B. DOUBLER LES MOYENS CONSACRÉS PAR L'ÉTAT À SES OUVRAGES D'ART POUR LES PORTER À 120 MILLIONS D'EUROS PAR AN

Comme rappelé précédemment, le maintien dans les prochaines années des 45 millions d'euros consacrés en moyenne annuellement depuis dix ans aux ouvrages d'art se traduirait par un doublement des ponts en mauvais état d'ici dix ans .

Alors que les audits effectués ou commandés par l'État lui-même ont mis en évidence la dégradation de l'état de ses ponts et évalué les besoins financiers à 110 à 120 millions d'euros par an , la mission constate que les moyens que le Gouvernement a choisi d'y consacrer dans le cadre du projet de loi d'orientation des mobilités ne sont pas suffisants.

Le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) avait ainsi considéré, dans son rapport de janvier 2018, que 986 millions d'euros par an étaient nécessaires pour améliorer l'état du réseau routier à partir de 2018, dont 110 millions d'euros pour les ouvrages d'art .

Or, la programmation financière figurant dans le projet de loi d'orientation des mobilités prévoit de consacrer à l'entretien et à la modernisation du réseau routier un montant de 850 millions d'euros par an d'ici 2022 puis 930 millions d'euros par an au-delà. S'agissant de l'entretien des ouvrages d'art, d'après les informations transmises par le ministère des transports, l'objectif est de suivre l'évolution des moyens décrite dans le scénario 5 de l'audit externe sur l'état du réseau routier national non concédé. Ce scénario prévoit de consacrer 74 millions d'euros par an à l'entretien des ouvrages d'art entre 2018 et 2022 puis 119 millions d'euros par an entre 2023 et 2027.

Cette augmentation des moyens dévolus à l'entretien du réseau routier et des ponts n'est pas suffisante. Outre que les montants consacrés à cette dépense en 2018 se sont élevés à 65 millions d'euros , soit 10 millions d'euros de moins que la trajectoire du scénario, la mission relève que les montants prévus - s'ils étaient atteints - resteraient en-deçà des préconisations du COI qui recommandent de doubler les budgets consacrés aux ouvrages d'art dès 2018 et non à partir de 2023 .

Par ailleurs, la trajectoire prévue fait peser la responsabilité de l'augmentation des crédits d'entretien des ponts sur le prochain Gouvernement . La mission considère que l'entretien de ces ouvrages, compte tenu des enjeux de sécurité qu'ils présentent et de leur importance économique, est une priorité, et qu'il convient par conséquent de porter le montant des crédits qui leur est alloué à 120 millions d'euros par an dès 2020.

LES DÉPENSES CONSACRÉES PAR L'ALLEMAGNE À L'ENTRETIEN DES OUVRAGES D'ART

À titre de comparaison, l'Allemagne a considérablement augmenté son budget consacré à la maintenance des routes fédérales et de leurs ouvrages d'art au cours des dernières années ; celui-ci devrait passer de 3,3 milliards d'euros en 2016 à 4,2 milliards d'euros en 2020. Au sein de cette enveloppe, la part consacrée aux ouvrages d'art devrait s'élever à 43 % après 2020 contre 36 % actuellement. Un programme de modernisation a été lancé en 2015 et cible principalement des opérations d'envergure de renforcement de grands ponts à plus de 5 millions d'euros par pont. Le budget global de ce programme devrait évoluer de 450 millions d'euros en 2016 à 780 millions d'euros en 2020, sans compter les 100 millions d'euros annuellement mobilisés pour le renforcement de ponts plus courants.

La mission relève également que les Allemands consacrent environ 1,2 milliard d'euros pour une surface de pont de 30 m 2 soit 40 euros par m 2 , contre 52 millions d'euros en France pour une surface de ponts de 5,5 m 2 , soit 10 euros par m 2 . Ces chiffres sont cohérents avec les recommandations de l'OCDE et la mission constate que l'Allemagne applique le taux de 1 % de la valeur à neuf de leur patrimoine en dépenses de maintenance pour ces ouvrages 95 ( * ) .

Saisissant l'occasion de l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités, le Sénat a d'ores et déjà ajouté au sein des objectifs prioritaires de la programmation des investissements dans les infrastructures de transport , l'amélioration de la connaissance, de l'entretien et de la sécurité des ouvrages d'art et des ponts, et précisé que l'Etat devra accompagner les collectivités territoriales dans la gestion de leurs ouvrages. La mission appelle l'Etat a mettre en oeuvre ces orientations, qui ont été conservées par l'Assemblée nationale 96 ( * ) .


* 95 Bruno Godart, président de l'AFCG - Revue des ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts et des diplômés de l'École nationale des ponts et chaussées, N° 892 septembre 2018.

* 96 Au moment de la parution du rapport, ces dispositions étaient présentes dans le projet de loi adopté en première lecture par l'Assemblée nationale.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page