Troisième séquence - La résistance des femmes dans les territoires occupés

Animée par Alya Aglan,
professeur d'histoire contemporaine
à l'Université Panthéon-Sorbonne - Paris 1

Intervenants :

Marie-France Devouge , responsable du musée Guerre et Paix en Ardennes

Isabelle Vahé , docteure en histoire

Vladimir Trouplin , conservateur du musée de l'Ordre de la Libération

Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes

Nous allons reprendre nos travaux. Je ne doute pas de la qualité de ces échanges, si j'en juge par les retours très positifs que j'ai entendus sur les interventions de ce matin.

Alya Aglan, professeure d'histoire contemporaine à l'Université Panthéon-Sorbonne - Paris 1

En effet, madame la présidente, nous espérons être au même niveau que les intervenants de la matinée.

Le thème de cette troisième table ronde porte sur la Résistance des femmes dans les territoires occupés.

De manière naturelle, le terme d'« occupation » renvoie en France davantage à la Deuxième Guerre mondiale qu'à la Première. Nous oublions trop souvent qu'entre 1914 et 1918, plus de deux millions de Français ont vécu sous un régime d'occupation par les troupes allemandes.

Cette réalité de l'histoire de la Grande Guerre a touché dans des proportions variables plusieurs départements, dont certains qui avaient déjà été occupés en 1870 et qui le seront à nouveau durant le deuxième conflit mondial. Cette succession d'occupations reste dans la mémoire des habitants. Dans ces régions, les habitants qui ont vécu la Première Guerre se souviennent des réquisitions allemandes - de draps et de bicyclettes, par exemple - lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate. Ces souvenirs les conduisent à fuir lorsque l'occupation recommence en 1940.

Le thème central de notre table ronde porte sur la manière dont les femmes vivent cette occupation et sur le rôle qu'elles jouent alors, notamment dans une forme de résistance qui peut ressembler à une accumulation de gestes parfois modestes et invisibles, alors que le danger est bien réel. Ces gestes s'assimilent à des activités résistantes, et leur mémoire a ressurgi durant la Deuxième Guerre. Je pense notamment au réseau Comète , dirigé par une jeune femme belge de 25 ans, Andrée De Jongh, dont la famille avait fait l'expérience du renseignement pendant la Première Guerre.

Je donne tout d'abord la parole à Marie-France Devouge, qui est responsable du tout jeune musée Guerre et Paix en Ardennes. Elle nous parlera de la vie des femmes dans les territoires occupés à partir de l'exemple du département des Ardennes, qui a été intégralement occupé pendant la Première Guerre 58 ( * ) et qui a été l'objet d'expériences de colonisation pendant la Seconde Guerre mondiale.

Marie-France Devouge, responsable du musée Guerre et Paix en Ardennes

Bonjour à tous. Je suis ravie d'être parmi vous pour évoquer l'histoire des Ardennes pendant la Grande Guerre 59 ( * ) . J'aimerais d'ailleurs saluer la présence dans cette salle aujourd'hui de M. Marc Laménie, sénateur des Ardennes et membre de la délégation aux droits des femmes.

La population ardennaise sera confrontée très tôt à la guerre, puisque les premières troupes allemandes ont pénétré dans le territoire le 24 août 1914, soit une vingtaine de jours seulement après le début des hostilités. Face aux opérations militaires et aux exactions commises envers les populations civiles, les habitants adoptent deux attitudes divergentes : fuir ou rester 60 ( * ) .

De nombreux Ardennais choisissent l'exode et partent, dans le plus complet dénuement. Cet épisode a concerné environ 90 000 Ardennais, soit 28 % de la population de 1911.

Pour ceux qui sont restés, outre les bombardements et les combats qui donnent lieu à de nombreuses destructions et à la mort de plusieurs dizaines de civils, l'arrivée des Allemands est marquée par plusieurs actes de violence. Il faut ainsi signaler le cas des villages de Haybes et de Margny. Vous voyez sur ces photos 61 ( * ) que ces deux villages ont été totalement détruits. Ils ont également subi de véritables massacres de la part des soldats allemands, lors desquels soixante-et-un civils ont été tués à Haybes et quarante-deux à Margny. Au total, une cinquantaine de communes ardennaises ont été touchées par ces exactions, qui consistaient en des massacres, des incendies volontaires et en la pratique du bouclier humain. Elles ont causé la mort de 364 civils dans le département.

L'invasion est brutale et brève, puisqu'elle ne dure qu'une quinzaine de jours. Une occupation de longue durée s'ensuit puisque les Ardennes sont occupées pendant toute la durée de la guerre, soit cinquante-et-un mois. La durée du conflit est donc durement ressentie, non seulement par les soldats sur le front et les populations de l'arrière, mais aussi par les civils des territoires occupés.

Pour les Ardennaises, l'occupation signifie tout d'abord de cohabiter avec l'ennemi. Elle se situe à l'intersection de différents rapports de domination, et notamment la domination de l'homme sur la femme.

Pour rappel, les troupes allemandes sont composées de troupes occupantes, qui restent à demeure, et de troupes de passage, puisque les Ardennes sont considérées comme un arrière-front par l'armée allemande. Une autre particularité de ce territoire concerne l'installation du Grand Quartier Général (GQG) allemand et la présence de l'empereur Guillaume II, qui y séjourne entre 1914 et 1916.

L'occupation militaire est majoritairement masculine tandis que les populations occupées sont en grande partie féminines. Par conséquent, le rapport de domination traditionnel entre les hommes et les femmes se trouve accentué par le contexte de l'occupation. Le rapport du militaire sur le civil et la domination du vainqueur sur le vaincu s'y ajoutent.

Comment s'exerce cette domination ? On assiste tout d'abord à une germanisation de l'espace quotidien, avec l'introduction de la langue allemande et de l'heure allemande, qui a existé avant la seconde occupation. De plus, des foyers sont contraints de loger l'occupant. À l'impression insupportable de ne plus faire partie de sa propre patrie s'ajoute le sentiment d'être dépossédé de son espace domestique.

Les occupants mettent en place de nombreuses mesures pour limiter les libertés de la population et pour exercer sur celle-ci une surveillance constante. Il s'agit par exemple de l'interdiction de sortir de sa commune, de la mise en place d'un couvre-feu ou de l'obligation d'avoir une carte d'identité en cas de contrôle. En outre, il est obligatoire de placarder sur le devant de sa maison la liste des noms des personnes qui y résident. Ces exigences sont diffusées par voie d'affichage et sont accompagnées de dures sanctions, telles que des amendes et des peines d'emprisonnement. L'occupation, d'emblée, s'impose comme un régime de contrainte et de terreur.

Les Ardennaises vivent isolées du reste du territoire français puisque les populations occupées ont l'interdiction de communiquer avec l'extérieur. Cette affiche montre un soldat ardennais séparé de son village par le front 62 ( * ) . Dans le ciel, des silhouettes féminines représentent les mères, épouses, filles et soeurs des soldats.

À la souffrance de la séparation s'ajoute donc l'absence de nouvelles. La seule source d'information autorisée est un journal de propagande, la Gazette des Ardennes , qui est édité en langue française. Il s'agissait pour les Ardennaises du seul moyen d'obtenir des nouvelles des soldats sur le front ou des prisonniers de guerre français envoyés en captivité en Allemagne 63 ( * ) .

Les Ardennaises doivent remplacer les hommes dans le rôle de chef de famille. Elles sont chargées d'assurer le quotidien dans leur foyer. Les Allemands, qui sont économiquement affaiblis par le blocus allié, ont littéralement rançonné les territoires occupés. Un système généralisé de réquisitions a été mis en place. Tout peut être réquisitionné : les produits alimentaires ou agricoles, les machines industrielles, les métaux et les objets de la vie quotidienne tels que la vaisselle, les meubles ou les matelas. Les Ardennaises seront donc rapidement confrontées à de graves problèmes de ravitaillement. Elles bénéficient d'une aide alimentaire de la part de pays neutres comme l'Espagne ou les États-Unis, puis les Pays-Bas. Le rapport à la subsistance des Ardennaises pendant cette période se révèle plus proche de celui des Allemandes que de celui des Françaises, en raison des privations subies.

Les Ardennaises sont également confrontées au travail forcé. Elles sont employées d'une part aux tâches qui leur sont traditionnellement dévolues, telles que la blanchisserie ou les travaux agricoles, comme la fenaison. Elles sont également affectées à des travaux de force qui étaient jusque-là réservés aux hommes. Elles travaillent ainsi dans la forêt ardennaise et à la réfection des routes. Selon l'historienne Annette Becker 64 ( * ) , on assiste à un renversement de l'ordre sexué, puisque les femmes doivent travailler comme des hommes.

Les Allemands emploient aussi les civils de zone occupée pour l'effort de guerre, alors que cela est interdit par les conventions de La Haye. Sur cette image 65 ( * ) , vous voyez des Ardennaises qui travaillent à la réfection de casques allemands. Toutes les photographies nous montrent des femmes ardennaises encadrées par des soldats allemands. Le travail forcé peut être considéré comme une forme de mise en esclavage des territoires occupés.

On assiste par ailleurs à des déplacements forcés pour le travail, à l'intérieur du département, mais aussi à l'intérieur de la zone occupée. Des jeunes femmes et des jeunes filles de Lille, Roubaix et Tourcoing quittent leur famille et leur ville pour rejoindre la Picardie, la Champagne et les Ardennes et y exercer des travaux ruraux 66 ( * ) . Les Allemands procèdent également à des évacuations. Les personnes considérées comme non productives sont déplacées vers la France libre via la Suisse. Nous estimons qu'environ 70 000 personnes ont quitté le département de cette façon entre 1915 et 1918. De plus, les zones de combat ont été évacuées à la fin de la guerre. Nous avons également observé la pratique de la prise d'otages, qui a concerné des Ardennaises envoyées en déportation en Allemagne dans le camp d'Holzminden en 1918.

La longue période de l'occupation a permis parfois une certaine forme de rapprochement entre les troupes et les civils. Les relations s'avèrent plus aisées au contact de troupes d'occupation composées d'hommes plus âgés, comme ceux de la Landwehr. L'occupation donnera également lieu, dans certains cas, à des relations physiques entre occupants et occupées. Il peut s'agir d'amour sincère, mais aussi de prostitution. Certaines femmes se sont justifiées de leur relation avec des soldats allemands par la protection qu'ils leur apportaient - ce qui montre bien le rapport de domination qui existait alors - ou par la nécessité de nourrir leurs enfants et de se nourrir.

Même s'il n'y a pas eu dans les Ardennes de grande figure de la Résistance, des actions de résistance se sont néanmoins mises en place dans le département 67 ( * ) . Plusieurs femmes y ont participé, dont Léontine Herbert et Léontine Le Leuch. Avec son mari, Léontine Herbert a contribué à ravitailler et à cacher des soldats. Arrêtée en novembre 1916, elle est déportée en Allemagne, où elle meurt en juillet 1918, à l'âge de 50 ans. Léontine Le Leuch a, elle aussi, participé à des actions de résistance avec son mari, et particulièrement à des actions de renseignement. Arrêtée et jugée en novembre 1915, elle est condamnée à mort. Sa peine sera commuée en douze années d'emprisonnement. Ces résistantes s'exposaient donc à une répression particulièrement féroce.

À l'inverse, il a aussi existé des actes de collaboration pendant la Première Guerre mondiale, qui sont connus grâce aux procédures entamées après la guerre contre des civils ardennais convaincus d'intelligence avec l'ennemi 68 ( * ) . L'utilisation du terme d'épuration rend bien compte de l'ambition de châtier ceux qui s'étaient compromis avec l'ennemi. Ainsi, certaines femmes ont été qualifiées de « femmes à Boches » et des scènes de tonte de femmes sont connues après 1918. Dans le même esprit, des délatrices et des dénonciatrices ont été sanctionnées après la guerre. Certaines femmes ont aussi pu être des agents allemands : c'est ainsi le cas d'une Ardennaise, recrutée comme agent de la police secrète allemande à Lille, en 1917.

En conclusion, j'aimerais souligner que les femmes ardennaises ont vécu une expérience de la guerre très différente de celle de la France non occupée. Elles ont été directement confrontées à l'expérience de la guerre et à sa violence.

Il est frappant de constater que certains phénomènes, qui sont traditionnellement associés à la Seconde Guerre mondiale dans la mémoire collective, apparaissent en réalité dès le premier conflit mondial. L'occupation de 14-18 préfigure par bien des aspects celle de 39-45.

Cette occupation a été très durement ressentie par les populations, si bien que ce souvenir explique en grande partie l'exode massif qui a eu lieu en 1940. En 1914, 28 % des Ardennais ont quitté leur département, comme je l'ai indiqué précédemment. En 1940, plus de 90 % de la population fuit le département : il était inconcevable pour les Ardennaises et les Ardennais de revivre toutes les souffrances endurées en 14-18.

Alya Aglan, professeur d'histoire contemporaine à l'Université Panthéon-Sorbonne - Paris 1

Merci à vous. Je me permets d'apporter une précision : il me semble que le département des Ardennes a été évacué en 1940 à la demande des autorités françaises. Ensuite, les occupants allemands ont appliqué au retour des populations des critères ethniques et politiques. Ce département sera le haut lieu d'une sorte d'expérimentation, l' Ostland , qui avait déjà été tentée dans les territoires polonais. Il s'agit d'une forme de colonisation exercée sous l'autorité de l'armée allemande. Le souvenir de terreur qu'ont gardé les Ardennais des exactions de 14-18 sera renforcé par les restrictions mises en place par les autorités allemandes lors de la Seconde Guerre mondiale pour empêcher leur retour.

Marie-France Devouge, responsable du musée Guerre et Paix en Ardennes

Il est nécessaire de comprendre que l'offensive allemande démarre le 10 mai 1940 et que les Allemands parviennent jusqu'aux Ardennes en l'espace de deux jours seulement. L'évacuation qui avait été programmée et organisée n'a donc pas pu se mettre en place. Les Ardennes font ensuite partie de la « zone interdite » et subissent la colonisation agraire dans le cadre de l' Ostland et sous l'autorité de la WOL 69 ( * ) .

Alya Aglan, professeur d'histoire contemporaine à l'Université Panthéon-Sorbonne - Paris 1

Pour prolonger nos réflexions sur les violences à l'encontre des civils, qui participent à la totalisation de la guerre, j'aimerais vous montrer cette affiche allemande relative au travail forcé dans les territoires occupés 70 ( * ) , datée du 20 juillet 1915, qui est issue des collections du musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux. Signée d'un officier allemand, elle annonce à la population de Vendelles, dans l'Aisne, la réquisition des ouvriers, des femmes et des enfants de 15 ans au titre des travaux des champs. Ces derniers connaissent des horaires extensibles, y compris le dimanche, « de quatre heures du matin à huit heures du soir ». Les sanctions prévues contre les « femmes fainéantes » sont « l'exil à Holnon pour travailler » puis un emprisonnement de six mois. Les « enfants fainéants » sont punis de coups de bâton. J'aurais aimé disposer du texte original en allemand pour mieux comprendre le concept de « fainéantise » dans ce contexte. Il s'agit de sanctions graves et humiliantes et d'un travail très lourd en termes d'horaires.

D'autres documents nous ont été prêtés par le musée de Montmartre. Ce sont des dessins d'enfant que je trouve extraordinaires 71 ( * ) . Le premier s'intitule « L'envahisseur persécute les populations du Nord » et nous montre à quoi ressemble l'occupation dans ces territoires. Il présente un village en flammes, un homme exécuté à bout portant et une femme qui fuit avec son enfant dans les bras. Sur un autre dessin, qui s'intitule « Au camp de concentration », nous voyons des civils derrière des barbelés et un militaire portant un casque à pointe qui menace un enfant. Ces dessins d'enfants manifestent une forme d'intériorisation de toutes les scènes de violence auxquelles ils ont assisté. Un troisième dessin, « Souvenir d'un petit réfugié. Ce que j'ai vu à Feignies (Nord). Patrouille allemande dans les pays envahis », représente le fameux pas de l'oie que tous les écrits clandestins résistants railleront durant la Seconde Guerre mondiale.

L'historiographie de la Première Guerre mondiale a récemment réévalué l'ensemble de ces violences commises à l'encontre des civils, alors que ces dernières restaient fortement associées à la Deuxième Guerre. Elles se sont aussi exercées contre les femmes.

Mais celles-ci ne se sont pas contentées de subir : certaines ont réagi face à l'occupation et ont été des pionnières de la Résistance.

La Première Guerre a ainsi révélé diverses figures héroïques parmi les femmes des régions occupées. Le fait de « résister » peut être entendu comme faire du renseignement, ou bien cacher et protéger toute personne susceptible d'être recherchée. Marie de Croÿ, par exemple, a mis en place un réseau d'évasion : on constatera pendant la Seconde Guerre mondiale une forte remobilisation des réflexes acquis entre 1914 et 1918.

La figure attachante d'Édith Cavell, par exemple, est bien connue. Cette femme britannique a été fusillée par les Allemands en 1915. Nous en reparlerons tout à l'heure.

En ce qui concerne les Françaises, on pense d'abord à Marie-Léonie Vanhoutte et à Louise de Bettignies, que nous allons évoquer immédiatement.

Vous voyez à l'écran l'image d'un timbre récemment édité à l'occasion du Centenaire de la mort de Louise de Bettignies, reproduit avec l'autorisation de La Poste , de l'artiste et de la mairie de Saint-Amand-les-Eaux 72 ( * ) . Isabelle Vahé, docteure en histoire, va donc maintenant évoquer deux figures célèbres de la Résistance dans le Nord : Marie-Léonie Vanhoutte et Louise de Bettignies 73 ( * ) .

Isabelle Vahé, docteure en histoire

Bonjour à tous. Je remercie le Sénat et la délégation aux droits des femmes de m'avoir associée à cette manifestation. Je suis également chargée de mission de la ville de Saint-Amand-les-Eaux pour un projet de centre de ressources multimédia sur la Résistance et l'émancipation des femmes, qui sera installé dans la maison natale de Louise de Bettignies 74 ( * ) .

Louise de Bettignies était agent de renseignement et résistante de la Grande Guerre. À Lille, un monument a été érigé en hommage à son action 75 ( * ) et une place porte son nom. Toutefois, la mémoire collective a retenu l'image de Mata Hari. Pourquoi cet oubli pendant de nombreuses années ? Pourtant, Louise de Bettignies a dirigé un réseau de renseignement durant la Première Guerre mondiale ; elle a dépassé les normes de genre qui confinent les femmes dans des rôles établis.

Comme Marie-France Devouge vient de l'expliquer, le nord de la France est occupé pendant la Première Guerre. La situation dans le département du Nord est similaire à celle des Ardennes. Dans ce contexte, des actes isolés de résistance émergent. Près de Saint-Amand, par exemple, Angèle Lecat a été fusillée par les Allemands pour avoir envoyé des messages par le biais d'un pigeon voyageur. Elle a agi sans faire partie d'un quelconque réseau.

En revanche, il a existé de véritables réseaux, dont celui de Louise de Bettignies, appelé réseau Ramble 76 ( * ) .

Louise de Bettignies est née le 15 juillet 1880 à Saint-Amand-les-Eaux, une commune située entre Lille et Valenciennes, dans une famille aisée de faïenciers.

Elle étudie chez les soeurs à Valenciennes. Lorsque la société paternelle fait faillite, la famille quitte Saint-Amand pour Lille. Louise de Bettignies parvient à convaincre ses parents de l'envoyer poursuivre ses études en Angleterre. Elle y apprend plusieurs langues et y pratique des sports, ce qui pour l'époque témoigne d'une véritable émancipation. Les archives du Royaume de Belgique, à Bruxelles, contiennent des éléments très importants à son sujet, car la Belgique, contrairement à la France, a réalisé un immense travail de reconstitution de l'histoire de ces réseaux.

On sait donc que Louise de Bettignies aurait aimé être journaliste. Malgré son caractère affirmé, elle n'y parviendra pas et sera préceptrice dans des familles bourgeoises en France, puis dans de grandes familles d'Europe. Cette femme, par ailleurs très croyante, fréquente la Ligue patriotique des Françaises.

De retour en France au début de l'année 1914, elle s'illustre lors du siège de Lille. Avec sa soeur Germaine, elle distribue de la nourriture aux soldats français. Cet acte de bravoure vaudra à sa soeur la Croix de Guerre. La famille nous a d'ailleurs raconté que des balles avaient été retrouvées sur le chapeau de Germaine de Bettignies.

En février 1915, Louise de Bettignies commence à recourir aux messages codés pour transmettre les lettres des familles de Lille à leurs proches en France non occupée via la Belgique et les Pays-Bas. Elle utilise l'encre sympathique, c'est-à-dire du jus de citron chaud. Les services secrets britanniques la remarquent alors. Elle est formée auprès d'eux et apprend en Angleterre toutes les composantes du métier d'espionne : maîtriser les codes, dresser un plan, désigner un point sur une carte, obtenir et transmettre les informations.

Le réseau Bettignies, d'après ce que nous en savons, est composé d'observateurs qui repèrent les mouvements de troupes et de transports ennemis. Il compte entre cinquante et soixante membres et connaît une vie très brève, entre février et septembre 1915, autour de Lille.

Marie-Léonie Vanhoutte, bras droit de Louise de Bettignies, est née à Roubaix en 1888. Elle est d'abord infirmière 77 ( * ) et soigne les blessés français jusqu'en janvier 1915. À partir de cette date, elle doit soigner les Allemands, ce qu'elle refuse de faire par patriotisme. Elle commence alors à s'opposer à l'occupant. En janvier 1915, elle contribue à une exfiltration de soldats britanniques qui se cachaient à Lille. Elle cherche ensuite à savoir s'il existe des réseaux de résistance. Or la responsable de l'hôpital de campagne de Roubaix appartient à une famille de la haute industrie textile : c'est ainsi que Marie-Léonie Vanhoutte rencontrera Louise de Bettignies. Les deux femmes acceptent de travailler ensemble. La base de leur engagement semble être le patriotisme. Elles veulent défendre leur patrie.

Comment fonctionne le réseau ? La zone géographique est découpée en secteurs. Les membres du réseau repèrent le passage des trains puis rédigent des rapports. Louise de Bettignies crée un système de localisation très efficace pour identifier les emplacements des batteries allemandes 78 ( * ) . L'armée allemande a reconnu que ses canons ne tenaient pas une semaine face aux tirs anglais. De nombreux canons allemands seront détruits de cette manière.

Louise de Bettignies et Marie-Léonie Vanhoutte se rencontrent deux fois par semaine pour coder les messages. Elles effectuent ensuite des voyages à travers la Belgique et les Pays-Bas pour les transmettre 79 ( * ) . Pour rappel, la frontière est électrifiée à partir de 1915 et le passage s'avère fortement risqué.

Louise de Bettignies informera notamment les Britanniques de l'imminence de l'attaque d'un souterrain par l'ennemi à Armentières. Elle aurait, entre autres faits notoires, fourni l'heure, la date et le lieu du passage du train du Kaiser aux Britanniques pour qu'ils le bombardent. Le journal intime de son supérieur hiérarchique 80 ( * ) , conservé à l' Imperial War Museum de Londres, nous apprend que la traque allemande se resserre ensuite sur elle.

Marie-Léonie Vanhoutte est tout d'abord arrêtée le 24 septembre 1915 à Bruxelles. Le 20 octobre, Louise de Bettignies est interpellée sur le territoire de la commune de Tournai, à Froyennes. Les deux femmes sont envoyées à la prison Saint-Gilles de Bruxelles. Les Allemands utilisent des subterfuges pour les faire avouer 81 ( * ) .

En mars 1916, elles sont jugées par le Conseil de guerre 82 ( * ) . Louise de Bettignies se défend courageusement en remerciant ses juges de lui permettre de mourir pour sa patrie. La peine de mort est requise à leur encontre, mais Louise de Bettignies sera finalement graciée le 23 mars 1916 à la suite d'une intervention de l'Espagne. Sa peine est commuée en réclusion à perpétuité 83 ( * ) . Louise de Bettignies et Marie-Léonie Vanhoutte sont toutes deux envoyées à la prison de Siegburg en Allemagne, dans des conditions très difficiles. Elles y créent néanmoins un mouvement de résistance, puisque Louise de Bettignies refuse de fabriquer des munitions.

Vous voyez ici 84 ( * ) des lettres écrites par Louise de Bettignies à une autre détenue. Elle y raconte qu'elle refuse de chanter en allemand 85 ( * ) .

Louise de Bettignies est mise au cachot suite à ces agissements. Elle meurt le 27 septembre 1918 d'une pleurésie à l'hôpital de Cologne. Marie-Léonie Vanhoutte, affectée à l'infirmerie de la prison, a soutenu Louise de Bettignies et soigné les victimes du typhus qu'elle a contracté à son tour. Le 8 novembre 1918, la prison de Siegburg est libérée par les spartakistes 86 ( * ) .

Louise de Bettignies a reçu de nombreux hommages et récompenses, dont la Légion d'honneur, la Croix de guerre avec palme et le British empire officer . Le maréchal Joffre lui décerne une citation à l'ordre de l'armée 87 ( * ) . En 1920, dans une France exsangue et endeuillée, son sacrifice patriotique est davantage mis en valeur que son engagement combattant et son appartenance à un réseau de renseignement militaire.

Marie-Léonie Vanhoutte reçoit également de nombreuses distinctions, dont la Croix de guerre 88 ( * ) et la Légion d'honneur 89 ( * ) . Cette femme discrète décède en mai 1967 à Boulogne Billancourt.

En 1924, la publication du livre La Guerre des femmes , écrit par Antoine Redier, époux de Marie-Léonie Vanhoutte, marque un tournant. Dans ce livre apparaît en effet une Louise de Bettignies combattante, animée par son patriotisme et sa foi religieuse, à l'égal d'une Jeanne d'Arc moderne. À cette époque, très peu de publications évoquent des parcours de femmes comme ceux de Louise de Bettignies et Marie-Léonie Vanhoutte. Elles sont pourtant des « actrices de l'histoire qui ont mené un combat direct contre l'adversaire » 90 ( * ) .

Le monument de Lille érigé en hommage à Louise de Bettignies la représente ainsi en Jeanne d'Arc, la tête ceinte de lauriers et tournée vers le ciel. Elle est adossée à une stèle surmontée d'une Croix de guerre tandis qu'un soldat lui baise la main. Lors de son inauguration, le 13 novembre 1927, Louis Marin, alors ministre des Pensions, déclare devant plusieurs maréchaux : « Les femmes françaises qui savent mourir pour la patrie sont dignes de prendre part à un gouvernement . »

Le film Soeurs d'armes 91 ( * ) évoque aussi le sort de Louise de Bettignies. Il est marqué par son époque, celle de la montée des fascismes. Face à l'éventualité d'une guerre, la France a besoin de tous ses enfants pour se défendre. Ce film a d'ailleurs été interdit durant la Seconde Guerre mondiale par les Allemands.

Son réseau est un réseau classique de la Première Guerre mondiale en pays occupé 92 ( * ) . Les historiens estiment qu'environ deux-cents réseaux de ce type existaient alors. Leurs actions ont préfiguré les réseaux qui se mettront en place durant la Deuxième Guerre mondiale. Louise de Bettignies servira d'ailleurs de modèle à de nombreuses résistantes qui s'illustrèrent en 1939-1945 93 ( * ) .

Alya Aglan , professeur d'histoire contemporaine à l'Université Panthéon-Sorbonne - Paris 1

Merci à vous pour l'évocation de ces deux figures. En vous écoutant parler des pigeons voyageurs, je me suis souvenu que le droit pénal allemand, introduit en France le 10 mai 1940 dans les départements occupés, interdit effectivement de posséder des pigeons voyageurs qui ne sont pas déclarés en mairie, ce qui s'explique certainement par le souvenir de ces épisodes de la Première Guerre.

Les similitudes semblent évidentes entre les résistances féminines de 1940 et celles de la Première Guerre mondiale.

Une femme me fascine et incarne justement le lien entre les résistances de 14-18 et de la Seconde Guerre mondiale : il s'agit d'Émilienne Moreau. Très jeune, elle est promue au statut d'héroïne de la Première Guerre. On lui demande de rédiger ses Mémoires alors qu'elle n'a que 17 ans. Elle est aussi l'une des six femmes à avoir été Compagnon de la Libération à la fin de la Seconde Guerre mondiale pour ses faits de résistance sous l'occupant nazi.

Nul mieux que Vladimir Trouplin, conservateur du musée de l'Ordre de la Libération, ne pouvait nous en parler. Je vous invite d'ailleurs vivement à visiter ce musée passionnant.

Vladimir Trouplin, conservateur du musée de l'Ordre de la Libération

Merci beaucoup. Émilienne Moreau a un parcours différent de Louise de Bettignies, dont nous venons de parler, même si les deux femmes ont vécu dans la même zone géographique, la région de Lens-Béthune.

Son parcours a été marqué par la Grande Guerre, mais on pourrait dire aussi que son parcours a marqué la Grande Guerre. En raison du rôle qu'elle a joué et de son retentissement à l'époque, elle est devenue de manière très précoce une héroïne nationale 94 ( * ) . Elle a également comme particularité d'avoir publié deux fois ses mémoires : la première fois à l'âge de 17 ans, puis à la veille de sa mort, en 1971 95 ( * ) .

Les sources évoquant son activité durant la Première Guerre restent difficiles à trouver en dehors de ces mémoires. On peut toutefois se référer aux textes de ses citations militaires et à un bref rapport du sous-préfet de Béthune daté de novembre 1915 96 ( * ) .

Émilienne Moreau est née en 1898 à quelques kilomètres de Lens 97 ( * ) . Elle vient d'un milieu populaire sans être prolétaire, puisque son père est contremaître à la mine. La famille s'installe brièvement à Lens puis à Loos-en-Gohelle 98 ( * ) en juin 1914. Le père d'Émilienne Moreau a alors abandonné la mine et ouvre un café-épicerie dans cette ville minière de 4 700 habitants, qui est l'une des principales communes du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais 99 ( * ) .

À cette époque, Émilienne Moreau a 16 ans et elle veut devenir institutrice. En août 1914, lorsque la guerre éclate, elle prépare l'examen d'entrée au cours préparatoire au brevet d'institutrice. Après la bataille de la Marne, la course à la mer s'engage. Entre septembre et octobre 1914, une série de combats indécis se déroule dans les plaines du nord de la France, selon une ligne qui court vers la mer du Nord. Chacune des armées souhaite dépasser l'autre pour la prendre à revers. Ce combat sans vainqueur aboutit à la guerre de position, autrement dit la guerre de tranchées, qui se prolongera durant quatre années.

Le village de Loos-en-Gohelle se trouve exactement sur la ligne de front. Il est occupé par les Allemands et se situe dans la zone rouge, c'est-à-dire une zone totalement dévastée par les combats. Loos fait partie des communes qui ont été détruites à 100 %. L'occupation commence le 4 octobre 1914 et dure presque un an. À l'arrivée des Allemands, 90 % des habitants ont fui le village. L'occupation y est particulièrement dure puisque les commerces sont immédiatement pillés par les soldats allemands, ce qui est le cas de l'épicerie des Moreau.

Dans ce contexte, Émilienne Moreau révèlera des ressources morales exceptionnelles dans des domaines à la fois citoyen et combattant. Sa première initiative, dès les débuts de l'occupation, consiste à se rendre à la rencontre des soldats français pour les prévenir des endroits où sont cachées les lignes mitrailleuses allemandes. Ce geste de secours permettra de sauver des vies. Dans ses Mémoires de 1915, elle écrit : « Je ne me reconnaissais pas, je sentais en moi je ne sais quoi de farouche, j'avais la fièvre, je battais des mains, je riais, je lançais des injures aux Boches ».

L'échec de l'offensive française engendre une situation de statu quo dans laquelle la ville est occupée jusqu'à la fin de septembre 1915. Les restrictions sont très importantes. La pénurie alimentaire est vraisemblablement la cause de la mort du père d'Émilienne Moreau. Elle se retrouve donc seule avec sa mère, sa petite soeur et son petit frère. Son frère aîné a été mobilisé et est parti au front : elle apprendra sa mort à la fin de l'année 1915.

Sa première initiative citoyenne consiste à prendre en charge une quarantaine d'enfants du village livrés à eux-mêmes, pour leur faire la classe. Elle s'improvise institutrice et protège ces enfants durant les bombardements. Il faut rappeler que la plupart des instituteurs se trouvent sur le front.

À la mi-septembre 1915, les combats de reconquête du village par les Alliés se mettent en place. Une intense préparation d'artillerie, qui se traduit par des bombardements terribles, détruit le village. Émilienne Moreau et sa famille se terrent dans la cave de leur maison. En pleine offensive, la jeune fille se lance dans la bataille pour aller à la rencontre des soldats venus libérer Loos et leur donner des informations. Elle dira avoir été très impressionnée par ces soldats écossais 100 ( * ) , qui portaient des jupes et des masques à gaz ! En dépit de la barrière de la langue, elle les détourne des embûches et des zones exposées aux tirs allemands.

La bataille dure plusieurs jours. Émilienne Moreau aide un médecin écossais à établir un poste de secours dans sa maison. Elle s'occupe des blessés et intervient même lors des combats. Ainsi, alors qu'un soldat est pris sous le feu de soldats allemands embusqués dans la maison située en face de chez elle, trois blessés écossais et elle-même sortent dans la rue pour lancer des grenades dans le soupirail de la maison en face et tuer les soldats allemands 101 ( * ) .

Le même jour, elle est seule avec un blessé écossais dans sa cave transformée en petit hôpital. Deux Allemands commencent à tirer derrière la porte. Elle prend alors un revolver, tire à travers la porte et tue deux soldats allemands. Elle rapporte ces épisodes extraordinaires dans ses Mémoires , même s'ils diffèrent du texte de sa citation militaire. Mais on sait que les citations militaires manquent parfois aussi d'exactitude.

Après la libération de Loos-en-Gohelle, sa famille est évacuée. Sa petite soeur a été blessée dans les bombardements et la famille se réfugie à Paris.

La reconnaissance officielle commence pour Émilienne Moreau, qui devient l'« héroïne de Loos » et que les Anglais appellent The Lady of Loos 102 ( * ) . Elle devient une héroïne internationale. Les Britanniques lui seront extrêmement reconnaissants d'avoir sauvé des Écossais. Elle reçoit les félicitations officielles du Commandement anglais pour l'aide apportée aux blessés, ainsi qu'une citation à l'ordre de l'armée française signée du général Foch 103 ( * ) : elle est prise dans ce que nous appellerions aujourd'hui un tourbillon médiatique.

Émilienne Moreau devient l'incarnation des valeurs de la résistance à l'envahisseur et un exemple pour la femme française. Sa notoriété est telle que les autorités militaires allemandes font savoir que si cette femme, qui a tué des hommes allemands, est décorée aux Invalides, tout Français capturé sera considéré comme franc-tireur et fusillé 104 ( * ) . Cette menace prouve sa renommée dans les deux camps.

Émilienne Moreau sera donc décorée sur la Place d'Armes de Versailles le 27 novembre 1915 et reçue le même jour par le Président Poincaré au Palais de l'Élysée. De leur côté, les Britanniques lui décernent la Military Medal pour son action de renseignement, la Royal Red Cross pour les soins qu'elle a prodigués aux blessés et l'Ordre de l'hôpital de Saint-Jean de Jérusalem, qui est extrêmement rare.

Émilienne Moreau vit à Paris à cette époque, dans des conditions précaires. La famille perçoit cinq francs d'allocation par jour pour vivre, ce qui est une somme très faible. Elle reçoit alors une proposition providentielle de la part du Petit Parisien : ce journal à très grand tirage lui propose d'écrire ses Mémoires dans une série de feuilletons qui durera deux mois, en échange d'une somme de 5 000 francs. Le journal demande l'exclusivité des droits pour cinquante ans, ce qui explique pourquoi les Mémoires d'Émilienne Moreau ne paraîtront qu'en 1971. Il s'agit d'une longue narration patriotique et pleine d'humilité publiée dans Le Miroir , qui est un supplément du Petit Parisien . À la lecture des Mémoires d'Émilienne Moreau, comme l'écrit Françoise Thébaud, que je salue, « On ne sait pas si la réalité est digne du feuilleton ou si le feuilleton impose ses lois à la réalité » 105 ( * ) .

Émilienne Moreau fera l'objet de nombreuses publications françaises et britanniques. Elle aura également droit à une planche de l'imagerie d'Épinal et à des affiches à son effigie dans le métro. Des photographies d'elle sont distribuées au front pour remonter le moral des Poilus. Elle participe à des galas aux côtés de grands combattants tels que Georges Guynemer. Une adaptation cinématographique sort immédiatement, en 1916, sous le titre The Joan of Arc of Loos . Ce film a été tourné sur les plages australiennes, où Loos-en-Gohelle a été reconstitué ! En 1918, l'horticulteur lauréat du concours de la roseraie de Bagatelle baptise sa rose du nom d'Émilienne Moreau.

La jeune femme affirme dans ses mémoires qu'elle ne se laisse pas griser par ce que l'on qualifierait aujourd'hui de « surexposition ». Elle sait que l'aspect de propagande est important pour raffermir le moral des combattants. Elle continue à se préparer à son métier d'institutrice et enseigne à Paris dans une école du XV e arrondissement.

Cette histoire est relayée vers l'opinion publique parce qu'elle remplit toutes les conditions d'exemplarité. Émilienne Moreau constitue une synthèse du romanesque en temps de guerre : le contexte dramatique d'un village sur le front ; celui d'un père et d'un frère disparus ; son extrême jeunesse et sa beauté ; la solidarité avec le village ; les renseignements recueillis et apportés aux soldats ; les soins envers les blessés ; et, par-dessus tout, l'action guerrière, qui se solde à deux reprises par la mort de soldats allemands, dans des situations de légitime défense. L'histoire d'Émilienne Moreau englobe tout ce qui doit constituer idéalement le caractère de la femme française : l'humilité, l'altruisme, le patriotisme, la féminité et le comportement « maternel » (avec les élèves, les soldats et les blessés).

Une fois le danger passé, Émilienne Moreau redevient une jeune femme discrète et timide, une jeune Française comme les autres. D'autres cas d'héroïsme féminin existent pendant la Grande Guerre, mais aucun ne réunit tous ces ingrédients autour d'une seule personne.

Cette émergence de l'héroïsme féminin s'explique par le fait que, si l'armée interdit aux femmes d'approcher la guerre, la guerre en revanche vient aux femmes, a fortiori dans ces zones exposées aux combats. Une telle situation place les femmes en première ligne.

Après l'Armistice, Émilienne Moreau retourne dans sa région natale, où elle travaille comme institutrice. Dans le cadre de la reconstruction compliquée des années vingt, elle se tourne vers le militantisme syndical et politique. Elle épouse Just Evrard, le secrétaire général adjoint de la Fédération socialiste du Pas-de-Calais. Elle fait son apprentissage politique aux côtés de son mari et devient membre des Femmes socialistes .

Le couple Evrard vit à Lens au moment de la déclaration de guerre de 1939. Lorsque les Allemands occupent Lens en juin 1940, ils n'ont pas oublié l'héroïne de Loos et l'installent en résidence surveillée 106 ( * ) . Elle obtient rapidement de pouvoir revenir à Lens et elle entre dans la Résistance, tout d'abord dans un cadre familial, puis au cours de la reconstitution du Parti socialiste local clandestin. La cellule du Pas-de-Calais se recompose en effet dans la maison des Evrard à l'occasion de réunions secrètes. Par ailleurs, Émilienne Moreau distribue des tracts et les premiers journaux socialistes, comme La Voix du Nord , qui émergent dans la clandestinité.

En 1942, Émilienne Moreau rejoint son mari à Thonon-les-Bains 107 ( * ) . Roger et Raoul, ses beaux-fils, font aussi partie de la Résistance. Elle travaille ensuite à Lyon comme agent de liaison 108 ( * ) avec la Suisse, notamment pour le réseau de renseignement Brutus , pour le Comité d'action socialiste clandestin et pour le mouvement La France au combat . Son mari part par une opération aérienne en 1943 pour Alger, où il est nommé à l'Assemblée consultative provisoire. Émilienne Moreau reste seule, dans des conditions extrêmement dures. Elle commence à être repérée. Elle échappe miraculeusement à une souricière en mai 1944 à Lyon. Elle refuse toutefois de passer en Espagne, car elle se sent trop faible physiquement pour entreprendre ce voyage risqué. Elle doit attendre le début du mois d'août 1944 pour être évacuée à Londres.

Après la guerre, elle incarne une nouvelle fois la Résistance féminine française. Elle est décorée de la croix de la Libération par le général de Gaulle en août 1945. Cette distinction synthétise plusieurs éléments, à commencer par le travail des obscurs et des « sans grade » de la Résistance qu'elle incarne, comme elle incarne sans doute pour le général de Gaulle le lien entre les deux conflits. De Gaulle, comme Churchill et certains nazis, parlait en effet d'une « guerre de Trente ans » pour évoquer cette continuité entre les deux guerres mondiales.

Émilienne Moreau poursuit son action politique après la guerre. Elle devient conseillère de l'Union française et membre du Comité directeur du Parti socialiste jusqu'en 1963.

J'aimerais finir en évoquant sa mémoire. Sa célébrité n'atteindra plus jamais le niveau qu'elle a connu durant la Grande Guerre. Émilienne Moreau n'obtiendra pas non plus la notoriété d'héroïnes martyres de la Seconde Guerre mondiale comme Berty Albrecht ou Danielle Casanova.

En 2016, j'ai recensé vingt lieux et bâtiments publics en France 109 ( * ) qui portent le nom d'Émilienne Moreau. Parmi eux, huit rues et cinq écoles se situent dans le Pas-de-Calais, qui est à la fois son département d'origine, le lieu de son action de guerre, mais aussi une terre caractérisée par un fort enracinement socialiste. Le parti socialiste a ainsi rendu hommage à l'une de ses figures d'exception.

En novembre 2017, à l'occasion du Centenaire de la Grande Guerre, la princesse Anne a inauguré la salle principale du nouveau Consulat de France à Édimbourg, qui a été baptisée du nom d'Émilienne Moreau 110 ( * ) . Enfin, il existe un projet visant à donner son nom à un trophée qui récompenserait les vainqueures d'un match du tournoi des Six Nations de rugby féminin 111 ( * ) , ce qui tend à montrer que le souvenir d'Émilienne Moreau n'a pas disparu.

Alya Aglan, professeur d'histoire contemporaine à l'Université Panthéon-Sorbonne - Paris 1

Ces trois interventions confirment que des parallèles importants existent entre l'action des femmes pendant les deux guerres mondiales. Ces histoires nous rappellent le fait que les femmes ont été à l'origine des premières filières d'évasion, dès juin 1940. Pour cette raison, je trouve que la figure d'Émilienne Moreau constitue une très belle conclusion à cette séquence.

Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes

Je vous remercie.

Notre troisième séquence est donc terminée et, je vous l'assure, elle était à la hauteur de nos interventions de la matinée.

Nous allons laisser la place aux intervenants de la table ronde suivante, qui portera sur les femmes au front, hier et aujourd'hui.

Quelques reproductions de documents d'époque nous accompagnent pendant cette transition 112 ( * ) .


* 58 Ardennes : 100 %, Nord : 70 %, Pas-de-Calais : 25 %, Somme : 16 %, Oise : 10 %, Aisne : 55 %, Meuse : 30 %, Meurthe-et-Moselle : 25 %, Vosges : 4,8 %, Marne : 12 %. Selon Philippe Nivet, La France occupée , Armand Colin, 2014, p. 9 (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).

* 59 L'histoire des Ardennes pendant la Première Guerre mondiale a donné lieu à de nombreuses publications. Parmi les principales, il faut mentionner : Occupations , Éd. Terres Ardennaises, 2007 ; La Première Guerre mondiale dans les Ardennes. Études pour le Centenaire , Éd. Terres Ardennaises, 2014 ; Destins liés, occupés et occupants dans les Ardennes (1914-1918), Éd. Terres Ardennaises, 2018 (note de l'auteure).

* 60 La situation du front et les exactions commises par les troupes allemandes à l'encontre des populations civiles sont connues par la presse - Le Petit Ardennais , journal local, en fait état dès le 7 août - et par le récit des réfugiés qui fuient les zones de combat et traversent les Ardennes (note de l'auteure).

* 61 Des photographies de ces villages en ruines sont projetées.

* 62 Le document projeté est une affiche relative à une vente de charité organisée par l' OEuvre du soldat ardennais « au profit des soldats des Ardennes (seul département complètement envahi) » (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).

* 63 La Gazette des Ardennes est créée, rédigée et imprimée à Charleville. Son premier numéro paraît le 1 er novembre 1914. Ce journal, qui se présente comme un organe d'information pour les populations des territoires occupés, est en réalité un outil de propagande au service de l'occupant. Face à la méfiance des populations et pour augmenter les ventes, il publiait les listes de noms de soldats français inhumés derrière le front allemand, de prisonniers de guerre en Allemagne... (note de l'auteure).

* 64 Auteure, entre autres titres, de Oubliés de la Grande guerre : humanitaire et culture de guerre, 1914-1918 : populations occupées, déportés civils, prisonniers de guerre , éd. Noesis, 1998, et de Les cicatrices rouges 1914-1918, France et Belgique occupées , Éd. Fayard, 2010 (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).

* 65 Des documents photographiques sont projetés.

* 66 Les occupants envisagent de transplanter une partie de la population des villes à la campagne : la déportation à Pâques 1916 de jeunes filles et de jeunes femmes de Lille, Roubaix et Tourcoing concerne environ 10 000 personnes de toutes conditions et de tous âges, la plupart entre 17 et 30 ans (note de l'auteure).

* 67 La résistance dans les Ardennes a été étudiée par Jean-Louis Michelet dans : « Une résistance active de grande ampleur » et « Répression de la résistance », La Première Guerre mondiale dans les Ardennes. Études pour le Centenaire , op. cit., pp. 99 à 124 (note de l'auteure).

* 68 La collaboration dans les Ardennes a été étudiée par Philippe Lecler dans « Punir », La Première Guerre mondiale dans les Ardennes. Études pour le Centenaire , op. cit., pp. 133 à 140 (note de l'auteure).

* 69 Wirtschaftsoberleitung (WOL) ou Direction des services agricoles : administration allemande qui dirigeait, en zone interdite française, les exploitations agricoles, sur le modèle et d'après l'expérience de l' Ostland en Pologne. La WOL est partagée en cinq circonscriptions régies par quatre directions régionales (Laon, Mézières, Nancy et Dijon). La main-d'oeuvre est composée de prisonniers de guerre français et nord-africains, de propriétaires, après leur retour d'exode, ainsi que de nombreux ouvriers polonais et d'environ 600 Juifs qui seront déportés dans les camps d'extermination en janvier 1944) (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).

Source : Archives départementales des Ardennes ( http://archives.cd08.fr/article.php?laref=1348&titre=la-w-o-l-ou-les-archives-de-l-administration-agricole-allemande ).

* 70 Des reproductions de ces documents sont projetées. Voir en annexe des reproductions de ces documents.

* 71 Trois reproductions de ces dessins sont projetées. Voir en annexe la présentation de cette collection ainsi que les reproductions des dessins projetés pendant le colloque.

* 72 La délégation aux droits des femmes remercie La Poste , la mairie de Saint-Amand-les-Eaux et l'artiste, Eloïse Oddos, d'avoir bien voulu autoriser la projection d'une reproduction de ce timbre à l'occasion du colloque.

* 73 Une version longue de l'intervention d'Isabelle Vahé, communiquée par l'auteure, figure en annexe au présent recueil.

* 74 Depuis 2008, la ville de Saint-Amand-les-Eaux tente de réhabiliter sa maison natale. Une programmation culturelle « hors les murs » existe depuis dix ans (exposition au musée de la Tour abbatiale, expositions dans d'autres lieux de la ville, conférences, spectacles au moment des Journées du patrimoine et de la Journée internationale des droits des femmes du 8 mars, pièce de monnaie et, depuis septembre 2018, timbre à l'effigie de Louise de Bettignies, travail de mémoire avec des classes d'écoles primaires, collèges et lycées). Le projet s'oriente actuellement vers un centre de ressources multimédia sur la résistance et l'émancipation des femmes. Le 27 septembre 2018 a été commémoré le centième anniversaire de la mort de Louise de Bettignies. Ce même jour, des cérémonies commémoratives ont eu lieu à Lille devant son monument, à Froyennes, près de Tournai (où un totem a été inauguré), à Saint-Amand (précisions apportées par l'auteure).

* 75 Une photographie de ce monument, prise par l'auteure en vue du colloque, est projetée pendant cette intervention.

* 76 Du verbe anglais to ramble , errer (note de l'auteure).

* 77 Stagiaire à la Croix-Rouge à Roubaix, elle participe dès les premiers jours à la mise en place d'une ambulance, c'est-à-dire d'un poste de secours. Lorsqu'en janvier 1915 les blessés français et anglais sont remplacés par les blessés allemands, sa hiérarchie lui demande de rester à son poste. Confrontée à ce dilemme, elle refuse de soigner les Allemands. Selon l'ouvrage d'Antoine Redier, La guerre des femmes (Éd. La vraie France, p. 25), elle quitte son poste d'infirmière tout en conservant son brassard et sa carte (précisions apportées par l'auteure).

* 78 Chaque membre du réseau a une mission précise : repérer le passage des convois militaires, rédiger des rapports d'observation, effectuer des transmissions radio (précisions apportées par l'auteure).

* 79 Après un premier voyage à travers la Flandre, repérant les lieux de passage possibles, Marie-Léonie Vanhoutte revient à Roubaix puis emmène son frère et quatre soldats anglais en Hollande. Elle reproduit l'opération plusieurs fois de suite, transportant du courrier tout en repérant, comme le relève Antoine Redier dans La guerre des femmes (p. 41), les « mouvements des troupes et l'emplacement des batteries » allemandes (précisions apportées par l'auteure).

* 80 Il s'agit du major Kirke ( Imperial War Museum, General Sir Walter Kirke, London, War diarries, cote 82/28/1 & Con Shelf ) (précisions apportées par l'auteure).

* 81 Selon les notes de Marie-Léonie Vanhoutte du 25 mars 1920 pour le Rapport de la Commission des archives des services patriotiques établis en territoire occupé au front de l'ouest , « L'enquête ne fut pas aisée à la police allemande. Louise de Bettignies se défendait pied à pied, avec une rare énergie, n'avouant rien qu'à la dernière extrémité. Ils avaient rapproché son cas de celui de Marie-Léonie Vanhoutte mais ne paraissaient pas avoir obtenu beaucoup d'éclaircissements sur les deux inculpées » (Archives générales du Royaume de Belgique, Fonds Services patriotiques, portefeuille 33 dossier 131) (précisions apportées par l'auteure).

* 82 Et condamnées à mort pour « trahison commise pendant l'état de guerre en pratiquant l'espionnage » (précisions apportées par l'auteure).

* 83 Marie-Léonie Vanhoutte est quant à elle condamnée à quinze ans de travaux forcés (précisions apportées par l'auteure).

* 84 Des reproductions de documents sont projetées.

* 85 Dans un fragment de lettre rédigé sur du papier à chocolat et adressé à la princesse Marie de Croÿ, Louise de Bettignies raconte : « Je suis aux arrêts pour avoir empêché les prisonnières de faire leur travail (...). Je n'ai pu prendre de linge mais mon Missel et L ' Imitation de Jésus Christ . On m'a enlevé tous les avantages dus aux prisonniers politiques étrangers (...), je ne pourrai recevoir de journaux ni converser avec personne... » (Document certifié exact par Laure Tandem (réseau de la Dame blanche), 17 septembre 1921 (précisions apportées par l'auteure).

* 86 Archives famille Redier, dossier de demande d'attribution du titre de déporté-résistant, ministère des Anciens combattants (précisions apportées par l'auteure).

* 87 « Mademoiselle Louise de Bettignies s'est volontairement dévouée pendant plusieurs mois, animée uniquement par le sentiment patriotique le plus élevé, pour rendre à son pays un service des plus importants pour la défense nationale. A affronté, avec un courage inflexible, toutes les difficultés périlleuses de sa tâche patriotique. A surmonté pendant longtemps ces difficultés, grâce à ses capacités et à son dévouement, risquant sa vie en plusieurs occasions, assumant les plus graves responsabilités, déployant en un mot un héroïsme qui a été rarement surpassé . » (Précisions apportées par l'auteure).

* 88 Le 24 août 1919 (précisions apportées par l'auteure).

* 89 Les autorités britanniques et belges reconnaissent son action. Le 9 novembre 1918, un courrier de Winston Churchill, alors secrétaire d'État à la Guerre, lui témoigne au nom du roi d'Angleterre de la plus haute appréciation des services rendus (Archives famille Redier, Lettre de Winston Churchill à Marie-Léonie Vanhoutte, 9 novembre 1918). Le 13 juillet 1919, la Belgique lui attribue la Médaille Civique de 2 ème classe 14-18 (Archives famille Redier, Lettre du roi Albert I er de Belgique à Marie-Léonie Vanhoutte, 13 juillet 1919). Elle reçoit aussi en 1922 la Médaille de guerre et citation à l'ordre du jour des armées (OJA) et la médaille de membre de l'Empire Britannique (précisions apportées par l'auteure).

* 90 Luc Capdevila, François Rouquet, Fabrice Virgili, Danièle Voldman, Hommes et femmes dans la France en guerre, Payot, 2003, p. 73.

* 91 Réalisé en 1937 par Léon Poirier. Jeanne Sully, de la Comédie-Française, incarne Louise de Bettignies. Josette Day, compagne de Marcel Pagnol de 1939 à 1944, qui a joué le rôle de la belle dans La belle et la bête de Jean Cocteau et René Clément, incarne Marie-Léonie Vanhoutte (source : Centre national du cinéma) (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).

* 92 Selon l'historien belge Emmanuel Debruyne, « en pays occupé, l'espionnage se concentre sur l'observation ferroviaire. C'est vraiment l'objectif numéro un des services de renseignement alliés, ça permet de lire dans les pensées de l'ennemi » (précisions apportées par l'auteure).

* 93 Parmi lesquelles Jeanne Bohec et Marie-José Chombart de Lauwe. Jeanne Bohec est l'une des premières volontaires à former le Corps des Françaises Libres à Londres fin 1940. Elle est parachutée en France en février 1944 pour former les maquis au sabotage. Spécialiste en explosifs, elle participe aussi à la destruction de voies ferrées en soutien au débarquement allié puis à l'insurrection de l'été 1944 aux côtés des partisans et des parachutistes SAS dans le Finistère et le Morbihan. Jeune fille, elle s'identifiait à Louise de Bettignies. Marie-José Chombart de Lauwe raconte dans ses mémoires Résister toujours , parus chez Flammarion en 2015, que Louise de Bettignies était un modèle quand elle était adolescente. Elle a lu La Guerre des Femmes et a vu Soeurs d'armes au cinéma. Née en 1923, elle est agent de liaison dans le réseau Georges France 31, précurseur du mouvement de résistance Buckmaster... En 1942, elle est déportée à Ravensbrück (précisions apportées par l'auteure).

* 94 Selon la définition du Petit Robert , « femme d'un grand courage qui fait preuve par sa conduite, en des circonstances exceptionnelles, d'une force d'âme au-dessus du commun » (note de l'auteur).

* 95 Émilienne Moreau, La Guerre Buissonnière. Une famille française dans la Résistance , Solar, 1971 (note de l'auteur).

* 96 9 novembre 1915, lettre du sous-préfet de l'arrondissement de Béthune à Monsieur le préfet du Pas-de-Calais, copie dans le dossier Émilienne Moreau, archives de l'Ordre de la Libération (note de l'auteur).

* 97 Le 4 juin 1898 à Wingles. Seconde d'une famille de quatre enfants, elle a un frère aîné, Henri, une soeur cadette, Marguerite, et un dernier frère, Léonard (note de l'auteur).

* 98 Loos-lez-Lens à l'époque (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).

* 99 On y trouve les deux plus hauts terrils houillers d'Europe (184 et 182 mètres) (note de l'auteure).

* 100 Il s'agit du 9 e bataillon du Black Watch , régiment écossais (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).

* 101 Émilienne Moreau, op. cit., p.39.

* 102 Émilienne Moreau fait notamment la Une du journal britannique The War illustrated (note de l'auteur).

* 103 « Le 25 septembre 1915, dès la prise par les troupes anglaises du village de Loos, s'empresse d'organiser dans sa maison un poste de secours, s'employa pendant toute la journée et la nuit qui suivit à y transporter les blessés, à leur prodiguer ses soins et à mettre toutes ses ressources à leur disposition, sans accepter la moindre rétribution. N'hésita pas à sortir de chez elle, armée d'un revolver, et réussit, avec l'aide de quelques infirmiers anglais, à mettre hors d'état de nuire deux soldats allemands qui, embusqués dans une maison voisine, tiraient sur le poste » (ordre général n° 41, 2 novembre 1915, signé Foch) (note de l'auteur).

* 104 Émilienne Moreau, op. cit., p.45.

* 105 Françoise Thébaud, Les femmes au temps de la guerre de 14 , éd. Payot, 2013, p. 108.

* 106 Les départements du Nord et du Pas-de-Calais sont soumis à un traitement particulier : dès juin 1940, ils sont placés sous l'autorité du commandement militaire allemand de Bruxelles ( Militärbefelshaber in Belgium). Les deux départements deviennent « zone réservée » intégrée à la « zone interdite » (note de l'auteur).

* 107 En septembre 1941, Just Evrard est arrêté. Il est soupçonné d'avoir participé au sabotage d'une usine à Liévin. Émilienne continue de sillonner la région à vélo et poursuit les prises de contact. Libéré en avril 1942, Just est contraint de passer en zone sud. Émilienne le rejoint grâce à un laissez-passer ( Ausweis ) en règle, fourni par des employés des services de police de Lens à Thonon-les-Bains (Haute-Savoie) (note de l'auteur).

* 108 Cette fonction extrêmement dangereuse, qui constitue l'infrastructure de la Résistance, consiste à porter des messages, de l'argent, des consignes. Elle est souvent tenue par des femmes, les hommes étant plus facilement soumis aux contrôles des différentes polices françaises et allemandes (surtout à partir de la chasse aux réfractaires du STO en 1943). C'est d'ailleurs comme cela que Raoul et Roger Evrard, agents de liaison du mouvement Libération-sud, seront arrêtés respectivement en décembre 1943 et en avril 1944 (note de l'auteur).

* 109 Dix rues, une allée, une impasse, une terrasse (à Paris), six écoles maternelles ou élémentaires, un centre de logement de jeunes travailleurs (note de l'auteur).

* 110 Cet événement a eu lieu le 29 novembre 2017 en présence de M. Jean-Pierre Jouyet, ambassadeur de France au Royaume-Uni et de Mme Nicola Ferguson Sturgeon, Première ministre d'Écosse (note de l'auteur).

* 111 Il s'agirait d'une récompense décernée à l'équipe ayant remporté le match France-Écosse dans le cadre du tournoi féminin des Six Nations (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).

* 112 Voir en annexe la liste des documents et les reproductions des documents projetés pendant le colloque.

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