EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 10 avril 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu une communication de MM. Charles Guené et Claude Raynal, rapporteurs spéciaux, sur les conséquences financières et fiscales de la création de la métropole de Lyon.

M. Vincent Éblé , président . - Nous entendons ce matin une communication des rapporteurs spéciaux de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », Charles Guené et Claude Raynal, sur les conséquences financières et fiscales de la création de la métropole de Lyon. Alors que de tels projets de rapprochement de métropoles avec leurs départements étaient envisagés, il paraissait intéressant d'affiner notre diagnostic sur ce sujet.

M. Charles Guené , rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » . - Créée en 2015, la métropole de Lyon est une collectivité territoriale « à statut particulier » : elle est issue de la fusion du département du Rhône et de la communauté urbaine de Lyon. Par conséquent, sur son territoire, la métropole de Lyon exerce non seulement les compétences habituellement dévolues à l'intercommunalité, mais aussi celles traditionnellement exercées par le département.

Ce projet a été justifié par la volonté, partagée par les deux exécutifs locaux, de rendre « l'action publique plus efficace, plus rapide et plus cohérente dans la vie quotidienne » des habitants, en supprimant un niveau de collectivité sur le territoire de la métropole de Lyon.

La création de la métropole de Lyon, collectivité sui generis , n'a tout d'abord été possible qu'en raison des caractéristiques sociodémographiques des deux collectivités. En effet, si la superficie du département du Nouveau Rhône a été réduite de 16 %, sa population demeure relativement importante. Avec plus de 450 000 habitants en 2016, il se classait ainsi à la 54 e place des départements les plus peuplés, soit en milieu de classement, derrière les Pyrénées-Orientales et devant la Vienne. La métropole de Lyon comptait quant à elle près de 1,4 million d'habitants en 2016, ce qui la plaçait à la 10 e place des départements les plus peuplés.

Ces deux territoires jouissent en outre d'une démographie dynamique. Entre 2006 et 2016, la population de ce qui est devenu le département du Nouveau Rhône a ainsi crû de près de 11 % et celle de la métropole de Lyon de près de 10 %.

Enfin, les indicateurs sociaux de ces deux collectivités sont favorables, avec une population jeune et diplômée, des revenus médians supérieurs à la moyenne nationale et des niveaux de chômage inférieurs au taux national.

Au-delà de la question sociodémographique, la métropole de Lyon n'a pu voir le jour qu'en raison d'une volonté politique concordante des deux exécutifs locaux. Au cours du déplacement que nous avons effectué à Lyon, tous nos interlocuteurs ont mis en avant ce point, certains d'entre eux regrettant d'ailleurs le manque de consultation des autres élus locaux en amont. Pour reprendre les mots d'un magistrat de la chambre régionale des comptes d'Auvergne-Rhône-Alpes, les deux exécutifs locaux étaient animés par une « volonté de faire et de faire vite ». La création de la métropole n'aura ainsi pris qu'un peu plus de deux ans alors que les difficultés techniques et les sujets de désaccord étaient potentiellement nombreux.

Il est encore tôt pour tirer des enseignements globaux et robustes de cette expérience locale. Comme nous l'a dit le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Pascal Mailhos, sa mise en oeuvre, encore « inachevée », sera « longue ». Des transferts de personnel sont encore en cours et les modalités d'organisation des services des deux collectivités sont encore vouées à évoluer.

Par ailleurs, l'appropriation par la métropole de ses nouvelles compétences, sociales notamment, est progressive. Les choix historiques effectués par le département du Rhône, en matière d'implantation des établissements pour les personnes âgées ou handicapées par exemple, influent sur les politiques menées par les deux collectivités : la question de la réserve foncière est, à ce titre, centrale. La ligne de partage des compétences entre les deux collectivités n'est par ailleurs pas encore bien comprise par les usagers et les partenaires.

En termes financiers, la création de la métropole de Lyon a eu, à court terme, des effets variables sur les deux collectivités : la masse salariale de la métropole a augmenté moins rapidement qu'envisagé en raison d'un nombre de transferts d'agents moins important que celui qui avait été prévu par la commission locale d'évaluation des charges et des ressources transférées. La métropole en a tiré un gain immédiat de plus de 70 millions d'euros par rapport à ses prévisions initiales. Dans le département du Nouveau Rhône en revanche, la masse salariale a augmenté plus rapidement que prévu compte tenu du changement de structure des effectifs induit par les transferts. En effet, la proportion des agents de la filière technique, dont les niveaux de rémunération étaient relativement plus élevés, a progressé et l'âge moyen des personnels a augmenté. Ces deux effets de structure ont tiré à la hausse le coût moyen d'un poste, de 43 700 euros en janvier 2014 à 46 000 euros au 1 er janvier 2015. L'avenir permettra de dire si ces tendances ont vocation à être pérennes.

Malgré cela, les deux collectivités affichent une situation financière saine. Leurs dépenses ont été contenues. Le département du Nouveau Rhône a élaboré un plan de réduction de ses dépenses de fonctionnement, en ajustant sa participation aux organismes satellites, en gelant des recrutements externes, en plafonnant le recours à l'emprunt, et en réorganisant ses services centraux et territorialisés. Il a également réalisé des arbitrages sur les politiques publiques qu'il souhaitait mener et a notamment réduit les subventions d'investissement versées aux communes au titre de la solidarité territoriale : alors qu'en 2014 le département du Rhône versait 31 millions d'euros aux communes situées hors du territoire de la communauté urbaine, le département du Nouveau Rhône n'a versé aux mêmes communes que 24 millions d'euros en moyenne par an depuis 2015.

La métropole quant à elle n'a pas aligné vers le haut les régimes indemnitaires des personnels.

Les recettes de fonctionnement des deux collectivités progressent grâce au dynamisme de la fiscalité.

Les recettes fiscales de la métropole ont augmenté de 7 % entre 2015 et 2017 : la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) a progressé de 1,6 % entre 2015 et 2016, la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) de 3,9 % entre 2015 et 2017, la taxe d'habitation de 1 % et les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) de 24,3 % sur la même période. En dehors de l'année de sa création, où la métropole de Lyon a augmenté les taux de taxe d'habitation et de taxe foncière sur les propriétés bâties de respectivement 0,36 point et 0,55 point, ce dynamisme résulte de l'augmentation des bases.

Les recettes fiscales du Nouveau Rhône sont, elles aussi, dynamiques depuis 2015. Le produit de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) a augmenté de 2,5 % entre 2015 et 2016, le produit de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) a progressé de 4,3 % entre 2015 et 2017, et le produit de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) a progressé de 22,9 % sur la même période. Le territoire du département du Nouveau Rhône a donc la caractéristique d'être particulièrement dynamique fiscalement, notamment grâce à la présence de zones d'activité économique très importantes.

M. Claude Raynal , rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » . - Il faut bien avoir conscience du fait que la création de la métropole de Lyon a permis de régler des questions importantes, en particulier celle de la prise en charge de la dette et des emprunts structurés souscrits par l'ancien département du Rhône. C'est pourquoi nous vous proposons d'intituler le rapport « une affaire d'hommes et de circonstances ».

Les relations financières entre les deux collectivités ont été fixées afin de répondre à trois impératifs. Il a d'abord été décidé de placer les deux nouvelles collectivités sur un pied d'égalité en matière de capacité d'investissement via une égalisation de leurs taux d'épargne nette théoriques. Ce principe, dérogatoire aux règles classiques de compensation de transferts de charges, a conduit la métropole de Lyon à verser une « dotation de compensation métropolitaine » et non une « attribution de compensation » de 75 millions d'euros, revue par la suite à 72 millions d'euros.

Le deuxième impératif consistait à traiter la question des engagements hors bilan, en particuliers ceux liés au musée des Confluences et au Rhônexpress. Ces derniers, estimés à près de 18 millions d'euros, ont été transférés à près de 93 % à la métropole de Lyon, permettant de réduire d'autant la charge future pesant sur le Nouveau Rhône.

Enfin, le troisième impératif consistait, comme je l'ai déjà indiqué, à régler la question de la dette et des emprunts structurés à risque de l'ancien département du Rhône.

S'agissant de la dette, a été retenue une clé de répartition correspondant à la « territorialisation des dépenses d'investissement réalisées par le département sur chacun des deux territoires au cours des exercices 2009 à 2013, nettes des recettes propres d'investissement perçues », soit 65 % pour la métropole et 35 % pour le Nouveau Rhône.

Des modalités spécifiques ont en revanche été prévues pour les emprunts structurés à risque souscrits par l'ancien département du Rhône, dont l'encours s'élevait à 226 millions d'euros en 2015 et qui avaient la caractéristiques d'être essentiellement indexés sur la parité euro-franc suisse, la plus chahutée.

Deux contrats ont ainsi été transférés, dans un premier temps, à la métropole et un contrat a été conservé par le conseil départemental. Des remboursements annuels entre les deux collectivités étaient néanmoins prévus afin de respecter la clé 65/35 définie par la commission locale d'évaluation des charges et des ressources transférées (CLECRT).

Les deux collectivités ont en outre sollicité l'aide du fonds de soutien aux emprunts à risque créé par la loi de finances pour 2014 et dont j'avais l'honneur de présider le Comité National d'Orientation et de Suivi (CNOS) à cette époque. D'après les informations communiquées par la direction générale des finances publiques (DGFIP), au total, 228 millions d'euros d'aides ont été notifiés à la métropole et au département, correspondant à plus de 53 % du montant des indemnités de remboursement anticipé (IRA)
- elles étaient estimées à environ 400 millions d'euros. Ce taux est significativement supérieur à la moyenne nationale (29,24 % des IRA pour l'ensemble des collectivités bénéficiaires et 26,17 % des IRA pour les seuls départements).

Au total, comme l'ont rappelé plusieurs de nos interlocuteurs, la création de la métropole de Lyon a permis de lever l'épée de Damoclès qui pesait sur le département du Rhône. Cette opération lui a permis de recouvrer des marges de manoeuvre, avec une hausse de sa capacité d'autofinancement de plus de 160 % entre 2015 et 2018.

La viabilité du département du Nouveau Rhône tient notamment au périmètre géographique choisi : en créant la métropole de Lyon sur le seul territoire de la communauté urbaine, le Nouveau Rhône a conservé l'est lyonnais, qui accueille l'aéroport Saint Exupéry. Le dynamisme et l'attractivité économiques de ce territoire bénéficient donc au département, qui en tire une part importante de ses recettes fiscales (18,5 % de ses recettes fiscales alors que la population de cette intercommunalité ne représente que 9 % de la population départementale).

Cette particularité géographique est un élément essentiel de l'accord trouvé en 2014. Il contribue à la viabilité de deux collectivités distinctes, et rend de ce fait l'expérience lyonnaise difficilement exportable, tant ses caractéristiques économiques et géographiques sont propres au territoire.

La viabilité financière des deux collectivités dépend notamment du dynamisme de leurs recettes. Or les DMTO, qui représentent selon les années entre 14 % et 17,5 % des recettes de fonctionnement du Nouveau Rhône, connaissent des fluctuations importantes.

Par ailleurs, le montant de la dotation de compensation métropolitaine versée par la métropole au Nouveau Rhône est figé pour l'avenir et a donc vocation à diminuer en volume. Cette situation a pu être présentée par certains de nos interlocuteurs comme un point de vigilance pour ce dernier. Néanmoins, le taux de croissance annuelle moyen des DMTO de l'ancien département du Rhône a atteint 3,2 % entre 2007 et 2014, correspondant à une augmentation de la recette de 25 % sur la période. Enfin, la part des DMTO dans les recettes de fonctionnement du Nouveau Rhône ne semble pas singulière par rapport à la situation des autres départements.

Au total, si le risque d'une diminution d'une recette importante pour le département du Nouveau Rhône ne peut pas être écarté à court terme, sur plus longue période, la croissance des DMTO apparaît positive et soutenue. Elle permet, sous réserve du maintien de l'équilibre territorial décrit précédemment, de garantir sa viabilité financière.

En définitive, la métropole de Lyon a été créée dans un contexte local très particulier, sans doute difficilement reproductible. D'une part, la répartition géographique de la richesse (et en particulier des bases fiscales) a permis d'assurer un certain équilibre financier au département. D'autre part, les difficultés financières rencontrées par le département du Rhône en 2014 l'ont sans doute incité à s'engager dans un tel projet.

M. Bernard Delcros . - Je vous remercie d'avoir conduit ce travail car nous avons intérêt à évaluer les conséquences de nos choix pour les collectivités locales.

Il est intéressant de voir, dans le cas présent, que les recettes fiscales ont augmenté dans les mêmes proportions à l'intérieur et en dehors de la métropole et que les deux collectivités ont vu leur capacité d'autofinancement croître.

Comment explique-t-on la réduction de près de 20 % sur cinq ans des subventions d'investissement versées par le département aux communes non métropolitaines ? Qu'en est-il, par ailleurs, de l'absence de continuité territoriale pour la métropole lyonnaise ?

Mme Christine Lavarde . - J'ai écouté votre exposé avec d'autant plus d'intérêt que la métropole lyonnaise est censée servir de modèle pour les autres métropoles, et en particulier la Métropole du Grand Paris (MGP), même s'il existe des différences notables.

Je pense notamment à la place des communes : combien de communes sont membres de la métropole de Lyon ? De plus, il n'y a pas, au sein de la métropole lyonnaise, d'échelon intermédiaire entre les communes et la métropole, à l'image de nos établissements publics territoriaux (EPT). Mais existe-t-il des flux financiers spécifiques entre les communes et la métropole de Lyon qui diffèrent des flux classiques entre les communes et leur EPCI ? L'organisation au sein de la Métropole du Grand Paris est plus complexe - une véritable machine à laver - en raison des transferts financiers de la MGP vers les communes, à charge pour elles de redistribuer une partie de ces recettes vers les EPT qui ont perdu leurs recettes fiscales avec leur statut EPCI.

Je ne peux en tout cas que vous inviter à poursuivre votre travail, en abordant par exemple la Métropole du Grand Paris...

M. Claude Raynal , rapporteur spécial . - Il faudrait s'y mettre à dix !

M. Vincent Éblé , président . - On adorerait faire régler cette question par des provinciaux !

M. Sébastien Meurant . - J'ai moi-même auditionné au nom de l'Assemblée des départements de France, il y a quelques années, les représentants du département du Rhône et de la métropole de Lyon. Il y a, selon moi, plusieurs questions à se poser : la nouvelle organisation est-elle plus efficace et moins coûteuse ? La métropole s'en tire-t-elle mieux que le département ? L'exemple lyonnais est-il transposable ? C'est une affaire de circonstances et d'hommes... Vous l'avez dit, les emprunts structurés à risque, cette « maladie honteuse », ont joué un rôle déterminant dans le projet.

Les représentants du département m'avaient indiqué que le Nouveau Rhône pourrait s'en sortir à court terme grâce à l'aéroport. Je relève néanmoins une baisse des subventions d'investissements du département vers les communes. La métropole bénéficie, quant à elle, d'un tissu industriel dynamique qui lui permet de disposer de leviers de financements. En revanche les capacités d'investissements, hors de la métropole, sont délicates à évaluer à long terme.

Je me demande si le cas de figure lyonnais peut être dupliqué, à Paris ou à Marseille par exemple. Le « Nouveau monde » vante la métropolisation, et la présente comme le sens de l'histoire. Va-t-on justement dans cette direction ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Vous nous avez parlé du financement du musée des Confluences installé à Lyon. Pouvez-vous nous indiquer si les deux collectivités financent également le musée des tissus et des arts décoratifs de Lyon ?

M. Didier Rambaud . - Représentant d'un département proche de la métropole de Lyon, je regarde avec intérêt ce qui s'y passe. On peut aujourd'hui parler d'un modèle lyonnais, tant les grands équilibres financiers paraissent respectés : stock de la dette, soutenabilité financière, capacité d'autofinancement... Dès lors, pourquoi ce modèle ne peut-il pas être repris ailleurs ? J'ose espérer qu'il n'existe pas d'obstacle politique à la métropolisation dans certains départements...

Je m'interroge par ailleurs sur le sort réservé à la dizaine de communes iséroises. Que fait-on des communes appartenant à d'autres départements mais qui partagent le même bassin de vie ?

M. Pascal Savoldelli . - Je suis très favorable aux propos des rapporteurs et je souhaite que notre commission des finances affirme clairement que la création de la métropole de Lyon n'est pas un modèle transposable pour des raisons territoriales et économiques. C'est très important que l'on se positionne sur ce point : ce n'est pas la peine d'envisager des projets concernant d'autres métropoles.

Par ailleurs, je suis attaché à ce qu'on évoque le sort des communes lorsqu'il y a une évolution institutionnelle et territoriale. Je ne pense pas que nos rapporteurs les aient intentionnellement omises mais je souhaiterais savoir quelle a été l'évolution de leur situation financière et fiscale.

Vous ne portez pas d'appréciation sur l'évolution des politiques publiques mises en oeuvre par les deux collectivités, même si vous notez qu'elles ont réalisé des économies. J'aurais aimé en savoir davantage.

Pour apprécier la dynamique des recettes, vous nous avez présenté une comparaison à partir de 2015. Mais il serait intéressant de savoir ce qu'il s'est passé avant la création de la métropole de Lyon en 2015. De même, j'ai entendu que la capacité d'autofinancement (CAF) du Nouveau Rhône avait considérablement augmenté entre 2015 et 2018. Le rapport présentera-t-il les années antérieures afin de pouvoir évaluer - avec un esprit critique et constructif - l'évolution des capacités d'auto-financement des collectivités concernées ?

M. Yvon Collin . - Nous sommes encore un certain nombre à avoir assisté en direct, dans l'hémicycle, à cette rencontre - ou ce mariage - entre Michel Mercier et Gérard Collomb tombant dans les bras l'un de l'autre. Embrassons-nous, non pas Folleville, mais partageons un destin commun !

Les rapporteurs ont indiqué que le système n'était pas nécessairement exportable. Néanmoins, à travers cet exemple, ne pourrait-on pas considérer qu'il faut plus de libertés pour qu'en fonction des spécificités territoriales, les exécutifs locaux puissent s'associer pour partager un destin commun ? Si l'exemple est positif - et globalement c'est ce qui semble ressortir des propos de nos rapporteurs - c'est que l'expérience est concluante.

M. Michel Canévet . - Quatre ans après sa mise en oeuvre, je constate que l'analyse de cette évolution institutionnelle singulière apparait extrêmement intéressante. Peut-être peut-on se demander si la conclusion d'une reproductibilité très limitée du modèle ne serait pas, contrairement à la position exprimée par Pascal Savoldelli, à écarter. Au contraire, ne peut-on pas espérer que cette évolution institutionnelle puisse en augurer d'autres, notamment dans le cadre d'un droit à la différenciation - dont le Président de la République parle beaucoup - qui pourrait être mis en oeuvre de façon avantageuse sur d'autres territoires ? N'y-a-t-il donc pas à tirer des conclusions extrêmement positives de cet exemple ?

Enfin, le rapporteur général ayant évoqué le musée des tissus et des arts décoratifs de Lyon, je tiens à souligner que le groupe d'étude du Sénat sur les métiers d'art l'a visité il y a quelques jours et c'est, effectivement, un établissement très intéressant.

M. Thierry Carcenac . - Je retiens de ce rapport très intéressant que le contexte est difficilement reproductible. En évoquant ce sujet, on pense tout de suite à la possibilité de d'expérimentations locales dont la mise en oeuvre est liée aux circonstances et aux hommes. Mais avec ces différenciations se pose le problème, en matière de ressources, des péréquations au niveau national. La création de la métropole de Lyon a-t-elle eu des conséquences sur la contribution du territoire du Rhône au fonds de péréquation des DMTO ?

Par ailleurs, s'agissant des subventions aux communes, quel a été l'impact de l'augmentation, ces dernières années, de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ? Souvent, les départements ont profité de l'augmentation de la DETR pour baisser un peu leurs subventions aux communes afin de dégager des marges de manoeuvre pour financer les dépenses sociales.

Mme Sylvie Vermeillet . - Vous avez parlé de la concordance de la volonté politique des exécutifs et ajouté que le territoire non métropolitain est très dynamique. Je voudrais évoquer la gouvernance. Il me semble qu'il y a un sujet concernant la sous-représentation, voire la non-représentation, des petites communes au sein de cette métropole. Avez-vous réfléchi à ce sujet et à l'évolution qui serait souhaitable ? En particulier à l'occasion des élections de 2020, certaines communes ne seront plus du tout représentées. C'est une des conséquences fâcheuses de cette organisation.

M. Emmanuel Capus . - La création de la métropole de Lyon a-t-elle conduit à un découpage territorial détachant l'Est lyonnais de la métropole ou cette séparation préexistait-elle ?

On le voit, ce projet de métropole de Lyon n'a pas si mal fonctionné, pour des raisons tenant aux hommes mais aussi à la répartition de la dette. Quelles seraient les conditions pour que cet exemple soit reproductible ? Contrairement au modèle lyonnais, l'absence d'une ville-centre et le fait qu'il existe plusieurs collectivités bien implantées sur l'ensemble d'un territoire peuvent-ils permettre de trouver un équilibre et donc de partager les ressources ? Quels sont les métropoles ou les territoires qui pourraient répondre, selon vous, aux critères que vous jugeriez suffisants pour non pas reproduire le modèle lyonnais, qui est spécifique, mais créer un autre modèle ?

M. Vincent Capo-Canellas . - Est-ce que, en voyant ce modèle fonctionner, cela vous inspire pour la Métropole du Grand Paris ?

M. Charles Guené , rapporteur spécial . - Je laisserai Claude Raynal, qui s'est beaucoup intéressé à la question, évoquer la transposition du « modèle » lyonnais.

L'évolution similaire des recettes des deux collectivités constitue une particularité locale : si la partition géographique originelle avait été différente et notamment si l'aéroport avait été rattaché à la métropole de Lyon, le département du Nouveau Rhône serait nettement plus affaibli.

S'agissant de la baisse des subventions versées aux communes, il faut souligner qu'il y a un effet lié à la réduction de la taille globale du budget du département et à la perte de l'effet péréquateur habituellement observé dans les départements comportant un centre dynamique au bénéfice des territoires périphériques. Cet effet sur les aides versées par le département du Nouveau Rhône a pu être en partie masqué par une révision du périmètre et des modalités de financement des projets - avec en particulier le passage à des appels à projets.

M. Claude Raynal , rapporteur spécial . - On parle souvent de solidarité territoriale dans les départements, qui redistribuent proportionnellement davantage la richesse provenant du centre vers les territoires ruraux et péri-urbains. Si on retire le centre du département, la péréquation joue moins.

Rattacher les communes du Nord-Isère à la métropole de Lyon obligerait à y rattacher la communauté de communes de l'Est lyonnais et donc l'aéroport de Saint Exupéry. Cela reviendrait à retirer au département du Nouveau Rhône sa principale source de recettes et de dynamisme. On mettrait ainsi fin à la viabilité du département. C'est d'ailleurs le principal point positif de la création de la métropole de Lyon : les deux collectivités créées sont viables financièrement.

Une partie du rapport concerne l'efficacité des politiques publiques menées, sur laquelle se sont interrogés Sébastien Meurant et Pascal Savoldelli : l'attribution à la métropole de Lyon de compétences en matière sociale ne fait pas d'elle une métropole mieux à même de se comparer aux métropoles européennes. En revanche, elle a choisi de regrouper l'étude des projets de développement économique et les politiques d'insertion, ce qui permet une meilleure articulation des politiques publiques. Dans un autre domaine, les maires des communes appartenant à la métropole ont souligné que la création de la métropole avait accéléré et facilité l'investissement dans les collèges situés sur leur territoire. Pourquoi depuis la création de la métropole, un plan d'investissement lourd a-t-il pu être mis en oeuvre ? Parce que la métropole a une surface financière beaucoup plus importante que l'ancien département du Rhône et qu'elle a une épargne nette importante. Autrement dit, la métropole de Lyon a mis sa CAF au service d'une compétence départementale nouvellement transférée.

Se pose alors la question de la capacité du département du Nouveau Rhône à investir durablement : le département s'est scindé en deux, dans des conditions financières garantissant une égalité des taux d'épargne nette théoriques. Mais les masses financières en jeu n'ont rien à voir : les recettes de fonctionnement de l'ancien département du Rhône s'élevaient à environ 1,5 milliard d'euros, celles du Nouveau Rhône sont aujourd'hui de l'ordre de 450 millions d'euros, alors que la métropole dispose désormais de recettes de fonctionnement de plus de 2,5 milliards d'euros. L'avenir nous dira si le département du Nouveau Rhône peut faire face aux besoins d'investissement de son territoire.

Le projet a-t-il permis de réaliser des économies ? En mutualisant les emprunts structurés à risque de l'ancien département du Rhône, qui étaient un enjeu majeur, leur coût a diminué pour le territoire. Pour faire face à ce coût, le département du Rhône seul aurait dû réduire plus fortement ses dépenses ou augmenter ses impôts, voire les deux.

À ce titre, il faut souligner que la mutualisation de ces emprunts et le financement par le fonds de soutien constituent une spécificité du projet inhérente à ce territoire.

Pour répondre à Albéric de Montgolfier, le musée des tissus et des arts décoratifs est financé par l'État, la région et la chambre de commerce et d'industrie.

En ce qui concerne la question de Christine Lavarde sur la transposition d'un tel modèle à la région francilienne, il convient de rappeler qu'il n'existe pas de flux financiers particuliers entre la métropole de Lyon et ses 59 communes membres, comme il en a été créé au sein de la Métropole du Grand Paris en raison de l'existence des établissements publics territoriaux.

Yvon Collin plaide pour plus de liberté laissée aux élus locaux : je rappelle que rien ne leur interdit d'avoir des discussions et de faire des propositions à l'État.

En ce qui concerne les conséquences de la création de la métropole de Lyon sur le fonds de péréquation des DMTO, sur lesquelles Thierry Carcenac nous a interrogés, l'ancien département du Rhône était contributeur en 2014, les deux nouvelles collectivités le sont également aujourd'hui, et pour un montant total plus important qu'en 2014 qui s'explique par la croissance de cette recette sur leur territoire.

Je partage l'analyse de Sylvie Vermeillet concernant les prochaines élections : certaines communes ne seront plus représentées au conseil de la métropole et certains maires se sont rendu compte que leur commune pourrait y être représentée par leur principal opposant politique. Nous avons identifié cette difficulté mais laissons à la commission des lois le soin de traiter cette question qui ne relève pas de notre compétence.

Nous tâcherons, dans notre rapport, de préciser les conditions de reproductibilité de ce projet sur d'autres territoires.

La commission a donné acte aux rapporteurs spéciaux de leur communication et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

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