autoroutes.fr/FCKeditor/UserFiles/File/ASFA_Chiffres_Cles18.pdf

* 16 Source : Note n° 274 du Centre d'analyse stratégique - avril 2012 - http://archives.strategie.gouv.fr/cas/content/note-danalyse-274-pour-un-renouveau-de-la-logistique-urbaine.html

* 17 Source : Commissariat général au développement durable, chiffres clefs du transport, édition 2018.

* 18 Commissariat général au développement durable - Vingt-cinq années de transport intérieur des voyageurs - Études et documents n° 148 - mai 2016.

* 19 105 AOM de plus de 100 000 habitants, 109 AOM de 50 à 100 000 habitants et 117 AOM de moins de 50 000 habitants - Source : Centre d'études et d'expertise pour les risques, la mobilité, l'environnement et l'aménagement (CEREMA).

* 20 UTP - Chiffres clés du transport public 2016 - www.utp.fr

* 21 Les nouvelles mobilités dans les territoires périurbains et ruraux, rapport n° 147 du centre d'analyse stratégique, publié en 2012 : http://archives.strategie.gouv.fr/cas/content/rapport-les-nouvelles-mobilites-dans-les-territoires-periurbains-et-ruraux.html

* 22 https://www.ademe.fr/observatoire-mobilites-emergentes

* 23 Source : Memento du tourisme de la direction générale des entreprises du ministère de l'économie et des finances : https://www.entreprises.gouv.fr/etudes-et-statistiques/statistiques-du-tourisme/donnees-cles/memento-du-tourisme

* 24 Source : Union des aéroports français.

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