C. METTRE EN PLACE UN FONDS D'AIDE AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DOTÉ DE 1,3 MILLIARD D'EUROS SUR DIX ANS

1. Un besoin pour la réparation des ponts en mauvais état des collectivités territoriales évalué à 5 milliards d'euros d'ici 2030

Si le manque de données récentes relatives à l'état des ponts des collectivités territoriales rend difficile tout exercice de projection , il est toutefois possible et surtout indispensable de s'y livrer pour estimer les investissements financiers nécessaires.

La surface moyenne des ponts gérés par les petites collectivités étant de 120 m 2 et le coût de réparation d'un pont évalué à environ 1 000 euros par m 2 , on peut estimer à 120 000 euros le coût moyen de réparation d'un pont.

Sur la base du constat établi en 2008 d'une proportion de 16 % de ponts nécessitant des travaux de réparation, constat dont tout laisse à penser qu'il est a minima inchangé, 1,45 milliard d'euros seraient nécessaires pour remettre en état l'ensemble des ponts dégradés des communes et de leurs groupements, soit 145 millions d'euros par an sur une durée de dix ans .

Quant aux ponts gérés par les départements , 8,5 % nécessitent des travaux de réparation , soit environ 8 500 ponts. La surface de ces ponts étant en moyenne d'environ 350 à 400 m 2 , environ 300 millions d'euros par an sur dix ans seraient nécessaires pour procéder à leur réparation.

Il ne s'agit là que des montants nécessaires pour remettre en état les ponts qui sont dégradés. Ces montants excluent les autres dépenses qui doivent par ailleurs être consacrées à la surveillance régulière des ponts et à leur entretien courant afin de prévenir leur détérioration.

Ainsi, au total 5 milliards d'euros seraient nécessaires d'ici 2030 pour assurer la réparation des ponts en mauvais état gérés par les collectivités territoriales.

Comme l'ont clairement établi les auditions et déplacements menés par la mission, ainsi que les réponses à la consultation des élus locaux, à budgets constants, les petites communes et intercommunalités ne pourront pas, dans les années à venir, consacrer suffisamment de moyens à l'entretien de leurs ponts , dont l'état continuera à se dégrader. Dès lors, il n'est pas étonnant que le manque de ressources soit la principale préoccupation exprimée par les élus locaux , dont beaucoup appellent à la création d'un fonds spécifique.

LA PREMIÈRE PRÉOCCUPATION DES ÉLUS LOCAUX :
LE FINANCEMENT DES DÉPENSES D'ENTRETIEN DE LEURS PONTS

Les auditions menées par la mission et les résultats de la consultation des élus locaux lancée par le Sénat sur la sécurité des ponts ont mis en évidence une préoccupation partagée par la grande majorité des élus locaux : celle du financement de l'entretien de leurs ponts.

De nombreux élus ont témoigné des difficultés qu'ils rencontrent pour faire face aux dépenses de surveillance et d'entretien des ponts , et demandé la mise en place d'une aide financière pour leur permettre de prendre en charge ces dépenses.

Comme l'a relevé l'Assemblée des départements de France à l'occasion de son audition au Sénat : « nous avons également interrogé les départements sur leurs préconisations dans le cas d'un plan national. Le premier point évoqué est celui du financement. Il est déterminant pour de nombreux départements et sera croissant à mesure que le patrimoine va vieillir. Beaucoup demandent la création d'un fonds spécifique abondé par l'État - amendes de police, vignette poids lourds... Il y a là tout un patrimoine qui, dans l'état actuel de nos finances, va poser un problème de plus en plus important pour l'entretien. »

La mise en place d'un fonds d'aide est demandée par de nombreux élus de petites communes ou intercommunalités .

C'est le cas par exemple d'un élu d'une commune de l'Essone qui indique : « un pont a cette particularité de rester en bon état longtemps, ce qui fait apparaître un coût d'entretien très élevé, mais finalement annuellement faible au regard de l'intervalle de temps important entre deux entretiens. C'est pour cela qu'un fonds d'aide devrait être national, car porté sur 20 à 40 ans. Seul l'État est capable de projeter un fonds intervenant sur un tel terme. Le principe d'une contribution des communes abondant une partie de ce fonds pourrait être envisagé, au prorata de la population. En revanche, la clef de répartition du fonds doit être au prorata du nombre de ponts et couvrir, a minima, le coût d'audit préalable à des travaux et une partie importante de la reprise structurelle - les éléments de chaussée et de finition du tablier pouvant rester à la charge de la collectivité locale ».

C'est le cas également du président de la communauté de communes du Pays de Salars (Aveyron), qui souhaite « obtenir des aides avec la mise en place d'une enveloppe exceptionnelle de l'État autre que la DETR », ou du maire de la commune d'Ambilly (Haute-Savoie), qui demande la « création d'un fonds d'aide spécifique à l'entretien des ouvrages appartenant aux collectivités les plus petites et/ou ayant les ressources les plus limitées ».

Par conséquent, la mission considère qu'il est prioritaire d'apporter aux collectivités qui en ont besoin une aide financière afin d'améliorer l'état de leurs ponts, dès 2020 . Pour cela, elle estime nécessaire de créer un fonds dédié d'aide aux collectivités poursuivant deux objectifs :

- permettre un diagnostic d'ici cinq ans de l'ensemble des ponts des petites communes et intercommunalités ;

- permettre aux collectivités qui en ont besoin de bénéficier d'une aide pour procéder aux travaux de réparation et de reconstruction de leurs ponts d'ici dix ans.

2. Mettre en place un fonds d'aide aux collectivités territoriales doté de 1,3 milliard d'euros sur dix ans
a) 30 millions d'euros par an pour réaliser un diagnostic de l'ensemble des ponts des communes et des intercommunalités d'ici cinq ans

Pour la mission, le plus urgent est de permettre que l'ensemble des ponts gérés par les communes et intercommunalités fasse l'objet d'un diagnostic dans un délai de cinq ans, soit d'ici 2025 , afin d'identifier les ponts les plus à risque et de prioriser les actions à mener.

Sur la base d'un coût moyen évalué à environ 2 000 euros par diagnostic, 30 millions d'euros par an seraient nécessaires pour procéder à l'inventaire des 80 000 ponts gérés par les communes et leurs groupements sur une durée de cinq ans .

Il s'agit là d'une fourchette haute, ce fonds ayant vocation à n'être utilisé que pour les ouvrages dont l'état n'a pas été évalué récemment, notamment les ponts des petites communes et intercommunalités.

b) 100 millions d'euros par an pour remettre en état les ponts des collectivités en mauvais état d'ici dix ans

La deuxième priorité est de procéder à des travaux de réparation ou, si nécessaire, de reconstruction des ponts en mauvais état gérés par les collectivités territoriales.

Au regard des besoins pour procéder à la remise en état des ponts des communes et des intercommunalités, et des départements, estimés respectivement à 145 millions et 300 millions d'euros par an sur une durée de dix ans, la mission considère qu'il serait nécessaire qu'au moins 100 millions d'euros soient consacrés chaque année aux projets de réparation ou de reconstruction des ponts des collectivités territoriales .

Au total, le fonds d'aide aux collectivités territoriales devrait donc être doté de 130 millions d'euros par an pendant dix ans, soit 1,3 milliard d'euros au total , afin d'aider au financement des diagnostics et des travaux de réparation des ponts les plus dégradés.

La gestion de ce fonds pourrait être confiée aux préfets de département, qui instruiraient les demandes de financement sur la base de projets de diagnostics ou de réparation des ponts présentés par les collectivités territoriales.

Ce fonds aurait vocation à bénéficier aux collectivités territoriales qui rencontrent des difficultés financières , dont l'éligibilité serait mesurée en fonction de critères relatifs notamment au nombre de ponts qu'elles gèrent et aux ressources dont elles disposent (potentiel fiscal). Les projets de diagnostic et de réparation feraient l'objet d'un cofinancement de la part des collectivités concernées .

Afin de financer ce fonds, la mission recommande d'utiliser les crédits de l'Afitf actuellement dévolus à la mise en sécurité des tunnels , dans la mesure où le programme de sécurisation des tunnels prendra fin en 2021.

En effet, 1,2 milliard d'euros a été consacré à la sécurisation des tunnels entre 2007 et 2018. Un effort identique doit être réalisé pour les ponts sur les dix années à venir . C'est pourquoi, les montants consacrés aux tunnels doivent être réaffectés à l'entretien des ponts qui, comme les tunnels, sont des ouvrages d'art présentant des enjeux de sécurité importants.

Les projets de diagnostic et de réparation des collectivités territoriales pourraient également faire l'objet de financements par la Banque des territoires gérée par la Caisse des dépôts et consignations.

En résumé : la mission appelle à la mise en oeuvre d'un « plan Marshall » pour les ponts, consistant à :

1. porter le montant des moyens affectés à l'entretien des ouvrages d'art de l'État à 120 millions d'euros par an dès 2020 ;

2. créer un fonds d'aide aux collectivités territoriales doté de 130 millions d'euros par an pendant dix ans, soit 1,3 milliard d'euros au total, en utilisant l'enveloppe dédiée à la mise en sécurité des tunnels qui prendra fin en 2021, afin de :

- réaliser un diagnostic de l'ensemble des ponts des communes et des intercommunalités d'ici cinq ans ;

- remettre en état les ponts des collectivités territoriales en mauvais état d'ici dix ans.

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